Chapitre 31 - Sur la plage

Ses mains glissaient sur la peau de lait constellée de taches de rousseur de sa patronne. De son amie. De... il ne savait plus trop qui. Margot avait détaché les bretelles du haut de son maillot. Gregor lui massait le dos afin que la crème pénètre bien. Il ne pouvait s'empêcher de remarquer combien elle était douce, ni de regarder ses seins qui s'étalaient légèrement sur la serviette.

– Passe bien partout. Je crains le soleil, moi. Je n'ai pas envie de cramer.

– A tes ordres.

Ses mains continuaient d'étaler la crème consciencieusement. Elles tremblèrent un peu lorsqu'il s'attarda sur le creux de ses reins. Margot restait calme. Elle ne réagissait pas. Le chasseur de primes lui massait le bas de son dos, tout en réalisant qu'il avait négligé les côtés. Après tout, les ordres de Margot avaient été clairs : bien partout.

Les mains de Gregor glissèrent sur les côtes pour bien imprégner la crème, ainsi que la partie visible de sa poitrine.

Tori Amos retentit dans le sac en crochet de Margot. Son téléphone vibrait.

La sorcière se redressa et se pressa de répondre. Elle n'avait pas donné ce nouveau numéro à grand monde. C'était forcément important. Gregor s'essuya les mains et partit se rafraichir dans l'eau. Sauvé par la sonnerie, se dit-il, plus ému qu'il ne se l'avouait, et vaguement honteux de ces jeux adolescents.

– Hello Meg, je te dérange pas j'espère ?

– Pas du tout Christophe. Que me vaut l'honneur ? Tu as bien reçu le colis, le mois dernier ?

– Oui, il fonctionne à merveille. Cela a changé ma manière d'appréhender le tissage.

– Bien. Je te l'avais dit. La pratique est importante, mais il y a l'aspect technique, aussi.

A l'autre bout du fil, le vieux sorcier béarnais se racla la gorge. C'était un homme simple, apiculteur, qui n'utilisait que rarement son don et menait une existence somme toute normale.

– Non, je ne t'appelle pas pour ça.

Face au silence attentif de Margot, l'apiculteur rassembla ses idées et expliqua les raisons de son appel.

– Tu sais, moi, la sorcellerie, je n'en fais pas mon affaire. Si j'entends des choses je les garde pour moi. Je m'occupe de mon miel, de mes filles, je vais voir les copains, et ça me suffit. Je ne cherche pas les histoires.

– Je sais bien, répondit la sorcière, qui voulait l'encourager sans pour autant le brusquer. Tu es la discrétion même.

– Va savoir pourquoi, les gens aiment bien se confier à moi. Ils savent que je reste muet comme une tombe, pardi ! Sans le vouloir, je suis au courant de pas mal de choses. Je ne fais rien pour, tu notes bien.

– C'est pas ton genre, acquiesça Margot, qui faisait des efforts pour ne pas laisser transparaître son impatience.

– Voilà, c'est pas mon genre. Je m'occupe de mes affaires.

– Oui.

– C'est pour ça que lorsque Moussa, le sorcier qui habite Pau, et qui vient m'acheter du miel quatre fois l'an, m'a parlé des enquêtes actuelles de la Fondation, j'aurais fermé ma bouche, comme d'habitude, et je n'en aurais parlé à personne.

La sorcière se tortilla sur sa serviette. Mais putain, il allait accoucher ?!

– Je te comprends. Moi-même, je n'aime pas les commérages.

– Voilà, on se comprend. Mais quand Sybille, tu sais, celle qui habite à la frontière espagnole, elle a une maison d'hôtes. Elle a eu des problèmes d'ailleurs cet été avec des touristes, une horreur ! Bref, elle m'a parlé d'instances qui étaient systématiquement fouillées par la Fondation, et qu'ils se renseignaient sur l'une d'entre nous, j'ai commencé à tiquer. Et quand j'ai su qu'il s'agissait d'une femme aux cheveux plus roux qu'une feuille à la fin de l'automne, et qui serait originaire de Bordeaux, j'ai pensé à toi.

Le cœur de Margot s'accéléra. Elle jeta machinalement un regard autour d'elle. Personne ne lui semblait suspect parmi les baigneurs, à part peut-être ce type qui lui reluquait la poitrine qu'elle n'avait pas eu le temps de couvrir.

– Sybille t'a dit quoi de plus ?

– Pas grand-chose. Juste que la Fondation te recherche. Après, nous avons discuté des perturbations magiques que nous ressentons depuis trois semaines. Il se passe quelque chose, c'est certain. Tu es liée à tout ça ? C'est pour ça qu'ils te traquent ?

– Non, tu penses bien ! répondit trop rapidement Margot. Moi aussi, j'ai ressenti des perturbations du flux magique vers Montpellier, puis de Bordeaux, comme tout le monde. J'ai envoyé un gars pour voir ce qu'il se passait mais je n'ai rien trouvé.

