Anna
Olivia
Un concert de batterie dans ma poitrine ? Non. Ce sont les battements de mon cœur qui se sont affolés lorsque j'ai vu Yoahn venir vers moi. « Olivia, si tu t'enfuis en courant, tu devras aller t'installer en Alaska et changer d'identité après, et ça, tu n'en as pas les moyens, donc du calme. » Là, ma conscience avait bien raison, alors j'ai ordonné à tous mes membres d'obéir à mon cerveau pour une fois, et je suis restée assise sur la moto, tout en me répétant intérieurement que ce n'était pas un monstre, mais bien un humain comme moi qui était entrain d'arriver. « Ouais, mais un humain qui te fait transpirer en plein soir d'octobre alors que même pas une minute plus tôt tu grelottais. » Même si parfois j'aimerais bien qu'elle la ferme, cette conscience. Sauf qu'encore une fois, et c'est le pire, elle avait raison! Mais je n'eus malheureusement pas le temps de remettre du déo, et il était déjà là, planté devant moi, le visage euphorique et les cheveux en bataille.
— hey pinky-bunny, je ne suis pas sûr qu'Anna apprécie que tu sois assise là tu sais.
Je n'étais pas certaine d'avoir capté ce qu'il venait de dire, mais je croyais que cette fois, au moins, ce n'était pas un coup de mes neurones qui faisaient n'importe quoi à chaque fois qu'il était dans mon champ de vision.
— excuse-moi ? Demandai-je.
— la moto...
— ah... c'est la tienne?
Il hocha la tête, et je me sentis terriblement mal à l'aise tout à coup; j'avais carrément envie de me donner une claque lorsque je compris enfin le sens de sa première phrase. Je me levai en catastrophe — sans aucune grâce, ça n'étonne personne, mais réussis tout de même à tenir sur mes deux pieds.
— hem... pardon!
« Je ne suis pas sûr qu'Anna apprécie que tu sois assise là... » cette phrase me rentrait comme un poing dans la gueule. Anna ! Alors c'était ça le prénom de la jolie métisse... qui par déduction serait sa petite copine. « Aouch, ça fait mal ! »
Je me raclai la gorge dans l'espoir que ce geste masque ma frustration — qui, compte tenu de combien elle était grande, devait se voir à des centaines de mètres.
— t'inquiète, heureusement pour toi, elle n'est pas rancunière.
Son ton était amusé, un peu comme s'il se moquait de moi, et cela ne faisait que me frustrer davantage. Je baissai les yeux et m'emmêlais frénétiquement les doigts, comme je le fais à chaque fois que je me sens gênée.
— qu'est-ce que tu fais là, au fait? Tout va bien?
« Non! Je déteste ta petite amie et je souhaiterais qu'un alien débarque de nulle part juste pour la désintégrer. »
— oui, ça va. Affirmai-je timidement.
Il esquissa un sourire.
— ça ne m'étonne pas vraiment que tu ne sois pas du genre à profiter à fond de la fête.
— pourquoi tu dis ça ?
Il souleva brièvement les épaules, puis passa devant moi pour aller s'asseoir sur l'automobile, et ce n'est qu'à ce moment que je remarquai le bâton de cigarette qu'il tenait entre les doigts, après que l'odeur du tabac m'ait désagréablement surprise.
Je me mis à le dévisager, sans pour autant le défier: là on n'était pas chez Rachel, et là il était libre de faire ce qu'il voulait, et même de fumer tout le paquet si ça lui chantait.
— tu peux te rasseoir, je déconnais.
Il était clairement entrain de se foutre de moi, là. D'abord il me demande de me lever sans aucune politesse, ensuite me dit de me rasseoir, et en plus près de lui alors qu'il était entrain de fumer ! Sérieusement !
— non merci, ça ira. D'toute façon j'étais sur le point de rentrer à l'intérieur.
— on sait tous les deux que ce n'est pas vrai.
Il prît une bouffée de sa cigarette, puis braqua ses prunelles sur moi. Et franchement, je commence à penser que ça devrait être défendu par la loi. Ce n'est pas normal que quelqu'un nous fasse perdre tous nos moyens juste en nous regardant. Je perdis le fil des idées. Pourtant j'avais bien envie de parler; je savais que je m'apprêtais à répondre, mais je ne savais plus du tout quoi, comme si j'étais tout à coup incapable de penser avec cohérence. Ma bouche s'ouvrît pour formuler quelque chose, mais je la refermai aussitôt lorsque je réalisai qu'à cet instant précis, il n'en sortirait forcément rien de sensé.
Après une dizaine de secondes qui m'ont semblées une éternité, Yoahn cligna enfin des yeux et les détacha de moi pour souffler et libérer la fumée qu'il retenait dans ses poumons pendant que j'étais sous l'emprise de ses cristaux noisette.
