une épaule sur laquelle pleurer
Olivia
J'ai écrit un long message à ma tante pour lui expliquer que je ne pourrais finalement pas venir, prétextant que mon rhume s'est aggravé.
Je ne peux pas y aller comme ça, ils ne doivent pas me voir dans cet état. À ma tante j'aurais encore pu raconter des salades, comme que je suis tombée dans les escaliers par exemple. Mais Rachel... Elle, saurait directement que je mens. Je ne pouvais pas prendre le risque qu'elle découvre que Yoahn m'a frappée, ça aurait engendré trop de choses compliquées, alors j'ai annulé mon voyage. Yoahn a finalement réussi son coup, le connard.
Mes amis, notamment Mavis et Stéphane – Andie est rentrée dans sa famille pour les fêtes –, m'ont laissé plein de messages me demandant si j'allais bien car on était censés sortir ensemble ce soir mais évidemment, je n'ai pas honoré le rendez-vous et depuis je n'ai donné aucune nouvelle. Steph m'a même appelée trois fois. Ils doivent être vraiment inquiets.
Malheureusement pour eux, je n'ai envie de parler à personne ce soir après ce que Yoahn m'a fait.
Celui-ci est d'ailleurs rentré environ deux heures après être sorti. Il est arrivé, n'a même pas pris la peine de demander si j'allais bien, et s'est contenté de m'observer, appuyé au cadrant la porte de la chambre tandis que j'étais roulée en boule sous la couette, calme, le regard perdu dans le vide. Puis il s'est avancé.
J'espérais au moins qu'il envisage présenter des excuses, ou même une discussion... Mais le bon monsieur a ramassé son oreiller et un drap, et est reparti aussitôt sans un mot, probablement parti s'installer sur le canapé du salon.
Non mais j'y crois pas ! Qu'est-ce qui cloche chez ce mec, en fait ?
En tout cas, heureusement qu'il a lui-même trouvé judicieux d'éviter de passer la nuit couché à côté de moi cette fois, parce qu'à l'heure qu'il est j'ai de très violentes envies de meurtre.
**
J'ai passé ce qu'on appelle : une nuit mentalement torride.
Après avoir lutté pour réussir à trouver le sommeil jusqu'à trois heures du matin, je m'étonne de voir affiché "8:12" sur l'écran d'accueil de mon téléphone lorsque j'allume celui-ci à mon réveil. Je m'attendais à dormir au moins jusqu'à dix heures aujourd'hui.
Malgré tout je parviens à me lever, vais me préparer un café puis me brosser les dents. Tout ceci sans prêter attention à la grosse enflure qui ronfle encore dans le canapé.
Je repars m'installer dans le lit et attrape machinalement mon téléphone. Il faut bien que je rassure mes amis que je suis toujours en vie, tout de même.
À la seconde où Stéphane reçoit mon SMS, mon cellulaire se met à résonner entre mes mains. J'hésite un instant avant de décrocher, puis je décide finalement de répondre à mon ami.
— Hey, Steph ! M'exclamé-je sur un ton faussement ravi.
— hey. Ça va ? Où t'étais passée hier ? Tu ne répondais à personne, en plus.
— je sais, em... Je...
— tu t'apprêtes à mentir.
— mais non, pas du tout. Pourquoi tu crois que...
— Olivia, pas à moi, please.
Je pousse un soupir, prise au dépourvu.
— Qu'est-ce qu'il y a ? Demande-t-il.
— rien Steph, rien.
— Liv. Parle-moi, s'il-te-plaît. Je sens que tu n'es pas bien. Aide-moi à t'aider. Je sais que quelque chose cloche.
Ma voix se défait alors de ses artifices et je parviens miraculeusement à penser que je pourrais bien me confier à lui.
— Em... C'est juste que... Il-
La porte de la chambre s'ouvre brusquement et je m'interromps à la seconde où je vois mon petit ami entrer dans la pièce.
— Écoute, je t'explique tout par SMS, il faut que je te laisse. Bye.
Je ne laisse pas à mon ami le temps de dire un mot de plus, et coupe l'appel.
— C'était qui ? Demande Yoahn, calmement.
— personne, je réponds sèchement.
— personne ! Et qui donc est cette "personne" avec qui tu dois absolument arrêter de discuter dès que j'arrive ?
Je le dévisage avec mépris. Quelle audace !
J'ignore royalement sa question et me reconcentre sur mon écran.
Il avance et s'assoit sur le bord du lit, juste en face de moi, pendant que j'écris un message à Steph.
Moi: t'es libre là ?
Steph: quoi... Maintenant ?
Moi: oui, tout de suite.
Steph: bah... Ouais... Pourquoi ?
Moi: je peux passer ?
Steph: bien-sûr.
Moi: d'accord. J'arrive.
Steph: je t'attends.
Yoahn me scrute. Je lui lance un regard furtif et me retiens de dire quoi que ce soit. Je n'ai pas envie de lui parler. Il peut même mettre le feu à la maison s'il veut, je ne dirai rien.
J'entreprends de me lever pour me préparer à sortir, mais mon colocataire percute directement :
— Où tu vas ?
— quelque part où tu n'es pas.
Ses traits se durcissent d'un coup.
— Olivia, arrête, je...
— tu quoi ? Hein ? Tu vas me frapper ? Encore ? Eh bien vas-y, je t'en prie.
