Pleine Lune - Chapitre II
Chapitre 2
La course contre la montre avait commencé. Je profitais du temps qu'il me restait, clouée à ce lit pour travailler mon pouvoir. J'avais besoin d'une parfaite maîtrise des doses d'énergies, il me fallait même trouver des moyens d'en économiser pour ne me servir que de ma force vitale et la mienne seulement, tout ça sans utiliser de magie et avec le plus aisément possible. Ça c'était pour la partie « simple » du travail, il allait falloir que je crée des potions... C'est aussi dur que ça en a l'air, il faut que je trouve les ingrédients dont j'ai besoin, que je les marie ensemble et que je sois sûre de leurs effets. Mais je m'y attellerai quand je pourrais me lever. Tout de suite le plus urgent était de gérer mon flux d'énergie.
Assis en tailleur, les mains croisées je fermai les yeux. Plus rien autour de moi n'existait, je sondai mon intérieur moins profondément que si j'étais à la recherche Kyuubi. Quand je le cherche c'est comme si j'infiltrai carrément mes réseaux magiques, là il s'agissait seulement de les repérer et de gérer l'afflux de manière optimale. Sans mettre ma vie en danger. Il me fallait une parfaite maîtrise de ma respiration et de ma concentration, je pris mon temps faisant abstraction de tout autour de moi, Hailey qui passait dans la chambre, les pas d'Elijah en haut, du vent qui commençait à se faire plus important, du soleil qui se couchait, des cris, des rires, des discussions.
Soudain mes yeux se révulsèrent et ma tête pencha en arrière.
« Familier de Dan au rapport : Nous avons traversé les bois sans rien y voir, je partage tes inquiétudes au sujet de la population de proies décroissantes. Cependant les bois sont gigantesques et entourés de magie alors je ne pense pas qu'elle trouve son chemin avant 2 bons mois. Nous nous dirigeons vers le dernier endroit connu où habitait l'une des légendaires sorcières. Terminé. »
***
La soirée était belle mais j'étais toute seule comme souvent. Rick avait beaucoup de travail, il se déplaçait même à domicile, c'est presque un prérequis dans une ville aussi petite, alors mes soirées étaient solitaires. Je ne me sentais pas en sécurité sans utiliser mes pouvoirs et sachant le nombre de personnes qui voulaient ma peau je décidai de déroger juste une fois à la règle. Rien de bien méchant, seulement un petit jeu de piste. Je courrai dans la maison pour chercher le vieux plan du jardin et des bois puis j'ensorcelai un stylo pour rajouter des pièges, du brouillard, des illusions mais je ne fis appel à aucune créature pour ne pas éveiller les soupçons. Ce sera disons une protection, assez simple à exécuter mais extrêmement dur à déjouer. Je ne me fais aucun souci pour les animaux bien plus évolués et débrouillard que nous.
Une fois que je considérai mon jardin parfaitement bien gardé, je rangeai le plan en sécurité avec son stylo. Et je m'endormis sur mon canapé, un café à la main.
***
« Mama, je viens te dire bonne nuit » me dit Hailey en montant sur le lit de Dan.
Je regardais ces vêtements tout salis et je lui proposai quelque chose qu'elle ne pourrait pas refuser du moins pas entre filles.
« Est-ce que ça te dirait qu'on aille en ville demain pour faire les magasins ? »
« Oh ouiiii ce serait trooooop géniaaaaale ! » me répondit-elle en se laissant théâtralement tomber sur le lit.
« Pour ça il faut vite se mettre au lit » lui dis-je avec un sourire attendrit.
A peine avais-je fini ma phrase qu'elle avait décollé comme une fusée pour aller se mettre au lit. J'avais besoin de quelques « fournitures » moi aussi de toute manière. Je fis une petite liste des ingrédients dont j'allais avoir besoin pour mes potions. J'avais une bonne mémoire mais il me fallait beaucoup de choses différentes et l'oubli d'un seul de ses ingrédients pouvait tout faire foirer et là on ne parle pas d'un sort échoué on parle de vie que j'ai entre les mains sans parler de la mienne... Parce que ce n'est pas devant Lisbeth qu'il allait falloir que ma potion dégénère. Tout doit être prêt. Les efforts de la journée et mon cerveau à plein régime ont vite eu raison de moi et j'ai plongé dans un sommeil profond tout en sentant encore l'odeur de Dan planait dans les draps.
J-60. Le lendemain matin, je me levais doucement du lit dès l'aube impatiente de pouvoir sortir de cette prison qu'était cette chambre. Je partis dans ma chambre pour me laver, et m'habiller. Devant le miroir de la salle de bain je me retournai de manière à voir mon dos et je ne saignais plus, en tout cas le pansement était immaculé. Je déroulai les bandes petit à petit sans sentir de douleur, ni de tiraillements ce qui était un très bon signe. Une fois les bandes enlevées je ne fus pas surprise de ne voir que des cicatrices rosies, à peine visible pour celle qui était sous la marque de mon renard. Depuis que ma marque s'était développée, environ mes 12 ans je dirais, j'avais atteint une capacité de régénération phénoménale. Les sorcières que j'avais rencontré avaient toutes attribués ça à Kyuubi qui fait naturellement tout pour garder son hôte en vie.
Je pris ma douche en toute sérénité, heureuse que cette douleur insupportable ait disparu. Ensuite, une fois devant mon armoire, je pris une robe blanche très longue, droite avec des bandes et des motifs pour être à l'aise. Une vraie petite bohème. Les cris d'Hailey me firent jeter un coup d'œil par la porte.
« Elijah, mama me l'a dit, elle me l'a dit alors il faut que j'y aille, laaaaaache moi ! »
Je m'accoudai à l'encadrure de la porte et la regardai se débattre pour s'enlever de la poigne puissante d'Elijah qui lui emprisonnait le poignet. Je n'eue qu'à me racler la gorge pour qu'il lâche prise. Elle le regarda, étonnée et courut vers moi.
« Mama, mama, mama c'est le jour, hein ? Dis dis dis ? » s'exclama-t-elle
Elle était tellement impatiente qu'elle sautillait sur place. Je mis une main sur sa tête en la regardant avec tendresse.
« Oui, parfaitement mademoiselle mais avant me laisserais-tu prendre un peu de forces ? » lui répondis-je avec un ton très calme.
Elle hocha la tête frénétiquement et me prit la main pour m'emmener vers la cuisine alors qu'Elijah nous emboîtait le pas.
« Tu utilises la magie avec elle ? » me demanda Elijah dans l'oreille.
« Non la patience. » lui répondis-je avec un sourire.
Le couloir a passé avant le salon puis la cuisine n'était pas très long alors elle me lâcha vite la main pour s'asseoir à table, impatiente. Je n'ai pas voulu la faire attendre plus longtemps alors je me pressais juste une orange et nous sommes partis. Je prendrais un café en ville.
