Chapitre 127
Yann regardait autour de lui. Tout était d'un blanc immaculé à en vomir. Il n'y avait rien d'autre que cette couleur.
Au bout d'un moment, il se mit à distinguer une forme, de dos .
C'était sa sœur.
Il l'appela, mais elle ne retourne pas.
Au fur et à mesure qu'il s'approchait, elle s'éloignait.
Jusqu'au moment où il se retrouva seul.
Tout seul.
Il eu beau hurler, personne ne vint l'aider.
...
Affolé et perdu, Yann ouvrit un œil avant de le refermer immédiatement, aveuglé par une lumière blanche bien trop désagréable.
Il attendit quelques longues minutes, desserrant ses paupières au fur et à mesure, histoire de s'habituer à la luminosité.
Allongé dans une pièce minuscule ne comportant qu'un minimum vital -c'est à dire une fenêtre, un lit, une table de chevet et dans un coin une pauvre télé qui avait dû connaître le passage du noir et blanc à la couleur-, Yann ne mis pas longtemps à deviner qu'il se trouvait dans une chambre d'hôpital. Elle ressemblait à celle où il avait l'habitude de tenir compagnie à sa sœur, sauf que c'était lui l'infirme à présent.
Il observa ses mains. Elles étaient étonnamment... normales. Puis il remonta doucement ses manches et, du bout des doigts, caressa le bandage lui maintenant l'avant bras. En dessous se cachait des lignes gravées dans sa peau, qui un jour finiraient peut être par disparaître. En revanche, ce qu'elles représentaient ne disparaîtrait jamais.
Perdu dans ses pensées, Yann sursauta lorsque la porte s'ouvrit brusquement.
<< Oh, tu es réveillé ? >>
Un infirmier entra puis s'approcha du blessé. Il lui demanda alors :
<< Tu as faim peut être ? On t'as vidé l'estomac je crois, c'est loin d'être agréable. >>
Yann ne prononça pas un mot. Il ne savait même pas pourquoi. C'est comme si il avait un bloquage. Était-t-il devenu muet ? Non, ce n'était pas ça.
En réalité, il avait honte.
Il baissa les yeux, n'osant plus affronter ceux de l'infirmier.
Pourquoi avait-t-il honte ? Il n'arrivait pas à l'expliquer, cela lui rappelait lorsqu'il se faisait attraper après fait une grosse bêtise quand il était petit.
Par lâcheté, il reporta son attention sur la table de chevet. Rien. Pas de fleurs ni de cartes de bon rétablissement. Sa vie n'était pas un film hollywoodien.
À contre cœur, il réussit donc à trouver le courage nécessaire pour enfin s'exprimer ;
<< Quand est-ce que je sors ? >>
L'infirmier paru surprit et Yann se demanda alors qu'elles étaient habituellement les premières phrases prononcées par les personnes dans le même cas que lui.
<< Je n'en sais rien. Pas aujourd'hui en tout cas.
- Pourquoi ? >>
Là, l'infirmier eu l'air gêné ; comment pouvais-t-il lui expliquer ça avec diplomatie ? Au fond, Yann savait pourquoi, mais il voulait entendre quelqu'un le prononcer à voix haute, pour être sûr qu'il ne rêve pas.
<< Bah... tu ne peux pas sortir comme ça après ce que tu as fait. Tu as besoin d'un suivi psychologique.
- Mais je vais bien. >>
L'expression de l'infirmier fit clairement comprendre à Yann que c'était "ce qu'ils disaient tous". Puis il décida de changer habilement de sujet.
<< - On verra ça plus tard... en attendant il y a quelqu'un qui veut te voir !
- Ah... Il est là depuis longtemps ? >>
Yann s'y attendait ; son père allait débarquer et cela n'allait pas être beau à voir. Il n'allait encore rien comprendre. Yann avait tenté de lui envoyer tout les messages de détresse possibles et inimaginables, son père était resté sourd. Il avait volontairement ignoré la mutilation de Yann, ainsi que sa prise abusive de somnifères.
Mais maintenant, il allait bien devoir comprendre qu'il avait loupé quelque chose non ?
L'infirmier corrigea ;
<< Il ? Non c'est votre cousine ! >>
Yann écarquilla les yeux ; il avait en effet une cousine, même plusieurs, mais il n'avait jamais été proche d'elles. Pour tout dire, il ne se souvenait plus de leurs visages et seulement vaguement de leurs prénoms... Pourquoi est ce que l'une d'entres elles viendrait le voir ?
Pendant qu'il se questionnait, l'infirmier ouvrit la porte qu'il avait refermé un peu plus tôt et interpela quelqu'un dans le couloir.
