Grincheux anniversaire
Olivia
Décembre.
C'est un mois très important pour la plupart des gens. C'est le dernier de l'année, il désigne la préparation pour un nouveau départ, de nouvelles résolutions. C'est aussi le mois clé des fêtes de fin d'année. La bonne humeur, le partage, la cohésion pour certains, et rien pour moi. Enfin, à part mon anniversaire, bien sûr. Oui, parce que je suis née un onze décembre. Sinon la "magie de Noël" et toute la mascarade qui l'accompagne, j'y crois plus depuis le jour où j'ai découvert que le père Noël n'existait pas.
Dans les normes, je ne suis pas si enthousiaste que ça à l'idée de fêter mon anniversaire. Il faut préparer tout un discours de remerciements, et faire semblant d'être gratifiante et totalement émue à chaque fois qu'on reçoit un vœu ou un cadeau. — En tout cas moi, je fais semblant.
C'est pas que je suis hypocrite, mais l'année dernière par exemple, Andie m'a offert une paire d'escarpins super hauts que je n'ai jamais mise car je ne sais pas marcher avec des talons qui font plus de cinq centimètres. Malgré ça, j'ai quand même simulé des larmes de joie lorsqu'elle me les a donnés. Et chaque fois qu'elle me demande pourquoi je ne les mets jamais, je réponds que j'attends une occasion qui en soit digne. Certes, je mentais. Mais au final, mon mensonge n'en sera plus un, parce que je vais le faire: Je vais mettre ces escarpins puisque ce soir est une occasion qui en vaut la peine. Et pas parce que c'est mon anniversaire; pas non plus parce que mes amis me préparent une "fête surprise" dont je suis déjà au courant alors que je ne devrais pas. Ce soir est une occasion qui en vaut la peine parce que... — roulement de tambour —... Yoahn m'emmène dîner !!!
Aaaaaaaaaaaaaaaaaaah !!!
Bon... techniquement, il ne m'emmène pas car on n'y va pas ensemble, mais il m'a dit le numéro de la table qu'il a réservée et je vais tout simplement l'attendre là. Il avait « un dernier truc à régler » m'a-t-il dit. Une surprise j'imagine. 'fin... j'espère. Non, j'en suis presque trop sûre. Une sérénade ? Un concert surprise ? Oh, ou peut-être une demande en mariage !
« Hun hun, je m'emballe trop vite, redescendons d'abord sur terre. »
En pénétrant dans le restaurant, je réalisai que je n'aurais pas de regret à m'être mise sur mon trente-et-un: Il était vraiment chic. La façade était certes attirante, mais l'intérieur laissait vraiment comprendre que c'était un endroit réservé à une certaine classe de gens. Ça m'étonnait quand même assez que Yoahn ait mis la barre aussi haut. Mais bon, c'était quand même mon anniversaire... il avait dû se sacrifier un peu.
Un monsieur en uniforme s'approcha de moi et je lui communiquai les informations nécessaires que Yoahn m'avait données, mais il m'amena à la caisse, où une femme fouilla dans son ordinateur avant de confirmer la réservation. Le monsieur m'accompagna donc jusqu'à la table à proximité d'une porte-fenêtre en vitres qui donnait sur le parking. Là, je pris place, excitée plus qu'une gamine la veille de Noël.
Même si celle-ci était exceptionnelle, les attentes me donnent toujours étrangement faim, et me rendent super gourmande. Alors j'attaquai le bol de cacahuètes posé au centre de la table, qui devait servir d'apéritif.
***
19:15
Chaque fois qu'une ombre plus ou moins indistincte apparaissait dans le parking, j'espérais voir une moto se garer, avec Yoahn dessus, et pourtant, c'était toujours des voitures. Ça faisait déjà trente minutes que je l'attendais, et dix que le bol de cacahuètes était vide. Je commençais à me poser des questions, mais je me ressaisissais tout de suite après en me disant que ça devait prendre du temps, de préparer quelque chose de mémorable. Du moins, je persistais à le croire pour essayer de ne pas laisser le doute s'installer.
***
19:36
— Voulez-vous que je vous remette des cacahuètes, mademoiselle ? Me demanda le même serveur en repassant par là.
J'hochai mollement la tête, et il s'exécuta.
— vous devriez peut-être commander, vous savez, suggéra t'il en remplissant le petit récipient de graines dorées.
— non, euh... j'attends quelqu'un.
— je sais.
Il me sourît gentiment.
Oh non, je ne devais pas faire si pitié à voir que ça... si ?
Je lui rendis son sourire, bien qu'un peu forcé de mon côté.
— ne vous en faites pas, il viendra, rétorquai-je.
— c'est obligé. Vous vous êtes vue ? Termina t'il sur un sourire flatteur avant de retourner vaquer à ses occupations.
C'était un bien beau compliment, qu'il venait de me faire, là. À moins que ce ne soit l'une des phrases types qu'on leur enseigne pour garder la clientèle à l'aise. Oui, c'est une hypothèse qui tient la route.
