Chapitre 21


Le sourire goguenard qui dansait sur les lèvres de Chat Noir se figea devant l'expression horrifiée de Ladybug. Suivant le regard de sa coéquipière, le héros tourna vivement la tête.

Et aperçut aussitôt une quatorzième équerre, qui fonçait droit sur lui.

Avant que Chat Noir ne puisse réagir, un filin s'enroula vivement autour de sa taille et le tira en arrière. Le jeune homme atterrit rudement aux pieds de sa coéquipière à peine une seconde plus tard, tandis que l'équerre qui avait manqué de le toucher se plantait en vibrant dans le mur.

Ce sauvetage brutal aurait probablement été douloureux pour le héros si ce dernier n'avait pas été transformé, mais heureusement pour lui, la violence de l'impact fut entièrement absorbée son costume. Guère plus affecté par cette chute qu'il ne l'aurait été par une tape amicale dans le dos, Chat Noir se redressa sur ses coudes pendant que le yo-yo de Ladybug glissait de sa taille.

« Pfiouu, merci, ma Lady », souffla-t-il en attrapant la main tendue de sa partenaire. « Ce n'est pas passé loin. »

« Oui », approuva la jeune fille d'un air sombre, tout en aidant son coéquipier à se relever. « Il faut qu'on soit très prudents avec ce super-vilain. Il attaque à distance avec des équerres, mais il peut aussi envoûter les gens qu'il touche avec son marqueur. On ne doit pas se laisser approcher. »

« J'ai vu ça », approuva Chat Noir avec un bref hochement de tête, tout en tournant son regard vers l'homme qui se trouvait toujours en contrebas. « Prête ? », poursuivit-il en faisant tournoyer son bâton entre ses doigts.

« Prête », répliqua Ladybug d'un ton résolu.




Les deux héros s'élancèrent dans les airs sans perdre un instant de plus, franchissant en une seconde à peine la distance qui les séparait encore de leur ennemi.

Mais hélas pour eux, ce super-vilain s'avéra rapidement aussi redoutable que ne l'avait prédit Ladybug. Voire plus encore.

Il contrôlait ses équerres avec la virtuosité d'un maître d'orchestre, les utilisant aussi bien pour se défendre que pour lancer ses propres attaques. S'il ne semblait pouvoir les faire surgir du néant que dans un rayon d'un mètre autour de lui, la distance sur laquelle il les maîtrisait ne paraissait quant à elle pas subir de limite. Dès l'instant où ils s'envolaient dans les airs, ces instruments de métal filaient, viraient, virevoltaient avec une précision des plus inquiétantes.

Aucun endroit n'était sûr.

Du moins, pas tant que Chat Noir et Ladybug restaient à découvert.

Les équerres pouvaient surgir de partout et nulle part à la fois. Des cieux, de gauche, de droite. De derrière, de devant. Emprunter des trajectoires courbes, droites, ou d'autres si alambiquées que les suivre des yeux donnait le vertige.

La maestria dont faisait preuve le vilain était saisissante.

Saisissante et alarmante.

Chat Noir et Ladybug ne pouvaient se permettre la moindre seconde d'inattention, la moindre faille dans leur défense. Dans leur malheur, ils pouvaient malgré tout compter l'un sur l'autre et sur cette extraordinaire complicité qu'ils avaient construite au fil des batailles. Plus d'une fois, Ladybug n'évita d'être touchée que grâce à l'intervention de son fidèle coéquipier. Plus d'une fois, Chat Noir n'esquiva une attaque qu'à l'aide de sa chère partenaire. Les deux héros se battaient en parfaite harmonie, combinant leurs assauts et veillant rigoureusement l'un sur l'autre.

Mais hélas, leurs efforts restaient vains pour l'instant.

Au milieu de ce chaos, le vilain leur offrait une résistance acharnée. Non content de diriger habilement ses équerres, il tentait également de toucher ses adversaires avec ce marqueur qui leur donnait tant d'inquiétudes. Il anticipait les mouvements de Chat Noir et Ladybug pour essayer de se placer sur leurs trajectoires, cherchait à les acculer dans un coin de la cour, faisait tout son possible pour les déséquilibrer lorsqu'ils passaient à sa portée.

