Chapitre 23
Adrien et Marinette coururent sur plusieurs mètres à travers les couloirs, avant de s'arrêter et de se laisser tomber lourdement contre un mur. Alors qu'elle reprenait péniblement son souffle, Marinette baissa les yeux sur ses doigts, toujours fermement accrochés à ceux de son coéquipier.
Jamais elle n'avait eu une conscience aussi aigüe d'une quelconque partie de son corps.
Il lui semblait que tous ses nerfs se concentraient dans sa paume.
Que son cœur battait dans le creux de sa main.
En temps normal, une telle proximité avec Adrien aurait certainement vrillé les nerfs de Marinette, paralysé son cerveau, inondé son esprit sous des décharges d'adrénaline et d'euphorie combinées. Mais là, l'heure n'était pas à de telles angoisses.
Plus que la présence de l'amour de sa vie, c'était l'état d'esprit de ce dernier qui préoccupait Marinette.
Arrachant son regard à leurs mains jointes, la jeune fille releva les yeux vers le visage de son partenaire.
Adrien était pâle, terriblement pâle.
Marinette n'avait pas le moindre mal à deviner que toutes les pensées du jeune homme étaient tournées vers Félix en cet instant précis. Au vu de la dangerosité de la situation dans laquelle ils avaient laissé son ancien coéquipier, elle aussi se rongeait d'inquiétude pour lui. L'angoisse lui nouait le ventre, pesait sur son estomac comme une chappe de plomb, formait une boule désagréable au fond de sa gorge.
Elle n'osait même pas imaginer ce que devait ressentir Adrien...
« Vite, Plagg », entendait-elle le jeune homme murmurer d'une voix suppliante. « Vite... Il a besoin de nous... »
Rassemblant tout son courage, Marinette exerça une légère pression sur la main de son coéquipier.
« Ne t'en fais pas », lui intima-t-elle en se penchant vers lui, les yeux brillants. « Ton frère sait se battre, je suis bien placée pour le savoir. Il va s'en sortir. »
Interrompant un instant les suppliques désespérées qu'il adressait à son kwami, Adrien releva la tête pour jeter un regard reconnaissant à sa partenaire. La voix de Marinette était un peu trop tremblante pour ressembler à autre chose qu'une vaillante tentative d'auto-persuation, mais voir sa coéquipière essayer de le réconforter ainsi ne lui en mettait pas moins du baume au cœur.
Malgré son angoisse grandissante, Adrien décocha un pâle sourire à la jeune fille.
« Merci, Marinette », répondit-il en serrant un peu plus fort sa main dans la sienne. « Je... »
Deux petites voix s'élevèrent soudain, lui coupant la parole.
« On est prêts », s'écrièrent Plagg et Tikki.
Aussitôt, l'expression de Marinette changea du tout au tout. Une lueur résolue chassa l'inquiétude qui se lisait jusque-là au fond de ses prunelles, et son regard se fit soudain aussi dur et étincelant qu'une pierre précieuse.
Menton fièrement levé en avant, épaules redressées, la jeune fille se tourna vers son kwami.
« On y va ! », s'exclama-t-elle d'une voix claire. « Tikki, transforme-moi ! »
Lorsque les deux héros surgirent de nouveau sur le champ de bataille, Chat Noir cru que son cœur allait s'arrêter devant le spectacle qui s'offrait à lui.
Félix se tenait debout au centre de la cour, serrant entre ses doigts un bâton qui avait manifestement été sectionné en deux lors de l'affrontement. Le jeune homme semblait au bout de ses forces. Son souffle était court, une coupure striait sa joue, et une profonde entaille courrait le long de son avant-bras en gorgeant lentement sa chemise de sang.
Mais il était vivant.
Du moins, pour l'instant.
Car au moment même où Chat Noir et Ladybug déboulaient dans la cour, le super-vilain lançait une nouvelle salve d'équerres sur Félix.
La réaction de Chat Noir fut purement instinctive.