— ne joue pas ça.
— bah regarde bien mon petit bonhomme, c'est exactement ce que je suis entrain de faire, le défié-je avant de définitivement sortir du lit.
Il resserre sa mâchoire et essaye de contenir sa colère en fermant ses yeux.
Je lui tourne le dos et vais faire un tour dans la salle de bain. À mon retour de celle-ci, mon copain n'est déjà plus dans la pièce à coucher. J'en profite pour m'habiller en toute tranquillité – c'est pas que je suis gênée qu'il me voie nue, mais il ne mérite clairement pas ce privilège ces derniers temps.
Je me maquille légèrement mais insiste un peu plus sur le fond de teint et l'anti-cernes, question de camoufler mon œil au beurre noir, mes rougeurs et ma mine à gerber. Yoahn rentre net à ce moment.
« Mais qu'est-ce qu'il veut réellement, lui ? »
« Ah ouais... C'est avant tout sa chambre, j'avais oublié. »
— Tu te maquilles ! À quelle occasion ?
Il n'est pas sérieux ! Si ?
— Eh ben tu vois, au cas où tu n'aurais pas remarqué : tu m'as défigurée.
Il esquisse une grimace qui pourrait signifier qu'il n'en est pas fier. Mais ça encore ce n'est pas sûr.
— Écoute poupée je... Hésite-t-il en se rapprochant. Je m'en veux.
Ah ben si, c'est sûr, maintenant.
— Je n'ai pas du tout réfléchi.
— ça, je te l'accorde, grommelé-je.
— J'étais très en colère et... Je me suis laissé aller. Mais je te promets que ça n'arrivera plus jamais.
J'avais envie de le croire. Mais si seulement c'était si facile de pardonner... Malheureusement ça ne l'est pas. On ne va pas passer à autre chose comme ça, et agir comme si de rien n'était. Ce n'est pas possible.
Je quitte le miroir et vais fouiller dans la penderie. J'y sors une veste rose pastel que j'enfile d'un geste expert.
— Tu sors ?, S'étonne Yoahn en me voyant dégainer mon accoutrement.
— oui. Tu comptais me retenir prisonnière, aussi ?
— c'est pas la peine d'être aussi agressive.
— pitié !, Soufflé-je en roulant des yeux au même moment où mes pieds s'animent pour me porter à l'extérieur.
Stéphane a déménagé il y a peu. L'année dernière il restait encore chez ses parents mais il a décidé de prendre son autonomie et de chercher un appart'. Il a vite réussi à trouver une colocation dans les environs du centre-ville. Les filles et moi allions souvent y passer du temps après les cours, ce qui permettait à l'appart d'Andie de respirer de temps en temps, aussi.
Postée devant la porte, j'hésite à toquer. Je préfère donc finalement envoyer un SMS à mon ami pour qu'il vienne m'ouvrir, ce qu'il ne met pas une minute à faire.
— Rentre, dit-il en se décalant pour me laisser le passage. Bonjour.
— bonjour. Emmanuel n'est pas là ?
— il est allé en Turquie pour les fêtes, je te l'avais déjà dit.
— ah oui, c'est vrai.
Emmanuel c'est le garçon avec qui il cohabite dans ces quatre cents mètres carrés. Un grand rigolo. Sympa, aussi.
— Toi ça va ?
— ouais. Mais toi non, je suppose, devine-t-il.
Je secoue timidement la tête. Mon ami m'invite à prendre place dans le salon et baisse le volume de la télé qui était à fond sur une chaîne de musique.
— Tu veux manger quelque chose ?, Propose-t-il gentiment.
— hmm hmm, j'ai déjà pris mon petit déj, merci.
« mensonge. »
— hum... c'est pas grave. Bon, alors, dis-moi tout. Qu'est-ce qui te tracasse ?
Steph m'autorise à tout lui dire, et c'est exactement ce que je fais durant ces cinquante minutes où j'ai monopolisé la parole. Je lui dis tout. Sauf... Qu'il m'a frappée.
— Je comprends. Tous les couples passent par ces moments-là. Surtout ceux comme vous.
— ceux comme nous ?
— oui. Qui habitent ensemble.
— ah...
— Même si tu as comme l'impression que le votre bât de l'aile, ne t'inquiète pas, c'est normal.
Ce n'est pas ça qui allait me rassurer et me convaincre de me rabibocher avec Yoahn de si tôt.
— Est-ce que c'est tout ?
J'acquiesce.
— c'est ça qui t'a empêché de sortir hier ? Et de répondre à nos messages ?
— euh... Oui. Oui, em... On s'est encore disputés et j'étais de mauvaise humeur.
— donc laisse-moi deviner : vous vous êtes gueulés dessus et en voulant le suivre dans une autre pièce il t'a claqué la porte au nez et tu te l'es prise en pleine face ?
Je me perds en essayant de comprendre pourquoi il dit ça.
— Hein ?, Je fais, hébétée.
— ton hématome.
« Oh merde ! Il a vu. »
— tu pensais vraiment que je n'avais pas remarqué ? Le maquillage ne cache pas tout, Liv.
Je reste bouche-bée en imaginant tout un tas d'excuses bidons que je pourrais lui sortir. Je pourrais même lui donner raison sur sa théorie complètement tordue si jamais je me retrouve en panne d'inspiration...
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