Hailey me suivit ensuite dehors mais elle semblait chercher quelque chose. Je lui souris et lui tendis la main pour qu'elle me suive, elle ne s'attendait pas à ce que je prenne la direction des écuries.
« Ouaaah on y va à cheval ? » me dit-elle des étoiles dans les yeux.
« Absolument, je trouve le vélo un peu ennuyeux ! Est-ce que tu sais monter ? » lui demandais-je
« Oui je crois me souvenir mais j'ai juste fait des balades. »
Elle avait mis une main sous son menton et semblait réfléchir, sa tête était adorable.
« Bon je n'ai que 5 chevaux, c'est tous la même race des Paint Horse par contre je voudrais voir avec lequel tu as le plus d'affinités. Alors je vais tous les sortir et tu vas gentiment t'approcher d'eux un par un, ok ? »
Je pris des filets et lui sortis les chevaux un par un. J'avais déjà ma petite idée sur le cheval qui lui conviendrait mais je ne voulais pas l'influencer.
« Ils sont vraiment beaux ! » me dit-elle émerveillée
Elle s'approcha d'une de mes juments. Lys. Cette jolie jument à la robe blanche et beige semblait un peu nerveuse face à Hailey, pas vraiment étonnant étant donné que la jument devait sentir une aura différente, plus noire que la mienne. Donc elle ne convenait pas, il allait falloir un cheval un peu plus courageux.
Hailey passa à Tournesol, mon cheval, du moins celui que je montais le plus souvent. Il la regarda et tourna la tête comme s'il avait bien mieux à faire que ça. Pourtant elle était subjuguée par sa beauté, Tournesol est un cheval noir et blanc avec des yeux bleus, ces tâches le rendaient particulier puisque ses oreilles sont noires ainsi que la moitié de son museau et son corps se partageait harmonieusement en bande presque régulières entre noir et blanc. Mais il ne semblait pas décidé à lui accorder un semblant d'importance. Pas étonnant, il a toujours été très fier.
Elle me regarda un peu déçu mais je lui souris pour l'encourager. Elle s'approcha ensuite de Camélia, une jument, marron et blanche assez particulière aussi puisqu'elle avait seulement l'arrière train et le long de la crinière marron et tout le reste était blanc. Comme je m'y attendais, Camélia lui réserva un gros câlin sur l'épaule et un bon éternuement en pleine tête, Hailey en rigolait aux éclats.
Elle changea ensuite de cheval pour approcher Glaïeul. Je n'étais pas vraiment rassurée vu son tempérament toujours supérieur et confiant mais elle ne sembla pas troublée le moins du monde. Ce cheval me rappelait Rick, c'était son cheval il avait eu un coup de cœur pour ce cheval tout noir de corps avec des marques blanches le long des pattes. Du noir encadrait ses oreilles jusqu'au front et tout le reste de la tête était blanche. Un vrai squelette. Et j'eu la surprise de voir qu'il se laissait plutôt faire cependant je réservais encore mes impressions et mes jugements.
Ce fût ensuite au tour de Dahlia, le dernier mâle. Je ne me faisais aucun soucis cette fois-ci puisque c'était un cheval extrêmement patient et généreux. Je l'avais récupéré dans un centre équestre donc il avait l'habitude d'avoir du monde sur son dos. De tête il ressemblait à Glaïeul mais ses tâches au lieu d'être noires étaient marrons. Par contre, lui avait des taches blanches sur le corps. Je ne sentais aucune alchimie pendant qu'elle le caressait, il semblait blasé.
« Pourquoi ils ont tous des noms de fleurs ? » me demanda-t-elle soudain
« Chaque cheval suivant sa personnalité à sa fleur qui lui convient. Par exemple, Tournesol, tu as remarqué comme il semble orgueilleux ? Dans le langage des fleurs c'est exactement ce que signifie le tournesol, l'orgueil. »
A ma grande surprise, elle partit de Dahlia pour se rapprocher de Glaïeul.
« C'est lui que je veux. » me dit-elle
« On va essayer avant d'abord » lui répondis-je un peu moins enthousiaste qu'elle.
Je remis dans leur box Camélia, Dahlia, et Lys pour sceller Tournesol et Glaïeul en expliquant à Hailey comment faire. Je l'aidais à monter tranquillement sur son cheval et il sembla soudain impatient ce qui me rendit un peu nerveuse mais je lui donnais les derniers conseils alors qu'elle affichait un sourire jusqu'aux oreilles. Je lui tendis ensuite les rennes. Une fois que les explications semblèrent comprises je montais sur le mien en un clin d'œil et commençais tranquillement au pas.
Glaïeul m'impressionnait vraiment, il était calme, malgré l'impatience qu'il m'avait montré. Je décidais donc de lui faire confiance et nous sommes partis direction la ville au pas l'une à côté de l'autre. Le premier village se trouvait à 5km de chez moi à l'opposé de ma forêt. Il comportait une épicerie, un café, un diner, un magasin de vêtements fait maison, et quelques échoppes plus spécialisées. Tous les commerçants vivaient en haut de leur commerce, personne n'avait jamais construit plus près de chez moi, les traditions et les rumeurs aillant la dent dures. Je jetais un coup d'œil à Hailey qui ne cessait de caresser l'encolure de sa monture. Il y avait vraiment un lien entre eux deux. J'avoue que je ne l'aurais pas parié.
« Tu voudrais qu'on aille un peu plus vite ? » lui demandais-je
Elle hocha la tête avec enthousiasme, cette petite ne savait décidément pas dire non. Je lui expliquais la manière d'aborder le trot mais surtout de ralentir son cheval s'il en demandait plus. Et c'est elle qui partit devant, Tournesol suivit comme si son ego avait été touché d'être derrière. Quand je suis revenue à sa hauteur, elle s'était déjà parfaitement adaptée au trot, venant d'un vampire ça ne m'étonnait pas trop. Elle anticipait les mouvements du cheval et se calait sur son allure.
« Tu te tiens ? » lui demandais-je soudain joueuse
Elle me regarda avant de subitement comprendre et me lancer un air de défi mais Tournesol partit au grand galop, évitant superbement les obstacles sur notre chemin. J'entendis Glaïeul qui suivait derrière mais mon cheval était plus rapide. Je n'entendais plus Hailey rire, mais en me retournant je vis son air concentré malheureusement ce n'était pas elle qui courait mais le cheval, j'avais donc l'avantage. J'arrivais sans surprise la première au village, nous avions mis à peine une vingtaine de minutes au lieu d'une demie heure, trois quarts d'heure au pas.
« Tu as aimé ? » lui demandais-je en descendant de cheval.
« Beaucoup, c'est facile en fait mais j'ai un peu peur quand il y a des obstacles. » me dit-elle en se mordant la lèvre.
« Tu veux que je te rassure ? Même si tu tombais, que le cheval te piétinait, tu n'en mourrais pas »
Je lui souris en lui donnant une petite accolade.
