𝟑𝟖 : Stay Here

Felix
Le reste de la soirée s'était plutôt bien déroulé, et j'eus l'occasion de découvrir une toute autre facette de la personnalité de Wonwoo. Finalement, j'avais eu raison de suivre mon intuition qui m'avait susurré de lui pardonner. J'avais pu constater qu'il était amoureux de Vernon, et pas qu'un peu. Les deux tourtereaux n'avaient pas cessé de se dévisager en se souriant béatement.

Nous nous étions tous réunis au salon, et Jisung et Hyunjin avaient raconté leur histoire depuis le commencement. Seungmin et Minho avaient ponctué leurs propos saugrenus de leurs touches personnelles de commentaires indécents, ce qui avait fait rire l'assemblée. Wonwoo avait l'air de s'être bien intégré, ce qui m'avait rendu un peu envieux. Je ne m'étais pas autant lié d'amitié avec les amis de Changbin, il me fallait beaucoup plus de temps pour m'ouvrir à eux.

Minho n'avait pas cessé de me dévisager avec insistance, ce qui avait fini par me rendre mal à l'aise. Je m'étais éminemment réprimandé d'avoir ouvert la bouche, j'avais eu l'impression d'être une bête de foire. J'avais pertinemment su que je me devais de leur révéler la vérité, mais j'avais eu bien trop peur de leurs réactions.

La frayeur était mon plus grand problème.

J'avais échangé des regards furtifs avec Changbin. Le sien luisait de douceur, comme s'il ne voulait me forcer en rien. J'avais eu la claire impression qu'il me couvait de tendresse. C'était la première fois que je voyais quelqu'un avoir ce regard-là envers moi, et ça ne me laissait pas indifférent.

Pour finir, j'avais ouvert la bouche et prononcé quelques mots. Ils avaient tous cessé d'un seul coup leurs discussions pour me dévisager comme si j'étais une toute nouvelle personne. Chan avait semblait être le plus interloqué, probablement parce qu'il avait écouté l'enregistrement. Minho, bien qu'il m'ait déjà entendu, avait à nouveau été désarçonné. Wonwoo et Changbin avaient, quant à eux, semblé admiratifs.

Mais admiratifs de quoi, exactement ? De ma décision ? De ma voix ?

Je détestais susciter autant de curiosité, attirer l'attention sur ma personne. C'était insoutenable, mais je leur devais bien la vérité.

Après ça, tout le monde s'était confortablement installé sur le canapé ou sur les fauteuils, et avait allumé la télévision. Les couples s'étaient roulés quelques pelles et câlinés pendant tout le film.

Mais je n'y avais pas prêté une grande attention.

Je me souvenais juste du souffle chaud de Changbin sur mon visage et sa voix effleurant doucement mon épiderme.

— Je suis fier de toi, Lix.

Il m'avait ensuite adressé un de ses fameux sourires charmeurs. J'avais instantanément senti mon cœur chavirer et faire des montagnes russes.

Vers deux heures du matin, tout le monde s'était finalement retiré chez eux. La maison ne renfermait désormais plus que Changbin, Chan, Jeongin et moi. L'Australien me scrutait toujours comme si j'avais commis un acte illégal, et son petit ami dut le frapper pour qu'il cesse et qu'il lui donne de l'attention.

Nous étions ensuite tous partis nous coucher.

Cela faisait bientôt deux heures que je me morfondais dans mon lit et que je songeais à Changbin.

Je ne savais pas quoi faire.

Il m'aimait, je l'aimais, et j'avais confiance en lui. Cela semblait simple, n'est-ce pas ?

Mais pourtant, cela ne l'était pas. Je ne pouvais tout bonnement pas. La crainte était beaucoup trop présente, et elle ne cessait de prendre de l'ampleur.

Elle avait désormais atteint un seuil beaucoup trop exacerbé.

Mon âme était ravagée par la frayeur de ne pas être à la hauteur des attentes de Changbin. Je savais pertinemment que je ne le méritais pas.

