— Liv ! Réveille-toi, ça va bientôt être à nous, j'entends mon amie chuchoter en me secouant le bras.

J'ouvre péniblement les yeux.

— Hum ?

— l'exposé, me rappelle Andie. C'est toi qui as les fiches, en plus, et tu ne les as toujours pas sorties.

Je relève ma tête de la table et masse mon visage pour me redonner de la lucidité.

— Ah oui c'est vrai, merde, grogné-je.

— mais qu'est-ce qui t'arrive ces derniers temps ? T'es moins concentrée que d'habitude et tu passes la quasi totalité des heures en cours à dormir. T'es sûre que tout va bien ?

— bah... Oui. Je dois juste manquer de quelques heures de sommeil.

— justement... Pourquoi ? Tout va bien avec Yoahn ? Tu sais que si quelque chose te tracasse tu peux...

— oui, Andie, je le sais. Je sais que je peux tout te dire. Et je ne te cache rien, crois-moi. Si j'te dis que tout roule, bah c'est que c'est le cas, t'inquiète.

Elle hoche la tête, bien que peu persuadée. Je lui fais un sourire avant de fouiller dans mon sac et y pêcher les documents dont nous avons besoin pour notre exposé, puis vient notre tour de passer devant toute la salle pour le présenter.

C'est Andie qui prend la parole la première.

— Bonjour à tous. Le sujet de notre travail porte sur l'inégalité de la répartition des richesses...

Elle dit un tas de choses après ça mais j'ai l'impression de ne rien assimiler. Je me sens fatiguée, putain. J'ai juste envie de rentrer à ma place et de me recoucher.

Quand elle a fini sa partie, elle me passe le micro.

— Maintenant nous allons présenter le facteur démographique. Cet aspect, quelque peu souvent négligé, représente... Représente... Représ...

J'ai un haut-le-cœur.

Je ne me sens pas bien. Ça doit être le stress. Je sens quelque chose de bizarre remuer dans mon estomac.
Ça, c'est pas bon.
Je crois que je vais...

Oh merde !

Je plaque une main contre ma bouche et l'autre contre mon ventre. Le micro m'échappe des mains, tombe au sol et émet un bruit assourdissant. Tout l'amphi émet un brouhaha de plaintes, certains se bouchent les oreilles.

Je me précipite vers la sortie en courant.

J'arrive dehors et éjecte une bonne partie de mon petit déjeuner dans une benne à ordures près du bâtiment.

C'est dégueulasse.

J'entends quelqu'un arriver derrière moi.

— Ça va ?, S'enquiert mon amie.

Je reste parfaitement stoïque.

— Tiens, dit-elle en me tendant un mouchoir en papier.

— merci.

Je crache une dernière fois puis nettoie ma bouche avec le bout de papier.

— Qu'est-ce que tu as ?

— j'en sais rien, je réponds en faisant basculer ma tête en arrière. Je veux rentrer.

Andie reste un moment silencieuse, comme si elle prenait son temps pour analyser la situation.

— Tu sais Liv, je crois qu'il faut que tu fasses un test.

Mon cœur fait un bond dans ma poitrine.

— Un test... de quoi ?, Demandé-je en écarquillant les yeux, redoutant sa réponse.

— bah de grossesse.

Je déglutis difficilement.

Depuis le début de tous ces malaises j'évite sciemment de penser à cette possibilité.

Oh my god je ne veux même pas y penser, non.

— Tu crois que je suis enceinte ?, Je feins l'outrance.

— pas forcément mais... Tu pourrais l'être.

— alors quoi ? Maintenant on peut même plus vomir en toute tranquillité d'esprit ?

— joue pas à ça avec moi, Liv. Tu présentes certains symptômes visibles et évidents...

— c'est bon!, la coupé-je, en colère.

Mon amie fronce les sourcils.

Je glisse le long du mur et me retrouve assise parterre.
Je recouvre mon visage de mes deux mains et soupire bruyamment.

— Désolée, je souffle.

Elle s'approche doucement et s'assoit à son tour à côté de moi.

— C'est juste... Je veux même pas envisager cette possibilité, ce serait... T'imagines un peu Andie, si je suis enceinte ? Qu'est-ce que je ferais ? Qu'est-ce que je deviendrais ?

Elle me regarde tendrement.

— Pas une pauvre fille seule, en tout cas, réplique-t-elle. Car moi je serai toujours là pour toi.

— c'est bon, arrête avec tes serments à la barbie, là.

Elle me met un poing dans l'épaule.

— Aouh ! Tu fais de la muscu' en cachette ou quoi ?, Je me plains en massant mon épaule.

Elle rigole, fière de son coup.

— Je t'aime, Andie.