Avant même de réaliser ce qu'il faisait, il s'élança en avant et se plaça devant son frère en un geste protecteur, faisant tournoyer son bâton devant lui pour repousser l'attaque. Au sifflement que son arme faisait en tournant dans les airs s'ajouta rapidement le cliquetis métallique des équerres rebondissant contre ce bouclier de fortune.
Encore, encore et encore, jusqu'à ce que l'attaque soit entièrement repoussée.
Ignorant le grognement rageur que laissa échapper le vilain devant cette intervention inopportune, Ladybug bondit aux côtés de Félix. Elle savait qu'elle pouvait compter sur Chat Noir pour assurer ses arrières et elle n'aurait certainement pas de meilleure occasion d'extraire son ancien partenaire du champ de bataille.
Il fallait qu'elle agisse maintenant.
Sans perdre un instant, Ladybug saisit vigoureusement Félix par la taille et l'entraîna au fond de la cour, aidée par sa force surhumaine.
« Merci », lui souffla-t-elle en le déposant devant l'entrée d'un couloir, tout en scannant ses blessures d'un regard fébrile.
Ce sang. Tout ce sang.
Elle en avait la nausée.
« On prend la relève », poursuivit-elle d'une voix pressante, qui lui parvenait curieusement déformée à travers ses battements de cœur. « Va te mettre à l'abri et soigne-toi. »
Sans dire un mot, Félix hocha brièvement la tête en signe d'approbation et s'éloigna en courant.
Ladybug sentit une extraordinaire vague de soulagement déferler sur elle en voyant son ancien partenaire disparaître à l'intérieur du bâtiment. Elle avait eu peur pour Félix, c'était une certitude. Cependant, ce n'était qu'à cet instant qu'elle mesurait enfin l'ampleur de son inquiétude.
Elle tenait à ce garçon ombrageux comme à un frère, et la simple pensée qu'il ait pu lui arriver quelque chose lui glaçait le sang. Là, ses coupures paraissaient heureusement superficielles. Mais s'il avait été blessé grièvement, ou pire encore...
Interrompant là le fil de ses pensées, Ladybug secoua vivement la tête pour chasser ces images morbides.
Ce n'était pas le moment.
Félix allait bien et Chat Noir avait besoin d'elle.
Alors, sans perdre un instant de plus, Ladybug fit demi-tour et fonça rejoindre son coéquipier.
« Alors ? », l'accueillit Chat Noir d'une voix essoufflée, tout en parant un nouveau coup de leur adversaire.
« Il va bien », répliqua Ladybug en armant son yo-yo et en se jetant à son tour dans la mêlée. « Il est en sécurité. »
Toujours livide sous son masque, Chat Noir hocha brièvement la tête.
En cet instant précis, il aurait été bien incapable de pouvoir dire à quel point les paroles de Ladybug l'avaient rassuré. Combien ces quelques mots lui donnaient l'impression qu'un poids venait de s'ôter de sa poitrine, combien il avait la sensation de respirer à nouveau.
Mais en dépit de cette merveilleuse sensation de soulagement, le jeune homme se sentait encore sous le choc.
Au cours de sa carrière de héros, rarement Chat Noir avait été aussi secoué.
Jamais, même.
L'image de Félix blessé le hanterait certainement pendant encore des jours, et il devait maintenant faire appel à toute sa concentration pour essayer d'enfouir cette terrible image au fond de son esprit et pour tenter de se focaliser sur l'instant présent.
Ce n'étaient que de petites coupures, se répétait-il dans une interminable litanie. De minuscules entailles sans la moindre conséquence.
Mais le choc d'avoir vu Félix blessé se cumulait à la terrible angoisse que Chat Noir avait éprouvé en abandonnant son frère dans une position des plus dangereuses. Cette terreur abjecte avait frappé son cœur de plein fouet, pour se réverbérer ensuite jusqu'aux plus profonds recoins de son être comme un épouvantable tremblement de terre.
