𝟏𝟗 : Getting Closer
Jisung
Oh non, pitié, pas encore. Épargnez-moi cette épr...
— Jisung ! Il y a quelqu'un à la porte qui t'attend !
Et merde.
Ce gamin était un vrai forcené. Il voulait vraiment me voir au point de venir à l'orphelinat un vendredi matin à six heures.
Il m'exaspérait à un point que je n'aurais même pas osé imaginer. Ce gars, Minho, m'avait collé toute la semaine. Malgré tous mes efforts pour me montrer désagréable, il revenait tous les matins, inexorablement. Il me raccompagnait à l'orphelinat tous les jours. J'avais espéré qu'il s'en aille, après tout, j'étais particulièrement ennuyeux, mais à la place, c'est lui qui me contrariait. Il était insupportable.
Et le voilà de retour, à m'attendre devant l'entrée de l'orphelinat. Bien que je n'en aille aucune envie, je n'avais pas le choix, je devais y aller.
Je passai une dernière fois ma main dans ma chevelure de jais pour lui donner un semblant de forme, avant de mettre mon bob. J'inspirai profondément pour me calmer et ouvris précautionneusement la porte.
— Salut ! lança allègrement le gamin.
Un énorme sourire constamment plaqué aux lèvres, des yeux sombres pétillant de joie, des boucles de jais encadrant un visage poupin, on aurait vraiment dit un petit garçon innocent.
Alors que je me mettais en route, marchant le plus rapidement possible, il recommença à parler. Oh que non, cette fois-ci, je n'allais pas m'énerver.
Je ne devais en aucun cas m'irriter, car sinon, je...
— Oh ! Je te cause !
— Quoi ? rétorquai-je sèchement.
— Tu viens à la fête demain ?
Une fête. Je n'avais même pas de vie sociale, et lui, il demandait si je venais à une fête. La bonne blague.
Je ricanai amèrement.
— Même pas en rêve.
— Allez, tu peux bien venir !
— Et pourquoi ?
— Tu fous rien de tes week-ends !
— Qu'est-ce que t'en sais ?
— J'en sais rien, simple supposition.
— C'est vraiment débile.
— Bon en tout cas, j'y serai, si tu changes d'avis.
Aller à une fête, jamais. Rester avec Minho, encore moins. Alors aller à une fête avec Minho ? On ne pouvait pas faire pire.
— Non.
— C'est un « non » catégorique, ou un « non » du genre, « ça dépend, j'irai si je suis de bonne humeur, s'il fait beau mais pas trop chaud, si mon voisin de chambre éteint sa lampe à bulle, s'il y a du poulet, si l'humidité ne frise pas mes cheveux, et s'il y a moins de cent quarante-six personnes » ?
— Putain, mais t'es vraiment insupportable !
— Bah quoi, je demande, on est jamais trop prud...
— Je ne viendrai pas, point final.
— Ok, ok... si tu le dis. Je paris que tu vas quand même venir.
— Mais tu vas la fermer, oui ?!
— Désolé.
Je poussai un soupir de soulagement. Plus Minho parlait, pire c'était.
— Et sinon, c'est quoi tes passions ?
Je crois que j'allais l'étrangler. Je me battais presque contre moi-même pour m'empêcher de faire du mal à cette créature si pure à mes côtés, avec son splendide sourire.
— Alors ? s'impatienta Minho.
— Si tu tiens à ta vie, alors ferme-la, lâchai-je.
Il me jeta un regard amusé.
— Tiens, je ne l'avais jamais entendue, celle-là !
— Je suis sérieux.
Son sourire s'élargit.
— T'y vas jusqu'au bout, en plus !
— Putain, mais va-t'en ! Tu ne comprends donc pas ? Plus tu restes, plus je...
— Tu quoi ?
Ma respiration était affreusement saccadée, je me retenais de lui sauter à la gorge. La sensation que je ressentais, bien que grisante, était douloureuse. Cela s'apparentait à une brûlure me déchirant l'esprit, à mon cerveau reptilien qui prenait le dessus sur le reste, qui me disait de lâcher prise. D'ailleurs, pourquoi pas ? Ça ne ferait qu'une victime de plus. Mais pour une raison que j'ignorais, je ne parvenais pas à m'y résoudre. Je ne voulais pas faire de mal à Minho.
Je serrai les dents pour ne pas répondre au gamin. Il ne savait pas ce qu'il faisait, pas que s'il continuait de forcer, j'allais finir par le blesser, ou peut-être même pire.
