Une personne en commun

Olivia

Je venais de descendre du véhicule après avoir réglé ma course, chargée de deux gros sacs et luisante de sueur sous le soleil ardent de ce samedi. Je sentais mon cuir-chevelu humide, ainsi que mon front et mon nez. Je me dépêchais sur le trottoir en direction de l'appartement, j'étais pressée de regagner l'ombre et la fraîcheur à l'intérieur, j'avais l'esprit vide, le regard neutre et les sourcils froncés.

— Liv ! S'écria une voix familière.

Je regardai en direction d'où venait la voix : le jardin de Yoahn et mes yeux s'écarquillèrent en voyant Mavis. Rayonnante et pétillante dans une petite robe évasée noire.
Quelle surprise !
Je m'approchai d'elle en esquissant un sourire maladroit. J'étais contente de la voir, certes, mais que faisait-elle chez Yoahn ?
Mon esprit, bien que troublé, essayait d'écarter toute possibilité qu'elle puisse être sa petite amie, même si c'était l'éventualité la plus probable, là.

— salut, hem... qu'est-ce que tu fais là ?

— je suis en week-end chez mon frère et toi?

— moi j'habite juste là, répondis-je en désignant l'appartement. Attends, Yoahn c'est ton frère ?

— oui, tu le connais ?

— hem... plus ou moins.

Elle se claqua la face en rigolant.

— évidemment, vous êtes voisins.

Je me mis à rire, sans exactement savoir pourquoi.  Cependant j'étais sûre d'une chose : j'étais soulagée qu'elle ne soit que sa sœur.

— Et c'est génial en plus ! On pourra se faire des soirées entre filles très souvent pendant le week-end, on regardera des films, on se fera les ongles et les cheveux, et on pourra même dormir l'une chez l'autre, renchérît-elle.

Dormir l'une chez l'autre ? Moi, dormir chez... Yoahn ? Cette idée m'enchantait autant qu'elle me terrorisait, je me contentais de sourire hébétée.

— hem... ouais... mais attends, pourquoi je ne t'ai jamais vue dans les environs avant ?

— ah ! Ça, c'est une longue histoire. Je vais t'aider à aller ranger tout ça d'abord, ensuite je te raconterai tout.

Elle brandît l'un des sacs que je portais et me fît un grand sourire.

— merci.

En rentrant dans la pièce à vivre, je trouvai Rachel affalée sur le canapé. À la télé une chaîne de musique faisait passer une chanson douce, qui semblait d'ailleurs bien faire son effet sur ma cousine car elle était étrangement sereine.

— je croyais que tu n'étais pas censée mettre long, lança t'elle.

— ouais euh... j'ai eu quelques imprévus.

Si par imprévus je voulais parler de Stéphane et de Mavis, je disais bien vrai.

Je pris le sac entre les mains de ma compagne puis j'allai ranger toutes les provisions dans le frigo et les placards de la cuisine.
Je revins avec le pot de glace que Rachel avait commandé et le lui tendis. Je fis signe à Mavis de s'asseoir puis pris place à mon tour.

— elle c'est Rachel, ma cousine avec qui je vis. Rachel, je te présente Mavis, je l'ai rencontrée lundi en cours.

— Mavis... très jolie!

— merci, souffla ma copine.

— tu habites dans les environs?

— euh non. En fait je passe juste un séjour.

Elle désigna l'appartement de son frère et Rachel hocha la tête, comme si elle venait de résoudre une énigme.

— tu es la petite sœur de Yoahn, c'est ça ?

— oui.

— je m'en suis doutée dès que Liv a dit ton prénom, il me parlait beaucoup de toi.

Je sentis un pincement dans la poitrine à la suite de cette phrase. Rien que le fait que Rachel évoque sa relation avec Yoahn, d'une quelconque manière, me fait me sentir mal.

— vraiment ? Vous êtes amis alors ?

— non non, en fait c'est...

— dis Mavis, et si on allait dans ma chambre ? Tu sais... tu devais me raconter quelque chose, intervins-je, coupant ainsi la parole à ma cousine.

— ah oui, c'est vrai. Alors je te suis.

