I'm right here
Olivia
Plus qu'une centaine de mètres nous séparait de l'amphithéâtre dans lequel notre prochain cours de la journée se tiendrait dans quelques secondes, malgré ça, nous continuions de nous taper les histoires d'Andie qu'on arrivait même plus à distinguer les unes des autres et avancions à pas de tortues, jusqu'à ce que Mavis reçoive un texto.
Lorsqu'elle déverrouilla son portable, sa mine se glaça, et ses mains se mirent à trembler.
— qu'y a t'il ? Demandai-je inquiète.
— c'est Yoahn.
Mon cœur loupa alors un battement. Je pris peur à mon tour.
— qu'est-ce qu'il a ?
— je... je ne sais pas. Il faut qu'j'y aille.
Elle se précipita et s'en alla sans même nous faire un câlin pour dire au revoir comme on en avait pris l'habitude. Elle semblait désespérée, et moi, je craignais le pire.
Andie et moi la regardions partir sans un mot car nous savions que nous ne pouvions la retenir, et lorsque mon amie me regarda dans les yeux, frappée par l'évidence de ma frayeur, elle murmura:
— je suis sûre que ce n'est rien de grave, ne t'inquiète pas.
J'étais tellement reconnaissante de l'attention dont elle faisait preuve. Elle ne connaissait même pas Yoahn, la seule fois où elle avait entendu parler de lui c'était ce jour même. Mais comment ne pas m'inquiéter ? Je sentais bien que quelque chose clochait, sinon Mavis n'aurait pas eu une réaction aussi alertante. J'hochai quand même la tête, et nous allâmes faire cours.
Celui-ci passa, et toujours aucune nouvelle de Mavis. Je mentirais si je disais que j'ai écouté un seul mot venant du professeur, puisque j'ai passé les deux dernières heures à me torturer l'esprit de scénarios horribles en pensant à ce qui aurait pu arriver à Yoahn — mes ongles en ont pris un bon coup au passage.
— Liv ! On y va ?
— oui.
***
Le taxi me déposa devant la maison. Rachel et moi étions censées rentrer ensemble, mais je suppose qu'étant donné qu'on ne s'était pas reparlé depuis notre conversation sur ma pseudo relation avec Yoahn, ce n'était pas la peine de l'attendre, ou d'espérer qu'elle m'ait attendue.
Sans même jeter un coup d'œil à son appart pour vérifier si ma très chère cousine était déjà là, je me dépêchai en direction de celui de Yoahn, je devais me rassurer.
Toc toc toc...
J'attendis un moment avant de toquer à nouveau.
Toc toc...
Toujours rien.
Il n'était peut-être pas là ?
Mais je n'avais pas l'intention de rentrer. Il fallait que je le voie... ou au moins que j'aie un indice sur ce qui s'était passé.
— Yoahn ? Émis-je en insistant.
Après un énièmes appel, je commençais à me décourager. Mais j'entendis du bruit à l'intérieur. C'était des pas...
C'était Yoahn qui venait m'ouvrir. Et lorsqu'il se laissa apparaître derrière la porte...
« Oh mon Dieu ! »
J'eus le cœur fendu de voir à quel point il ne reflétait que tristesse et colère.
Ses yeux étaient plus luisants que d'habitude et tous rouges, ses veines ressortaient à travers la peau de ses tempes, et sa mâchoire était aussi serrée que celle d'un lutteur sur le ring.
Mes yeux se remplirent à leur tour, je ne sais pas si c'était la joie de le voir et de savoir qu'il était sauf, ou la tristesse de voir et de sentir sa douleur me transpercer moi aussi.
Le silence semblait créer un fossé entre nous, je commençais à avoir ma petite idée sur ce qui pouvait le mettre dans cet état.
Il snifa durement avant de souffler :
— Elle est morte.
Sans réfléchir, je me jetai simultanément dans ses bras et le serrai de toutes mes forces. De fines perles de larmes roulèrent sur mes joues. J'avais mal qu'il ait mal. Surtout que j'avais déjà connu ça moi aussi, donc je savais combien ça devait être dur pour lui.
— je suis désolée.
J'avais les yeux fermés et je ne pensais à rien d'autre que mon besoin de le réconforter.
Yoahn était tout raide, il ne réagissait pas, il ne me rendait même pas mon étreinte. Il devait être plus que dévasté, le pauvre. Mais je ne le lâchai point, au contraire, je le serrerais encore plus fort si je pouvais. Nous restâmes ainsi jusqu'à ce que mes yeux arrêtent de couler.
— viens t'asseoir.
Je le trainai jusqu'au canapé où il s'affala désespérément. Puis j'allai dans la cuisine et revins quelques secondes plus tard avec un grand verre d'eau que je lui tendis.
— tiens, bois un peu, ça te fera du bien.
Il n'en fit rien.
Je n'insistai pas, et déposai le verre sur la table basse en soupirant.
