Chapitre 12 - La flaque de sang

Gregor avait trouvé un distributeur de boissons. Il ramena triomphalement 3 canettes glacées. Yimito dit quelque chose dans sa langue, stupéfait et ravi de ce prodige terrien. Il but avec délectation son Sprite. Gregor observait le lieu avec circonspection. Il n'aimait pas cette zone commerciale pourrie, désertée à cause de la canicule. Il n'y avait nulle part où s'enfuir, nulle part où se cacher. Par réflexe, il glissa son sac à dos contre son ventre et l'ouvrit. Le Sig Sauer à portée de main, il respirait déjà un peu mieux. Lucy dut ressentir sa tension car elle-même observait à droite et à gauche. Elle ne s'était jamais sentie aussi sale de sa vie. Son débardeur avait l'air de sortir d'une poubelle. Le chasseur de primes avait du mal à contenir sa nervosité, et celle-ci était contagieuse.

– Il y a un souci ?

Gregor marmonna. Il venait d'apercevoir la voiture de Fouad pénétrer sur le parking. Il ne comprit qu'au dernier moment qu'il y avait un gros problème.

Fouad ne souriait pas. Et son ami avait toujours le sourire facile. A l'arrière de la voiture, il y avait quelqu'un. Pas tranquillement installé, non, assis juste derrière le siège du conducteur, dans une position pas du tout naturelle.

– Oui, on dirait bien...

Yimito n'eut pas besoin de comprendre. Il jeta sa canette au sol et vint se poster juste devant Lucy. Fouad avait coupé le contact et sortit, raide comme un piquet. Une jeune femme sortit à sa suite. Une jolie métisse habillée en treillis noir et avec un teeshirt près du corps, le genre mercenaire. Une seconde voiture s'était garée, mais Gregor était focalisé sur son ami et la femme derrière lui.

– Salut, Fouad ? demanda-t-il.

– Gregor, je... je suis désolé.

La jeune femme se plaqua derrière Fouad. Un monstrueux poignard apparut contre le cou du Voyant musicien.

– Ils savaient que tu me joindrais. Je... je ne sais pas comment.

Un type super baraqué, lui aussi militaire, se rapprocha d'eux. Gregor avait pris son pistolet, pour l'instant collé contre sa cuisse.

– N'approchez pas. Nous sommes armés.

La grosse baraque sourit, les yeux cachés derrière des Ray-Ban aviateur. Il répondit dans un français impeccable, avec l'accent yankee.

– Nous aussi, nous sommes armés, monsieur Von Pfaehler. Donnez-nous la fille, et je vous laisse partir.

– Et si je refuse ?

– Vous n'êtes pas en position de refuser. Au moindre mouvement de votre part, nous éliminons votre ami.

La lame crantée du poignard militaire imprimait une légère pression sur le cou du bassiste. Fouad avait les yeux dans le lointain. Passée la panique, il semblait dans un état second. Gregor arma son pistolet et le pointa sur le balaise. Ce dernier en avait sorti un, lui aussi, et il le dirigea dans leur direction.

– Allons monsieur Von Pfaehler, vous n'avez pas envie d'un bain de sang.

– Qu'est-ce que vous allez lui faire si je vous la confie ?

– Rien de méchant. Lucy est dangereuse pour elle-même et pour les autres. Six personnes sont ont disparu dans cette maison. Nous voulons juste nous assurer qu'elle ne fera plus de mal ni pour elle, ni pour les autres.

Lucy voulut avancer, mais Yimito lui barrait le passage, bien décidé à la protéger de son corps. Horrifiée d'apprendre que des gens avaient disparu par sa faute, elle espérait que les autorités trouveraient une solution. Elle voulait redevenir normale.

– Ne bouge pas, marmonna Gregor entre ses dents.

Le pistolet toujours pointé sur Musclor, il avait le regard des mauvais jours. Il ne croyait pas un mot de ce que pouvait dire ce type. Lucy serait tuée, forcément.

– Vous racontez de la merde. On sait comment vous les traitez, les sorciers.

– Et pourtant...

– Laissez partir Fouad, si vous êtes si sympas.

– Impossible. La fille, monsieur Von Pfaehler.

Gregor hésitait. Il n'avait pas envie de déclencher un Ok. Corral sur le parking de Gemo. Il y aurait de la casse, forcément. Il baissa lentement son arme. L'homme esquissa un sourire. Gregor comprit. Il releva son arme. Il tira en même temps que l'Américain. Les deux coups de feu claquèrent dans la zone commerciale. Aux infos du soir, de nombreux témoins déclarèrent les avoir entendus.