« C'est vrai que vu comme ça... »
Nous nous étions d'abord arrêtées au café pour me prendre mon breuvage du matin quand j'entendis une voix familière du fond de la salle m'interpeller.
« Bonjour Alice, ça faisait longtemps, comment vas-tu ? »
J'avançais dans le petit commerce alors qu'Hailey sembla soudain impressionnée et se cacha derrière ma jambe.
« Ça va bien, je viens te prendre un de tes merveilleux café. » lui répondis-je avec le sourire.
« Avec plaisir, c'est cadeau aujourd'hui ! Mais dis-moi qui est cette magnifique petite fille ? »
Elle passa devant le comptoir et s'accroupit devant moi pour voir Hailey.
« C'est la fille d'amis que j'héberge en ce moment, elle est adorable. »
Mes yeux croisèrent ceux d'Hailey et je lui souris tout en la poussant un peu pour qu'elle sorte de derrière mes jambes.
« Hailey je te présente Elisabeth Bellweather, elle fait de loin le meilleur café et les meilleurs cookies du continent. »
Elle nous observa une seconde, puis tout en gardant une main accrochée à ma robe elle tendit son autre main.
« Bonjour Madame Elisabeth, moi c'est Hailey »
Elisabeth était surprise, mais elle discuta avec elle pendant que son fils me servit mon café. Je le remerciais silencieusement pour ne pas déranger leur conversation et j'avançais juste une jambe pour ne pas déranger Hailey qui tenait toujours un bout de ma robe.
« En tout cas, elle est très bien éduquée ! » m'affirma Elisabeth.
Nous l'avons remercié et nous sommes partis.
« A la prochaine madame Elisabeth » dit Hailey en secouant la main avec un sourire d'ange.
Nous étions sur le perron du café et je lui expliquai ce qu'on allait faire.
« Bon on va laisser les chevaux accrochés ici, ils sont à l'ombre et ils ont de l'eau, c'est parfait. Comme j'ai mon café on va faire les magasins pour toi d'abord et moi je dois aller chez l'épicier après, ça te va ? » lui demandais-je
Elle hocha la tête et partit faire une caresse à son cheval.
« Tu restes ici, j'en ai pas pour longtemps, je reviendrais c'est promis ! » dit-elle dans l'oreille de sa monture.
Je la regardai faire tout en la trouvant de plus en plus mignonne... Mais qu'allait-il advenir d'elle après tout ça... Pour l'instant il fallait se sortir de cette immonde merde dans lequel nous étions et nous aviserons après avec les garçons. Je lui tendis la main en agitant les doigts. Elle les regarda et sourit en accélérant juste assez pour me prendre la main. Nous marchions dans les rues presque désertes à cette heure-ci, j'observais du coin de l'œil Hailey qui regardait toutes ses petites maisons de toutes les couleurs collées les unes aux autres, elle regarda ensuite le pavé au sol qui devait lui faire drôle sous la chaussure. Tout était motif à capter son attention. Soudain la devanture d'un magasin attira sa curiosité et elle tira ma main pour m'y emmener.
« C'est là, c'est là, c'est là ? C'est sûr que c'est là, c'est obligé ! »
Tout son entrain était revenu, ce n'était pas la même petite fille que dans le café ! Elle salua d'un bonjour enjoué la vendeuse et se mit à fouiner dans les rayons. Elle s'avait ce qu'elle voulait visiblement. Je ris alors que je m'approchais du guichet pour saluer Gary la vendeuse du seul magasin pour enfant du village.
« Salut, comment tu vas Gary ? » lui dis-je joyeusement tout en lui tendant la joue à travers le comptoir.
J'étais assez contente de la voir, elle avait été ce qui se rapprochait le plus d'une amie depuis que j'étais arrivée en ville. Nous avons échangé des mondanités, alors qu'Hailey avait sur les bras une pile de vêtement presque plus grande qu'elle. Je la lui présentai rapidement alors qu'Hailey ne nous jeta qu'un regard furtif avec un grand sourire avant de rentrer en cabine.
Gary était toujours fidèle à elle-même. C'était une magnifique femme, les cheveux longs tellement blond qu'on aurait presque pu dire blanc, un teint halé toute l'année, une bouche pulpeuse, un visage fin et des yeux bleu foncé, ce qu'il faut où il faut avec toujours une mine innocente charmante qui devait en faire craquer plus d'un. A côté je me sentais si simple. Par contre je ne lui connaissais étonnement aucune conquête. Nous avons continué à discuter de choses sans importance quand Hailey sortit de la cabine pour me montrer tout ce qu'elle voulait. Attention chaque habit avait droit à son commentaire. Ça c'est joli, ça j'aime bien, regaaaaaarde ce jean il est trop beau !!!! Je suis obligée de prendre ce haut regaaaaaarde le ! Et j'en passe des meilleures. Je soupirai devant cette petite capricieuse, de toute manière il lui fallait de quoi s'habiller alors autant que ça lui plaise pendant que je payais elle observait fixement Gary qui semblait soudainement gênée.
« Tu crois que Glaïeul s'ennuie de moi ? » me demanda soudain Hailey sans arrêter de fixer Gary.
Je souris mais mon regard se posa sur Gary qui semblait choquée et subitement comme blessée.
« Le cheval de Rick... » marmonna-t-elle
« Oui on ne peut rien faire contre l'alchimie entre ses deux-là » lui répondis-je
Nous la saluons ensuite mais cet échange me restait en tête. Et puis je partis vers l'épicerie, alors qu'Hailey fouillait dans les deux sacs que je lui avais demandé de porter pendant que je gardais 3 autres sur les bras et je devais encore faire des courses. Nous avons marché en silence jusqu'à l'épicerie.
« Salut Jarod ! »
« Tiens c'est la petite Alice ! » me répondit-il gaiement
« Est-ce que tu pourrais m'avoir tout ce que j'ai noté sur la liste juste là ? » lui demandais-je
Il y avait pas mal de choses spécifiques alors je pensais que j'aurais besoin de revenir mais j'avais largement sous-estimé Jarod et son inventaire impressionnant. Il nous avait laissé là devant la caisse alors qu'il fouillait dans sa réserve. Je trouvais Hailey très silencieuse tout d'un coup mais en la regardant je remarquai qu'elle était dans ses pensées. Je n'eus pas le temps de lui poser ne serait qu'une seule question quand Jarod revînt à nous, avec deux grandes poches en Kraft remplies.
« J'ai presque tout ce qu'il te faut, il me manque juste l'écorce de bouleau, j'ai la sève mais pas l'écorce. En revanche tu en trouveras aisément dans tes bois. » me dit-il avec un grand sourire satisfait.