Et lui savait pourtant que j'étais immonde.

Pourquoi donc persistait-il à vouloir de ma présence néfaste à ses côtés ? Pourquoi s'éternisait-il à croire qu'il m'aimait plus qu'en amitié ?

Je ne l'accusais en aucun cas de mentir, je craignais simplement qu'il se trompe quant à ses prétendus sentiments à mon égard.

Je n'oubliais pas que personne ne pourrait réellement m'aimer, et encore moins Changbin.

Mais surtout, je craignais de le décevoir. Et quoi qu'il arrive, j'allais le décevoir.

J'exhalai un soupir, essayant d'oublier l'appréhension qui m'oppressait les tripes. Je ne parvenais pas à m'endormir, je ne cessais de me retourner dans mes draps de lin. J'écoutais la respiration profonde du noiraud à mes côtés, et cela me lénifia. Un peu.

Je ne cessais de cogiter à son propos. Songer à lui m'apaisait, me rendait niais, mais me brisait également. Mes sentiments pour lui étaient trop profonds, trop fougueux, d'une puissance sans pareil. Changbin disait m'aimer, et cela me rendait infiniment heureux. Mais la petite voix me disait que ce n'était pas réel, et toute l'allégresse que j'avais difficilement amoncelée se désagrégeait alors.

J'étais coincé dans un cercle vicieux probablement réduit à être éternel, et moi, je me résignais à souffrir moralement.

Depuis que Changbin avait débarqué dans ma vie, il n'y avait quasiment plus de douleurs physiques, plus de coups. Sa seule présence avait suffi pour que mes harceleurs me laissent tranquille.

Mais la souffrance psychologique, elle, était toujours bel et bien présente, et c'était pire que tout.

En réalité, je ne cherchais pas à m'échapper de ce cercle. Au fond de moi, j'étais certain que c'était tout ce dont je méritais.

Je méritais de souffrir et je ne méritais pas l'amour que me portait Changbin.

J'étais complètement éreinté, et finalement, mes paupières se fermèrent d'elles-mêmes. Je parvins enfin à m'endormir.

Mais mon subconscient ne comptait apparemment pas me laisser en paix.

Non... laissez-moi...

Douleur.
Sang.

C'était trop... cela ne s'arrêtera jamais...

Souffrance.
Peine.

C'est tout ce dont tu mérites...

Résignation.
Larmes.

Tu mérites de mourir !

Je poussai un cri déchirant en me redressant brusquement sur mon lit. Mon souffle était saccadé, je cherchais désespérément de l'air. Oppressé par l'obscurité, je me mis à tâtonner aux alentours, en quête de lumière.

Elle s'alluma alors brusquement dans la pièce. C'était Changbin, assis en tailleur sur son matelas, qui venait d'appuyer sur le bouton de sa lampe de chevet.

— Lixie ? Oh putain, ça va ? Tu trembles !

Effectivement, mon corps était spasmodique.

À cause d'un réflexe que j'avais acquis, je ne répondis pas, avant que je ne me souvienne que je lui avais déjà révélé la vérité.

Il l'avait extrêmement bien pris, et cela m'avait plongé dans l'ébahissement. Mais j'avais toujours l'impression de le surprendre à chaque fois que j'ouvrais la bouche, ce qui me faisait me sentir honteux.

Je haïssais ma voix.

— Lix, réponds-moi, insista mon vis-à-vis.

— Je... j'ai fait un cauchemar.

Changbin se recoucha alors dans son lit sans piper mot, et je m'apprêtai à faire de même.

— Viens-là, murmura-t-il doucement.

Je le scrutai avec surprise, tandis qu'il ouvrait ses bras, m'invitant à le rejoindre. Un peu hésitant, je m'approchai, et le noiraud me saisit la main et me tira, jusqu'à ce que je me couche à ses côtés.

