Olivia

Un an, jour pour jour, que Yoahn et moi sommes ensemble. Le temps est passé si vite ! Je me rappelle encore du Noël dernier comme si c'était hier. Mais bien des choses ont changé depuis. Entre Yoahn et moi, et même autour de nous. Tiens par exemple, j'ai constaté que Rachel a commencé à fréquenter un mec peu après mon départ, il vient de temps en temps chez elle et quelques fois je remarque même qu'il y passe plusieurs jours d'affilée. Il a l'air bien. Grand, svelte avec une bouille d'ange. Je n'ai même pas l'impression de lui manquer, depuis. Ça me fait plaisir qu'elle ait réussi à trouver quelqu'un qui la rendre plus heureuse, mais au fond je suis tout de même triste qu'elle m'ait oubliée au passage. Et moi, je suis trop fière pour retourner vers elle en lui disant qu'elle me manque et qu'elle avait peut-être raison quand elle me prévenait au sujet de Yoahn.
Et non, je ne regrette pas de m'être mise avec lui, je l'aime toujours autant, peut-être même plus. Et c'est justement ça qui est bizarre et qui nécessite que j'en parle à quelqu'un qui saura me conseiller, m'aider. Quelqu'un avec l'expérience d'une grande sœur et la compréhension d'une amie : quelqu'un comme Rachel. Mais je ne peux pas. J'ai non seulement la trouille, mais en plus et surtout trop honte. Honte de lui avouer que je ne reconnais plus le Yoahn avec qui j'ai été en couple durant un laps de temps et pour qui je me suis éloignée d'elle. Que cette nouvelle façade de lui me fait peur, mais que malgré tout ça je reste toujours amoureuse.

Mon compagnon a changé sans qu'aucun signe précurseur n'annonce quoi que ce soit. Du jour au lendemain, il est devenu distant, il ne souhaitait plus autant rester avec moi qu'au début. La mascarade du « ne fais rien je m'occupe de tout. » n'aura duré que trois mois et quelques car il a juste suffit d'une dispute insignifiante au sujet la nourriture pour que mon très cher me balance à la figure - attention, je cite: « Tu devrais essayer de te bouger les fesses, aussi, au lieu de rester là à tout critiquer comme une reine, les pieds levés. Ça aidera certainement plus que tes caprices d'enfants gâtés. ». Cela m'avait profondément blessée, surtout parce que je savais que c'est lui qui m'avait encouragée à rester sans rien faire, et maintenant il me laissait clairement sous-entendre que j'étais devenue un fardeau. Alors j'ai fini par me dégotter un job à temps partiel dans un fast-food du coin pour pouvoir contribuer aux différentes dépenses quotidiennes et mensuelles.

Hors mis ça, il s'est tellement éloigné que maintenant il faut presque que je lui rappelle que j'ai souvent besoin qu'il me touche. Or, je me souviens que les premières semaines de ma cohabitation avec lui, Yoahn ne me laissait pas tranquille. Nous avons fait l'amour dans toutes les pièces de sa maison et même dans son jardin. Si bien que ce jour, un voisin a failli nous y surprendre, et nous avions interrompu notre petite affaire pour fuir à l'intérieur comme des canailles en riant à gorges déployées. C'était la belle époque, ça. Et dire qu'elle est déjà bien dépassée... On en viendrait à se demander quand est-ce que j'en ai réellement profité.
Parfois il m'arrive de penser qu'il se pourrait qu'il me trompe. Et je me mets machinalement à chercher des indices, sur et dans ses vêtements sales pendant que je les prépare à la lessive, et même dans son téléphone - même si celui-ci est plus inaccessible que la caverne d'Ali Baba. Mais je ne trouve rien. Ou du moins, pas encore. Parce que j'en suis presque trop sûre, il va voir ailleurs. Et ça me rend dingue ! J'en suis consciente et cette pensée me rend encore plus folle qu'une mère africaine en colère. Il n'y a pas d'autre explication. Sinon pourquoi aurait-il brusquement changé et en si peu de temps ?

Ma tante m'appelle souvent. Elle demande comment je vais, comment je gère les études et me parle de Rachel comme si nous habitions toujours ensemble, alors que ça va bientôt faire un an que ce n'est plus le cas. Ma cousine a certainement dû garder cette information pour elle, alors je fais pareil. Tata Flore croit sûrement que tout est encore comme avant, et honnêtement... c'est mieux ainsi. Tant pour ma dignité que pour ma scolarité.

Anyways.