Chat Noir avait la sensation de pouvoir à peine tenir sur ses jambes. Ses muscles qui lui semblaient habituellement être faits d'acier lorsqu'il était sous son apparence de héros lui paraissaient avoir été remplacés par du coton et ses mains tremblaient tellement qu'il devait se cramponner à son bâton de toutes ses forces pour éviter que ce dernier ne lui glisse des doigts.
Il fallait qu'il se concentre. Il le fallait, à tout prix.
Soudain, un éclair rouge passa dans son champ de vision.
Ladybug.
La simple vue de sa coéquipière ramena Chat Noir à la réalité aussi brusquement qu'une gifle en pleine figure.
Il ne pouvait pas se permettre la moindre seconde d'inattention. Pas face à ce vilain qui le poussait dans ses derniers retranchements. Pas quand celle qu'il aimait se trouvait plus en danger que jamais.
Comme attirés par un aimant, les yeux du jeune homme se posèrent de nouveau sur la fine silhouette rouge et noire qui virevoltait à ses côtés.
Ladybug. Marinette.
Hors de question pour Chat Noir de laisser tomber cette fille qui illuminait son existence et qui lui était deux fois plus précieuse à présent qu'il savait qui se cachait derrière son masque. Ladybug comptait sur lui et il la protégerait, coûte que coûte.
Chat Noir se jeta dans la bataille avec une ardeur renouvelée, porté par une volonté farouche de défendre sa Lady autant que par un certain esprit de revanche. Son ennemi avait osé toucher à son frère et il avait à présent l'audace de s'attaquer à sa chère partenaire.
Chat Noir allait se faire un plaisir de lui faire comprendre qu'on ne s'attaquait pas impunément à ceux qui lui étaient chers.
Tandis que Chat Noir et Ladybug redoublaient d'efforts, Félix grimpait des escaliers quatre à quatre à la recherche d'un point de vue dégagé.
Il avait beau savoir pertinemment que le plus sage serait de s'éloigner autant que possible de la zone de combat afin de laisser le champ libre aux deux héros, c'était plus fort que lui. A présent qu'il se trouvait proche, si proche de son frère et de cette gamine à laquelle il s'était attaché malgré lui, il ne pouvait se résoudre à partir sans être sûr et certain qu'ils ne courraient plus aucun danger.
Félix aurait voulu leur dire de faire attention à eux. De se montrer prudents. De faire en sorte de revenir sains et saufs.
Mais dans ce combat où chaque seconde comptait, ces paroles inutiles leur auraient fait perdre de précieuses secondes. Alors, quand Ladybug l'avait écarté du champ de bataille, Félix avait dû lutter de toutes ses forces pour s'empêcher de lui prodiguer d'interminables conseils et avait ravalé tous les mots d'inquiétude qu'il aurait pu avoir.
Pour l'heure, seule leur sécurité importait.
Grinçant des dents de frustration, Félix tenta d'ouvrir en vain plusieurs portes, jusqu'à tomber sur une vieille salle de classe surplombant la cour.
Il traversa la pièce d'un pas vif pour s'approcher de la fenêtre, une main machinalement serrée autour de sa blessure. Son sang poisseux collait sous ses doigts et plaquait le tissu de sa chemise contre sa peau, tandis qu'une douleur lancinante pulsait sourdement le long de son avant-bras.
La part raisonnable de son cerveau lui intimait d'aller se faire soigner.
Mais la part inquiète était la plus forte et lui faisait tourner le dos à toute tentative de bon sens.
Il pourrait toujours s'occuper de son bras plus tard.
A présent debout devant la vitre, Félix avait une vision parfaite de la cour en contrebas, ainsi que de Chat Noir et Ladybug qui s'y battaient avec l'énergie du désespoir. Le cœur au bord des lèvres, il voyait son frère esquiver des coups. Se faire pousser par Ladybug hors de la trajectoire d'une attaque. Se lancer à son tour à l'assaut avec l'appui de sa coéquipière.