Changbin enroula ses bras autour de ma taille, et je me lovai contre son torse. Il huma ma chevelure et y entremêla doucement ses doigts. Lorsque je le sentis soudainement y déposer de doux baisers, je frémis sous l'amour qu'il me portait.

— Tu sens bon...

Je déglutis et cherchai à dissimuler mes pommettes qui avaient sans doute pris une teinte cramoisie au vue de la chaleur qu'elles diffusaient.

Mon vis-à-vis s'esclaffa. Il posa ses mains dans ma nuque et les glissa ensuite dans mon dos en lentes et tendres caresses qui me lénifièrent. Je me laissai aller dans son étreinte apaisante, me décontractant enfin.

Mais un doute subsistait en moi.

— Changbin ? murmurai-je.

— Hmm...

— Ça ne te d-dérange pas ?

— De quoi ?

— Ça ne te dérange pas de dormir dans le même lit qu'un garçon ? Ça ne te dérange pas de... d'être amoureux d'un garçon ?

Mon interlocuteur ne me répondit pas, et la boule dans ma gorge s'accentua. Il finit par pouffer doucement et par m'ébouriffer les cheveux.

— Qu'est-ce que c'est que ces questions ?

— J-Je n'en sais rien... c'était juste pour s-savoir.

— Pour être honnête... avant que tu ne l'évoques, ça ne m'avait même pas effleuré l'esprit, avoua Changbin.

Il resta un instant silencieux, puis renchérit :

— Je veux dire... j'aime ta présence, j'aime t'avoir près de moi, alors pourquoi se poser autant de questions ? Je fais ce qui me plaît. Et ça me plaît de dormir avec toi, Felix. Que tu sois un garçon, ou non.

Inconsciemment, un doux sourire fleurit sur mes lèvres.

— Pourquoi tout le monde ne pense pas comme toi ?

— Parce que justement, ils pensent. Je ne réfléchis pas, et c'est mieux ainsi. Maintenant, dors. Il est déjà tard. On reprendra cette discussion demain, si tu veux.

À peine Changbin avait-il terminé sa phrase que je sombrai dans un profond sommeil sans rêves.

Lorsque j'ouvris les paupières, toujours blotti contre le torse musclé du noiraud, le soleil était déjà bien haut dans le ciel. J'avais beaucoup dormi pour une fois, et ce, probablement grâce à la présence apaisante de mon Hyung.

Celui-ci me caressait les cheveux avec douceur, faisant courir d'agréables frissons sur ma peau.

— T'es réveillé ? s'enquit-il tout à coup.

Je m'agitai légèrement en guise de réponse. Je n'avais pas envie de bouger, mais Changbin n'était apparemment pas de cet avis. Il me força à me retourner pour me retrouver face à lui.

— Réponds-moi.

Ma bouche se déforma en une grimace. Cela restait toujours difficile pour moi.

— Je veux entendre ta voix, renchérit le noiraud en me prenant délicatement les mains.

— Hmm, oui.

Un sourire éclatant vint fendre ses lèvres.

— Wow, elle est encore plus rauque que d'habitude !

Je détournai le regard, un peu honteux, et mon Hyung déposa un chaste baiser sur mon front, me laissant abasourdi.

— Allez, lève-toi.

J'obtempérai, mais m'arrêtai en remarquant que Changbin me dévisageait en souriant niaisement.

— En tout cas, c'est vrai ce que tu m'avais dit.

— D-De quoi ?

— Tu ressembles à un chat.

Je crus m'étouffer, et m'empressai de dissimuler mes joues de mes mains.

— Arrête ça, Lixie, sinon je vais vraiment finir par te sauter dessus tellement t'es adorable.

Je pris une profonde inspiration et me rendis dans la salle de bain pour me changer. Lorsque j'en ressortis, Changbin me fixait avec un drôle d'air. Il n'arrêtait pas de tourner la tête de côté, comme s'il cherchait à apercevoir mon dos.