Les deux héros n'avaient quant à eux guère de doutes quant au but de toutes ces manœuvres. Le vilain tentait clairement de marquer leurs peaux à l'aide de son feutre ensorcelé. De les envoûter, comme il l'avait déjà fait avec de trop nombreux élèves.

Et de s'assurer ainsi de leur passivité quand viendrait le moment de leur dérober leur miraculous.

Mais peu importaient les plans maléfiques de leur adversaire. Chat Noir et Ladybug étaient déterminés à ne pas se laisser faire.

Ils se battraient, jusqu'au bout.




Les minutes défilaient et le combat continuait de faire rage dans l'enceinte du lycée. L'affrontement n'était désormais plus simplement cantonné à la cour. Couloirs, salles de classe, bibliothèque... Tous les lieux y passaient, sans que l'un ou l'autre des opposants ne réussisse malgré tout à prendre le dessus sur son adversaire.

Cette bataille acharnée mobilisait toutes les ressources de Chat Noir et de Ladybug, qui finirent par se voir contraints de battre un bref instant en retraite. Juste un moment. Juste le temps de retrouver leur souffle.

Les deux héros s'éclipsèrent habilement du combat pour trouver refuge dans un couloir isolé.

Chat Noir se laissa tomber lourdement contre un mur, main instinctivement posée sur son torse. Ses poumons lui semblaient en feu. Chaque seconde qui passait lui donnait l'impression de brûler de l'intérieur. Chaque inspiration ne faisait que raviver de plus belle ce brasier qui lui dévorait la poitrine.

Il fallait qu'il se repose un instant.

Qu'il soulage ses poumons à l'agonie.

Tandis qu'il cherchait à contrôler sa respiration laborieuse, Chat Noir jeta un bref coup d'œil à Ladybug. Sa coéquipière était dangereusement pâle sous son masque, tandis que ses doigts tremblants trahissaient les terribles efforts auxquels ses muscles avaient été soumis ces dernières minutes.

« ça va aller, ma Lady ? », s'inquiéta-t-il d'une voix haletante.

« Oui », répondit la jeune fille en se passant une main lasse sur le visage. « Et toi ? »

Voyant son coéquipier hocher brièvement la tête en signe d'approbation, Ladybug esquissa un faible sourire. Mais ce dernier s'évanouit vite, remplacé par une expression de concentration intense.

« Ce vilain est encore plus coriace que ce que je craignais », reprit-elle. « Je pense qu'il est temps que je... »

L'héroïne s'interrompit et releva brusquement la tête, son corps soudain en alerte. Un mouvement venait d'attirer son attention. Une ombre, projetée depuis l'angle d'un mur. Puis, un instant plus tard, une silhouette familière apparut dans le couloir.

Une silhouette que Ladybug aurait pu reconnaître entre mille.

Alya.

Ladybug se détendit légèrement. Certes, elle détestait voir sa meilleure amie sur le champ de bataille et souhaitait ardemment qu'elle cesse un jour de se mettre inconsciemment en danger comme elle se plaisait tant à le faire. Mais elle préférait de loin être surprise par la jeune blogueuse plutôt que par un quelconque vilain voulant détruire son existence.

Malgré tout, l'héroïne resta sur ses gardes alors qu'Alya s'avançait vers les deux héros d'un pas hésitant. Avec sa meilleure amie, il fallait s'attendre à tout.

Une fois arrivée au niveau de Chat Noir et Ladybug, Alya prit une profonde inspiration.

« Est... Est-ce que ça va ? », leur demanda-t-elle d'une voix étrangement timide.

« Alya, ce n'est pas le moment pour une interview », soupira Ladybug en secouant doucement la tête. « Il y a un vilain dehors et comme tu as sûrement pu t'en rendre compte, il est particulièrement hargneux. »

« J-Je... Je sais. Ce n'est pas ça », répliqua sa meilleure amie. « Je voulais juste vous dire que... Je suis désolée. »

« Tu... Quoi ? », s'étonna Ladybug en haussant un sourcil interloqué, tandis qu'une expression tout aussi stupéfaite se dessinait sur les traits de Chat Noir.