C'était à peine si Félix clignait des paupières. Ses yeux d'un gris bleuté fixaient la scène avec intensité, cherchant à saisir le moindre mouvement, le moindre geste. Le jeune homme était tellement absorbé par le combat qu'il remarqua qu'il n'était plus seul dans la pièce que lorsqu'une voix s'éleva dans son dos.
« Qu'est ce que vous faites là ? »
Félix sursauta violemment et tourna la tête vers l'entrée de la pièce, pour y découvrir deux adolescents.
Et aussitôt, il dû faire appel à tout son sang-froid pour réussir à retenir un profond soupir de frustration.
Devant lui se trouvaient Nino Lahiffe et surtout, surtout, Alya Césaire. Propriétaire du Ladyblog, journaliste auto-proclamée, et, de l'avis de Félix, gêneuse en chef. A part le Papillon, le super-vilain et peut-être éventuellement son père, l'ancien héros voyait difficilement comment il aurait pu se retrouver en plus mauvaise compagnie.
Mais manifestement inconsciente de l'hostilité qu'elle suscitait chez le jeune homme, Alya s'avança dans la salle, Nino sur ses talons.
« Je vous reconnais ! », s'exclama-t-elle en dévisageant Félix, sourcils froncés. « Vous étiez en train de vous battre contre le vilain juste avant que Chat Noir et Ladybug n'arrivent ! Qu'est-ce que vous faisiez-là ? Et qui êtes-vous d'ailleurs ? Vous n'êtes pas un de nos profs », poursuivit-elle en le toisant avec une curiosité teintée de méfiance.
Un instant, Félix songea à l'ignorer purement et simplement. Il avait suffisamment de préoccupations à l'heure actuelle et répondre à des questions inquisitrices était loin d'être sa priorité. Pour le moment, il voulait simplement se tourner de nouveau vers la fenêtre pour continuer de suivre le combat de Chat Noir et Ladybug.
Mais pour avoir déjà eu affaire à Alya, il savait qu'il en faudrait plus que cela pour la décourager. On pouvait penser ce qu'on voulait de cette fille, mais force était de reconnaître qu'elle était d'une opiniâtreté hors du commun.
Alors, après avoir secoué la tête en signe de défaite, Félix plongea ses yeux dans ceux de la jeune fille.
« Je suis le frère d'Adrien », expliqua-t-il d'une voix sèche. « Je n'arrivais pas à le joindre alors comme j'étais dans le coin quand j'ai appris pour l'attaque, j'ai décidé d'aller voir moi-même. »
« Ah oui ! », s'exclama Nino sous le regard étonné de sa camarade de classe. « Félix, c'est ça ? On s'est déjà croisés, une fois où j'étais venu chez vous. »
Alors que Félix approuvait d'un bref geste du menton, Alya s'avança d'un pas de plus vers lui.
« On est des amis d'Adrien », précisa-t-elle, une ombre inquiète planant sur son visage. « On a essayé de le contacter pour savoir s'il allait bien, mais il ne nous répond pas non plus. Mais... Mais tu étais avec lui tout à l'heure », reprit-elle en écarquillant légèrement les yeux, comme si une chose jusque-là cachée apparaissait soudain devant elle. « C'est pour ça que tu es resté en arrière... Que tu t'es battu contre le vilain. C'était pour que ton frère puisse s'enfuir... »
« Je voulais être sûr qu'Adrien puisse se mettre à l'abri sans que le vilain ne le poursuive », éluda Félix avec un hochement d'épaule faussement décontracté, tout en réfléchissant à toute vitesse.
Cette conversation glissait vers des terrains trop dangereux. Si Alya se mettait à soupçonner les réelles raisons qui l'avaient poussé à faire gagner du temps à son frère...
