03. DÉBUT DIFFICILE
Assis sur le banc comme la première fois, cette fois ci Akaashi attendait.
Il attendait que le garçon de l'autre fois arrive, mais ce dernier était bien en retard, et chaque minute de plus sur ce banc le rendait toujours de plus en plus tendu. Tous se mêlait en lui, en un tissu d'émotions négatives : l'énervement dû au retard de Bokuto, mais aussi la peur de s'être fait prendre pour un imbécile et d'attendre pour rien, l'angoisse que ça finisse par mal se passer.
Oui, l'anxiété aussi montait en lui, s'infiltrant tel un poison dans son cœur monochrome. Il regrettait petit à petit d'avoir accepté cette sorte de rendez vous, au final il ne savait rien de son futur interlocuteur ni de ses intentions. Il n'était jamais à l'abri des moqueries, il ne l'avait jamais été, et rien ne promettait que tout n'allait pas recommencer malgré toutes les mesures déjà prises pour l'éloigner du monde extérieur.
─ Pourquoi je lui ai dis oui...
Au final, peut être était-ce à cause de ce sourire triste qui avait orné les lèvres du jeune homme lorsqu'il avait affirmé être bel et bien atteint d'achromatopsie, un faible sourire qui lui avait pourtant semblé purement sincère.
Peut être aussi à cause du craquage mental de l'autre fois, cette peine retenue depuis trop longtemps qu'il espérait pouvoir enfin évacuer, à travers la présence de quelqu'un d'autre.
Ou alors tout simplement était-ce parce que dans le fond, il avait quand même envie de croire qu'on puisse s'intéresser à lui sans la moindre once de mépris.
C'était sûrement tout cela à la fois, en réalité.
Il s'impatientait de plus en plus, ses doigts claquant sur son propre téléphone au rythme des souvenirs vague d'une chanson qui lui était revenue en tête. Nerveusement, il regarda encore une fois le cadran de sa montre tandis qu'il regrettait toujours plus d'être venu. Un soupir franchit ses lèvres en même temps qu'un cri résonnant à l'autre bout du chemin.
─ Akaashi !!
Alors qu'il pensait que son stress allait redescendre en voyant qu'il ne s'était pas fait prendre pour un abruti, il augmenta en fait d'un cran en voyant Bokuto courir - ou plutôt foncer - vers lui tout en agitant les bras comme un enfant surexcité. En maintenant quelques secondes, le jeune homme se trouvait devant lui, avec son sourire qui paraissait aux yeux d'Akaashi infaillible.
─ Moi qui voulait arriver en premier... Tu m'attends depuis longtemps ?
─ Presque une demie-heure, j'hésitais même à partir.
Le grisé poussa un cri indigné avant de regarder l'heure sur son téléphone.
─ Mais on avait dit-
─ Quinze heures, on avait dit quinze heures. Pas trente.
─ Hein ?! Mais j'voulais trop faire bonne impression !
La bonne humeur de Bokuto venait de disparaitre en un instant, pendant qu'il s'asseyait aux côtés du noiraud, tout en pensant qu'il était vraiment nul. Mais, comme si Akaashi l'avait senti, il posa une main rassurante sur son épaule et reprit la parole d'une voix douce.
─ Ce n'est rien, ça arrive à tout le monde, je ne vais pas t'en vouloir pour ça.
Finalement, il eut droit à un nouveau sourire, et maintenant tout deux mis en confiance la conversation put clairement commencer. Se rendant compte qu'ils ne connaissaient en vérité que très peu de choses l'un de l'autre - seulement leurs noms et prénoms, et l'achromatopsie d'Akaashi - ils commencèrent par les bases.
Ainsi, Akaashi apprit que Bokuto était son ainé d'un an et s'était donc mis en tête de l'appeler "Bokuto-san", il savait maintenant qu'il était passionné de volley, qu'il souhaitait devenir joueur professionnel et qu'il avait un meilleur ami du nom de Kuroo. Il put constater par lui même que, fidèle à sa première impression, Bokuto était un garçon bourré d'énergie, peut être même trop, et qu'il était très à l'aise aussi bien oralement que même socialement, bien que lunatique. Il remarqua notamment ses nombreux sauts d'humeur, qui l'avait d'abord surpris mais il s'y était vite habitué.