Comme je le disais tantôt, aujourd'hui Yoahn et moi célébrons notre anniversaire de couple, même si ça m'étonnerait qu'il s'en souvienne. En effet, il est de plus en plus évasif et se comporte souvent comme si j'étais une épine dans son pied plutôt que sa petite amie. Même cette maison qui m'offrait chaleur, réconfort et convivialité, aujourd'hui n'est plus qu'un gouffre dans lequel je me noie, tirée vers le bas par les maladresses incessantes de l'homme que j'aime.

Je passe une fois devant lui. Puis une deuxième. Il est toujours là, statique devant la télévision, une cigarette incandescente à la main et ne semble même pas remarquer que je cherche à attirer son attention. Je vais m'adosser dans un coin. De là, j'observe attentivement mon compagnon prendre de temps en temps une bouffée de sa cigarette. Il est toujours aussi classe dans ses gestes, mon Yoahn : toujours aussi beau !
Je me rapproche, reste un instant debout devant lui avant de prendre place à ses côtés.

- Bébé, l'abordé-je en déposant un baiser sur son épaule. T'as pas oublié quelque chose ?

- tu savais déjà que je n'avais pas l'intention de fêter Noël. De quoi tu te plains ?

- mais je ne te parle pas de ça, enfin !

Il écrase les restes de son bâton consumé dans le cendrier posé sur la table, puis se met net en face de moi, comme pour témoigner son attention.

- Qu'est-ce que j'ai oublié d'autre, princesse ?

Je feins une mine boudeuse.

- Allez, dis-moi, dit-il en passant délicatement une mèche de cheveux derrière mon oreille.

- aujourd'hui c'est Noël !

- oui, je sais.

- hmm... Yoahn ! Ça fait un an qu'on est ensemble, boudé-je encore plus.

Mon copain réprime un sourire.

- Ça t'amuse, en plus ?

Cette fois-ci il penche carrément la tête en arrière en riant.

- Non. C'est juste que... Eh ben... Maintenant je suis obligé de gâcher la surprise.

« Ô non ! Pourquoi être aussi bête, Liv ? »

- Oh non... Fis-je, déçue.

- malheureusement, si, se moque-t-il. Si t'avais été plus patiente, tu l'aurais eue, ta surprise.

Je suis totalement dégoûtée. Pourquoi il a fallu que je me plaigne aussi tôt ?
Bref, en tout cas, c'est toujours mieux que de se dire qu'il aurait réellement pu oublier.

Yoahn se lève, fait un tour dans la salle de bain puis revient avec un bouquet de roses rouges dans une main, et une petite boîte carrée dans l'autre.
Il m'offre le bouquet en premier avant de me donner la boîte pour que je l'ouvre moi-même.

- oh, mon amour, m'exclamé-je, émue. C'est si beau !

Il prend le médaillon ovale toujours soigneusement couché dans sa boîte, et me le passe autour du cou.

- Woahou ! C'est... C'est un vrai ?

- bien-sûr ! Crois-tu qu'on puisse offrir à une princesse moins qu'une pierre précieuse ?

- oh, Yoahn ! Mince alors, mon cadeau va sembler tellement minable à côté, maintenant.

Et comment ! À quelle heure une paire de Nike air Jordan vaudra autant qu'un saphir ? Un saphir, putain ! [Petite dédicace à AudeMainville, si tu passes par là... 😉✨].

- C'était l'effet escompté, se moque-t-il avant de m'embrasser tendrement. Je t'aime.

- moi aussi.

- mais j'espère que ce ne sont pas des air Jordan quand même.

Mes yeux manquent de sortir de leurs orbites et je commence à rougir de honte quand mon copain éclate de rire.

- J'te fais marcher, je les ai vues cachées dans le placard, avoue-t-il. Et je les adore. Presqu'autant que toi.

Cette fois-ci c'est carrément ma mâchoire qui se détache et ma bouche ressemble à un puis asséché.
Yoahn soupire.

- Je te fais marcher, encore ! Tu te fais tout le temps avoir, c'est dingue !

Yoahn rit à en pleurer et finit bientôt par me contaminer son hilarité.

- Rien n'a jamais eu, et n'aura jamais la place que tu occupes dans mon cœur, Pinky.

Je sens mon cœur fondre comme un glaçon au soleil. Et quand il se rapproche pour m'embrasser à nouveau, c'est tout mon corps qui se liquéfie.

Sérieusement... Entre nous, comment ne pas tomber chaque jour un peu plus amoureuse de ce garçon ?