« Adrien m'a envoyé un message après s'être enfui », reprit-il en sortant son téléphone de sa poche. « Il est en sécurité. Il ne reste plus qu'à attendre la fin du combat calmement et-... »
Félix s'interrompit brusquement en voyant Alya plaquer ses deux mains sur sa bouche pour étouffer un hoquet horrifié. Suivant le regard de la jeune fille, il baissa les yeux vers la main avec laquelle il s'était emparé de son téléphone.
Vers son bras blessé.
« Je... J'avais vu qu'il t'avait touché, mais je ne pensais pas que la coupure était aussi profonde », murmura Alya d'une voix blanche.
« Ce n'est rien », répliqua Félix en rabattant machinalement les rebords de la déchirure de sa chemise autour de la plaie, tout en faisant de son mieux pour ignorer la douleur lancinante qui parcourait toujours son avant-bras.
Mais Alya ne l'entendait manifestement pas de cette oreille. A la grande surprise du jeune homme, elle se mit à fouiller vivement dans ses poches pour en sortir successivement des compresses, des bandages et même un flacon de désinfectant.
« Mais que... », eut-il à peine le temps d'articuler, complètement pris au dépourvu.
« Je fais des reportages sur des attaques de super-vilains, il faut bien que je me tienne prête à tout », expliqua Alya avec un naturel déconcertant. « Maintenant », poursuivit-elle d'un ton péremptoire, « Donne-moi ton bras. »
Félix regagna son poste d'observation à peine quelques instants plus tard, bras diligemment désinfecté et bandé par Nino et Alya. Les deux adolescents avaient quant à eux pris place devant une fenêtre voisine pour continuer à suivre eux aussi le combat qui se déroulait toujours dans la cour.
S'il avait été d'humeur à prêter attention à son environnement, Félix n'aurait pas manqué de noter qu'Alya avait sorti son téléphone pour filmer l'affrontement et qu'elle commentait abondamment les moindres faits et gestes de ses héros préférés.
Mais le jeune homme était entièrement focalisé sur Chat Noir et Ladybug. Ce rôle de spectateur impuissant lui mettait les nerfs à fleur de peau, lui faisant ardemment souhaiter que la victoire des deux héros mette rapidement fin à cette insupportable torture.
Félix serra les mâchoires en voyant Chat Noir n'esquiver un coup que de justesse. Et à peine une fraction de seconde plus tard, un cri et une lueur rose attiraient son regard vers l'autre extrémité de la cour.
Ladybug venait de déclencher son pouvoir.
L'attention de Félix se cristallisa aussitôt sur son ancienne coéquipière. Sourcils froncés dans une expression d'intense concentration qu'il ne lui connaissait que trop bien, la jeune fille soupesait pensivement une couverture rouge à poids noirs. Les yeux bleu azur de l'héroïne parcoururent rapidement la cour, avant qu'une étincelle de triomphe ne s'allume soudain au creux de ses prunelles.
« Chat Noir ! », hurla-t-elle à son coéquipier. « Par ici ! »
Depuis la salle de classe où il avait trouvé refuge, Félix vit les deux héros se concerter brièvement. Chat Noir hocha rapidement la tête en réponse aux paroles de sa coéquipière, puis déclencha à son tour son pouvoir et se mit à courir en hurlant pour attirer l'attention de son ennemi.
Puis, à peine un instant plus tard, Chat Noir bondit dans les airs et écrasa sa main contre la coursive qui surplombait la cour.
La galerie s'effondra dans un fracas terrifiant, soulevant un nuage de poussière qui obscurcit aussitôt toute l'enceinte du lycée. Au sol, les combattants n'étaient désormais plus que des ombres, perdues dans une brume de couleur rouille.
Impossible de discerner quoi que ce soit d'autre que des formes indistinctes.
Plissant instinctivement des yeux pour tenter de voir à travers ce brouillard artificiel, Félix repéra rapidement une silhouette entourée de petits objets tourbillonnants qui ne pouvait être que celle du vilain.
