Ambiguë
Olivia
Après ce qui s'était passé entre Yoahn et moi plus tôt dans la soirée, je m'attendais à ce qu'en arrivant chez lui il se jette sur son téléphone pour m'envoyer un long et beau message d'amour dans lequel il me dirait qu'il a lui aussi rêvé de ce moment depuis qu'il me connait, qu'il m'aime et qu'il veut passer le restant de ses jours avec moi. Mais même tard dans la nuit, après que je lui aie envoyé un « bonne nuit » en espérant susciter la conversation, il a juste répondu un « bonne nuit, Pinky. »
Je sais que c'est minable, et même puéril de ma part de m'attendre à une "demande en mariage" après un simple baiser qui n'a duré que quelques secondes — et sans la langue en plus —, mais c'est tout aussi frustrant de se dire qu'il n'a peut-être rien ressenti à ce moment, que ça n'a rien représenté pour lui et qu'il l'a juste fait de manière évasive.
Trois jours étaient passés, et Yoahn et moi n'avions totalement pas assumé. Enfin, c'est surtout moi qui le fuyais. On s'écrivait, on rigolait par textos et tout... Et je ne sais pas pourquoi, mais il me semblait qu'on prennait bien le soin d'éviter le fameux sujet. Par conséquent quand on se voyait, j'étais très gênée et un peu craintive à l'idée qu'on en parle en face. Alors je me débrouillais pour le saluer le plus rapidement possible et m'éclipser avant qu'il n'ait le temps de dire « hey ! Faut qu'on parle. En fait euh, pour l'autre soir... Évite de te faire des idées hein, ce n'est pas par sentiments que je t'ai embrassée, et toi et moi ça ne mènera jamais à rien. »
Le bémol, c'est que je ne pouvais pas y échapper pour toujours.
Y🖤: hey Pinky, tu fais quoi ce soir ?
Moi : rien. Pourquoi ?
Y🖤: tu veux bien m'accompagner quelque part ?
Moi: euh... Je suis en cours, là. Je vais terminer assez tard.
Y🖤: je sais, t'inquiète, c'est pas pressé, je t'attendrai.
Moi: d'accord.
Je me suis mise à me poser une infinité de questions. L'accompagner... Mais où ? Et pourquoi ? Une partie de moi prédisait un bon moment, bien sûr parceque qu'après tout je serais avec Yoahn, mais l'autre appréhendait quand même un peu. Si ça se trouvait, c'était juste pour me rappeler gentiment que nous n'étions et ne resterions qu'amis.
***
Y🖤: t'as terminé ?
Moi: presque
Y🖤: mais qu'est-ce que tu fais ? Ça fait un moment que tu me dis que t'arrives.
Moi: me mets pas la pression. Tu as dit que tu attendrais, tu attends.
Y🖤: 😑
Je remis du parfum en vitesse, reinspectai mon reflet dans le miroir, ajustai le col de mon t-shirt et filai en veillant à refermer la porte d'entrée derrière moi.
Lorsque Yoahn m'a vue arriver, il a pouffé.
— Quoi ? Demandai-je, un brin vexée.
— t'as cru qu'on allait dans un concert de rock ou quoi ?
— j'ai rien trouvé de mieux à me mettre, figure-toi.
— si t'as rien trouvé de mieux que ce t-shirt tête de mort et le jean noir troué sur les genoux, alors ta garde-robe a grand besoin d'une touche de renouveau.
Je fronçai les sourcils.
— Par contre j'aime beaucoup tes Converses.
— dis-moi que c'est une blague.
— bien sûr qu'ça en est une. T'es sexy quoi que tu mettes, Pinky, me flatta-t-il avec son éternel sourire de charmeur.
Je continuais de bouder, peu convaincue de sa dernière réplique.
— Allez, viens, reprit-il en prenant ma main.
Il m'emmena dans l'allée, à l'endroit même où était garée Anna, puis, il mit son casque en montant sur la moto et leva la béquille.
— Qu'est ce que tu attends ?
Je lui emboîtai le pas, et allai à mon tour m'accrocher à l'arrière de l'engin à deux roues.