Ce n'est pas ordinaire, cette façon qu'il a de me regarder, il ne peut pas regarder tout le monde pareillement, j'en suis persuadée. Il le fait sans doute exprès. Il me veut à ses pieds. C'est sûr. Ça doit être un passe-temps pour lui, ce genre de manigances. Oui, il ressemble bien au type de garçons qui ne se lassent jamais d'amasser les conquêtes; le genre qui aime jouer les Casanova. Dommage que la pauvre petite stupide, émotionnelle et obsessive que je suis, se soit déjà égarée à espérer vivre dans l'ombre de ses pas.
— Ça te tente? Demanda t'il en me tendant la cigarette.
— non, je fume pas et je pense que tu le savais déjà.
— c'est vrai, mais je me suis dit que tu voulais peut-être essayer car vu la façon dont tu t'es perdue... j'ai pensé que tu n'avais juste pas le courage de demander.
— non, ça ne me dit rien, je hais le tabac, et tu devrais en faire autant à mon avis. C'est...
— dangereux ? Je sais, c'est mentionné en gras sur le paquet rassure-toi.
— alors pourquoi tu en prends quand-même?
— je sais pas... juste comme ça... une envie d'addiction.
Sa réponse me donna presque la chair de poule. Il fumait juste par envie d'être accro à quelque chose? On ne me l'avait jamais sortie, celle-là!
— arrête le tabac, Yoahn.
— peut-être que si tu devenais ma drogue, je n'en voudrais plus.
— holà, je fonds! Fis-je sarcastiquement.
Je me donnais certes un air théâtral, mais j'avoue que sa réplique m'avait plus flattée qu'amusée. Je souhaitais au fond qu'il le pense vraiment, mais à quoi bon? Non seulement il était en couple, mais en plus et surtout, l'ex petit ami de ma sœur. En clair, il ne pourrait jamais rien se passer entre nous. « shit! »
Il émît un petit rire blasé — « Quelle beauté ! »
— si c'est avec ce genre de disquettes à la ramasse que tu as réussi à choper Rachel, franchement... je pourrais me mettre à douter de son intelligence. Renchéris-je.
— et toi, il faudrait quoi pour réussir à te choper ?
Là, je ne pus retenir un gloussement.
— Yoahn, arrête, c'est nul.
Il répéta son rire plein de charme et de classe. Putain ! Il me faudrait aller dans une école de charisme pendant dix ans juste pour avoir la moitié de sa prestance.
— c'est vrai. J'avoue que c'est difficile de se concentrer quand t'es dans les parages.
Un sourire en coin se dessina sur ses lèvres, et il ne suffît que de ça pour que tous mes os se glacent à la suite de ses mots. on était peut-être entrain de plaisanter, mais dès qu'il faisait un seul geste, ma gêne reprenait le dessus. En même temps, comment rester zen quand chaque parcelle de son interlocuteur est un atout physique ?
— Alors... rien à dire sur celle-là, pinky-bunny? Fît-il fièrement.
Je croisai les bras.
— si. D'abord arrête de m'appeler pinky-bunny, c'est vexant et j'ai un prénom, pour rappel.
Toutes les rares fois que nous nous sommes croisés après le soir où on a fait connaissance, Yoahn m'a appelée par ce "surnom" — très humiliant, je vous l'accorde, à cause du sac en forme de lapin rose que je portais le soir dit en sortant de la maison. Et je n'en peux juste plus !
— Et... oh ! J'te conseillerais plutôt d'éviter de draguer alors qu'Anna aussi est dans les parages, poursuivis-je.
— jalouse ?
— ah, parce qu'elle est une bomba latina tu crois que j'ai une raison de l'être?
Il leva un sourcil interrogateur.
— euh... de quoi tu parles? Demanda t'il perplexe.
— toi, de quoi tu parles ?
— c'est Anna que tu qualifies de "bomba latina" ?
Il plissa les yeux, comme s'il cherchait véritablement à comprendre ce que je disais.
— oui, Anna ! Ta copine en petite robe noire, non ? Émis-je en faisant de grands gestes.
— pardon !?
Il éclata de rire.
— euh désolé mais tu te trompes complètement. Anna c'est ma moto.
« Wait... what ????? »
— sérieusement ? Je... je pensais que... holala laisse tomber!
— attends une seconde... en petite robe noire... tu parles de Léa, là !
Nouvel éclat de rire.
— c'est sûr, tu parles de Léa. Alors comme ça tu surveilles qui traîne autour de moi? Hum... flatteur !
Je me couvrai honteusement le visage d'une main.
— c'est gênant! Boudai-je.
Il riait de plus belle, et se retenait de moins en moins devant ma moue de fillette embarrassée. Remarque, j'étais VRAIMENT malaisée.
Cependant, la fille s'appelait peut-être Léa au lieu d'Anna, cela n'excluait pas la possibilité qu'elle puisse être la copine de Yoahn, et c'était en fait ça ma vraie gêne.
— eh qu'est-ce que vous faites là tous les deux? Émît une voix au loin.
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