« Parfait ! »
Je le réglai, nous l'avons salué et nous sommes partis. C'est ce que j'aimais avec Jarod, pas de blablas inutile, personne ne tournait autour du pot et c'était très bien comme ça. En revanche même avec 2 sacs en plus sur les bras je voyais bien que quelque chose chiffonnait Hailey. Le retour vers nos montures fut silencieux, je ne voulais pas la brusquer. Une fois arrivées au chevaux, Hailey sortit une brosse d'une des sacoches de la selle de son cheval et commença à le brosser en marmonnant tout bas. Je ne pouvais pas clairement entendre ce qu'elle disait mais ça ne m'était pas destinée visiblement. Pendant ce temps-là j'accrochais nos nombreux sacs aux selles des chevaux et nous sommes repartis mais au pas cette fois-ci.
Sur la route je me décidais à lui demander ce qu'elle avait quand même mais sa réponse me surprit.
« Gary tu as l'air de la considérer comme une amie, puisque c'est la seule à qui tu as parlé le plus longtemps et avec laquelle tu semblais la plus en confiance mais je sais ce que c'est une amie, je me souviens de l'effet que ça fait d'avoir une amie mais c'est bizarre... »
« Tu as raison, oui mais qu'est-ce que tu trouves bizarre ? » lui demandais-je intriguée
« Elle était comme gênée en ta présence et immensément malheureuse. »
« En même temps Hailey tu l'as fixé, c'est un peu gênant tu ne crois pas ? » lui dis-je gentiment
« Peut-être bien... » me répondit-elle les yeux dans le vague.
Et après ça elle se terra dans un silence de mort, je ne l'avais pas vexé mais elle semblait vraiment perplexe. Ce n'est qu'une fois à la maison qu'elle soupira et me demanda :
« Il revient quand Dan ? »
« Pas tout de suite ma puce. » lui assurais-je
Elle courra déposer toutes ses affaires dans sa chambre et en revenant elle imita chacun de mes gestes en silence pour enlever la selle, la ranger, remettre en place le tapis, laver le cheval, le brosser et le remettre au box. Je lui donnais pour finir une carotte pour son cheval et j'offrais une pomme à Tournesol. C'est dans ses moments de solitude que je ressentis le besoin de parler, et actuellement Dan était celui qui en savait le plus sur moi, j'éprouvai l'envie de lui parler mais je balayai cette idée saugrenue. Jusque-là je m'en suis très bien sortie toute seule ce n'est pas une petite fille ronchonne qui va m'avoir !
Je marchais tranquillement vers la maison, dans mes pensées, quand je croisais le regard d'Elijah qui m'attendait sur le pas de la porte. Son regard semblait essayer de me sonder. Peine perdue avec moi, j'avais des années d'expérience dans la dissimulation des émotions, mon visage était impassible. En passant à côté de lui un étrange sentiment m'envahit, un mauvais pressentiment mais je ne m'y arrêtai même pas. Après tout, je n'avais pas spécialement l'habitude d'être accueilli chez moi par un vampire. L'image se grava dans ma tête instantanément. Son corps fin accoudé à mon encadrure de porte, ce regard... Son visage comme enfantin, sans barbe, avec des traits fins, ses cheveux brun mi-long qui lui coupaient le front négligemment lui donnant un air de grand adolescent, mais qui contrastait avec ces yeux noirs parfois semblant rieur. Toutefois pour une raison inconnue la plupart de ses expressions me semblaient fausses. Dès ma première rencontre avec lui ce regard noir m'avait troublé et de la mauvaise manière. Son corps fin donnait l'impression d'être toujours tendu à l'extrême, jamais je ne l'ai vu, pour le moment, détendu. Là il se tenait fermement les bras qu'il avait croisé sur sa poitrine. Ne suant évidemment pas il ne changeait pas de vêtement donc je l'avais toujours vu avec un long tee shirt noir à manche longue qui lui collait au corps, un bomber noir, un jean slim noir légèrement blanchi par l'usure et une paire de bottine marron, rien d'exceptionnel mais rien de très gai non plus. Par contre il est l'antithèse absolu de son « frère ».
Tandis que je m'assis sur mon lit, l'image de Dan s'imposa à mon esprit et je fermai les yeux pour analyser le souvenir que mon cerveau avait de lui. Il était assis à mon bar improvisé dans la cave et me défiait du regard la tête tenue par ses paumes. Ses cheveux blonds en bataille se faisaient coiffer à coup de main passées dans les cheveux simplement, ses prunelles bleues translucides pouvant passer d'une teinte sauvage à rieuse en un seul instant, sa barbe à peine négligée de 3 ou 5 jours peut être. Il me fallut trouver un autre souvenir pour son corps... Et soudain je le vis dans mon esprit allongé à côté de moi, ses muscles décontractés vibrer au rythme de cette respiration qu'il avait pris l'habitude d'avoir alors qu'elle ne lui servait plus à rien. A contrario d'Elijah si fin, Dan lui était musclé, on pouvait suivre chacun de ses muscles saillants précisément. Jedois avouer que Dan par sa grandeur me donnait l'impression d'être en sécurité.Son corps long et costaud m'avait au premier abord décontenancé puis les joursavaient passés et cette peur avait laissé place à une sensation de quiétude...Bon, sinon en temps normal, il porte un tee shirt très près du corps blanc à manches longues accompagné d'un sweat à capuche zippé, rouge bordeaux chiné avec un jean délavé bleu et une paire de baskets blanches qui en y repensant était bien impeccable pour un vampire baroudeur. De bien moderne créatures en somme. Mon esprit continua à divaguer jusqu'à ce que je sente l'aura d'Hailey se promener en haut... Elijah y était aussi quand son aura à elle disparu à toute vitesse.
« Mama, est ce que tu aurais des crayons de couleurs ? » me demanda Hailey les mains derrière le dos un peu moins boudeuse que tout à l'heure.
« Regarde, en haut dans l'un des tiroirs du bureau » lui répondis-je avec un sourire attendrit.
Elle repartit aussitôt en courant et je me souvins que certaines des affaires de Colleen était toujours là... Rangées...
***
La journée s'annonçait particulièrement chaude, mais j'étais contente. Je fis visiter pour la première fois mon manoir à Rick qui était sans voix. Ma maison s'élevait devant moi et je la détaillais pour en sauvegarder chaque pierre dans mon esprit.
« C'est mon chez moi. Je l'ai pas mal rénové, enfin tu le sais, tu l'as connue avant que je m'y installe, mais je n'ai pas fini j'ai encore beaucoup de boulot. » lui dis-je les bras ballants.
« C'est un endroit incroyable Alice, tu as fait de cette ruine, un château. Tu peux être fière de toi, je ne crois pas que j'aurais pu y arriver seul, moi » me répondis Rick visiblement beaucoup plus enthousiaste que moi.
Je lui pointais la porte d'entrée avec humour en lui faisant une belle révérence.
Le manoir comportait 3 parties. Une tour par laquelle l'entrée se faisait, le corps de la maison et la tour opposée à la première qui ne servait qu'à desservir les étages.