— Accroche-toi.
— où est-ce qu'on va ?
— tu verras bien.
J'esquissai un sourire avant de passer mes mains autour de la taille de mon Apollon. Il démarra et moins de cinq secondes plus tard, nous étions sur la grande route, roulant à toute vitesse vers le centre-ville. Je posai ma tête sur son dos en souhaitant que ce ne soit pas un rêve. Le vent frais de la nuit me fouettait le visage et l'adrénaline prenait peu à peu possession de moi. Pendant un instant, j'ai imaginé que nous étions dans un de ces fameux clips américains et qu'on s'enfuyait tous les deux, vers un monde nouveau où nous pourrions vivre notre amour en paix, loin des antagonistes et des épreuves de notre histoire. Oui, ça m'arrive de rêver beaucoup trop souvent. Surtout quand il s'agit de Yoahn.
Lorsque la moto commença à ralentir, je cherchai à analyser les lieux pour déterminer où nous pouvions bien être. Peine perdue, je n'en avais aucune idée, je ne connaissais pas l'endroit. Yoan garra dans un grand parking devant lequel plusieurs luminaires brillaient de mille feux.
Je n'en crus pas mes yeux.
— La fête foraine, m'exclamai-je, surprise.
Mon ami retira son casque, essaya de redonner de la structure à ses cheveux en pagaille, puis m'offrit ce sourire qui ne m'a que trop manqué durant le trajet.
Je tressaillais d'impatience. On aurait dit une gamine de huit ans. J'étais toute contente et si excitée de faire le tour des attractions.
Nous avons fait les auto-tamponneuses, les casques de réalité virtuelle — j'ai crié comme une dingue —, Yoahn m'a gagné un lama en peluche et nous avons mangé des barbapapas avant d'attaquer la grande roue. J'en avais mangé quatre, précisément. Ce qui m'a valu une nausée de femme enceinte. Conséquence, j'ai gerbé dans un buisson et Yoahn a dû tenir mes tresses — le pauvre !
Comme je continuais d'avoir le ventre qui tourne, il a fallu qu'on rentre. Le jeune homme à mes côtés a ri à en perdre l'haleine. Il n'arrêtait pas d'imiter comment je me suis précipitée vers le buisson, et disait que j'avais une tête à faire fuire un zombie.
Je suis rentrée chez moi avec un soupçon de déception. La soirée était super mais si je n'avais pas été malade, elle ne se serait sans doute pas arrêtée là. Vous voyez ce que je veux dire ?
Moi: merci Yoahn, je me suis bien amusée.
Y🖤: on remet ça quand tu veux.
Moi: j'ai hâte.
Je me mordis la lèvre inférieure en repensant au moment que nous avions passé. J'avais toujours du mal à y croire. Une douce chaleur s'empara de mon cœur pendant qu'une question surgît de mon esprit et ne me laissa plus tranquille : est-ce qu'on était désormais ensemble, lui et moi ?
Les jours passaient et je n'avais toujours pas ma réponse à cette question. J'évitais de la lui poser de peur d'être déçue par la réponse qu'il me donnerait — surtout compte tenu de son sarcasme permanent, et lui non plus ne disait rien qui laisse sous-entendre quelque chose de tel. Et pourtant, nos actes parlaient pour nous, montraient qu'on se cherchait et prouvaient qu'on se voulait mutuellement. Je ne pouvais pas mal interpréter. Ses attentions à mon égard, nos conversations, nos échanges de regards, les petits bisous qu'il déposait de temps à autre sur mes joues et mon front... tout ça ne pouvait pas être que le fruit de mon imagination. Nous étions désormais bien plus que des amis. Mais nous avions la trouille de l'admettre. De le dire. De l'accepter.
Notre petit jeu du chat et de la souris s'étendit sur une bonne poignée de jours. C'était Noël, et Yoahn et moi nous étions déjà embrassés trois fois depuis. Sans galoches particulières, mais à chaque fois, on n'en reparlait pas et notre relation reprenait le cours de son ambiguïté habituelle.
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