Le Cri

09/2021

Cet OS est la suite du poème « Le Corbeau » du le chapitre précédent ; il a été créé pour un concours de one-shot. Les événements qui y sont décrits sont fictifs. Bonne lecture !



TW : suicide

Catégorie  : OS

Bonne lecture !



Colombe, elle était colombe, un Ange tombé de son ciel. Un Ange déchu, venu répandre ses dernières joies sur cette terre crasseuse et tenter d'effacer le gris des nuages.

Elle était mon Ange, ma lumière, elle m'avait donné son cœur. Son sourire. Sa joie. Elle était tout pour moi et, Ange blessé, elle est repartie.

Ce n'était pas de sa faute.

Tous ces faux sourires, ces faux-semblants, ces yeux fuyants, lui avaient promis le ciel pour mieux lui tirer dans le dos. Pour la précipiter plus bas que la terre sur laquelle elle était déjà échouée.

Ils l'ont tuée, ils ont tué mon Ange. Ils me l'ont prise, ils l'ont fait souffrir, disparaître. D'Ange souriant elle est devenue Ange aux ailes ternes et basses. Elle pleurait sous son masque, corbeau aux plumes blanches, astre mort caché sous l'étoile aux mille reflets.

J'ai fais de mon mieux mais ça n'a pas suffit. J'ai fais de mon mieux mais elle est partie quand même.

Quel folle j'étais, de tenter de la retenir, fébrilement, comme on essaye vainement de garder le sable et l'eau entre nos doigts frêles.

Tous ces démons, torturés et cruels,

Parés de leurs masques d'ivoire et d'or, affichant leurs plus beaux sourires. Ils m'ont arraché mon Ange, ces damnés hypocrites.

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Un jour je l'ai entendu rire. Et c'était le plus beau son du monde.

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Amélia, cheveux roses, chewing-gum, converses usées.

Amélia mon ange. Ma colombe.

Amélia, ma belle morte.

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Et les insultes glissaient et la poignardaient dans le dos. Ah ! j'aurais du le savoir. M'en rendre compte !

Tout ça parce qu'elle était différente, pas pareille, bizarre, étrange, et tous les synonymes de ce mot qui sonnent si mal dans la bouche des gens.

Elle n'aimait pas les hommes.

Et aux yeux du monde, c'était un crime.

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Et j'était son crime. J'étais son amour, sa passion, ses rires les jours de broie-du-noir, la lumière dans ses yeux le soir, la joie dans ses mots et la danse de ses gestes.

Elle était si belle, à compter les étoiles.

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Un jour on était dehors, sous la pluie, sous les nuages, gris comme le monde, gris comme mes yeux le sont aujourd'hui. On était mouillées, trempées même, riant, criant.

Comment une fille si belle et bruyante

Avait-elle pu mourir si silencieusement ?

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On était sous la pluie, dans la rue, la rue déserte, on en avait gros sur le cœur. On a crié, crié nos peines, nos joies, nos douleurs, nos peurs et nos doutes. On a crié longtemps toutes les deux, et quelle absurdité que les murmures qui font taire les cris !

Les murmures des autres qui font taire le cri d'Amélia.

Elle n'a pas crié quand elle est morte.

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Ô Amélia, si belle, si parfaitement imparfaite. Elle était mon équilibre.

Je leur en veux tellement, je vous en veux tellement, à vous tous, à toi, à moi, au monde entier ! vous avez tué mon Amélia, c'est vos bras invisibles qui l'ont poussée.

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Elle a sauté du pont à deux rues d'ici.

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Amélia elle était jolie, je l'aimais bien. Je l'amais même un peu plus que permis. Plus que raisonnable.

Oh, que c'était dégoûtant ! Deux filles, ce n'était pas naturel, c'était insensé. J'entend encore leurs murmures dégoûtés en passant dans les couloirs.

Elle en est morte, morte, morte ! Entendez ce mot, lisez le, dites le à voix haute, ça ne vous fait rien, n'est ce pas ? Elle est morte, elle est morte silencieusement, sans un cri, sans un mot, sans un soupir.

Ô Amélia, toi qui aimait crier, ils t'ont cassé la voix.

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Je me souviens encore du jour où ça a commencé à être grave. Plus grave qu'avant.

C'était une photo, une photo d'elle, dans la rue. Si belle, si libre, elle rayonnait. J'aurais peut être aimé cette photo dans une autre vie.

Sur cette photo elle embrassait une fille, une que je ne connaissais pas. Probablement une aventure passagère, une belle histoire qu'on avait refermée et posée sur une étagère.

Elle embrassait une fille, et ça... oh, que c'était grave. Mal. Mauvais.

« Tu es dégueulasse ! »

Je n'ai pas de voix ni de visage à poser sur ces mots. C'était le premier commentaire sous la photo. Suivi de plein d'autres. Une centaine d'autres. Des milliers de dents et de piques pour écorcher sa carapace.

Ô Amélia, toi qui rayonnais, ils t'ont éteinte comme une ampoule grillée.

