𝟐𝟓 : Give Me More

Minho
Je lâchai un soupir en croisant mes bras avec désinvolture.

Mon cerveau allait exploser. Heureusement que c'était enfin la pause. En rangeant mes affaires, je jetai un œil à Jisung derrière moi, toujours en train d'écrire. Il ne s'arrêtait donc jamais, ou quoi ?

Soudain, son visage à moitié dissimulé fut déformé par une grimace. Il chiffonna la feuille sur laquelle il écrivait, se leva et alla jeter la boulette à la poubelle, avant de quitter la salle.

Non, bien sûr que non, je n'allais pas en profiter.

Vite, je me précipitai vers la poubelle et en ressortis la boulette de papier. Je portai l'objet de ma convoitise à la hauteur de mes yeux, un sourire triomphant aux lèvres. J'allais enfin pouvoir découvrir ce qu'était l'exutoire de Jisung pendant les cours.

Je déballai la feuille chiffonnée couverte d'une écriture étonnement soignée avec empressement, mais je fis néanmoins très attention de ne pas la déchirer. C'était mon trésor, désormais.

Au fur et à mesure que mes yeux parcouraient les lignes de la feuille, la stupéfaction m'envahit.

Il écrivait des... chansons ?

There's nothing for me
Nobody really cares about me
No worries for me
Just stone cold
« Give up on your nonsense dreams »
Their words on giving up hit my ears, my despair only gets bigger
Covering the sky called hope with the hands of the people beside me

Mais... pourquoi donc Jisung avait-il voulu jeter un chef-d'œuvre pareil ?

Je courus le plus vite que je pus, mais une fois dans le couloir, je le perdis de vue. Sérieusement, comment faisait-il pour détaler aussi vite ? Je commençais à me demander s'il n'avait pas des super-pouvoirs.

Je passai le bâtiment au peigne fin, sans succès. Je questionnai des élèves, mais aucun d'entre eux n'avaient vu « le-gars-bizarre-et-glauque-au-fond-de-la-classe-qui-porte-un-bob ». Je cherchai à l'extérieur, et finis enfin par tomber sur Jisung, assis sur son muret habituel.

Je m'avançai vers lui, veillant à ne faire aucun bruit pour pouvoir le surprendre, mais il se tourna d'un seul coup vers moi. Il se détendit en me reconnaissant, et se crispa à nouveau en apercevant la feuille que je tenais à la main.

Je m'assis à ses côtés, et Jisung exhala un petit soupir renfrogné.

— Pourquoi t'as jeté ça ? m'enquis-je, brisant le silence qui s'était installé entre nous.

— Parce que c'est de la merde, voilà pourquoi.

— Mais pas du tout ! C'est hyper bien écrit !

— Tu te fous de ma gueule, c'est ça ?

— Non ! Je suis sérieux.

— N'importe quoi, maugréa-t-il.

— Donc t'écris des chansons ? demandai-je.

— Nan c'est une liste de course. Mais bien sûr que oui, tu veux que ça soit quoi d'autre ?!

J'éclatai de rire. Je levai rapidement ma main et retirai le bob de ses cheveux sombres teintés de violet. Ils avaient l'air soyeux, aussi je ne pus m'empêcher de les toucher. Jisung grommela de mécontentement et détourna la tête. Je gardai une main dans sa chevelure et caressai lentement.

— Maintenant, tu m'expliques, exigeai-je.

— T'es vraiment un fouineur.

— Allez, dis-moi, s'il te plaît !

— Ça va ! J'écris juste des chansons et j'aime rapper et chanter, rien de spécial.

— C'est trop cool ! m'exaltai-je.

— C'est bon maintenant ? Tu peux enlever ta main de ma tête ?

— Nan.

— Pourquoi ?

— C'est tout doux.

Jisung poussa un soupir et se laissa faire, à mon plus grand plaisir. Avec l'intention de revoir ses iris particuliers, je plaçai ma deuxième main sous son menton pour le forcer à me dévisager. Je plantai mes prunelles dans les siennes, orangées. Il les cligna plusieurs fois sous la surprise, avant qu'ils ne deviennent finalement anthracite.

— Ils changent de couleur selon tes émotions, compris-je finalement.

Mon vis-à-vis chercha à se détourner de moi, mais je plaquai ma main sur sa nuque pour l'en empêcher. Nous étions relativement proches désormais, et les iris de mon ami avaient pris une teinte rosacée.

