Cœur brisé
C'est fini. Je crois. Enfin, c'est sûr même. Mais je n'arrive pas à m'en persuader. Alors j'essaie de ne plus y penser. J'ai les yeux qui me brûlent. Parce que j'ai pleuré, et parce que j'ai passé la soirée à relire nos messages aussi. Nos premières conversations, nos tentatives de flirts, nos petits délires, nos fous rires, nos instants de complicités, et puis nos messages froids, nos prises de têtes, nos méchancetés, nos engueulades, nos excuses, nos pavés pour dire que l'on s'aime, pour se retenir, pour recommencer, pour tenter de réparer le mal. Et ce dernier texto, sec et brutal. Ce tout dernier.
"Arrête. C'est fini."
Je repars en sanglot, pour la énième fois de la soirée. Je tremble sous ma couette, les cheveux en bataille, que je n'ai pas eu le courage de démêler le soir même, les joues délavées par les larmes qui les ont criblées, mon pyjama froissé d'avoir gigoté dans tous les sens en niant et mon téléphone, toujours allumé, à la main. J'hésite à l'éteindre. Ce serait mieux, ça ferait moins mal. Je le sais. Me déconnecter un peu de la réalité serait plus efficace, moins douloureux... Mais s'il essayait de me recontacter ? On ne sait jamais. S'il regrettait ? Je ne peux pas me résoudre à poser ce foutu portable.
C'est ridicule, je sais. C'est fini. Je devrais arrêter de me torturer à penser qu'il s'en veut. Il doit dormir à présent. Il est si tard... Le soleil se lève déjà à l'horizon. Enfin, j'exagère un peu mais presque... J'espère malgré tout qu'il a pleuré. Qu'il n'a pas eu l'esprit tranquille. Qu'il s'en est voulu, qu'il a eu un peu de peine. Je sais qu'il m'aimait. Il me l'a répété tant de fois... Mais, pourtant, c'est lui qui a fini par partir...
Et puis, je me rappelle qu'il m'a bloqué. Et ça ne m'empêche pas d'attendre. Je n'ai que ça à faire de toute façon. Puis, je finis par m'y résoudre. Le déni n'aide pas à avancer. Il faut que je l'accepte.
Et soudain, j'enrage. Pourquoi hein ? Pourquoi ? Il n'a pas le droit ! Il se prend pour qui cet enf*iré ? Il me bloque ! Il croit que ça va changer quelque chose ? Je suis furieuse, je fulmine. Alors je vais dans ma galerie et je supprime toutes nos photos ensemble. Je le bloque, à mon tour. Je le renomme, je supprime ses amis, j'enlève ma photo de profil de nous deux. Je change mon mot de passe, mon fond d'écran. Je me lève, et je balance des objets de ma chambre par terre.
Le cadre où il y avait nos impressions du photomaton, les places de cinéma qui traînaient dans un coin, le porte-clés accordé qu'il m'avait offert, ses cadeaux, nos souvenirs, nos rêves, nos ambitions, nos spéculations...
Je jette même mon dévolu sur des choses qui n'ont rien à voir avec lui. Ma haine est immense. Je veux tout détruire. Je veux le briser. J'ai le souffle saccadé, je respire lentement, je me rassois. Je me détends. Je me calme.
Et puis, j'entre dans cette phase où je me remets en question. Peut-être que c'est ma faute ? Si je changeais un peu ? Il reviendrait peut-être ? Je peux lui envoyer un message, lui dire que je suis désolée... Il me pardonnera peut-être...
On peut tenter de recommencer, non ? Allez, ça ne coûte rien... Je n'ai qu'à lui écrire, lui dire que je regrette, lui dire que je l'aime, lui rappeler comment on était heureux avant, lui avouer que tout est ma faute, insister, le culpabiliser aussi un peu.
J'envoie un premier message puis je me ravise et le supprime. Je poste une story, simple, pour le narguer. Une photo de mon chat, avec un texte moqueur, des émojis habituels, pour faire comme si tout allait bien. Je change ma description, je crâne un peu. "Célibataire, et fière de l'être". Oui, ça, ça devrait l'enrager.
Et puis, tous ces efforts me semblent vains. Je me rallonge. Je n'ai plus de force. Je me remets à pleurer comme un bébé. Je ne bouge plus. J'ai mal partout, je ressens un immense vide dans la poitrine. Je repense à tous nos bons moments.
Je me rappelle de son sourire, celui qu'il n'adressait qu'à moi, de ses yeux, ses magnifiques yeux, et de la manière dont ils pétillaient. Je me souviens de nos premiers échanges, de son regard qui me faisait rougir. De ma déclaration, et de la sienne, qui avait suivi. De nos premiers rencards, cachés. De la réaction de nos amis lorsqu'on leur avait annoncé. De nos premiers baisers, de sa main dans la mienne, de son étreinte qui me faisait tout oublier.
De la façon tendre qu'il avait de me parler, de ses petits surnoms loufoques, de comment il me taquinait, de la manière dont il me complimentait auprès des autres, des bêtises qu'on se disait, de nos délires bizarres qui nous faisaient rire pendant des semaines.
Je renifle. Je m'essuie les yeux avec le poing. J'appuie sur mes paupières pour les empêcher de recommencer. Je me recroqueville, un creux immense dans l'estomac.
Je finis par m'apaiser et m'endormir. J'ignore comment mais, oui, les bras de Morphée finissent par me prendre, doucement. Je sais que, demain, ce sera dur. Mais au final, je finirai par accepter. Et je revivrai. Malgré la douleur...
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