LE PREMIER SECRÉTAIRE

La demeure de style néo colonial était dissimulée au milieu d'un parc que le Premier Secrétaire avait pris soin de garnir de nombreux arbres majestueux. Les résidences voisines étaient invisibles depuis les nombreuses fenêtres, sauf au second étage. Plus de 700 mètres carrés habitables, et il vivait pourtant seul. On ne lui avait jamais prêté de relations amoureuses, ni aucun ami. Le Premier Secrétaire connaissait beaucoup de monde pourtant, il ne semblait proche de personne. Ses rares employés de maison avaient la charge de maintenir le lieu propre, ainsi que le parc impeccable mais, dès que 17 heures sonnait, ils rentraient chez eux et laissaient le vieil homme se débrouiller seul, sans le moindre service.

L'intérieur de la bâtisse n'aurait pas convenu à tout le monde. Il fallait apprécier le style épuré. Peu de meubles, tous fabriqués dans des matériaux nobles. Les tapis étaient monochromes et très épais. Il y avait peu de bibelots. Tous étaient d'un goût exquis et pour la plupart, très anciens. Le Premier Secrétaire n'avait jamais convié un expert à se rendre chez lui et pour cause, ce dernier n'aurait pas manqué de remarquer le caractère unique de certaines œuvres d'art. Au-dessus de la cheminée du petit salon, par exemple, un Aspis avait été accroché par un employé loin de se douter que le bouclier avait appartenu à Périclès lui-même. Dans le bureau attenant au petit-salon, le vieil homme écoutait les explications du Commandeur Spengler. Il s'était composé un visage impassible mais présentement, cela lui demandait des efforts pour ne pas montrer son irritation.

De l'autre côté de l'écran, le Commandeur faisait en rapport dans une tenue qui aurait pu être interprétée comme un laisser-aller s'il n'avait pas montré un imposant bandage à la cuisse.

– ... J'ai bien compris la situation, Commandeur Spengler. C'est très fâcheux. Je ne vous cacherai pas que je suis déçu de la manière dont vous avez appréhendé l'Hostile 24.

– Je suis désolé, Monsieur. Je n'ai pas d'excuses sur cet échec. Cependant, tout n'est pas perdu. Nous savons que l'Hostile 24 réside dans une autre cité du sud de la France. Bordeaux, en bordure de l'Atlantique.

– Très bien. Évitez d'impliquer qui que ce soit, la police du pays ou d'autres organismes. Dès que vous avez besoin d'un soutien, la Fondation vous le fournira. Notre guerre ne doit jamais être exposée à l'immensité des Aveugles.

– Faites-moi confiance à ce sujet, je ne répéterai pas la même imprudence.

– Bien. Ne décevez pas une seconde fois la confiance que j'ai placée en vous. Votre mission est prioritaire. Je dirais même plus, elle est supérieure à toutes celles que vous avez déjà remplies pour la Fondation.

– J'en ai bien conscience. Nous prendrons la route à la fin de mon rapport, Monsieur. Il ne devrait pas être chez lui, mais j'espère trouver des failles exploitables dans sa demeure.

– Bonne idée Commandeur. Et usez de discrétion, cette fois. Je ne veux pas de nouveaux mitraillages publics.

– Il va de soi que je vais changer mon approche, Monsieur. Nous avons également les adresses de la famille de l'Hostile 24. Son grand frère est notaire, dans une bourgade proche de Bordeaux. Et il a aussi une sœur plus âgée résidant à Paris, qui travaille dans le marketing.

– Je fais confiance à votre expertise pour vous servir de ces informations et retrouver la jeune sorcière. Mais soyez discret, que nos activités de traque restent invisibles.

Le Commandeur s'inclina et salua son supérieur. Le Premier Secrétaire éteignit son ordinateur. Il étira son long corps squelettique. Il était agacé, certes, mais pas abattu. Toute cette affaire stupide aurait pu être d'ores et déjà terminée si Spengler avait usé de plus de discernement. Cependant, l'expérience lui avait démontré que rien ne se passait jamais sans quelques détours et complications. Telle était la vie.

Il n'y avait pas de quoi s'inquiéter.

Un détail cependant, ne lui plaisait pas. Cet Hostile 24 lui paraissait un peu trop dégourdi, même pour un Éveillé. Le Premier Secrétaire avait déjà croisé ce genre d'individu retors et déterminé. Tous ces marginaux avaient un point commun : ils étaient pilotés par un sorcier qui les manipulait dans l'ombre. Le vieil homme porta la tasse de thé à sa bouche puis décida qu'il n'avait pas soif.

Le problème, c'était ce sorcier qui tirait les ficelles et aidait l'Hostile 24. Caché dans l'ombre, c'est lui qui l'avait envoyé à la recherche de la jeune monstruosité.

Pris d'une subite inspiration, le Premier Secrétaire attrapa son téléphone et envoya un SMS à son chauffeur. Il avait une idée et, pour cela, il devait se rendre au centre de détention de la Fondation situé non loin de Washington. Le vieil homme se dirigea vers une étagère intégrée. Il en sortit une petite valise en cuir. Il l'ouvrit. Deux magnifiques stylets en argent, effilées et aiguisés comme des rasoirs, ainsi qu'une pince de dentiste datant du XIXeme siècle, reposaient dans un écrin de velours rouge. Le Premier Secrétaire rajouta plusieurs paires de gants en latex et referma l'élégante valise. Il avait quelques questions à poser à l'Hostile 11. Un Sorcier européen qu'il détenait en cellule depuis six mois. Ce dernier aurait peut-être quelques informations à propos de celui ou celle qui manœuvrait l'Hostile 24 en coulisse.


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Notes de l'auteur :

L'Histoire avance, j'espère qu'elle va dans un sens qui vous plait ! Les Instances sont innombrables, et d'une diversité que seule l'imagination de leurs créateurs limitent... Il y en a des simples, et des  complexes. Un peu à l'image des Sorciers, en fait.

Sinon je suppose que vous vous demandez comment vont être les premiers contacts entre Margot et Lucy ? C'est au prochain chapitre^^


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