— je sais, se vente-t-elle.

Je roule des yeux.

— Mais sérieusement, il faut faire un test pour en être sûre.

Je hoche la tête, le cœur battant à mille à l'heure et l'appréhension me glaçant jusqu'aux os.

***

Andie m'accompagne dans un centre de santé à quelques centaines de mètres du campus. Elle a l'air de bien connaître l'endroit alors je la suis sans poser de questions.
C'est un endroit pas très accueillant – aucun hôpital ne l'est pour moi.

Nous arrivons dans un couloir plus ou moins étroit, ou alors j'ai cette impression à cause du bon nombre de femmes qui y siègent sur des bancs d'attente. Toutes des adultes j'ai remarqué, mais surtout, toutes enceintes.

« Non c'est un cauchemar que je suis entrain de vivre, réveillez moi !»

— Viens par ici, me suggère mon amie.

— euh, t'es pas sûre qu'on devrait plutôt attendre ici ?

— mais non, suis-moi.

Je m'exécute et la suis jusqu'à l'entrée d'une salle qui ressemble à un laboratoire.
C'est un laboratoire.

— Les tests sanguins sont les plus fiables, je t'en recommande un.

Je déglutis bruyamment.

Test sanguin = prise de sang = piqûre = moi en panique.

J'ai vraiment peur de tout ce qui concerne les hôpitaux. C'est une phobie.

Nous entrons dans la salle et y trouvons un homme et une femme manipulant un tas de trucs.

— Bonjour, nous aimerions faire un test de grossesse sanguin si possible, s'il vous plaît, enchérit Andie.

— oui c'est possible, répond le monsieur. Asseyez-vous là.

Mon amie m'invite à prendre place sur la chaise que l'homme en blouse blanche vient de lui proposer.
J'y vais avec beaucoup d'auto-motivation.

— Je t'attends dans le couloir, me chuchote-t-elle.

— tu ne peux pas rester ?

Elle secoue la tête. J'implore les deux adultes du regard pour avoir leur approbation mais ceux-ci me donnent une réponse négative. Je boude.

— Allez, c'est juste une piqûre, pas une opération du cœur, finit par se moquer Andie avant de quitter la pièce.

Les docteurs s'occupent vite de moi.
C'est la femme qui s'est chargée de m'enfoncer la seringue dans une veine du bras gauche et y aspirer un peu de mon sang. J'ai serré les dents – je suis trop forte mdr.
Puis elle m'a tendu un bout de coton imbibé d'alcool que j'ai posé sur la piqûre.

— Vous aurez vos résultats dans une trentaine de minutes.

— je peux les attendre à l'extérieur ?

— bien entendu, nous vous appellerons quand ceux-ci seront prêts.

Sur ce, je me rue dans le couloir et vais m'asseoir à côté d'Andie, heureuse de la retrouver.

— Ça s'est bien passé ?

— mhmm, je fais en hochant la tête.

Nous nous mettons à papoter pour faire passer le temps et même si je fais mine de ne pas y prêter attention, je suis très mal à l'aise au milieu de toutes ces femmes enceintes qui nous regardent de manière intriguante, j'ai comme l'impression qu'elles me jugent.

— Comment ça se fait que tu connaisses aussi bien cet endroit, toi ?

— em... C'est une longue histoire, se contente de répondre mon amie en souriant, gênée.

— t'as eu à faire un test, toi aussi !? Fis-je, interloquée. Et tu ne m'as rien dit ?

— non, détrompe toi tout d'suite, il ne s'agit pas de moi.

— mais de qui alors ?

Elle rit de manière idiote.

— Mavis.

— quoi ? Elle est enceinte ?

— non, mais elle a cru qu'elle l'était, avant les congés. Alors elle m'a demandé de l'aider et nous avons découvert cet hôpital ensemble.

Je reste abasourdie.

— Mais pourquoi vous ne m'avez rien dit ?

— elle avait peur que tu le répètes à Yoahn donc elle m'a fait promettre de ne rien te dire... promesse que je viens de rompre.

— quoi ? Mais vous êtes complètement tarées, vous. Vous pensez vraiment que je serais capable de faire un truc pareil ?

Elle fait un sourire en coin, hébétée.

Je feins la fille vexée mais Andie sait que je plaisante et qu'au fond ça ne m'irrite qu'un peu qu'elles m'aient tenue hors de leur secret.

— MADEMOISELLE OLIVIA GINETH !, Intone une voix que je reconnais, celle du monsieur dans le labo.

C'est l'heure de mes résultats.

Je tremble comme une feuille et mon cœur bat la chamade lorsque je me lève pour aller les récupérer.

— Allez, courage, me souffle mon amie.