Une cruche en soirée

Olivia

Moi: qu'est-ce que tu fais ?

Y🖤: j'observe Mavis se faire laminer au scrabble par mon oncle et ma grand-mère.

Moi: 😂😂

Moi: passe lui la « bonne chance » 😂

Y🖤: 🤣🤣🤣

Y🖤: c'est une mauvaise perdante en plus, elle est au bord de la crise de nerfs 😭😂

Moi: aïe. 😂😂😂

Y🖤: et toi, tu fais quoi?

Moi: tu vas pas le croire, mais... je suis dans une boîte de nuit.

Y🖤: quoi !? 😆 t'as raison, j'le crois pas.

Moi: la ferme 😂😂 c'est Andie qui m'y a traînée, tu la connais.

Y🖤: pas en vrai, mais bon... tu m'en parles tellement trop souvent 🙄🚼

Moi: 🙄🙄 c'est pas vrai.

Y🖤: si, c'est vrai.

Moi: enfin, bon, bref. 🙄🚼 tu m'énerves. En plus j'suis même pas sûre que « tellement trop » existe en français.

Y🖤: d'abord le français, je m'en tape. Et puis, puisque je t'énerve tant que ça, je vais rester encore un peu ici alors 😏 histoire de te laisser tranquille plus longtemps.

Moi: puff.. tant mieux 💁🏽‍♀️ ça me fera des vacances. 😩

Y🖤: ouais c'est ça.😏 Je sais que je te manque, Pinky.

« Affreusement » — effacé.
« Bien sûr que tu me manques » — effacé.
« Reviens vite, surtout. » — effacé, effacé, effacé !
Toutes les reponses que je tapais finissaient par s'effacer toutes seules avant d'être envoyées.
Bon, d'accord, c'est moi-même qui les effaçais, j'avoue.
Et oui, je suis une grosse lâche. Et oui, je suis incapable de dire au garçon dont je suis amoureuse qu'il me manque. Et oui, j'ai fermé la discussion et rangé mon téléphone dans mon sac, parce que je suis une cruche.
Vous avez envie de me tuer ? Ne vous inquiétez pas, j'ai la même envie.
Mais... ça sera impossible ce soir, car je suis accompagnée de deux personnes pour qui cette même envie est tellement forte, qu'ils ne laisseraient ni vous, ni moi-même, le faire à leur place. Vous l'avez compris: je parle bien d'Andie et Stéphane.

— Du coca ! Du coca !? T'es sérieuse, Liv !?

— rhooo... mais foutez moi la paix ! Sérieux, j'ai même déjà sommeil.

— normal, depuis qu'on est arrivés tu ne t'es pas levée même une seule fois. Ça fait genre deux heures qu'on est là, soit une bonne quarantaine de chansons et tu n'as bougé sur aucune !

— elle passe le temps scotchée sur son téléphone comme une geek, plaisanta Andie.

— eh ben peut-être que j'en suis une, tiens.

— non, tu n'en es pas une, et c'est pour ça que tu vas venir avec moi, répliqua Stéphane en me tirant vers lui.

Il me fît me lever de force en tenant ma main fermement. Il m'emmena sur la piste et me força à faire toute sorte de mouvements embarrassants, du genre remuer les hanches et les épaules. Je lui en aurais bien collé une pour retourner m'asseoir, mais je pouvais apercevoir Andie qui, des chaises, prenait grand plaisir à me voir dans cette situation, puisqu'elle riait aux éclats tout en ayant un regard l'air de dire « si tu tentes de revenir par ici, je remplace ton sang par tous les litres d'alcool posés à cette table. ». Alors j'ai choisi la meilleure option pour mes veines: rester sur cette fichue piste de danse, et me taper la honte du siècle.

***

A few moment later...

J'vais me reprendre à boire.

— eh ! Ramène moi un verre aussi !

— mais Liv, ce sera le sixième depuis tout à l'heure. Et puis pour être tout à fait honnête, tu n'es plus vraiment en état d'en rajouter.

— mais euh... c'est quoi, vot' problème ? J'voulais pas boire, vous m'gueuliez dessus. Et maintenant que j'en veux, vous faites pareil. Faut vous décider, 'fin... !

J'avais peut-être la tête qui commençait à tourner, mais je vis très bien les regards mi-inquiets, mi-amusés qu'échangèrent mes amis.

— Elle a raison. On doit la laisser s'éclater, c'est pas tous les jours que ça arrive. En plus, elle aura juste la gueule de bois en se réveillant demain matin, rien de grave, on a tous déjà vécu ça, hmm ?

Steph hocha la tête et s'exécuta aussitôt.

Je ne sais vraiment pas ce qui m'arrivait, mais je n'avais plus du tout envie de m'arrêter de danser.
Ah... en fait si, je sais ce qui m'arrivait: j'étais totalement bourrée.
Je me déhanchais au rythme de la musique, tellement fort, que ma petite robe noire se repliait sur moi. Je la sentais remonter jusqu'au ras de mes fesses et la redressais aussi vite, mais cela ne m'empêchait pas de continuer à me trémousser.
Lorsque Stéphane revint avec les boissons et me tendit la mienne, je l'avalai cul-sec et laissai retomber le verre vide parterre. On entendit juste un bruit sourd de verre qui se casse, à cause de musique trop forte.