Finalement, ils s'étaient levés pour marcher dans le parc pendant qu'ils s'égaraient dans leur conversation, si fluide qu'ils semblaient se connaître depuis longtemps. Ce fut au bout d'une bonne heure à parler de futilité que la curiosité du grisé repris le dessus quant à la raison principale de leur entrevue, qui était enfin arrivée sur le tapis : l'achromatopsie.
La conversation s'était donc lancée sur ce sujet et le noiraud répondait aux questions de son interlocuteur sans mal.
Du moins jusqu'à ce que son ainé ne prononce celle de trop.
─ Et donc, est ce que tu t'es déjà demandé ce que ça faisait de voir en couleur comme les gens normaux ?
Bokuto avait parlé sans vraiment réfléchir aux termes employés, et s'étonna lorsqu'il constata que Akaashi s'était soudainement arrêté, maintenant à quelques pas derrière lui.
Le jeune homme victime d'achromatopsie avait les sourcils froncés, son regard azur normalement si doux n'était plus qu'un mur froid, et l'expression sur son visage habituellement inexpressif avait laissé place à un énervement visible.
Il était déçu.
─ Donc pour toi aussi je ne suis pas normal ? Pour toi aussi ça me rend bizarre ?
Bokuto se rendit compte de ses mots maladroits à l'instant même où il entendit cette remarque, mais il était déjà trop tard. Le calme constant d'Akaashi n'allait pas tarder à voler en éclat, il le sentait.
─ Non je-
─ Au final je crois que c'était une mauvaise idée d'accepter de parler à un inconnu.
─ Mais attends je suis dés-
Le plus jeune commença a partir, coupant ainsi son ainé sans même prononcer un mot. Il devait partir vite, au risque de craquer.
─ Eh écoute moi !
─ On est pas amis, je ne te dois rien.
Ces mots étaient sortis froidement, blessant Bokuto bien plus qu'ils n'auraient du.
Et pourtant c'était la vérité, ils n'étaient pas amis, simplement ce que l'on pouvait appeler des connaissances.
─ Alors pourquoi ça te met dans cet état vu qu'on est même pas amis hein ?!
L'achromate s'était arrêté soudainement, le poing serré et s'était finalement rapproché dangereusement de Bokuto.
Les deux étaient réellement énervés désormais, et Akaashi regrettait peut être ses paroles, mais il ne voulait pas laisser pas passer une telle ignorance.
─ Parce que ça fait mal d'entendre ça après avoir été considéré comme une bête de foire depuis tout petit ! Mais toi tu n'en sais rien, tu ne sais pas ce que ça fait. Bien sûr, dire à quelqu'un qu'il n'est pas normal ça ne va rien lui faire sous prétexte que tu le connais à peine, c'est ça ? Tu t'en fiches de savoir ce que les autres vivent avant de parler !
─ Tu t'emportes pour rien ! Je voulais pas dire ça !
─ Pour rien ? T'es sérieux ? Va affronter les regard de pitié, les regards dégoûtés, les regards méchants, les paroles blessantes et après tu pourras me dire si mon emportement est légitime ou non !
Le silence s'installa, pesant, pendant lequel Akaashi prenait conscience des mots qu'il avait prononcé, tandis que Bokuto, lui, prenait conscience de ses maux qu'il avait sous-estimé.
Le regret se fit instantané chez chacun des deux adolescents, l'un regrettait d'avoir mal réagis, l'autre d'avoir été trop maladroit.
Akaashi observa une dernière fois le visage trop blanc de son ainé, avant de partir pour de bon, dans le plus grand des silences, laissant ainsi la solitude les envelopper.
Bokuto le laissa faire, il avait besoin d'encaisser tout ce qu'il venait de se passer, de comprendre comment ça avait pu déraper aussi vite.
─ J'ai tout gâché, j'suis un gros nul...
Il shoota rageusement dans une pierre, et décida de rentrer chez lui, il était inutile de rester là plus longtemps.
Il s'en voulait énormément. Ça ne s'était certainement pas passer comme prévu, et si tout avait dérapé si vite c'était en grande partie de sa faute. Ça le déprimait, mais il refusait pour autant de s'avouer vaincu.
C'était peut être parfois un idiot, mais il était capable d'arranger les choses, il ne voulait pas rester sur un échec.
Maintenant, il restait à savoir quand et comment.
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