Mais hélas, l'ancien héros n'était manifestement pas le seul à avoir réussi à repérer l'un des protagonistes de ce combat acharné. A sa grande horreur, le vilain laissa échapper un rugissement de triomphe, tout en se ruant sur une seconde forme qui bougeait à peine quelques mètres plus loin.
Sur une seconde forme qui au vu des personnes présentes, était soit Ladybug, soit Chat Noir.
Félix sentit son cœur se glacer d'effroi en entendant le sifflement sourd de équerres fendant les airs en direction de leur cible. Luttant de toutes ses forces contre une sensation de panique légitime, il balayait frénétiquement la scène du regard quand tout à coup, le cri de gloire du vilain se transforma en un glapissement de surprise.
Et alors que la poussière commençait enfin à retomber, Félix réalisa enfin ce qu'il venait de se passer.
Profitant de la confusion semée par le nuage de poussière, Ladybug s'était abritée derrière l'un des bancs qui bordaient la cour, l'utilisant comme un rempart de fortune. Ainsi protégée, elle s'était ensuite contentée d'agiter sa couverture sur le côté du banc pour attirer l'attention du vilain comme un toréro l'aurait fait face à un taureau en furie.
Et ce avec un succès éclatant.
Prenant cette forme indistincte pour l'un des deux héros, le vilain avait aveuglément lancé ses équerres sur la couverture en pensant attaquer par surprise. Guidé par son ouïe surnaturelle, Chat Noir avait quant à lui utilisé la diversion offerte par sa coéquipière pour contourner son ennemi et pour le plaquer violemment au sol.
Le vilain à présent immobilisé, la suite du combat ne fut qu'une formalité pour les héros.
Chat Noir se hâta de s'emparer du marqueur pour le briser en deux, libérant un akuma que Ladybug purifia aussitôt. Puis, à peine une seconde plus tard, Ladybug lançait la couverture dans les airs en libérant son pouvoir de restauration.
Alors que les dégâts infligés par l'affrontement se réparaient par magie, une nuée de coccinelles scintillantes vint tourbillonner autour de Félix. Le jeune homme se sentit aussitôt imprégné par une merveilleuse impression de soulagement et de bien-être. C'était comme se plonger dans un bain chaud après une rude journée d'exercice. Comme trouver enfin le réconfort d'un feu de bois en plein hiver.
Une chaleur douce et réconfortante enveloppait son bras, s'attardait sur sa joue, courrait le long de sa peau.
Et quand les coccinelles se dissipèrent, la chemise de Félix était de nouveau intacte et la douleur lancinante qui pulsait de ses blessures avait disparu.
« Ah, c'est génial ! », s'exclama Alya avec ravissement, son regard rivé sur la cour. « Chat Noir et Ladybug sont tellement forts, je savais qu'ils allaient s'en sortir ! Chers amis du Ladyblog », poursuivit-elle à l'attention de sa caméra, « comme vous pouvez le voir, nos héros préférés ont brillamment vaincu ce super-vilain. Je vais essayer d'avoir une interview, restez connectés ! »
Sans perdre une seconde de plus, Alya se rua hors de la pièce sous le sourire amusé de Nino. Ce dernier se tourna vers Félix, le salua d'un bref signe des doigts et s'éclipsa à la suite de sa camarade de classe.
A présent enfin seul, l'ancien héros se passa une main lasse sur le visage.
« Quelle journée... », soupira-t-il d'une voix fatiguée.
Sortant de nouveau son téléphone de sa poche, il envoya un bref message à Adrien pour l'informer de son bon état de santé. Puis, peu désireux de s'attarder plus que nécessaire dans ce lycée où tout le monde s'interrogerait certainement sur sa présence, il quitta à son tour la pièce pour se diriger discrètement vers la plus proche sortie de l'établissement.
Debout au milieu de la cour, Ladybug observait les dernières manifestations de son pouvoir avec un sentiment de soulagement indicible.
Ils avaient réussi.