— Mais où a t'elle appris à boire comme ça !? Demanda mon compagnon, abasourdi. Je croyais qu'elle ne sortait presque jamais.

— c'est le cas, tu peux me croire, répondît Andie. Je ne sais pas moi-même ce qui lui arrive ce soir.

— eh ben ! Maintenant il prend tout son sens, ce proverbe qui dit: «  l'eau calme est la plus profonde. »

Mes amis avaient arrêté de danser et s'étaient mis à me regarder comme si mes sous-vêtements apparaissaient à travers ma robe — ce que j'espère, au passage, n'était pas le cas. Parce que dans l'état où j'étais, je commençais à ne même plus pouvoir distinguer certaines personnes des meubles, alors peut-être bien que je pouvais me retrouver toute nue, je n'en aurais jamais eu conscience.

— Pourquoi vous faites ces têtes ? Vous revenez d'un enterrement ou quoi ? Piaillai-je en succédant chaque phrase d'un rire idiot. Eh... en parlant d'enterrement... Yoahn, vous savez qu'il y est, à l'enterrement de sa mère ? Et il s'y sent bien en plus ! Ahahaha... moi, par contre, j'aime pas ça, moi, les enterrements. C'est tout triste, et ça me fait penser à ma mère, et ça m'donne envie de chialer. Tiens, là, par exemple, j'ai envie d'chialer ! Oh non, putain, pourquoi j'en ai parlé !?

Mes yeux s'embuèrent de larmes, puis j'éclatai en pleurs en me jetant dans les bras de mes amis. Ceux-ci me recevèrent immédiatement, et m'enveloppèrent pour me réconforter — sans rien comprendre, j'imagine. J'aurais été perdue, moi, si j'avais assisté à cette scène à leur place. Andie, certes, savait bien que j'avais perdu ma mère, mais je lui ai raconté la même version que la première que j'avais racontée à Yoahn, en fait, celle que je fais croire à tout le monde: en résumé, ma mère n'était pas censée me manquer, et je n'étais pas censée parler de son enterrement puisque j'étais censée être beaucoup trop jeune lorsque c'est arrivé. Mais bon, avec un peu de chance, elle n'arriverait pas à faire le lien.

— Bon allez, ça suffit. Je crois qu'on va rentrer, là.

— ouais.

Steph m'emmena dehors pendant qu'Andie alla chercher nos différentes affaires sur les chaises.
Sur le trottoir, il essayait autant qu'il pouvait de me consoler, mais ma sensibilité exaspérante ajoutée au taux d'alcool dans mon sang rendait la chose quasi impossible.
Il me prenait dans ses bras et essayait de stopper le flot de larmes en essuyant chacune d'elles qui se déposait sur mes joues. Puis, sortît quelque chose de sa poche: c'était un mini paquet de mouchoirs jetables. Il m'en donna un et je me mouchai disgracieusement avant de le jeter sans retenue parterre. C'était peine perdue, je n'arrêtais pas de pleurer.

— Et merde, elle est où, Andie ? Je ne sais plus du tout ce que je dois faire, moi.

Il me redonna un mouchoir.

— Allez viens, on va s'asseoir.

Il me traîna jusqu'au bord du trottoir où on s'assit tout près l'un de l'autre, et passa son bras autour de mes épaules.

Alors que je commençais à avoir peu à peu sommeil, et donc, à me calmer, Steph entama un discours — censé me réconforter, probablement —, mais je n'en écoutais que des morceaux disloqués.

— Toujours le sourire... bizarre... pleurer... raison... s'il te plaît... aimé...

« putain, pourquoi je n'ai pas dit à Yoahn qu'il me manque ? Pourquoi je suis autant une cruche ? Pourquoi je ne lui dis pas ce que je ressens pour lui ? Aïe, j'ai mal à la tête! J'aurais dû lui dire. Et s'il ne revient jamais ? Je vivrai avec des regrets toute ma vie, et un arrière goût de non-accompli laissé par le vide qu'il aurait pu combler en moi. Putain, il faut que je lui dise ! »

— Je t'aime, murmurai-je.

— excuse-moi ?

— je t'aime, et tu me manques beaucoup.

— calme toi, Liv, tu n'es pas en état de dire des choses pareilles.

— dis-moi qu'tu m'aimes, toi aussi, s'il te plaît.

— eh ben, euh... c'est sûr que moi, je t'aime. Mais toi...

— t'es sûr ? tu m'aimes aussi ?

— bah, euh... oui, je crois. 'Fin... ça fait un moment que j'ai des vues sur toi, et je me doutais que tu avais deviné... mais jamais je n'aurais cru que... eh bien, que c'était réciproque. Parce que parfois... j'avais comme l'impression que tu m'évitais ou que tu essayais tout le temps de fuir le suj...

Je lui coupai la parole en plaquant mes lèvres contre les siennes. Baiser qu'il me rendît aussitôt, et s'empressa même d'amplifier.

— Puuutain ! Articula une voix soudaine : celle d'Andie qui venait d'arriver.

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