L'entrée se faisait donc par un petit escalier qui semblait sortir de sous la terre, avec un joli porche rond surplombé par le balcon du 1er et du 2nd étage. Une fois la porte d'entrée poussée on arrivait dans une immense pièce ronde dont la seule chose que l'on semble remarquer en premier lieu est cette immense cheminée sur la droite, en marbre blanc qui contraste avec la boiserie des murs.
« J'ai profité de deux pièces secrètes de chaque côté de la cheminée qui s'étendaient jusqu'à la porte en forme d'arche à gauche qui relie le corps de la maison avec l'entrée, pour y emménager ma buanderie et mon garde-manger » lui expliquais-je
Je l'avais perdu, il était époustouflé mais je poursuivis.
« Le milieu de la pièce étant utilisé par un îlot central rond construit par mes petites mains avec 6 chaises de bar de récup', j'ai fait le choix de ne m'en servir que de table à manger et pas de plan de travail étant donné que ma cuisine en comporte suffisamment. » rajoutais-je
Du coup, je me suis résolue d'aménager ici ma cuisine qui s'étendait à présent sur tout le pan de mur gauche. J'ai également construit chaque meuble que comportait ma cuisine, chaque rangement, chaque bois avait soigneusement été choisi. Il faut savoir que quand j'ai retrouvé le manoir, personne ne vivait dedans, il était dans un bon état extérieur mais l'intérieur était complètement à refaire. Alors j'ai laissé les murs, les plafonds et le sol d'origine en ne faisant que des rénovations mais il ne restait rien d'autre à sauver de toute manière à part le miroir du salon.
Pour suivre la visite il faut continuer par l'immense arche intérieur qui laissait largement voir le salon. Un gigantesque miroir trône sur le mur à droite et reflète la lumière de l'immense baie vitrée que j'ai installé pour donner directement sur la terrasse et son large escalier. J'avais donc ici seulement placé deux grands canapés en direction de la fenêtre et des fauteuils un peu partout ce qui rendait la pièce lumineuse et cosy. Evidemment il y avait des cheminées dans chaque pièce que j'avais gardé, vu mon mode de vie, c'était mon chauffage de prédilection l'hiver.
« Alors tu l'as gardé... » me dit-il en caressant du bout des doigts le cadre de cet immense miroir avec pleins de couleurs et de moulures.
« Ça va te paraître idiot mais on m'a dit au village qu'il était d'origine, alors ça me plaît assez de me dire que mes ancêtres se sont, un jour, regardés dedans et maintenant c'est mon tour. » lui répondis-je en m'accoudant au mur, face à lui.
Ses yeux quittèrent le miroir pour se poser sur moi et l'intensité de son regard me gêna soudainement à tel point que j'en rougis. J'enfonçais mes poings dans mes poches de salopette tout en baissant la tête pour ne pas qu'il me voit m'empourprer puis me retourner pour continuer la visite. Il se racla la gorge pendant que je poussais la porte qui menait vers les 4 chambres du bas.
« Ça n'était pas là ça avant ? » m'interrogea-t-il
« Tu es plutôt observateur ! En fait elle était là mais c'était un passage caché. » lui répondis-je sans le regarder.
Nous sommes donc arrivées sur un couloir en pierre qui desservait 4 pièces. J'ai aménagé ces 4 pièces en chambre dont une qui est la mienne. Même si ces chambres sont vitrées et qu'on les voit de l'extérieur, j'ai l'impression d'être protégé de par son aspect « caché » de base. J'avais décoré les chambres très sobrement avec tantôt un style rustique, tantôt industriel pour casser le côté pierre/château. Il ouvra chaque pièce avec curiosité ce qui me fit sourire mais une fois arrivé au bout du couloir il se retrouva face à moi qui étais déjà collée au mur. Seulement quand ses yeux croisèrent les siens mon cœur eu un loupé, et il repartit de plus belle lorsque Rick tendit ses mains pour prendre les miennes. Il les observa, les retourna pour conclure :
« Tes mains sont plus abimées que les miennes, je n'aurais jamais cru ça possible » me dit-il en riant.
Effectivement avec tous les travaux que j'avais effectué moi-même, mes mains étaient dans un sale état, callosités, sécheresse, cicatrices... Je lui montrais même une de mes blessures de « guerre », l'une de mes plus douloureuses marques en tout cas.
« Tu vois cette cicatrice pas très belle ? L'escalier principal, j'étais en train d'enlever la boisure qui décorait l'escalier et un clou s'est enlevé avec le panneau en bois pour venir directement se planter dans ma chair entre le pouce et l'index »
Il inspecta soigneusement mon petit bout de main charcuté, passant son doigt dessus mais c'était étrange parce que je n'avais plus de sensation dans ce bout de peau, alors je le voyais me toucher mais je ne ressentais absolument pas son toucher. Puis il se colla au mur pour me laisser passer comme s'il avait entendu mes supplications silencieuses. Je continuais la visite par l'escalier qui en valait largement le détour alors même que je pouvais sentir son regard sur moi, ce qui me troubla un peu plus. Nous nous étions vu à peine quelques fois lors de mes nombreuses visites au village pour des matériaux mais il y avait quelque chose d'exceptionnel entre lui et moi, une sorte de lien que je ne m'explique toujours pas, c'est comme si nous étions continuellement attirés l'un vers l'autre, comme deux aimants.
« C'est un escalier à double révolution, ce qui est extrêmement rare. Je ne sais même pas qui l'a vraiment construit au final. Tout ce que je sais, c'est que je m'en suis vu pour le moderniser. » plaisantais-je
« Je me souviens de lui parfaitement, qu'est-ce qu'on a pu zoner ici avec les copains quand j'étais jeune... »
Il sembla un instant nostalgique en tapant la pierre avec la paume de la main quand son regard se posa sur la porte au pied des escaliers.
« Ça par contre j'en ai aucun souvenir ! » rajouta-t-il
Je ne savais pas quoi lui répondre, effectivement tu n'en as aucun souvenir parce que cette porte était protégée et cachée par un sort donc c'est parfaitement logique que tu ne l'aies jamais vu... Je décidais donc de jouer l'innocente.
« Ah bon ? »
'Bravo ton jeu d'acteur était fabuleux Alice !' Nous avons donc naturellement pris l'escalier chacun de notre côté étant donné que sa particularité est qu'il forme deux escaliers en un, ne se croisant jamais. Seul quelques ouvertures laissaient entrevoir l'autre escalier comme un jeu du chat et de la souris. Avant qu'il ne fouille plus loin, je voulus lui raconter l'histoire de ses escaliers.
« Tu connais le mythe de ses escaliers ? » lui demandais-je toujours en les montant. Je savais pertinemment qu'il pouvait m'entendre.
« Pas vraiment, non. »
Et nous nous sommes rejoints au premier étage, l'étage de la connaissance comme j'aime à le dire.