Puis, elle bondit à l'intérieur de la pièce et, écartant les bras comme la demeurée qu'elle était, hurla ;
<< - WESH COUSIN !
- Cha..Charline ?! >>
L'infirmier sourit et sortit de la pièce, les laissant seuls.
<< - Charline ?! Mais qu'est ce que tu fais là ?
- J'avais envie de poireauter dans un endroit rempli de vieux, de malades et de blessés... je suis venue te voir abruti !
- Ma... cousine ?... c'est quoi cette histoire ?
- Tu viens seulement de te réveiller alors ils n'autorisent que la famille en visite... donc j'ai dis que j'étais ta cousine.
- Je... Merci... >>
Il y eu un blanc durant lequel Charline se contentait de sourire bêtement tandis que Yann essayait de remettre tout en ordre dans sa tête.
<< - Charline ?
- Oui ?
- C'est toi qui m'a sauvé ?
- Heu... non, c'est les pompiers qui t'ont sauvé.
- Oui, mais c'est toi qui les as appelés. Comment tu as fait ?
- J'ai tapé le numéro 18 sur mon téléphone. C'était compliqué, j'avoue.
- Non, mais qu'est ce que tu as dis aux pompiers ?
- Je sais plus trop... Sur le coup j'étais paniquée, je leur ai juste dis ce que je savais ; que tu faisais une tentative de suicide et je leur ai donné ton adresse.
- ...Merci
- Derien ! Sincèrement !
- Je...
- Chuuut ! Est ce que tu vas bien ?
- Oui.
- Tu ne risques plus rien ?
- Tout va bien ne t'inquiètes pas.
- Sûr ?
- Mais oui ! Pourquoi tu insistes autant ? >>
Pour toute réponse, Charline se rapprocha doucement de Yann, posa délicatement sa main sur la joue encore pâle de celui qu'elle aimait et, prenant son élan, lui infligea la baffe la plus monumentale de l'histoire.
<< AIE ! MAIS ÇA VA PAS ? >>
Charline lui adressa un regard noir avant de lâcher ce qu'elle avait sur le cœur ;
<< C'EST À TOI QU'IL FAUDRAIT DEMANDER ÇA ! Mais qu'est ce qui t'a pris ?! Je savais déjà que tu étais stupide, mais à ce point c'est incroyable ! QU'EST CE QUI S'EST PASSÉ DANS TA TÊTE ?! À quel moment tu t'es dis que c'était une bonne idée ? "Tu mérites mieux que moi" MAIS TU TE FOUS DE MOI ? T'as pensé à moi un instant ? Et à Ben ? Et à tous ceux qui t'aiment ?! Tu t'es pas dis que tu nous ferais souffrir ? Tu t'es pas rendu compte que t'étais égoïste ?! >>
Puis elle s'arrêta haletante, épuisée comme si elle venait de courir un marathon. Elle passa sa manche sur ses yeux pour essuyer les larmes qui étaient coulées de ses yeux alors qu'elle se confiait. Tremblante de partout, elle tourna le dos à Yann pour tenter de se ressaisir.
<< - Je suis désolé... sincèrement je n'ai pas réfléchis. Je voulais juste en finir. Désolé.
- Tu regrettes ce que tu as fais au moins !?
- Oui, je regrette. À vrai dire j'ai commencé à regretter dès que je me suis ouvert les veines. Ça a duré longtemps et ça m'a fait un mal de chien.
- Tu t'attendais à quoi ? On est pas dans un film, tu allais pas juste te couper et paf ! C'était fini !
- Je l'ai compris maintenant. Mais j'avais cru que les somnifères m'endormiraient immédiatement... au final, j'ai eu le temps de t'appeler... je voulais entendre ta voix >>
Il y eu un moment de silence pendant lequel Yann et Charline se regardèrent. Puis Yann repris ses esprits et osa enfin questionner Charline sur ce qui le tracassait depuis le début ;
<< - Comment connais-tu l'hôpital où on m'a amené ? Et d'ailleurs comment ça se fait que tu sois là ?
- Ah...j'ai rappelé les pompiers pour avoir de tes nouvelles et ils m'ont dit que tu étais ici. Donc je suis venue ! Bon, comme j'avais pas prévu de prendre la train, j'avais pas de ticket donc j'ai fraudé mais chuuut...
- Et si tu étais tombée sur un contrôleur ?
- Bah je me serais enfermée dans les toilettes jusqu'au bon arrêt ! Ou alors j'aurais joué la carte de l'honnêteté, avec les larmes et tout...
- Mais... mais pourquoi tu es venue ?
- Mais t'es vraiment bête ! Pour savoir comment tu allais tiens !
