𝟏𝟐 : Scream

Hyunjin
Un frisson irrépressible courut soudainement le long de mon échine.

Je savais ce que cela signifiait.

J'eus à peine le temps de demander au professeur l'autorisation d'aller à l'infirmerie qu'une douleur lancinante me transperça. Le goût amer du fiel mêlé à celui du vomi remonta alors dans ma bouche.

Je m'éclipsai de la salle de classe, titubai jusqu'aux toilettes, et ouvris brusquement la porte. Je m'enfermai alors dans la cabine la plus éloignée et m'effondrai lourdement sur le sol, avant de m'adosser contre le mur. Je plaçai ma capuche de façon à recouvrir ma chevelure et mon visage, puis plaçai ma tête entre mes jambes, et remontai celles-ci contre ma poitrine.

Il était temps. Je commençai à ressentir d'atroces douleurs dans les membres et dans les extrémités. Même si j'avais déjà affreusement mal, je savais que le pire était encore à venir.

Ma conscience s'embruma, et bientôt je perdis contact avec le monde extérieur. Tout ce que je pouvais ressentir, c'était la souffrance, omniprésente dans mon corps, dans mon esprit.

Mon âme s'embrasa. Je brûlais d'un feu sans chaleur, d'un feu sans réconfort. C'était un brasier purement dévastateur, néfaste pour toutes créatures vivantes.

J'avais longtemps espéré que cet incendie me serait fatal. Mais à chaque fois, au moment où j'avais l'impression de sombrer, la douleur s'estompait, comme si elle était animée d'une conscience perverse.

Comme si elle voulait me faire souffrir jusqu'à ce que je ne puisse plus le supporter, juste avant que je ne pousse mon dernier soupir.

D'un coup, j'entendis distinctement une voix m'appeler. J'avais l'impression de la connaître, mais néanmoins, j'étais bien trop enténébré pour mettre le doigt sur un nom. Je savais cependant que je ne devais laisser personne entrer dans cette cabine. Il était absolument exclu que quiconque ne me voie.

Je rassemblai le peu d'énergie qui sommeillait toujours en moi pour prononcer quelques paroles.

— Putain, laissez-moi tranquille !

Je ne saurais pas dire si je venais de murmurer ou de hurler.

Soudain, la douleur remonta jusqu'à mes hanches. Un cri voulut franchir la barrière de mes lèvres, mais je l'étouffai rageusement. Des larmes salées se mirent à couler le long de mes joues, malgré tous mes efforts pour les réprimer. Je respirais désormais par brusques à-coups, l'air pénétrait mon corps avec toutes les difficultés du monde.

Quelqu'un se mit à marteler contre la porte, me provoquant d'horribles maux de tête.

— Qu'est-ce que t'as ? Laisse-moi entrer !

— Allez-vous-en !

La douleur me labourait désormais la poitrine, la sillonnant de part et d'autre avec violence.

Enfin, j'entendis la personne partir. Personne ne devait être témoin de ce qui allait suivre.

J'inspirai profondément et fermai les paupières, attendant mon supplice en silence.

Cela arriva d'un seul coup. La souffrance explosa en moi en millions de fines aiguilles, transperçant mes cellules une par une.

J'avais l'impression de me faire poignarder à maintes reprises de façon récurrente et éternelle.

J'avais l'impression de saigner de l'intérieur, d'avoir des hémorragies internes partout, jusque dans la moindre parcelle de mes tissus.

J'avais l'impression que mes os se faisaient trancher en lamelles, qu'ils se réduisaient en bouillie, qu'ils se désagrégeaient en miettes.

J'avais l'impression de muer tel un serpent, que mon épiderme tombait en poussière avant d'être remplacée par une autre.

J'avais l'impression que tous mes nerfs se déconnectaient, que mes vaisseaux sanguins se déchiraient.

J'avais l'impression qu'on me sapait chaque once de mon énergie vitale, que mon âme se faisait ravager par une conscience malveillante.

Le goût cuivré du sang avait maintenant envahi ma bouche, rejoignant celui, âcre, de la bile, semant ainsi une sensation âpre au travers de ma gorge. Mon estomac se retourna, j'avais envie de vomir, bien que je n'aie rien ingurgité.

Je voulais mourir, mais je savais pertinemment que la douleur ne se dissiperait qu'au moment où je serais vraiment à bout, à moitié mort, foudroyé par cette torture.