« Je me rappelle de cette pièce, tout était en ruine mais on pouvait deviner que c'était une bibliothèque... Où as-tu retrouvé tous ces livres ?» me demanda-t-il émerveillé par tous ses bouquins.
C'est vrai que la pièce était impressionnante. Tous les murs de l'étage étaient recouverts d'ouvrages, j'avais juste dû y insérer quelques fenêtres pour avoir un peu de lumière naturelle.
« Justement viens je vais te raconter » lui dis-je en tapant la place à côté de moi sur un des ottomanes que j'avais placé çà et là dans la pièce.
« Je viens d'une très longue lignée, lignée qui remonte vraisemblablement avant la Renaissance mais à cet époque vivait une de mes ancêtres qui entretenait une relation cachée et plutôt sulfureuse avec François 1er. Italie vers 1520. François 1er visite secrètement Florence épris de ce pays et tombe éperdument amoureux de mon ancêtre, peintre vraisemblablement à l'époque. Sachant qu'ils ne pourront être ensemble qu'un temps, elle ne voulant pas quitter l'Italie, lui ayant le devoir de rentrer en France, il décida de faire construire une magnifique maison à sa belle. Il est en parallèle en pleine construction du château de Chambord, passionné d'architecture, il choisit de mettre dans cette maison ce qu'il considère comme l'œuvre la plus belle, l'escalier à double hélice. Il fit construire cette superbe maison à distance restant en contact avec mon aïeule par courrier, au-delà de leur relation charnelle ils se découvrent tous les deux une affection particulière pour la connaissance en tout genre. Puis naturellement, François 1er et elle basculèrent vers une relation épistolaire de plus en plus cérébrale, il lui envoie des livres autant qu'il peut et elle fait de même échangeant leurs points de vue, leurs savoirs, leurs avis sur l'époque qu'il vivait dans ses deux pays. A mesure des années les livres se sont empilés, et les lettres ont subitement cessé. Morte de chagrin quand elle apprend la mort de son âme sœur elle décide de quitter Florence pour s'installer dans le nouveau monde. Elle n'emportera que deux choses avec elle. Cet escalier et ces livres. Je n'ai absolument aucune idée de comment tout ça, est apparu et si c'est même vrai mais le fait est que c'est là. Et ses livres étaient entassés au sous-sol. » lui racontais-je
Dans le fameux sous-sol, gardé par un sort. Ces livres étaient ensorcelés, je n'ai eu qu'à refaire la bibliothèque, faire un sort de dissipation et ils se sont tous remis en place. Rick me regardait avec amusement, je ne saurais dire s'il croyait à mon histoire ou non, mais je pouvais sentir cette alchimie entre nous deux. Je voulais passer le pas pour l'embrasser pourtant la peur me résolut et je me levais pour lui montrer le bureau au fond de la pièce.
Une arche ouverte laissait deviner que la bibliothèque continuait derrière mais surtout on pouvait voir un immense bureau trônait au milieu de la pièce avec de magnifiques chaises d'époque. Un vieux bureau que j'ai réussi à récupérer d'une vente aux enchères d'un château en faillite.
« Sympa le bureau » me dit-il en souriant.
Je le remerciais d'un sourire fier et fis demi-tour pour reprendre l'escalier.
« Je te montre le 2ème étage ? » lui demandais-je
En vrai, ce n'était pas vraiment une question. Cette fois-ci il m'emboita le pas au lieu de prendre l'autre escalier. Je lui jetai un coup d'œil pour voir s'il regardait en haut mais il n'en fit rien. Tant mieux, ça me laisserait l'effet de surprise pour tout à l'heure. Il posa, en revanche, son regard sur le couloir en arcade mansardé. A cet endroit de la maison c'est comme si on était sous le toit ce qui est vrai mais pas tout à fait finalement, la hauteur sous plafond étant grande les impressions étaient trompeuses. Niveau couleur, j'ai volontairement repeint le couloir avec des couleurs très clairs pour apporter de la lumière où il y en avait très peu ; puisque seul la fenêtre de la tour d'escalier donnait de la lumière, tout le reste était artificiel ou provenait des 11 dernières chambres du manoir. J'avais mis du temps et de l'argent dans ses pièces qui était de loin les plus esquintés, tout en faisant en sorte qu'il en ressorte une aura différente de chaque pièce, le but n'étant pas qu'il y est juste un lit pour meubler sommairement la pièce. Il passa sa tête de chaque côté pour observer les chambres.
« De dehors j'aurais pensé qu'il y avait plus de chambres » me dit-il tout en avançant regardant tantôt à droite et à gauche.
« Il y en avait plus à la base, mais chaque chambre à sa propre salle de bain alors ça prend de la place ? Je me suis dit que 15 chambres pour moi toute seule c'était déjà bien. » lui répondis-je
Il me regarda en souriant comme si j'avais fait une remarque absurde mais je lui souris en retour. Et nous sommes arrivés à la suite, ma plus belle réussite. La chambre du bout était dans la tour et entourée par un magnifique balcon qui couvrait le domaine sur 180° y compris l'entrée. J'avoue avoir mis le paquet sur cet chambre, dans les teintes, dorés, blanc et bleu roi le lit à baldaquin trônait au milieu de la pièce. Pendant que je m'accoudais nonchalamment à l'embrasure de la porte il découvrit avec stupeur la petite estrade en bois fabriquée par mes soins et qui donnait directement sur la baie vitrée où siégeait une magnifique baignoire.
« Comment tu as eu l'idée de mettre une baignoire au milieu d'une chambre ? » me demanda-t-il stupéfait
« Cette chambre est de loin la plus belle du manoir mais c'est aussi celle qui est pleine de volupté, à mon sens. Alors partant de là, la baignoire est exactement à sa place. »
Il m'observa un long moment sans rien dire, comme pour essayer de deviner mes pensées ce qui est peine perdu bien évidemment. Il se rapprocha toujours plus de moi et une fois son visage à quelques centimètres du mien, mon cœur battant la chamade, il ouvrit la bouche pour ce que je pensais d'abord être un baiser.
« Pourquoi tu n'as pas pris cette chambre ? » me demanda-t-il
« Quand tu vas tout seul à l'hôtel tu te prends la suite nuptiale ? » lui répondis-je fébrile
« Exact. » me dit-il en pointant son doigt vers moi comme pour me signifier que j'avais marqué un point.
Puis il repartit en direction de l'escalier comme si de rien était. Mon cœur serrait ma poitrine à force de jouer aux montagnes russes, avec ! Mais au moment où il leva les yeux pour regarder surement combien d'étage il restait son pied resta comme bloqué sur la première marche. J'avais également complètement refait la verrière en haut de la tour d'escalier, surprise du chef ! C'était maintenant un magnifique puit de lumière en verre et en acier noir qui laissait largement découvrir le ciel. J'avoue avoir été impressionnée aussi une fois cette partie terminée.