— Qu'est-ce que tu fais ? m'enquis-je.

— Je vérifie que t'as pas d'ailes, répondit distraitement mon vis-à-vis.

— Hein ?

— T'es trop parfait pour être humain. Je suis sûr que t'es un ange.

Je me figeai, interloqué.

Changbin s'esclaffa et m'attira contre lui. Son cœur battait extrêmement vite contre le mien, sa fragrance venait chatouiller mes narines, sa chaleur corporelle m'enveloppait dans une sorte de cocon protecteur. Je me sentais bien, comme... protégé.

— Lix...

— Hmm ?

— Promets-moi que tu ne cacheras plus jamais ta voix à quiconque. Elle est vraiment belle, et que tu n'as aucune raison d'en avoir honte. Ces connards étaient juste jaloux.

— D'accord...

Mon vis-à-vis se détacha de moi et m'observa un instant. Il posa délicatement ses mains de part et d'autre de mon visage, me faisant frémir. Il caressa un instant mes pommettes de ses pouces, avant de dériver vers ma bouche, qu'il effleura du bout des doigts. Il plongea ses prunelles sombres dans les miennes, et, malgré leur noirceur, elles semblaient plus bienfaisantes et compassionnelles que n'importe lesquelles. Changbin semblait chercher quelque chose dans les méandres de mon regard, peut-être une étincelle de joie qui lui prouverait que j'allais réellement bien, peut-être mon approbation.

Le noiraud pencha légèrement sa tête de côté, et s'approcha de mon visage jusqu'à ce que je ressente son souffle chaud venir se mêler au mien qui s'était fait plus court. À quelques centimètres à peine de ma bouche, il s'arrêta net. Je bouillonnais d'impatience. Je le voulais, lui contre moi. Et pour une fois, mes pensées caustiques ne pipèrent mot.

Ma propre main vint se glisser jusque dans la nuque de Changbin pour maintenir sa proximité avec moi. Il en resta pantois, mais un sourire timide s'empara aussitôt de ses lèvres charnues. Lèvres sur lesquelles j'avais focalisé toute mon attention. D'un geste lent, il franchit finalement l'écart et déposa délicatement sa bouche sur la mienne.

Aussitôt, il mut ses lèvres contre les miennes, et j'y répondis maladroitement. Nos gestes étaient doux et emplis d'un amour sincère. Je plaçai ma deuxième main sur sa hanche, tandis qu'il approfondissait notre baiser. Il était devenu plus fougueux, il exprimait notre passion, notre désir. Il était presque désespéré, comme si nous savions tous les deux que beaucoup de choses nous séparaient. Mais notre attirance l'un pour l'autre était devenue évidente et impossible à réfréner.

Nous nous détachâmes un instant et Changbin souffla :

— S'il te plaît, Lix. Fais-moi l'honneur de devenir mon copain.

Est-ce que j'en avais envie ? Oui, absolument. Est-ce que j'en avais les droits ? Non, évidemment.

— Allez Felix, accepte, lança une voix. Il est vraiment amoureux, ce con. Regarde-le, si ça ce n'est pas de l'amour, je ne sais pas ce que c'est.

Je me retournai et aperçus Chan sur le pas de la porte, le dos nonchalamment appuyé contre le mur.

— Vous êtes mignons, tous les deux.

Le noiraud ouvrit la bouche, mais l'Australien le coupa.

— Non, ne dis rien, c'est mieux. J'ai compris, je me casse.

Changbin poussa un soupir et me sourit. Lorsque son regard croisa le mien, il changea immédiatement, devenant d'un seul coup pétillant et tendre.

« Adorable. »

Un sourire s'était épris de mes lèvres. J'opinai, approuvant avec la voix.

Pour une fois, à l'instar du noiraud, je ne réfléchis pas. Les mots que je voulais tant prononcer fusèrent d'eux-mêmes de ma bouche.

— J-Je veux bien être ton copain, Binnie.

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