« Je suis désolée », répéta Alya. « Je crois que c'est ma faute s'il est autant en colère », poursuivit-elle en se tordant nerveusement les mains. « Enfin, ce n'est pas à cause de moi qu'il s'est fait akumatiser, mais je l'ai énervé encore plus quand je lui ai demandé de parler pour le Ladyblog. Mais je n'avais pas le choix ! », s'exclama-t-elle en jetant un regard désespéré aux deux héros. « Il allait s'en prendre à Marinette. Ma meilleure amie. Je ne sais pas où elle est passée, j'espère qu'elle a pu s'enfuir. »

Sans qu'Alya n'en ait conscience, son inquiétude faisait écho à la propre angoisse de Chat Noir.

Au fil des mois, Adrien s'était peu à peu rapproché de Marinette, au point de la considérer désormais comme faisant partie de ses plus proches amis. Avec le temps, il avait découvert que derrière la jolie fille qui lui avait donné tant de préoccupations lors de son premier jour d'école se cachait une adolescente pétillante et courageuse, dont la joie de vivre était délicieusement communicative.

Certes, elle était également d'une maladresse peu commune et laissait parfois – voire souvent - sa nervosité prendre le pas sur son bon sens. Mais ces quelques défauts étaient très loin d'outrepasser ses qualités et n'empêchaient guère Adrien de ressentir beaucoup d'affection et de respect pour sa camarade de classe. Marinette faisait preuve d'une créativité qu'il ne cessait d'admirer, d'une virtuosité aux jeux vidéos qu'il ne désespérait pas de dépasser un jour et d'un sens de la loyauté qui lui faisait songer qu'il pourrait toujours compter sur elle en cas de besoin.

Aux yeux d'Adrien, Marinette était devenue une amie très chère.

Bien sûr, son cœur appartenait toujours à sa Lady. Mais s'il avait appris à connaître Marinette avant de faire équipe avec Ladybug, peut-être les choses auraient-elles prit une tournure bien différente. Peut-être ne serait-il pas tombé amoureux de sa chère partenaire, mais plutôt de sa charmante camarade de classe.

Sûrement, même.

« Marinette va bien », intervint Ladybug d'une voix assurée, arrachant son coéquipier à ses réflexions. « J-Je l'ai vue quand je suis arrivée », précisa-t-elle devant les regards interloqués que lui jetèrent Chat Noir et Alya. « Elle... Elle a réussi à s'enfuir de sa salle de classe et je lui ai dit se cacher en attendant que le vilain soit arrêté. Donc ne t'inquiètes pas. »

« Merci, Ladybug ! », s'écria Alya, clairement soulagée.

« Et tu devrais faire pareil », reprit Ladybug en jaugeant sa meilleure amie d'un regard sévère. « La situation est vraiment dangereuse. On risque de ne pas pouvoir te protéger. »

« Ou de se mettre nous-même en danger parce qu'on sera en train de t'aider », renchérit Chat Noir en jetant un coup d'œil soucieux à sa coéquipière.

« Ne vous inquiétez pas, je serai prudente », répliqua la jeune blogueuse avec un immense sourire. « Je suis une vraie pro, le vilain ne me verra même pas. Bon courage à vous deux ! », leur lança-t-elle en s'éloignant à toutes jambes, sans leur laisser ne serait-ce qu'une seconde pour poursuivre leur argumentation.

Ladybug la regarda disparaître, non sans ressentir un profond sentiment d'impuissance.

« Je ne sais pas si j'arriverai un jour à la convaincre de rester à l'écart... », soupira-t-elle en secouant la tête avec résignation.

« Au moins, on aura essayé », tenta de la consoler Chat Noir, tout en posant une main réconfortante sur son épaule.

« Dommage que ça ne suffise pas », répliqua Ladybug avec un sourire reconnaissant. « Allez, chaton », poursuivit-elle en se saisissant de son yo-yo. « On a un vilain à arrêter ! »




A peine quelques dizaines de secondes plus tard, les deux héros faisaient de nouveau face à leur ennemi au milieu de la cour. Le combat reprit de plus belle, chacun luttant de toutes ses forces pour prendre le dessus sur son adversaire.

Parfois, Ladybug apercevait une figure familière du coin de l'œil. Un visage orné de lunettes et encadré de boucles d'un chaleureux brun-roux, qui se tenait prudemment caché en bordure du champ de bataille. Alya, sans le moindre doute possible.

La jeune héroïne était partagée entre une profonde exaspération et une certaine admiration devant tant de ténacité.

