Cassure - La plage

Février 2021

« Je m'écorche les coudes et les genoux à tomber pour me relever, à refuser d'abandonner, de laisser passer, de suffoquer, de crever, parce que merde, je veux pas arrêter ici, laisser tout ça derrière moi, tous les laisser ici, alors que je serais libre, alors je tiens bon, je relève la tête, je nage, je garde la tête hors de l'eau...

Je garde la tête hors de l'eau de la mer pour mieux me noyer sur le sable de la plage. »

Ouais, c'est pas faux ça, j'ai plus assez de pansements pour ces écorchures, ces égratignures qui se transforment en plaies ouvertes, dont le sang est noir comme l'encre, dont le sang est teinté de mes peurs, dont le sang coule à flot comme une mer pourpre qui s'écoule et me noie
Je tombe, je me relève, d'habitude je prend le temps de vérifier que je ne suis pas blessée, mais là j'ai pas le temps, je laisse mes blessures me paralyser, je me met des baffes et le sang coule encore

Je refuse d'abandonner, de laisser passer, je l'ai déjà fait avant, mais ça continue de faire mal après, quand on pense avoir oublié tout ça, quand je suis sûre de l'avoir enfermé dans un tiroir, ça ressort, ça revient, comme les vagues de l'océan, ça me balaye et m'empêche de reprendre mon souffle

Je refuse de suffoquer, de crever, parce que merde, oui je dis merde à tout, au monde, à l'univers entier, même aux étoiles qui tentent vainement d'éclairer la nuit béante

Je veux pas arrêter ici, laisser tout ça derrière moi, tous les laisser ici, c'est vrai aussi, la vie est si belle, je ne peux pas arrêter, arrêter de nager, arrêter tout ce que je fais, tous les abandonner là, sur Terre, au milieu de la brume, je sais qu'ils s'en sortiront sans moi, mais je ne veux pas leur faire de mal, alors je reste, je nage, j'ai mal, mais je continue

Alors que je serais libre, alors je tiens bon, je ne veux pas être libre alors qu'eux seront toujours enchaînés au sol
De toute façon je ne peux pas m'envoler, je suis clouée au sol, mes ailes sont déchirées et leurs plumes s'éparpillent dans l'air et disparaissent

Je relève la tête, je nage, je garde la tête hors de l'eau... mais tout le monde sait que je suis mauvaise en natation, je coule comme une enclume, on dirait que chaque goutte d'amertume, chaque goutte de vie qui s'échappe de moi, c'est une nouvelle pierre qui m'entraîne vers le fond en espérant me noyer

Je garde la tête hors de l'eau de la mer pour mieux me noyer sur le sable de la plage

Parce que chaque vague m'envoie m'écraser sur les rochers, chaque grain de sable m'étouffe et bloque l'air, chaque battement de cœur me transperce la tête, chaque seconde qui passe est une souffrance de plus
Alors je me résigne, je me dit que tant pis, c'est fini, j'ai lutté, j'ai essayé mais c'est trop tard, j'abandonne, je suis prête, et je supplie de mourrir, je veux m'en aller, tant pis si eux restent, je n'en peux plus, je suis fatiguée...

Et au moment où je meurs je vois une étoile
Elle brille
Et soudain

Un nuage passe devant et mes yeux se ferment

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top