𝟐𝟕 : We Must Love

Seungmin
Je courais.

Je courais pour faire de la lumière dans mon esprit enténébré.

Mon cœur battait à tout rompre sous l'effet de ma course effrénée, mais aussi à cause de ce qu'il venait de se passer.

J'étais allé chez Hyunjin, pour le rassurer sur son problème. Mais rien ne s'était passé comme je l'avais imaginé. Oh non.

Bonjour, madame.

Bonjour, Seungmin ! Tu viens voir Hyunjin ?

Oui.

Il... est malade.

Je sais, madame, c'est pourquoi je suis là.

La mère de Hyunjin en fut désarçonnée.

Tu sais ?

Je hochai affirmativement la tête. Elle semblait mécontente de l'apprendre, mais força néanmoins un sourire sur son visage crispé.

Je vais faire des courses. Occupe-toi bien de Hyunjin, s'il te plaît.

Bien sûr.

Avec son accord, j'entrai dans la maison. Des dizaines de cartons s'étalant partout, je dus faire très attention où je marchais.

Je toquai à la chambre de mon meilleur ami.

Hyunjin, ouvre. C'est moi.

Pas question ! C'est trop gênant...

Sérieux, je t'ai déjà vu plein de fois avec cette apparence. Ouvre.

C'est déjà ouvert, du con.

J'appuyai sur la poignée, et entrai. Hyunjin-fille était assis sur son lit, la tête entre les mains.

Ça va ? demandai-je en prenant place à ses côtés.

Est-ce que ça à l'air d'aller, à ton avis ?

Je poussai un soupir.

Écoute, j'essaie juste de te réconforter.

J'en ai trop marre de ce don de merde ! C'est qu'une malédiction !

Nickel, ça faisait à peine cinq minutes que j'avais posé les pieds ici et Hyunjin était déjà insupportable. Oh que j'avais hâte qu'il redevienne normal.

Dis... est-ce que t'as déjà essayé de te transformer par toi-même ?

Bien sûr que non !

Bah qu'est-ce que t'attends ?

Quoi ?! Mais je...

C'est ton pouvoir, donc théoriquement, tu devrais pouvoir le contrôler.

Comme tu dis, « théoriquement ».

Qu'est-ce que t'as à perdre ?

Rien, mais je ne sais pas comment m'y prendre.

Essaie quelque chose, n'importe quoi.

Tu ne m'aides pas là, maugréa Hyunjin.

Ok, je vais tenter un truc. Ferme les yeux.

T'es sérieux là ?

Ferme les yeux, je te dis ! m'impatientai-je.

Hyunjin s'installa face à moi et ferma les paupières, tout en se lamentant sur son mauvais sort.

Imagine-toi dans ton corps habituel. Maintenant, ordonne à toi-même que tu veux revêtir cette apparence.

Ça marchera jamais, ton truc, bougonna le plus âgé.

Tu veux redevenir normal, ou non ? Alors tais-toi, et fais ce que je te dis.

Mon vis-à-vis inspira profondément. Je le regardai faire, fasciné par son aspect féminin. Il me donnait presque envie de...

Merde.

« Seungmin, sérieux... c'est ton meilleur ami. Tu ne vas quand même pas te laisser séduire par lui ? » me sermonnai-je intérieurement.

L'expiration forte de Hyunjin s'échouait sur ma peau, provoquant des frissons incontrôlables sur mon épiderme.

Oh non, ça n'allait pas du tout.

Ça ne marche pas, lâcha mon aîné.

Il ouvrit les paupières, et nos regards se croisèrent.

Je secouai la tête, m'empêchant de songer à la suite des évènements. C'était bien trop embarrassant.

En ce moment, je voulais seulement avoir le pouvoir de remonter dans le temps, pour ne jamais avoir posé les pieds chez Hyunjin. Oui, rien de tout cela n'aurait dû arriver.

Je n'aurais jamais dû envoyer un message à mon meilleur ami ce matin.

Je n'aurais jamais dû aller chez lui.

Et surtout, je n'aurais jamais dû l'embrasser.

Je ne parvenais pas à réaliser ce que j'avais entrepris de faire. Je peinais à comprendre pourquoi.

Pourquoi j'avais embrassé Hyunjin, un garçon.

L'apercevoir en femme m'avait chamboulé. Cela avait été plus fort que moi, j'avais aussitôt été submergé par une envie de toucher ses lèvres des miennes.

Je ne comprenais pas comment j'avais pu avoir envie d'embrasser un homme.

Le pire dans tout ça, c'était sans doute que j'avais apprécié ce baiser.

J'avais apprécié d'embrasser Hyunjin, un garçon.

Je ne comprenais pas. Ce n'était pas normal, plus rien n'allait.

Je courais toujours, pour oublier. Oublier cette action ignoble que j'avais commise, oublier que j'avais apprécié, oublier que mon meilleur ami avait répondu au baiser, tout oublier.

« Oh bordel, mais qu'est-ce qui m'a pris de faire ça ?! »

Hyunjin
Seungmin était parti sans un mot, me laissant seul dans ma chambre. J'avais repris ma forme normale pendant notre échange, mais je ne parvenais plus à m'en sentir soulagé.

J'avais fait une immense erreur en répondant au baiser de mon meilleur ami. Il s'était laissé enjôler par mon apparence féminine, mais je n'avais pas pu m'en empêcher, même si je savais que ce n'était pas mon véritable corps, et que visiblement, Seungmin ne m'aimait pas, en réalité.

Contrairement à moi.