« Ça n'ont plus ça n'y était pas » lui dis-je en riant le devançant dans ses pensées.
Je m'en étais vu pour l'installer là-haut, j'avoue, mais d'un autre côté le toit d'origine était au trois quart détruit donc je n'avais pas vraiment eu le choix.
« Quand j'ai visité pour la première fois les lieux, il n'y avait pas de toit et j'ai trouvé ça vraiment beau ce puit de lumière alors j'ai voulu garder cet apport de clarté. » lui expliquais-je tout en montant.
Il ne fit aucun commentaire et me suivit jusqu'à la dernière porte. L'ascension était rude mais en valait le coup quand nous nous sommes retrouvés devant une vieille porte d'époque, repeinte par mes soins en bleu. Entourée de moulures j'avais juste nettoyé et restauré le tour mettant en valeur une inscription en vieil italien.
X« C'est inscrit : 'Par cette porte, je serais plus prêt de toi, nourrissant l'espoir d'un jour, pouvoir te toucher du bout des doigts'. Ce n'est malheureusement pas signé. » l'informais-je
« Donc selon ta légende, ce serait elle qui l'aurait écrit ? » me demanda-t-il
« Je suppose puisque c'est écrit dans un vieil italien, que je n'ai vu seulement lors de lecture d'époque sur les peintres de la Renaissance »
« C'est toi qui l'a déchiffré ? » s'exclama-t-il ahurie
« Ce n'est pas très compliqué quand on lit beaucoup et qu'on parle couramment l'italien. » lui répondis-je tout en poussant la porte.
Je fis un pas pour me retrouver au dernier étage, le 3ème, mais surtout le toit. Une ouverture avait été faite pour accéder à une grande terrasse en pierre, se situant au-dessus du corps de la maison. Il n'y avait rien de spécial à part des balustrades rappelant celles des villas italiennes. D'ailleurs des petits rappels de l'Italie se cachaient dans toute la maison.
« Tu as déjà visité Florence ? » lui demandais-je
Le vent balaya mes cheveux agréablement alors que je me retournai pour lui faire face.
« Une ou deux fois pour aller voir mes parents qui y habitent » me répondit-il les yeux dans le vague
« Oh vraiment ? Tu es né là-bas ? »
J'étais soudain très curieuse, Rick ça n'a pas de résonance italienne pourtant...
« Pas du tout, ils ont décidé de passer leurs vieux jours sous le soleil de l'Italie » me raconta-t-il un brin touché.
Le sujet avait l'air sensible alors je décidais de finir ma petite histoire au lieu de le cuisiner plus.
« Du coup maintenant que tu as visité toute la maison ou presque, il n'y a rien qui t'interpelle ? »
Il regarda soudain derrière lui dans ses pensées, mais je le vis froncer les sourcils pendant 1 bonne minute avant que je décide de le délivrer de son calvaire en riant.
« Ça ne te choque pas qu'il n'y ait pas vraiment de portes mais des arches qui relient les grandes pièces ? Les dessins, les couleurs autour du miroir ne te rappellent rien ? Et ces balustrades sur le toit ? Sans parler des balcons qui parfois vont jusqu'à se rejoindre ? Et maintenant regarde au loin... »
Je lui pointais du bout des doigts à l'orée de la forêt un champ d'olivier plaçait de manière à ce que peu importe où notre regard se pose un olivier était visible.
« Ce sont des... Oliviers ? Maintenant que tu le dis... Les arches me rappelle la villa de mes parents ils n'ont pas vraiment de porte à l'intérieur... Le miroir me rappelle également quelque chose mais j'ai vraiment du mal à m'en souvenir et évidemment les balustrades et balcons sont clairement d'inspiration italienne. »
« C'est exactement ça ! Laisse-moi te rafraîchir la mémoire dans ce cas pour le miroir, suis-moi » lui répondis-je enthousiaste.
Et nous sommes redescendus à la bibliothèque où je lui ai montré deux monuments emblématiques de Florence qui comporte les mêmes couleurs et moulures que le tour du miroir.
« Je te présente la cathédrale Santa Maria del Fiore et la basilique Santa Maria Novella, tu n'as pas pu les louper ce sont les plus célèbres monuments de la ville. » lui montrais-je sur un de mes nombreux livres sur Florence.
« Wahou, je n'aurais jamais cru. Alors cet histoire est peut-être vrai... ? » dit-il comme à lui-même en me regardant, interloqué.
« Je trouve qu'il y a en tout cas beaucoup trop d'éléments probants qui se croisent pour n'être qu'une coïncidence, sans parler des livres ici. Il y a de tout. Bon alors certains sont à moi mais parmi ceux que j'ai trouvé ce sont clairement des récits, des écrits de la Renaissance italienne mélangés avec des écrits français c'est... Perturbant »
Je remis le livre en place, tout en lui jetant un regard en coin. Il m'observait comme s'il était fasciné par ce qu'il voyait ce qui me troubla énormément, j'en détournais le regard avant d'attirer son attention vers autre chose. Je fis un pas vers lui pour réduire la distance entre nous qui était déjà très mince puisque je pouvais sentir son souffle sur mon épaule.
« Mais j'espère que tu n'as pas oublié la porte en bas des escaliers parce que ce serait bête que tu ne sois pas assez sage pour y aller... » lui murmurais-je au creux de son oreille
Nos visages étaient à quelques centimètres l'un de l'autre quand je découvris une lueur espiègle dans son regard. Mon cœur s'emballa, j'eu l'impression que même lui pourrait l'entendre tambouriner dans ma poitrine. Je n'osais pas bouger, à peine respirer quand il posa son index sur mes lèvres et fit le tour de ma bouche du bout de son doigt. J'avais la sensation que chaque endroit qu'il touchait s'embrasait instantanément.
« Je te suis... » me chuchota-t-il
Je pouvais sentir sa respiration légèrement saccadée sur mon visage avant qu'il ne s'écarte pour me laisser passer devant lui. J'eu un instant comme une sensation de manque avant que j'apprécie finalement de retrouver un rythme cardiaque presque normal et un peu d'oxygène. J'essayai d'opter pour une démarche assurée mais je ne pouvais décemment pas ignorer l'effet qu'il avait sur moi. C'est vrai qu'on s'était vu quelques fois déjà, il m'avait déjà invité à manger chez lui mais jamais rien ne s'était passé à part des moments proches comme celui-là. Je ne savais finalement même pas s'il était en couple ou pas si ça se trouve je me faisais des idées sur ces intentions ou même sur le fait que je lui plaise. Mon cerveau tourna à plein régime dans les escaliers jusqu'à ce que j'arrive devant la fameuse porte. Cette pièce allait nous montrer nos vrais sentiments tout en se débarrassant de ces troubles comme la peur, l'appréhension, la timidité.
