Émilie

Il est de plus en plus difficile de retenir les énormes sanglots qui menacent d'éclater dans ma poitrine.

A ce stade, je ne suis plus terrorisée, je suis totalement anesthésiée par la peur. Mes doigts, mes jambes, même mon visage, je n'ai plus aucun contrôle sur rien.


Étrangement, mon cerveau turbine comme jamais. Donc même si je ne peux pas enlever les éclats de bois qui reposent sur mon visage, j'ai la présence d'esprit de ne pas les respirer ou les avaler. Je suis actuellement en position fœtale sur le sol de l'armoire, couverte de sciure, les oreilles résonnant encore du coup de feu tiré il y a ... Combien de temps ?

Super, donc à mon anesthésie, j'ajoute la perte de notion du temps. J'écoute attentivement ce qu'il se passe. Mais j'ai beau tendre l'oreille, je n'entends strictement rien.

Alors que je tente de me statufier encore plus que je ne suis déjà, c'est l'effet inverse qui se produit.

Sûrement la tétanie, ou alors mon corps encaisse le choc et le stress comme il peut, mais dans les deux cas, le résultat est le même : je me mets à trembler.

Mais attention, quand je dis trembler, c'est pas le petit frisson genre "Brrr ! Ça caille !". Le genre de tremblements qu'on voit dans Greys Anatomy, type convulsions.

Mais convulser dans une armoire, à trois mètres de personnes qui souhaitent votre mort, bizarrement, c'est pas recommandé dans mon manuel de survie. Étonnant, n'est-ce pas ?

Je tente de me maîtriser, mais peine perdue. J'entends bientôt un des hommes s'écrier :

"C'est quoi ce bordel putain ! Gabby ! Regarde moi ça de plus près et si tu vois quelqu'un, tu me le descends !"

A ces mots, j'entends des pas légers s'approcher de moi, et à travers un des trous béants causés par l'impact des balles, je vois apparaître le visage d'une femme.

Le trou est juste un peu plus grand que sa tête, ce qui permet à la lumière d'éclairer son visage. Je la détaille, et un profond malaise s'empare de moi. Ces longs cheveux châtain clair, ces yeux bleus azur, qui semblent trop grands pour ce visage au teint de porcelaine...

Tout chez elle me rappelle quelqu'un, mais c'est surtout sa bouche rouge carmin, dont la lèvre supérieure semble vouloir recouvrir celle du dessous, qui me perturbe au plus au point.

Alors que je l'observe en silence, je me rends compte que mes tremblements ont cessé. Je remarque alors que la jeune femme, qui doit avoir trente ans à tout casser, m'observe également, ses yeux limpides légèrement écarquillés.

"Impossible..." chuchote-elle d'un ton inaudible pour quiconque d'autre que moi.

L'impression de déjà-vu revient avec plus de force que jamais et je fronce les sourcils, certaine d'avoir de l'avoir rencontré quelque part... Mais où ?

Au moment où une idée de réponse commence à se glisser dans mon esprit, le femme s'écarte du trou et s'éloigne de ma cachette.

Je réalise alors que quelque chose cloche. Elle aurait déjà dû me tirer dessus, ou du moins signaler ma présence à ses acolytes. Mais ça fait au moins deux bonnes minutes qu'elle m'a vu, et elle n'a toujours rien dit.

Alors qu'un espoir complètement taré s'immisce en moi, j'entends des chuchotements qui proviennent de la jeune femme.

Je crois que je viens de comprendre la sensation que j'inflige à tous les mecs à qui j'ai mis des râteaux ces trois dernières années. La peur d'abord, l'espoir ensuite, et le sentiment de gifle causé par le retour brutal à la réalité.

D'ailleurs, j'en ai mis un nombre impressionnant cette année, des râteaux. Le seul que je n'ai pas repoussé, c'est Raphaël. Je l'avais pas v'nu venir lui, avec son bonnet (même en mai) et ses longues mèches brunes tombantes devant son visage, cachant le véritable trésor : ses yeux. D'un vert si pur que lorsque je les ai croisés pour la première fois, j'ai cru me noyer dans un putain d'océan de menthe à l'eau, ou dans une émeraude liquide comme avait dit ma mère lorsque j'avais ramené Raphaël pour la première fois chez moi. Je me souviens de tous mes efforts pour lui plaire, essayer d'attirer son attention, restés vains pendants plusieurs semaines.

Et puis un beau jour, alors que j'avais jeté l'éponge, il s'était approché de moi juste avant qu'on rentre en anglais. Et là, il m'avait sorti la phrase que j'attendais depuis si longtemps. Il m'avait précisément :

"Ca te dirait de... fin tu vois quoi, de sortir avec moi ?"

Bon c'est sûr que dit comme ça, ça n'a pas l'air follement romantique. Mais sur le coup, associée à ses joues légèrement rougissantes, c'était la plus belle phrase que j'avais jamais entendue de ma vie. Et ça l'est toujours d'ailleurs ! Ça fait maintenant trois mois qu'on sort ensemble et j'espère bien continuer encore comme ça malgré le fait que l'on passe au lycée l'année prochaine.

Enfin, si je sors vivante d'ici, et rien n'est moins sûr...

***
Désolée pour l'énorme retard, mais en ce moment c'est la folie au collège, entre les évas, les portes ouvertes des lycées ...

Bref, je vais essayer d'écrire pendant les vacances, et j'espère que vous avez apprécié ce chapitre.

💫💫💫

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