***
19:50
Moi: Je commence à m'impatienter, là. Où t'es ?
19:53
Moi: Yoahn, réponds moi. Ça fait plus d'une heure que j'attends !
19:54
Moi: j'ai quelque chose d'autre de prévu à 21h, alors j'vais y aller.
19:57
Moi: Pauvre con ! Si t'étais pas cap d'assumer, fallait pas m'inviter.
Moi: t'es qu'un idiot.
Mon cœur se serra et je sentis ma gorge se nouer. Pourtant il était hors de question que je pleure.
Je me levai de table et sortis de la salle sans un regard en arrière.
Vous imaginez la honte ?
Putain, il m'avait bien fait marcher !
Mais pourquoi il l'aurait fait ?
Je commençais à avoir... des remords ? Oui, je crois que c'est cela. J'avais envie de m'excuser pour l'avoir traité comme je venais de le faire, il était peut-être vraiment entrain de faire quelque chose d'important.
Mais il aurait quand même pu m'envoyer un message, au moins pour signaler qu'il ne viendrait plus, au lieu de me laisser poireauter comme une pauvre quiche désespérée.
« Et s'il avait perdu son téléphone ? Ou qu'il lui était arrivé quelque chose ? Parce que quand même... je ne vois pas quelle raison il aurait de me laisser en plan ainsi. Mais alors, ça voudrait dire que je l'ai insulté pour rien, au lieu de chercher à me rassurer qu'il allait bien. Quelle sale égoïste ! »
J'empoignai mon téléphone pour me rattraper au moment où ces pensées traversèrent mon esprit, mais je le rangeai aussitôt, en comprenant que je ne ferais sans doute qu'empirer la situation. Alors je continuai de marcher droit devant moi, sans trop savoir où j'allais, mais il fallait que j'aère ma petite tête.
***
Je sortis de mes divagations lorsque je vis au loin une silhouette masculine familière s'approcher à pas de course. Plus elle se rapprochait, mieux j'arrivais à distinguer de qui il s'agissait, jusqu'à ce qu'il vienne se tenir à quelques centimètres de moi, presque essoufflé.
— Qu'est-ce que tu fais là ? Demanda Stéphane, l'air ébahi.
— Je euh... je me promène.
— en plein centre-ville, à 20 heures ! Et sapée comme ça !
— Bah... je... euh... oui. Pourquoi pas ? et toi-même, alors ? Hein ? Pourquoi t'es là ?
— Moi ben... je... Je suis venu faire une course rapide, voilà. Pour une amie, elle en a besoin de toute urgence.
Le schéma se fît tout seul dans ma tête.
— Qu'est-ce qu'Andie a oublié ?
— que... quoi ? Andie ? Mais pourquoi tu me parles d'elle?
Je soupirai en levant les yeux au ciel, avant de croiser les bras sous ma poitrine.
— Arrête, je sais que vous me préparez un truc "surprise".
Il ouvrît de grands yeux choqués, puis se frappa le front avec une main avant d'articuler :
— Je suis si mauvais que ça, pour mentir ?
— oui, mais pas que.
— c'est-à-dire ?
— j'le sais depuis ce matin.
— mais comment ?
— pff... facile. D'abord Andie ne m'a pas souhaité un joyeux anniversaire, alors qu'elle ne l'a certainement pas oublié. En plus, ni elle, ni Mavis ne m'a écrit de toute la journée, pourtant ce sont toutes les deux des pipelettes certifiées. Bref j'sais pas trop, mais faites plus d'efforts à l'avenir, si vous comptez me cacher quelque chose.
Je songeai un peu à me vanter devant l'air épaté de mon ami, mais sa tête me fit plus rire qu'autre chose.
— Bon... puisque je suis démasqué, il serait temps que tu me dises la vérité, toi aussi, non ?
— quelle vérité ?
— toi et moi savons que tu ne t'es pas retrouvée ici par hasard, et que tu ne fais pas que "te promener". Alors raconte.
J'émis un long soupir.
— C'est une longue histoire, soufflai-je.
— j'ai tout mon temps.
— je n'en suis pas si sûre...
— bon, reprît-il en étouffant un rire. T'as peut-être raison, mais c'est pas grave, tu vas m'accompagner.
— quoi ?
— ouais, comme ça, tu me diras tout en route.
— non !
— désolé Liv, mais c'était pas une question.
***
Et c'est comme ça que de nombreuses minutes et trois supermarchés parcourus plus tard, je termine de raconter à Stéphane mon dîner d'anniversaire en tête-à-tête loupé. J'arrive même pas à croire que j'ai réussi à lui en parler... c'est tellement humiliant.
— Vois le bon côté des choses: au moins ce soir, tu dormiras chez toi.
— ta gueule.
Pourtant, il avait quand même toujours le mot pour me faire rire.
— Hey.
— ouais ?
— tu f'ras semblant d'être surprise quand même, hein ? Sinon les filles croiront que c'est moi qui ai tout balancé.
— t'inquiète, répondis-je avec un clin d'œil.
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