- Tu aurais pu simplement m'appeler... >>
Charline haussa les sourcils avant de demander ;
<< Tu as ton téléphone ? >>
Yann baissa alors les yeux, légèrement honteux :
<< - Je... je l'ai fait tombé dans les toilettes...
- Aaahahahaa ! >>
Le fou rire de Charline dura un minute durant laquelle Yann ne savait pas où se mettre. Son amusement était clairement forcé, mais elle enchaîna ;
<< - Les pompiers m'avaient dit que ton téléphone était détruit quand je leur avait demandé pourquoi je n'arrivais plus à te joindre, mais ils ne m'avaient pas dis qu'il était tombé dans les toilettes ! T'es vraiment doué toi !
- Je sais... c'est juste que quand j'ai raccroché je me suis sentit tellement mal que je l'ai lancé... je ne sais pas vraiment viser j'avoue mais...
- Chuut ! J'ai un cadeau pour toi !
- Un cadeau ? >>
Charline sortit de son sac deux téléphones, un tout neuf et un autre un peu plus ancien. Tout sourire, elle tendit le plus abîmé à un Yann abasourdi.
<< - Cadeau !
- Mais... mais ?!
- On dit merci quand on est poli Yann !
- Merci, mais je ne peux pas accepter enfin...
- Rooh un cadeau ça se refuse pas ! Je t'offre mon ancien iPhone, tu devrais être aux anges !
- C'est ton ancien téléphone ? Tu en as un nouveau ? >>
Charline secoua dans sa main le neuf en ricanant.
<< - J'allais te dire que j'avais un nouveau tel, mais tu as fait une tentative de suicide, donc j'ai un peu oublié de te le dire.
- C'est sûr... >>
À cet instant, l'infirmier rentra dans la chambre ;
<< Je suis désolé, mais vous allez devoir y aller. >>
Charline acquiesça et se tourna vers Yann tandis que l'infirmier repartait.
<< Bon, bah je vais y aller !... J'ai supprimé toutes mes infos personnelles sur le téléphone mais j'y ai enregistré mon numéro. Puis comme je m'ennuyais dans le train, je t'ai enregistré plein de musiques au cas où tu n'ai rien à faire. Ah je t'ai aussi ajouter au groupe. Ne t'inquiète pas j'ai prévenu les autres que tu étais réveillé ! On passera tous te voir dès qu'on le pourra ! Je te laisse Yannou >>
Charline s'apprêta à sortir, hésita puis se retourna et s'approcha à nouveau de Yann, reposant sa main sur sa joue. Par reflex il ferma les yeux et tenta de se préparer au coup... qui n'arriva jamais. Charline se pencha pour déposer un baiser timide sur ses lèvres.
Il en resta bouché bée, ne sachant pas comment réagir. Alors Charline tourna les talons et partit.
Yann soupira, se rendant bien compte qu'il aurait du réagir. Lui dire merci. Ou lui dire qu'il l'aimait.
Il avait atteint un nombre de mauvaises décisions assez incroyable.
Par curiosité, il déverrouilla le téléphone. Il remarqua que l'écran de verrouillage était une capture d'écran. Il mit un instant avant de reconnaître sa toute première discussion avec Charline.
Puis Yann sentit son ventre se serrer en se rendant compte que si Charline ne s'était pas trompée de numéro, ils ne se seraient jamais rencontrés et il serait mort.
Il constata ensuite que le fond d'écran était un selfie. Sur la photo, Charline tenait l'appareil, Lise, la main de Camille et Vincent, l'épaule de Ben. Bien qu'ils grimaçaient tous, que la luminosité était affreuse et que le cadrage laissait à désirer, Yann trouva cette photo parfaite.
Puis la porte s'ouvrit à nouveau, et cette fois ce fut bien son géniteur que Yann vit débarquer dans la pièce.
Ils échangèrent un regard. Les mots semblaient manquer, que dire après tout ?
Hésitant et réticent, Yann se redressa et leva les bras vers son père.
Ce dernier n'hésita pas, ne fut pas réticent. Il traversa la pièce en une enjambée et serra son fils dans bras.
L'étreinte sembla durer une éternité... ou une seconde. Ils éclatèrent tout les deux en sanglots.
Comment rattraper le temps perdu ? Ils ne le pourraient jamais. Mais à présent que la douleur était au passé, ils avaient l'occasion de profiter du futur.
Son père dû partir, ne pouvant pas rester la nuit à l'hôpital, mais lui promis de revenir le lendemain à la première heure.
Yann se retrouvait donc à nouveau seul, mais ça ne le dérangeait plus, parce qu'ironiquement, il ne s'était jamais sentit aussi bien entouré.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top