« Orange représente la surprise, gris l'agacement, et rose l'embarras », conclus-je alors.

Notre proximité semblait rendre Jisung gêné, alors je m'écartai de lui à contrecœur. Je ne voulais surtout pas qu'il se sente mal par ma faute.

Je décidai de changer de sujet.

— Tu me fais une démo ? demandai-je.

— De quoi ?

Sa voix était plus faible qu'auparavant.

— Bah de ton rap et de ton chant !

Jisung se tourna vers moi, ses yeux couleur aurore exorbités.

— Q-Quoi ? Pas question ! refusa-t-il.

— Si tu rappes et chantes aussi bien que t'écris des textes, je veux ab-so-lu-ment entendre ça !

— T'es chiant.

— Je sais. Mais c'est ça qui fait tout mon charme.

Mon interlocuteur grommela des choses incompréhensibles, cela ne sonnait pas coréen du tout.

— Tu fais exprès de changer de langue pour pouvoir m'insulter sans que je comprenne, c'est ça ?

— J'ai parfaitement le droit de parler Malais si ça me chante, bougonna-t-il.

— En parlant de chant, fais-moi une démo.

— Je t'ai dit que t'étais chiant, Minho.

— Je t'ai dit que ça faisait tout mon charme, Jisung.

J'attendais, tandis que lui prenait une profonde inspiration, jouant avec ses nombreuses bagues. La voix qui franchit ensuite ses lèvres était beaucoup plus douce et ensorcelante que de coutume, me pétrifiant d'ahurissement.

Jisung se mit à chanter, les sons qu'il émettait se disséminant dans l'air en myriade d'émotions différentes. Il insufflait dans sa voix une once d'affliction qui m'envoûtait, qui me rendait mélancolique. Je découvris une toute autre facette de sa personnalité, celle qu'il dissimulait sous une épaisse couche d'impassibilité, celle qui était indécelable mais qu'il ne pouvait empêcher de laisser paraître lors de son chant.

Ensuite, il se mit à rapper. Sa voix changea à nouveau du tout au tout, prenant un ton plus agressif. Il accéléra, alignant les mots avec une vitesse stupéfiante, sans en écorcher un seul. La confiance qui émanait de son être était incroyable, il était si charismatique qu'il m'intimidait, m'attirait.

Mes sentiments pour lui avaient atteint leur paroxysme.

Les paroles de sa chanson étaient aussi belles que celles qu'il avait voulu jeter, emplies de mélancolie. Cette morosité me rendait fragile, je ne pus m'empêcher de laisser échapper quelques larmes.

Lorsque Jisung s'en aperçut, il cessa son rap et me dévisagea d'un air alarmé. Ses prunelles avaient pris une teinte jaune citron.

— Arrête de me regarder comme ça, lâcha-t-il. Je sais bien que c'est de la merde.

Je m'étouffai et me mis à tousser. J'étais complètement éberlué par sa prestation, et lui osait me sortir une chose pareille ? Où donc était passée sa confiance ?

— Tu rigoles ? C'était magnifique, Sung !

C'était à son tour de me fixer d'un air hébété.

— Vraiment ?

— Bah oui, puisque je te le dis !

Ses iris prirent une teinte vert émeraude alors qu'un sourire timide éclata sur ses lèvres.

Mais... il était beaucoup trop mignon !

— Merci, murmura Jisung. Il y a eu qu'une seule autre personne dans ma vie qui me complimentait de la sorte...

Mon allégresse s'éteignit aussitôt. Il me rendait terriblement triste... Qu'avait-il donc vécu comme atrocité pour être aussi hermétique et impénétrable ?

— Qui ça ? me risquai-je à demander.

Il y eut un instant de silence.

— Ma mère.

Sa voix trémulait, son regard devint céruléen et se perdit à l'horizon.

Je me mis à culpabiliser. Je ne voulais surtout pas lui faire rappeler quelques sombres souvenirs traumatisants.

— Elle... n'est plus là maintenant, chuchota Jisung.

Une larme silencieuse glissa le long de sa joue rebondie.

— Elle est morte par ma faute...

Mon cœur se brisa en mille morceaux, et j'emprisonnai mon ami dans une étreinte que je voulais réconfortante.

— Ça va aller, murmurai-je doucement. Je suis là pour toi désormais, Sung.

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