Je venais de comprendre ce que signifiaient ces sensations étranges lorsque j'étais proche de mon meilleur ami, pourquoi j'aimais autant sa présence, pourquoi lorsqu'il n'était pas là je me sentais vide, pourquoi je détestais le voir proche de quelqu'un d'autre.

J'étais amoureux.

Mais lui pas, apparemment. Et m'avoir donné ce faux espoir me faisait mal, très mal. C'était pour cela que je l'avais laissé s'en aller sans tenter de le retenir. Qu'il parte loin de moi était la meilleure solution.

Il y avait quelque chose de différent dans les yeux sombres de Seungmin. Un éclat qui me faisait peur, mais également, qui m'excitait.

Ses prunelles scrutaient désormais le bas de mon visage.

Oh... intéressant...

Je passai lentement ma langue sur mes lèvres, les humectant, guettant sa réaction.

L'effet fut immédiat. Il se rapprocha de moi et m'embrassa avec ardeur.

Je le savais, je n'aurais jamais dû faire ça vis-à-vis de mon meilleur ami. Mais je n'arrivais plus à réfléchir.

Dès qu'il se mit à mouvoir doucement ses lèvres, une étrange chaleur s'éprit de mon corps. Chaleur dont je connaissais bien la nature. J'étais en train de me transformer.

Mais quelque chose clochait. Je ne ressentais aucune douleur. Rien du tout, omis les lèvres de Seungmin contre les miennes et cette douce chaleur qui m'enveloppait.

J'avais instinctivement commencé à répondre au baiser, les mains de mon meilleur ami s'étaient cadenassées sur ma nuque.

Mon cerveau était en ébullition. Que devrais-je bien faire ? Répondre à son baiser pour le moins agréable, ou le repousser pour éviter qu'il ne regrette par la suite ?

Je devais arrêter. Mais... mon envie prit le dessus. Surtout lorsque mon vis-à-vis enroula ses jambes autour de mes hanches.

Je crois que ce mouvement fut le déclic. Il me repoussa brusquement, se rendant compte de qui j'étais.

Nos respirations étaient saccadées. Un silence gênant envahit la pièce, Seungmin me dévisageait avec horreur. Il ne cessait de s'essuyer la bouche en frottant vigoureusement, un air dégoûté sur le visage.

Honteusement, je me surpris à en désirer plus.

Je me levai, enfilai une veste et sortis de chez moi en claquant la porte. J'avais besoin d'air, j'étouffais dans cette maison.

J'étais fatigué de la vie que je menais... mes erreurs, mes amis qui me délaissaient, ma souffrance, ma mère de plus en plus absente, j'étais à nouveau seul avec mes problèmes.

C'était infiniment lassant.

Je pris la direction de la vieille usine abandonnée, prêt à tout pour penser à autre chose. Mais c'était comme si le mauvais sort s'acharnait sur moi.

Ma tristesse, ma culpabilité, ma haine, cette combinaison fit surgir en moi cette chaleur si familière, si méprisante.

Je hâtai le pas pour rejoindre une ruelle déserte, mais je n'eus pas le temps d'aller plus loin. La douleur me foudroya et mes jambes me lâchèrent. Je me retins au mur pour ne pas m'effondrer et plaqua une main sur ma bouche pour étouffer les gémissements, les sanglots, les cris.

Mes yeux se remplirent de larmes qui refusaient de couler, mes genoux ployèrent sous un poids qu'ils ne parvenaient plus à supporter, les aiguilles revinrent, par milliers, toujours aussi fangeuses, toujours aussi meurtrières.

J'étais prêt à me laisser aller, pour la première fois depuis mes quatorze ans. Je n'avais plus rien à perdre, alors peut-être que cette fois-ci...

Seungmin m'avait dit que j'étais de taille à maîtriser mon pouvoir. Alors, que se passerait-il si je lui demandais de forcer les choses ?

Je pris une profonde inspiration, puis essayai de faire doubler ma douleur. J'imaginais mon don en longs rubans d'énergie, rongeant mon corps de l'intérieur, dévorant ma chair et ma vie.

Et cela semblait fonctionner.

D'innombrables gouttes de liquide vermeil s'échouèrent sur l'asphalte. Elles perlaient de mon nez, mais pas seulement. J'avais fait éclater les petits et faibles vaisseaux sanguins.

Mes ongles étaient écarlates.

Les larmes sur mes joues étaient incarnates et poisseuses.

Mes oreilles étaient ensanglantées, obstruant les conduits auditifs.

Je fus pris d'une violente quinte de toux, ma bouche s'emplissant d'un fluide âcre et visqueux.

Le sang ruisselait de mon être et de mon âme, éclaboussant le goudron de quelques gouttes de ma sève carminée.

Encore un petit effort, et il jaillira de partout ailleurs.

C'était douloureux, affreusement douloureux, beaucoup plus que tout ce que j'avais vécu dans ma vie. Mais cela en valait la peine, parce que j'avais la conviction profonde que ce serait la dernière fois que je vivrais cela.

Cette dernière pensée me faisait maintenir la cadence, ordonnant inlassablement à mon don de tout désagréger, de ronger mes nerfs et mes veines, de saper mon énergie vitale.

C'était mon pouvoir, et je le contrôlais de mon plein chef. Mais pour une fois, je ne souhaitais pas que cela cesse, bien au contraire.

Je voulais que cela poursuive. Encore, et jusqu'à la fin.

Fin qui ne devrait pas tarder au vu des convulsions qui s'emparaient de mes muscles, de mes mains spasmodiques, et de la flaque de sang qui s'était formée à mes pieds.

— Excusez-moi mademoiselle, vous allez bien ?

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