L'unique façon de m'en empêcher, c'était l'impassibilité. Je devais me calmer, ne pas m'agacer face à son comportement dérisoire et enfantin.
Je passai ma main sur mes doigts, avant de me rendre compte d'un vide. Ma bague. Je l'avais oubliée, stupide comme j'étais. Pas étonnant que j'aie autant de mal à me maîtriser.
Je fouillai alors dans ma poche et la sortis, avant de la placer à mon auriculaire gauche. L'améthyste brilla d'une faible lueur, et aussitôt, un calme serein m'envahit.
J'exhalai un soupir de soulagement.
— C'est quoi cette bague ? demanda Minho.
— Mais fous-moi la paix, putain !
— Tu ne me réponds jamais ! Moi, tout ce que je veux, c'est en savoir plus sur toi.
— Et pourquoi ?
Ses joues se colorèrent de cramoisi.
— Tu m'intrigues.
Je soufflai d'exaspération.
— Trouve quelqu'un d'autre à interroger.
— C'est pas possible. T'es déjà le mec le plus mystérieux de l'école.
En parlant de ça, nous étions arrivés au lycée. Je pris place sur le muret habituel, mais je n'eus pas le loisir d'écrire, ce gamin m'en empêchait depuis mardi.
— Tu peux écrire, si tu veux. Je ne te dérangerai pas.
— Comme tu sais que...?
— T'es facile à cerner. 'Fin, seulement pour ça.
Je secouai la tête. Si j'ouvrais mon carnet, Minho allait regarder pour sûr. J'étais même certain qu'il n'attendait que ça. Mais je n'allais pas lui donner ce plaisir.
— T'écris quoi, d'ailleurs ?
— C'est pas tes affaires. Fourre ton nez chez quelqu'un d'autre. Si tu t'attendais à de la sympathie de ma part, tu vas être déçu. Je suis loin d'être gentil, je suis un gros connard.
— C'est faux.
— Arrête de raconter n'importe quoi, et barre-toi.
— C'est la vérité. Je te trouve très sympa, juste un peu coincé du cul.
— T'es vraiment aveugle à ce point ? Je suis horrible. Arrête de vouloir t'attacher à quelqu'un comme moi.
Une expression désapprobatrice sur le visage, Minho s'approcha de moi jusqu'à ce que nos souffles s'entremêlent. Mon cœur se mit à battre plus fort.
— Ça, murmura-t-il, c'est ce que tu veux faire croire. Mais je sais que ce n'est pas la vérité. Je découvrirai qui tu es vraiment, Jisung.
Je crus m'étouffer avec ma salive.
— Comment tu connais mon prénom ?
J'étais réellement abasourdi.
Minho éclata d'un rire vibrant de pureté, avant de s'écarter de moi.
— J'en sais plus que tu sembles le croire.
— Tu ne vas pas lâcher l'affaire, hein ? soupirai-je.
— Non, assura-t-il. Fais-moi plaisir. Laisse-moi devenir ton ami.
Je me figeai. Je n'avais jamais considéré Minho en tant que tel, c'était juste un fouineur un peu plus curieux que les autres. En fait, je n'avais jamais eu de véritable ami auparavant. Mais s'il refusait de partir, j'allais devoir me le coltiner pour sûr.
Je soupirai. J'allais accepter sa présence, pour l'instant.
— D'accord, me résignai-je. Mais évite de me pousser à bout.
— Pourquoi ?
— Crois-moi, c'est mieux que tu ne le saches pas. Ni même... que tu voies ça.
— Qu'est-ce que tu veux dire ?
Je triturai nerveusement mes doigts, jouant avec mes nombreuses bagues.
— J'en conclus que ça signifie « ferme ta gueule, je ne veux pas en parler » ? s'enquit Minho.
L'esquisse d'un sourire se dessina sur mes lèvres.
— Tu apprends vite.
— Je te connais bien. Après tout, je suis ton ami.
— Sérieusement, qu'est-ce que tu veux ?
Il y avait sûrement un truc qui clochait. Ce n'était pas possible que Minho ne dissimule pas d'autres intentions derrière ses actes.
L'éclat qui brillait dans les prunelles du noiraud était différent de ce que j'avais pu voir dans d'autres regards. Il esquissa un étrange rictus et se passa la langue sur les lèvres pour les humecter. Il s'approcha à nouveau de moi et me susurra à l'oreille :
— Je te veux, toi.
✵
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top