— Je vais nous commander un truc à bouffer, repris-je.
— c'est pas la peine.
— Yoahn...
— je t'ai dit que ce n'était pas la peine putain !
Je sursautai, effrayée par la violence de ses paroles.
— je... je suis désolé. Je ne voulais pas te crier dessus. Je... je ne veux juste pas que tu t'inquiètes trop, je ne vais pas me laisser crever de faim rassure-toi, je peux encore me nourrir seul. Et puis je t'ai déjà dit que je n'aime pas qu'on ait pitié de moi.
— mais je n'ai pas pitié de toi Yoahn, détrompe toi, je suis seulement compatissante. Ce qui me semble tout à fait normal.
— ah oui, et pourquoi ? On n'est pas particulièrement proches à ce que je sache.
Sa phrase me fît aussi mal qu'un uppercut en pleine poitrine, mais elle ne suffît pas à me faire revenir sur mes mots.
— peut-être, mais je m'en fiche. Je reste quand même. Et ce, jusqu'à ce que tu te calmes.
Il secoua la tête en émettant un rire glacial.
— tu me fais vraiment marrer. Parce que tu crois que c'est toi qui arrivera à me calmer ? Sérieusement, je viens de perdre ma mère ! Ma mère putain, pas une dent !
Sa mâchoire se resserra dangereusement, et mon ami éclata en sanglots devant moi en baissant son visage et le recouvrant d'une main large et ferme.
J'étais désarmée face à sa peine, et ça me brûlait à l'intérieur de ne pouvoir rien y faire car je sais personnellement que dans ce cas là, peu importe le nombre de condoléances ou de promesses gentilles que les gens peuvent te faire, ça ne change pas vraiment grand chose à la douleur que tu ressens. Alors je restai assise là, à le regarder pleurer, le cœur en débris et les yeux larmoyants.
— va t'en s'il te plaît.
C'était certain qu'il ne voulait pas que je le vois dans cet état, mais honnêtement c'était ce qui m'importait le moins à cet instant.
— Olivia, va t'en.
Je me levai, avançai de quelques pas, et vins m'asseoir tout près de lui; puis pris sa main libre dans la mienne.
— je reste, Yoahn. Je reste là.
Étonnamment, il ne broncha pas. Bien au contraire, il déposa délicatement sa tête sur mes cuisses en s'allongeant de côté et continua à faire son deuil calmement.
Mon souffle se coupa net, j'étais loin de m'attendre à ça. Puis comme naturellement, ma main gauche se mît à se balader sur son bras, et l'autre se déposa dans ses cheveux pour les caresser avec douceur.
Des minutes, des heures, je ne sais pas vraiment combien de temps nous sommes restés là. Cependant, ça faisait déjà un moment que la nuit était tombée et Yoahn avait cessé de pleurer; j'avais même comme l'impression qu'il s'était endormi.
Et c'est alors que son téléphone retentît : la chanson Birds que je ne me lasserai jamais d'entendre raisonner lorsque ce dernier se met à sonner.
Je me dépêchai de l'attraper et m'apprêtais à décrocher lorsque Yoahn grogna:
— mmh mmh, laisse.
— c'est Armand.
— je sais.
— mais en plus tu as déjà dix-sept appels en absence de lui dont le dernier est d'il y a trois heures.
— je sais.
— je vais répondre.
Allô ?
– oui, c'est... hem...
– Olivia.
– tu es avec Yoahn ?
– oui.
– il va bien?
– oui ne t'inquiète pas, il est juste endormi.
– ah d'accord je suis rassuré, parce que j'ai essayé de le joindre une tonne de fois depuis que j'ai eu la nouvelle; au départ je me suis dit qu'il voulait sûrement rester seul, comme il aime bien, alors j'ai pas trop insisté. Mais s'il ne répondait toujours pas, enfin... si tu n'avais pas répondu cette fois-ci j'aurais sûrement débarqué là-bas.
– je comprends, tout va bien, vous pourrez certainement vous parler demain.
– d'accord, je passerai le voir. En attendant prends bien soin de lui.
– toi aussi prends soin de toi.
– à plus.
L'appel se coupa et l'heure affichée sur l'écran d'accueil du portable me ramena à la réalité.
— merde, 21 heures et quart ! Je dois y aller.
Je sentis instantanément les mains de mon petit protégé s'agripper sensiblement à mes jambes.
— non, reste.
La stupéfaction m'empêcha de prononcer un seul mot, et Yoahn ajouta:
— s'il te plaît.
« Son souffle chaud sur mes jambes, ses cheveux soyeux entrelacés dans mes doigts, et sa peau brûlante sous ma paume; je donnerais tout pour rester là. Mais est-ce que j'en ai seulement le droit ? »
— d'accord. Je reste.
« Oui, j'en ai le droit, puisqu'il me l'a demandé. »
— je suis là.
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