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Ils l'ont huée le lendemain. Ils l'ont malmenée, harcelée, suivie partout, jusqu'à chez elle. Il y avait des messages dans sa boîte aux lettres.

Ces mots assassins, ce genre de mots qui vous détruisent une vie.

« Va mourir »

Ô Amélia, toi qui étais si rebelle, pourquoi as-tu obéi ?

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Oh, ma chérie, je suis désolée, si tu savais ! oh, si tu savais à quel point je regrette de t'avoir dit oui ! J'aurais du refuser. Pourquoi, oh pourquoi, pourquoi ? Je ne pouvais rien te refuser et tu le savais.

Et maintenant regarde, regarde ce qu'ils ont fait de nous ! Je suis rongée par la folie. Le ciel gris que tu combattais en criant s'est infiltré dans mon cœur. Il est rentré, il est rentré par le trou que tu as laissé.

Oh j'en pleure, durant les longues heures de mes insomnies ! Chaque jour qui passe, chaque minute que je subis- car je ne vis plus, je subis, je survis au temps qui passe sans trop savoir comment...

Je ne compte plus les larmes que j'ai versé, tant de larmes qui pourraient remplir la mer.

La mer toute noire.

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Ah elle est morte ! Elle est morte et je ne m'en remet pas.

Pourquoi me direz vous, eh bien parce que je l'aimais !

Mais on fait bien son deuil un jour, allons pauvre fille, relève la tête !

Peut être que certains me diront même de la venger !

Eh bien ha ! Laissez moi rire ! Sot que vous êtes.

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Ah, je passe mon temps à soupirer, à ruminer ma tristesse comme une vache rumine son herbe.

Comme je m'en veux, d'avoir accepté !

Quoi ? Que dites vous ?

Vous me demandez de quoi je m'excuse ? Pourquoi je m'excuse à la place de ceux qui l'ont détruite ? Ah, quelle belle question ! et quelle douloureuse question.

À quoi ai-je dit oui pour que je le regrette tant ? Ah, calme toi, toi qui lis ces mots, toi qui lis mon aveu.

Je regrette, ah, je regrette tant de choses !

C'est mal de regretter, retenez le bien ! Ça vous gâche la vie. Je devrais arrêter de culpabiliser n'est ce pas ?

J'ai honte, j'ai honte de ce que j'ai fais. Qu'ai-je fais ? Eh bien c'est simple, j'ai dit oui ! J'ai dit oui à Amélia, j'ai dit oui. Oui, oui, oui.

Oui, oui, oui, oui, oui, oui, oui...

Ah ce mot qui tourne et tourne dans ma tête, encore, encore, encore, qui tourne comme un manège rouillé et branlant. Ah ce mot qui me hante et que je ne prononce plus, plus du tout, comme par peur que le ciel ne me tombe sur la tête !

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Ô Amélia, je t'ai aimée de tout mon cœur et je t'aime encore aujourd'hui ! Mais j'ai l'impression d'avoir fait une terrible erreur.

Non, ce n'est pas qu'une impression ! Je suis criminelle, je suis horrible. Ils t'ont insulté alors que c'est moi qui aurait du me recroqueviller sous leurs coups ! C'est moi qui aurait du pleurer en silence sous la couette. C'est moi la fautive, la coupable. Oh, si seulement un juge pouvait être ici, maintenant, pour me juger et m'envoyer croupir au fin fond de nulle part.

Enchaînez-moi, pendez moi même; je le mérite.

Que vois-je ? Tu t'impatientes, derrière ton écran. Qu'y a-t-il ? Tu veux savoir qu'est que je regrette tant ? Oui, j'ai tendance à radoter. Je sais. Pardon.

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« Tu t'excuses trop »

« ... pardon »

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Pardon, quel mot stupide. Comme si six petites lettres pouvaient réparer les torts. Ha ! Quel beau pansemenent.

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J'ai cru jouer, j'ai cru défier ! Je ne pensais pas à mal. Je pensais que je l'aiderais !

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« J'ai fais de mon mieux mais ça n'a pas suffit. J'ai fais de mon mieux mais elle est partie quand même. »

Ah ? Ça aussi, c'est drôle ! Faire de mon mieux ? De mon mieux ? Laissez moi rire.

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Je ne pensais pas à mal bien sûr que non ! Oh monsieur le juge, je plaide coupable. Ayez pitié !

Et puis je change d'avis.

Monsieur le juge, punissez moi. Je suis atroce ! Et je vois le lecteur au fond qui s'agite.

Du calme, arrête de gigoter.

Tu veux que je te dises ? Que je t'avoue ? Pourquoi un « je suis désolée » ne m'excuserais pas ?

Elle a sauté. Elle a sauté, pour l'amour de Dieu ! Elle a sauté du pont là bas, le pont gris, d'acier et de béton. En tout cas c'est ce que le journal a dit. Elle m'a demandé de le faire.


Elle a sauté du pont à deux rues d'ici...


Et c'est moi qui l'ai poussé.

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