J'ouvris la porte doucement et l'entendis respirer fort comme s'il avait retenu sa respiration alors je me retournai vers lui en rigolant :
« Tu t'attendais à trouver quoi derrière cette porte au juste ? »
« Pas des escaliers » me dit-il en reprenant sa respiration.
Un fou rire me prit devant l'absurdité de la situation et je dévalais les escaliers en pierre en lui jetant parfois des coups d'œil qui intensifiaient toujours plus mon fou rire.
« Je te présente l'antre de mes plaisirs » lui dis-je théâtralement en lui présentant mon immense cave à vin.
« Je vais te servir un verre, tu reprends soudain des couleurs ça fait plaisir ! » rajoutais-je toujours hilare
Nous nous sommes installés tous les deux sur un fauteuil suspendu, je l'engueulais de peur qu'il ne cède sous nos deux poids alors que lui riait désormais aux éclats. Et quelques verres plus tard, tous les deux plus calme, toujours sur le même fauteuil, je discutais de choses et d'autres tandis qu'il m'écoutait attentivement mais il me regardait surtout fixement ce qui me gêna :
« Qu'est-ce qu'il y a ? » lui demandais-je avec un sourire embarrassé.
« Rien du tout, je t'écoute » me dit-il en souriant bêtement
« Mais ne me regarde pas comme ça alors ! »
« D'accord, vas y parle » me répondit-il en regardant ses jambes.
Bon j'avoue c'était carrément ridicule, ce qui me fit rire. Quand tout à coup il releva la tête vers moi, prit mon visage dans ses mains et m'embrassa. C'était tellement doux, j'avais l'impression de voler, bon le siège pouvait y être pour quelque chose aussi mais c'était une sensation indescriptible.
***
Quand je repris mes esprits, j'eu la sensation d'avoir eu une absence d'une seconde alors que le soleil se couchait. Ce souvenir me paraissait tellement réel... Je passais mes mains dans mes cheveux prête à craquer quand je sentis la sensation familière -et c'est le cas de le dire- de mes yeux qui se révulsent et ma tête pencha en arrière.
« Familier de Dan au rapport : Nous sommes toujours dans les bois, la situation va vite être critique si nous ne sortons pas de ses bois rapidement, car les intrus mangent déjà beaucoup alors nous évitons de nous nourrir pour attirer l'attention seulement notre rythme n'en sera que plus ralentit. J'estime que nous serons sortis de ses bois dans 5 jours mais dans quel état... Dan peut arrêter de se nourrir pendant 7 jours à peu près mais au-delà des effets secondaires vont se faire sentir, paranoïa, hallucinations... Je ne tiendrais pas aussi longtemps même si je me contente de petites souris ou de mulots ils deviennent eux aussi rare. J'ai cependant une bonne nouvelle, nous avons senti quelques odeurs à peine perceptibles avec Dan et des cheveux mais qui semblaient tourner en rond, ce qui renforce mon idée de base comme quoi ils vont mettre du temps avant d'arriver à vous. Terminé. »
En reprenant mes esprits, la solitude et la tristesse ont laissé place à de l'inquiétude. Dans l'immédiat j'avais l'impression de me sentir inutile, je me levais donc de mon lit pour aller ranger les affaires d'Hailey qui devait encore traîner sur son lit. Il fallait que je commence vite les potions, parce que la concentration je crois être assez prête vu les jours de végétations que je viens de vivre. Par contre je savais d'ores et déjà que les potions allaient me prendre beaucoup de temps. J'y réfléchi tout en rangeant soigneusement ses affaires dans son armoire, j'en profitais tant que j'étais seul, Elijah et Hailey aillant prit l'habitude de chasser un peu chaque soir. Au bout d'une bonne heure et de son armoire bien remplie, je décidais d'aller dans la chambre de Dan pour changer ses draps. Qui au passage était taché de sang, pas terrible pour le lit d'un vampire. Je pris des nouveaux draps dans l'armoire et lui changeai correctement en refaisant son lit puis j'emmenais les draps sale dans la buanderie pour les laver. Maintenant que j'étais dans la cuisine et que mon ventre grondait furieusement je décidais de me faire une pizza tomate, basilic, mozzarella. Basique mais efficace. Je me préparai ma pâte, mes ingrédients et deux heures plus tard j'étais à table, toute seule évidemment. Mais de toute manière il allait falloir que je me couche vite, demain allait être une grosse journée.
J-59. J'ouvrais les yeux vers 6h, j'avais suffisamment dormi pour aujourd'hui. Je pris une douche, m'habillais avec un tee-shirt large blanc et une veste parce que j'allais passer la journée entière sur le toit où il ne faisait pas forcément hyper chaud. J'enfilais un jean et partis en direction de la cuisine pour prendre un café, j'y croisais Hailey ainsi qu'Elijah.
« Mama ! » me dit-elle en me serrant dans ses petits bras.
« Je peux te parler ? » me demanda Elijah.
« Hailey, ma puce je vais être occupée ces prochains jours il va falloir que tu sois mignonne et que tu t'occupes toute seule, ok ? »
Je caressai ses cheveux doux pendant qu'elle me regardait semblant analyser la situation savoir si c'était grave ou pas ce souhait d'isolement soudain.
« Tu sais ce que je vais faire ? Je vais m'occuper des chevaux. Je vais m'amuser avec ceux qui sont gentils avec moi et je vais mettre dans le pré les autres. Comme ça je vais être responsable » m'affirma-t-elle très fière d'elle.
« Je te fais confiance dans ce cas. »
Je lui fis une bise sur le crâne et elle détalla à toute vitesse dehors.
« Je t'écoute Elijah » lui dis-je en me retournant vers lui.
« Maintenant que tu as emmené la petite au village il faut que tu la scolarises, les gens vont se poser des questions sinon. Même pour elle, ce sera plus sain que de tourner en rond. »
Je réfléchis à sa proposition. Lisbeth ne pourrait pas la trouver à l'école si je pars du principe qu'elle est bloquée dans la forêt... Hailey n'aurait pas à traverser la forêt pour y aller, encore mieux si Lisbeth nous prenait par surprise avec un peu de chance elle serait à l'école...
« Je te laisse t'en occuper dans ce cas. »
Il me fit un signe de tête et partit d'un seul coup. J'en profitais pour me faire mon café, prendre mes ingrédients, et monter du matériel sur le toit étant donné que j'allais devoir faire chauffer des composants. Je pris aussi des ustensiles pour mélanger entre autres... Une fois que tout était installé en haut, je redescendis pour aller chercher à l'orée des bois mon écorce de bouleau et des feuilles d'olivier, ce qui ne fut pas très dur. En revanche, une fois devant mon plan de travail et mes ingrédients je mesurais la quantité de travail qu'il allait falloir que j'accomplisse en si peu de temps mais je commençais tout de suite en m'étirant les bras le plus fort possible. A nous deux.
J-58. Echec.
J-57. Echec.
J-56. Echec.
J-55. Echec.
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