Une fois dans ma chambre, Mavis m'a expliqué pourquoi elle n'a pas très souvent eu l'occasion de rendre visite à son frère, du mode de vie dans la maison de son oncle au malentendu entre lui et Yoahn.

— tu sais, j'essaye de me mettre à ta place et à vrai dire, ça me laisse un peu abasourdie que des gens aient encore ce type d'éducation au vingt-et-unième siècle.

Je réussis à lui arracher un petit rire fébrile. Ce n'était pas vraiment l'effet attendu mais bon, tant mieux si ça a pu changer l'atmosphère.

— c'est plus compliqué que ça, rétorqua t'elle. Le plus bizarre, c'est que je ne pensais pas que ça affecterait autant mon comportement, mes humeurs et même ma vie en général. Tu ne me croirais sûrement pas si je te disais que j'ai frôlé la dépression une fois.

Elle planta ses iris dans les miens, comme pour signifier la sincérité de son aveu mais je pris peur à l'évocation de ce sujet, je craignais qu'elle ne se confie trop à moi et que je sois forcée à mon tour de lui parler du côté sombre de ma vie dont je ne veux absolument pas effleurer un bout. Alors je décidai de couper court avant qu'on ne creuse trop.

— bien sûr que je te croirais, ce sont des choses qui arrivent tu sais, du moment que tu réussis à t'en sortir, tout va bien.

— tu as raison.

— donc hem... et si tu me parlais un peu de ton frère, plutôt ?

Elle me lança un regard en coin accompagné d'un sourire malicieux.

— hum.... est-ce que c'est bien ce que mon sens de la déduction est entrain de me pousser à imaginer ?

— non !!! Rhalalaaaaa, je veux juste en savoir un peu plus sur lui, je le trouve beaucoup trop mystérieux, c'est tout.

Elle se redressa, visiblement toute excitée à l'idée de me faire un rapport sur son frère.

— alors, déjà Yoahn c'est quelqu'un de très drôle, parfois sarcastique et casse-pieds mais bon, il est agréable quand il veut. Il est aussi super intelligent, même s'il n'en a pas l'air. Oui, souvent il est tellement con qu'on en vient à se demander si c'est de son cerveau qu'il se sert pour réfléchir.

Je pouffai. Mavis est un vrai moulin à paroles mais son caractère amusant ne me déplaît guère, au contraire, je l'apprécie chaque jour un peu plus.

— oh, j'avais oublié le plus important : c'est aussi et surtout un beau gosse, reprît-elle.

Elle haussait les sourcils frénétiquement puis me fît un clin d'œil complice, ce qui me poussa à lever les yeux dans un mouvement circulaire en soufflant.

— le plus important ? Je ne pense pas, non, rétorquai-je.

— bon, peut-être pas mais tu ne vas quand-même pas me faire avaler que tu ne le trouves pas sacrément canon.

Je baissai les yeux et j'essayais de retenir avec difficulté un sourire stupide lorsque je me mis à penser que je trouvais effectivement Yoahn "sacrément canon".

— O-li-via !

— quoi?

— on dirait presque que tu as viré au cramoisi, regarde toi ! Oh non j'ai raison. Tu as un faible pour Yoahn !

— quoi ? Qu'est-ce que tu racontes ? Mais non.

— mais si !

— chut, chut, parle moins fort, Rachel pourrait t'entendre.

— et en quoi ça poserait problème ?

— c'est euh... j'veux pas qu'elle s'en mêle, c'est tout.

— alors c'est que j'ai raison, tu aimes bien mon frère hein? Sinon ça ne te dérangerait pas autant que Rachel écoute notre conversation. Hein?

Je soufflai bruyamment, presque agacée par le questionnaire de Mavis.

— non, ton frère ne m'intéresse pas.

Ses yeux me lancèrent des éclairs.

— d'accord, si tu le dis. Mais je t'ai à l'œil.

— pff laisse moi tranquille ! Et puis d'ailleurs, il est pas là, lui ?

— non, il est allé en cours mais il sera bientôt de retour. Tu veux que je lui transmette un message de la part de sa chérie ?

Je lui lançai un oreiller pour la faire taire mais elle éclata de rire.

« Moi, la chérie de Yoahn ? Hmm... ça sonne plutôt pas mal je trouve. »

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