Surpris d'être indemne, Gregor bondit sur le côté. Il visa encore le tas de muscle en tir réflexe. En face, ça vidait aussi son chargeur. Lucy poussa un hurlement déchirant. En face de lui, Fouad s'effondra comme un pantin désarticulé. Des gerbes de sang éclaboussaient son torse en dessous de la plaie béante de son cou. Un coin dans le cerveau de Gregor enregistra l'horreur de la situation. Pourtant, le chasseur de primes continua sa danse mortelle. Il eut le plaisir de voir Musclor un genou à terre, probablement touché. Sans un regard pour ses propres troupes derrière son dos, Gregor se précipita sur la jeune femme. Celle-ci se mit en position de défense mais il la prit de vitesse et la frappa avec Sig Sauer, façon coup de poing américain. Il entendit le métal cogner fort sur l'os du crane. La fille s'écroula, inconsciente.

Gregor piétinait dans le sang de son ami. Il visait l'homme blessé, qui le visait lui aussi.

– C'est terminé ordure, on se barre !

L'Américain ne bougeait pas. Un rictus de colère déformait son visage taillé à la serpe. Il avait sous-estimé le Voyant. Et pas qu'un peu...

Lucy pleurait. Elle soutenait Yimiko dont la tunique au niveau de l'abdomen n'était plus qu'un magma sanguinolent. Ils marchèrent jusqu'au niveau du chasseur de primes.

– Montez dans la voiture, dit-il, sans quitter des yeux l'homme. Vite !

– Et ton ami ?

– On ne peut plus rien pour lui.

L'Américain l'observait, mais il n'esquissa pas le moindre mouvement. Déjà plusieurs personnes étaient sorties des magasins. Aucune n'était assez folle pour se rapprocher. Gregor et l'homme baissèrent lentement leurs armes en même temps. Le chasseur de primes marcha à reculons jusqu'à la voiture. L'autre se dirigea vers sa coéquipière qui recommençait à bouger.

Gregor mit de suite les gaz. Les pneus de la voiture crissèrent sur le bitume. Il avait craint que Monsieur Muscle ne tente quelque chose, mais il devait lui aussi quitter les lieux avant l'arrivée des flics. Il sortit du parking et roula le plus vite possible jusqu'à un rond-point, ou il reprit une allure non suspecte. Les yeux rougis par la colère, il essayait de contenir son émotion. Il avait besoin de toutes ses facultés. Jamais il ne s'était senti à ce point coupable. Lui, sans la moindre égratignure. Et son pote égorgé sur ce parking de merde, par sa faute.

Le désespoir de Lucy sur la banquette arrière le ramena à la réalité.

– Il continue de pisser le sang !

– Appuie sur sa plaie pour faire compression.

– Il va mourir ?

La jeune fille craquait complètement. Il la voyait s'agiter dans le rétroviseur. Ses yeux bleus clairs étaient écarquillés. Du sang lui maculait le visage. Pauvre petite. Il avait tellement merdé, cette fois. Jamais cela ne devait se passer comme ça !

– J'en sais rien. Peut-être. Il est conscient ?

– Oui... Je crois. Il me regarde.

Ce fut un véritable miracle. Aucun flic ne les arrêta. Après s'être perdu dans la circulation, Gregor reconnut un grand axe routier et retourna à l'endroit où il avait laissé sa Volvo. Il se gara devant un garage, juste à côté. Il porta le guerrier extra-terrien sur la banquette arrière de sa propre voiture. Pendant ce temps, Lucy embarqua leurs affaires. En moins d'une minute ils roulaient sur la rocade montpelliéraine, à l'abri des vitres teintées du SUV.

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Notes de l'auteur :

C'est triste pour Fouad, mais je ne suis pas responsable de la sauvagerie de la Fondation. Si ce "premier sang" vous attriste, je suis au regret de vous signaler que la Fondation ne compte pas en rester là. Ce n'est pas le genre du Premier Secrétaire. Il a des comptes à rendre aux 3 dirigeants du sinistre organisme...

En tous cas, merci pour votre soutien et votre lecture, la suite arrive très vite ! (et oui oui, tout plein d'étoiles et de commentaires, ya que ça d'vrai !!!^^)

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