Je ne pouvais qu'espérer que, cette fois-ci, elle finisse véritablement par me tuer.

Seungmin
— Monsieur ? Est-ce que je peux aller à l'infirmerie, s'il vous plaît ? Je ne me sens pas très bien...

La voix de Hyunjin se brisa sèchement. Je me retournai pour le dévisager et, effectivement, il avait l'air très mal en point. Ses mains tremblaient et sa peau avait considérablement blêmi.

Il n'attendit pas la réponse du professeur. Il se leva et se précipita à la porte sous les yeux intrigués des autres élèves.

J'étais profondément anxieux. Ce n'était pas la première fois que cela lui arrivait, et je savais qu'il n'était jamais allé se soigner.

Lorsque j'avais cherché à m'enquérir au sujet de l'état de Hwang Hyunjin auprès de l'infirmière, elle m'avait répondu qu'elle ne le connaissait ni d'Adam ni d'Ève.

Je croisai le regard anxieux de Chan. Vas-y, articula-t-il silencieusement. J'opinai du chef.

— Monsieur, est-ce que je peux aller aux toilettes ? demandai-je avec empressement.

— À quoi tu joues ? siffla Minho à mes côtés.

— Hmm, me répondit vaguement l'enseignant, le nez collé à l'écran de son ordinateur.

Je me demandais bien ce qui pouvait l'obnubiler autant. Mais qu'importe, je devais me dépêcher.

Je sortis de la classe et me mis à courir dans le couloir pour rattraper Hyunjin. Je le vis alors entrer à la hâte aux toilettes. L'infirmerie, hein ?

Je le suivis et j'eus juste le temps de le voir s'enfermer dans la dernière cabine, avant que la porte ne claque et se ferme à clé.

— Hyunjin ? appelai-je.

— Putain, laissez-moi tranquille !

Il n'eut pas l'air de me reconnaître. Sa respiration devint rapidement hachée, et la panique pointa en moi.

Le noiraud sembla alors retenir un cri. Puis, je l'entendis sangloter presque imperceptiblement. Je tambourinai furieusement contre la porte.

— Qu'est-ce que t'as ? Laisse-moi entrer !

— Allez-vous-en !

Sa voix était de plus en plus faible, je l'entendais gémir de douleur. Comment pouvais-je bien entrer s'il me l'interdisait ?

Oh mais... il se trouvait dans la dernière cabine. Ce qui signifiait...

Je sortis des toilettes. Peut-être bien que Hyunjin ne voulait pas que j'entre, mais visiblement, il souffrait. C'était mon meilleur ami, je n'allais certainement pas le laisser dans un état pareil.

Je m'aventurai dans le couloir menant à la sortie. Je supposais qu'il n'avait pas réfléchi lorsqu'il était entré dans la dernière cabine, il avait juste pris la plus éloignée de l'entrée.

Il s'agissait d'une grave erreur de sa part, mais d'un véritable coup de chance pour moi.

Je débouchai finalement dans la cour d'école. J'espérais juste que le professeur ne tournerait pas la tête en direction des vitres, sinon j'étais grillé.

Je courus en direction des toilettes en rasant le mur. Enfin, je la trouvai : la fenêtre qui servait d'aération. Et bingo, elle était légèrement entrouverte. Il me suffisait seulement de la pousser un peu plus pour que je puisse m'y faufiler.

En m'y approchant, je pus distinctement entendre des sanglots étouffés émaner de l'intérieur.

Que lui arrivait-il ? Et surtout, pourquoi ne m'avait-il rien dit ? J'étais pourtant son meilleur ami !

Je ne pouvais malheureusement rien voir, étant donné que le verre était teinté.

Je poussai la fenêtre avec appréhension, et pénétrai à l'intérieur de la pièce.

La vision qui s'offrit alors à moi me brisa le cœur. Hyunjin était recroquevillé sur lui-même, agité de violents soubresauts.

Je me précipitai vers lui, ne sachant que faire.

— Hyunjin ! m'écriai-je. Hyung, qu'est-ce qui se passe ?

Hyunjin sursauta lorsque je posai mes mains sur ses épaules. Il ne me répondit pas, se tassant encore plus contre le mur. Lorsque je voulus enlever sa capuche, il plaqua ses mains dessus pour m'en empêcher.

Soudain, il se redressa brusquement, et cracha dans les toilettes. Je vis avec effroi un liquide visqueux et écarlate se répandre à l'eau de la cuvette.

Du sang.