– C'est étrange tout ça... Fais bien attention à toi, Meg. Ils te recherchent. Si la Fondation te retrouve, tu es perdue. Fais profil bas. Je ne t'invite pas à venir chez moi, mais je te suggère de rester la plus éloignée possible des failles, et surtout de ne rien tisser. Il parait que la Fondation est capable de remonter jusqu'à nous avec les failles, qu'ils voient comme une signature à nos créations.

– C'est de la connerie, tout ça, si tu me permets d'être grossière. Merci Christophe. Je vais me faire toute petite, en effet. Je ne viendrais pas te voir avant que tout ne se soit tassé, promis !

– Tu es où, en ce moment, le son est mauvais. Il y a beaucoup de vent, on dirait ?

– Je me ressource en Écosse, mentit Margot. Au grand air et pas trop chaud !

– Ah, tu as bien raison. Il parait que c'est beau, là-bas. Moi, je n'aime pas voyager, mais si je partais quelque part, je pense que j'irais en Écosse aussi. Ou en Irlande, c'est presque pareil. Mais avec mes ruches, tu sais bien que ce n'est pas possible, surtout à cette saison...

– Exact ! le coupa Margot. Christophe tu es un ange. Merci de m'avoir prévenu. Je vais être encore plus prudente que d'habitude. Je ne quitterais pas mon Airbnb de Saint Andrews. Je te fais mille bises, je dois raccrocher !

Elle coupa la communication, honteuse de son procédé. Christophe ne la trahirait jamais. Qui sait néanmoins ce qu'il dirait s'il tombait entre les mains des agents de la Fondation ? On racontait des choses terribles sur leurs méthodes d'interrogatoire. Elle ne regrettait pas de lui avoir donné son numéro car tout le monde se confiait à l'apiculteur. Margot avait espéré que ses antennes pyrénéennes lui ramènent quelques informations, et elle avait eu raison. La communauté des sorciers s'inquiétaient de ces perturbations magiques et de l'activité de la Fondation. Elle devait être encore plus vigilante qu'à l'accoutumée. Il pouvait venir à l'idée de certains d'entre eux de trahir afin d'obtenir l'assurance qu'ils ne seraient pas pourchassés.

Margot se promit de venir visiter le vieil apiculteur. D'abord, son miel était excellent. Ensuite, elle était nostalgique des belles balades en sa compagnie, et des soirées à discuter tissage à la lumière chaude de la cheminée.

Gregor nageait un crawl énergique au-delà de la masse des baigneurs. Il avait besoin de se dépenser. Une fois l'orage passé, lorsqu'ils seraient revenus à la normale, il prendrait ses distances avec Margot. Il l'appréciait. Beaucoup, même. Pourtant, il détestait sa propre attitude servile vis-à-vis d'elle. Ce n'était pas son caractère de quémander quoi que ce soit. Il avait passé l'âge d'être le jouet d'une femme qui, par certains côtés, se foutait de lui. Quand tout serait terminé, il changerait de cap. D'accord pour faire un peu de business avec Margot, bien sûr. De temps en temps. Mais finies les gamineries.

Le chasseur de primes retourna sur la plage, fort de sa conviction nouvelle. Il s'essuyait avec énergie, en silence.

– Ça va ? Tu fais une drôle de tête.

– Oui, impeccable. Je réfléchissais.

– Ah, mince ! Et le résultat de tes réflexions ?

– Je pense toujours que nous devrions tendre un piège aux deux américains de la Fondation. Une fois débarrassés d'eux, nous aurions un peu de temps. La Fondation cesserait peut-être de nous classer en haut de la liste. De toute façon, nous ne sommes rien pour eux.

– Oui, je sais. C'est Lucy qui les intéresse.

Gregor enfila son t-shirt et rassembla ses affaires. Surprise de son empressement, Margot l'imita. Depuis qu'elle avait raccroché au nez de ce pauvre Christophe, elle réfléchissait à sa vie. Devait-elle rester sur l'Instance-Terre, et rester en danger ? Elle y était attachée, elle y avait beaucoup d'excellents souvenirs. Elle se demandait également ce qu'elle ressentait pour Gregor. Elle essayait de s'imaginer avec lui d'une autre manière que maintenant. L'idée lui plaisait de plus en plus.

– Nous devons la retrouver, dit-elle en boutonnant sa robe d'été. Je reste persuadée qu'elle est vivante. Retrouvons Lucy, et nous réglerons par la même occasion le cas de ces américains.



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Notes de l'auteur :

J'aime les histoires qui s'attachent à la "petite histoire" à côté de la grande, et qui montrent que les héros sont au centre de ce récit... mais que chacun vit, comme cet apiculteur, son propre récit dont il est le héros. Bref, chapitre où l'action n'est pas débridée mais qui vous apprend quelques petites choses.

Prochain chapitre intitulé "Stase" mettant en vedette Lucy, plus spéciale que jamais. Je pense le publier en fin de cette semaine. (je tiens le rythme !)

Merci pour vos étoiles et vos commentaires^^


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