Ils avaient gagné, envers et contre tout.
Jamais Ladybug n'avait vécu une bataille aussi difficile, aussi éprouvante, aussi angoissante.
Et surtout jamais, jamais elle n'avait été en proie à des émotions d'une telle intensité. Des émotions qui s'enchevêtraient les unes aux autres, des émotions qui lui donnaient l'impression que son cœur allait exploser à force de tenter de contenir tous les sentiments qui y déferlaient.
Des émotions qui, pour la plupart, avaient été exacerbées par un évènement précis...
Ladybug posa instinctivement les yeux sur Chat Noir, qui lui décocha un sourire timide en surprenant son regard.
La jeune fille se sentit rougir délicatement sous son masque.
Dans le feu du combat, elle n'avait guère eu le temps de s'attarder sur la découverte de l'identité de son coéquipier. Les occasions de réfléchir avaient été trop minces, la nécessité de se concentrer sur l'instant présent trop importante. Mais même au plus fort de la bataille, elle n'avait pu s'empêcher de noter inconsciemment toutes ces similitudes entre Chat Noir et Adrien.
Certaines inflexions de voix.
Des façons de formuler ses mots.
Le dessin de sa mâchoire.
La lueur attentive brillant dans ses yeux verts.
Chat Noir et Adrien commençaient à s'entremêler doucement dans son esprit, lui faisant s'imprégner lentement de l'idée qu'il ne s'agissait bel et bien là que d'un seul et même garçon.
Maintenant que le combat était fini, ces ressemblances entre les deux adolescents n'apparaissaient que de façon plus évidente encore à Ladybug. Elle devinait sans peine les traits d'Adrien derrière le masque, reconnaissait sans le moindre doute la manière dont il se passait nerveusement la main derrière la nuque. Sans compter ce sourire timide qu'elle avait vu se dessiner plus souvent sur les lèvres de son camarade de classe que sur celles de son coéquipier.
C'était une curieuse chose pour Ladybug que de voir les attitudes du lycéen transparaître derrière celle du héros.
Un peu moins de Chat Noir, un peu plus d'Adrien.
Un seul garçon, encore et toujours.
Mais un garçon qui était plus que jamais cher à son cœur, quoi qu'il arrive.
L'attention des deux héros fut soudain ramenée vers l'homme qu'ils venaient tout juste de vaincre et qui se tenait toujours auprès d'eux. Leur ancien ennemi s'était redressé péniblement et se tournait à présent vers eux, les yeux hagards.
« Que... Qu'est ce qu'il s'est passé ? », balbutia-t-il, clairement désorienté. « J'étais sorti prendre l'air pour essayer de me calmer après que ces horribles gosses aient... Et je... Je ne me souviens pas d'être... D'être revenu au lycée. Je... Mais comment... ? »
« Vous avez été envoûté par le Papillon », lui expliqua Ladybug en posant une main réconfortante sur son épaule. « Tout va bien maintenant, ne vous inquiétez pas. »
La jeune fille le força doucement à se rasseoir, puis releva la tête en voyant surgir dans la cour Alya, Nino, ainsi qu'un certain nombre de ses professeurs.
« On devrait y aller », lui souffla Chat Noir en lui montrant sa bague, à laquelle ne brillaient plus que deux coussinets. « Ils vont pouvoir s'occuper de lui. »
« Oui », approuva vivement Ladybug. « Viens avec moi. »
Suivie de Chat Noir, la jeune fille s'élança dans les airs, contourna le lycée par l'extérieur, puis s'y introduisit de nouveau en se glissant par la fenêtre d'une salle de classe vide. Alors qu'elle se redressait, elle entendit un léger bruit derrière elle, signe que son partenaire avait souplement atterri à sa suite.
Ladybug ferma un instant les yeux, le temps de prendre une profonde inspiration.
Puis, le cœur battant à tout rompre, elle rouvrit les paupières et se tourna vers Chat Noir.
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