— Hyunjin ! Putain Hyunjin, réponds-moi !

J'avais tellement peur, le stress me faisait trembler presque autant que lui. Pourquoi ne me disait-il rien ?!

Quelque chose de froid et d'humide coula sur mes joues. Mon meilleur ami souffrait, et j'étais dans l'incapacité d'arranger son état.

— Seungmin...

Je redressai vivement la tête, mais je ne parvenais pas à être content qu'il m'ait reconnu. Sa voix sonnait bizarrement, elle était trop aiguë.

— Seungmin... ne me regarde pas, chuchota-t-il.

— Q-Quoi ?!

— S'il te plaît...

Hyunjin
Ce fut au moment où j'entendis le fracas d'une fenêtre s'ouvrant que je commençai à m'affoler. Je l'avais complètement oubliée, mais apparemment pas cette personne, qui semblait s'acharner à vouloir entrer.

J'entendis une voix qui me sembla lointaine, mais je ne parvenais pas à comprendre quoi que ce soit. Mes oreilles bourdonnaient, les sons autour de moi étaient vagues.

Quelqu'un s'agrippa à mes épaules, mais je n'eus pas la force de le repousser. Je me contentai de m'accroupir un peu plus, et d'espérer que cette personne finirait réellement par s'en aller.

Elle tenta d'ôter ma capuche, et je lui saisis brusquement les poignets pour la retenir. Puis soudain, je me rendis compte de quelque chose.

Et si elle appelait une ambulance ? Il fallait que je l'en empêche, il fallait que... J'eus brusquement un haut-le-cœur. Je crachai du sang, ne faisant pas attention à l'endroit où cela atterrit. Je déglutis péniblement, et, du revers de la main, m'essuyai la bouche. Elle était affreusement pâteuse.

— Hyunjin ! Putain Hyunjin, réponds-moi !

Brusquement, je reconnus clairement cette voix, pour l'avoir entendue tellement souvent. Elle était nasale et rassurante, elle chantait énormément.

— Seungmin...

Je savais que je n'aurais pas dû parler, car mon timbre s'était déjà modifié. Mais je n'en pouvais plus de me cacher. Tant pis, je n'avais pas la force de songer aux conséquences.

Simplement, je ne voulais pas qu'il me voie. J'étais monstrueux, je le savais, mais si je devais l'entendre de la bouche de mon meilleur ami, cela me briserait.

— Seungmin... ne me regarde pas, le suppliai-je.

— Q-Quoi ?!

— S'il te plaît...

En sentant mes cheveux s'allonger, je tirai un peu plus sur ma capuche, en espérant que cela suffise pour éviter que Seungmin ne m'aperçoive.

Je n'arrivais pas à ouvrir les yeux, j'étais enrobé de ténèbres et de souffrance. Et lorsque la douleur se propagea finalement à ma tête, j'eus l'impression de mourir.

Enfin non. La mort serait sûrement beaucoup moins douloureuse.

Je ne pus empêcher à un cri de franchir la barrière de mes lèvres lorsque les aiguilles s'attaquèrent soudainement à mon visage. Je sentis mes traits devenir plus fins à mesure qu'elles le transformaient, ciselant inlassablement chaque bribe de ma peau.

L'entité fielleuse s'abreuvait de mon âme comme à une source, la rendant plus... délicate.

Au moment où je crus que j'allais m'évanouir, je sentis Seungmin m'étreindre de toutes ses forces. Actuellement, il était la seule chose qui me permettait de me raccrocher à la réalité, qui m'évitait de m'enliser dans ma souffrance.

Il était la seule chose qui me lénifiait.

— Merci...

Seungmin
Désespéré, je finis par le prendre dans mes bras. Peut-être que cela pourrait l'aider à se sentir mieux.

Je ne comprenais pas ce qui lui prenait. Était-il atteint d'une maladie incurable ?

Je savais bien qu'il s'agissait à nouveau de quelque chose que j'ignorais, mais je ne parvenais pas à être en colère contre lui. Il m'inquiétait beaucoup trop pour cela.

Il tremblait entre mes bras, sanglotait, gémissait de douleur. Je lui frictionnai doucement le dos pour le rasséréner.

« Ne me regarde pas. »

Qu'avait-il voulu dire par là ? Mais surtout, pourquoi sa voix était si... étrange ?

— Hyunjin... je t'en supplie, dis-moi ce qui se passe !

— Seungmin, pardonne-moi...

Et il retira sa capuche.

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