Certes, le courage d'Alya avait parfois de bons côtés. Ladybug serait éternellement reconnaissante à son amie pour son intervention providentielle lorsqu'elles elles étaient encore prisonnières de leur salle de classe. Sans sa diversion, elle aurait certainement fini par se transformer devant ses camarades, exposant ainsi sa double identité à tous ceux alors présents.

Mais si seulement Alya daignait faire preuve d'un peu plus de prudence...

Refusant cependant de se laisser distraire par la présence de sa meilleure amie, Ladybug faisait tout son possible pour rester concentrée sur le combat. La situation était critique, voire presque désespérée.

Chat Noir et elle avaient besoin d'aide.

Ou mieux, d'un miracle.

« Chat Noir, couvre-moi ! », hurla-t-elle à l'attention de son coéquipier.

« Ok ! », répliqua aussitôt le jeune homme, se plaçant devant elle en faisant tournoyer son bâton pour la protéger des attaques du super-vilain.

Sans perdre un instant de plus, Ladybug lança son yo-yo dans les airs en criant « Lucky Charm ! ». Une nuée de coccinelles scintillantes surgit du néant pour tourbillonner au-dessus de sa tête, puis s'évanouit en laissant place à une éponge gorgée d'eau.

La jeune fille s'en empara aussitôt et parcouru les alentours du regard.

« Qu'est ce que je vais bien pouvoir faire de ça... », murmura-t-elle en haussant un sourcil perplexe.

« Bonne question », intervint Chat Noir en jetant un bref coup d'œil par-dessus son épaule. « Je ne suis pas sûr que ce soit ce qu'il y a de plus efficace contre des équerres. »

« RIEN ne sera efficace ! », rugit le vilain. « Je vais me débarrasser de vous et récupérer vos miraculous ! Vous allez-voir ! »

Joignant le geste à la parole, l'homme fit surgir des dizaines d'équerres autour de lui et les dirigea vers ses adversaires d'un bref signe de la main. Obéissant à son ordre, les armes traversèrent la cour en sifflant, fendant les airs comme une lame déchirant l'étoffe.

Chat Noir et Ladybug se mirent aussitôt en garde, bâtons et yo-yo tournoyant devant eux pour tenter de repousser cette attaque d'une extrême violence. Non sans mal, ils réussirent à écarter les premières équerres. Mais le vilain ne cessait d'en invoquer de nouvelles, qui remontaient la cour avec la régularité implacable d'une marrée et qui s'écrasaient contre les héros telles des vagues de métal.

Les deux héros étaient submergés.

Malgré eux, ils se mirent à reculer.

Un pas, puis un autre, puis encore un autre...

Quand soudain, le pied de Chat Noir heurta une marche. Sans même que le jeune homme ne le réalise, il avait atteint l'un des escaliers qui bordait les murs de l'établissement. Ce choc inattendu le prit entièrement par surprise. Déséquilibré, il chuta en arrière, laissant échapper son bâton.

Et ce à l'instant exact où nouvelle salve d'équerres fondait droit sur lui.

La réaction du héros fut immédiate.

« Cataclysme ! »

D'un ample geste du bras, Chat Noir balaya les airs au moment même où les équerres arrivaient sur lui, les touchant toutes une à une et les faisant disparaître dans un nuage de poussière de couleur rouille.

« Chat, ton bâton ! », s'exclama Ladybug en se penchant pour ramasser l'arme et en la lançant à son partenaire.

Le jeune homme la récupéra d'un geste vif, bondit sur ses pieds et se remit en garde.

Chat Noir et Ladybug échangèrent un regard inquiet. A présent qu'ils avaient tous deux utilisés leurs pouvoirs, ils n'avaient définitivement plus droit à l'erreur. Il leur fallait impérativement neutraliser le super-vilain d'ici moins de cinq minutes, ou à défaut, réussir à s'éclipser suffisamment longtemps pour laisser à leurs kwamis de reprendre des forces.

Mais heureusement pour eux, leur adversaire paraissait être arrivé au maximum de ses possibilités pour ce qui concernait ces puissantes attaques frontales. Visiblement incapable de maintenir un rythme aussi intense, il cessait à présent d'invoquer des équerres par vagues aussi denses pour se contenter de nouveau d'une petite dizaine d'armes volant dans les airs.

Pour aussi bienvenue qu'elle soit, cette baisse de régime n'en restait pas moins très relative pour les deux héros. Le vilain continuait de les harceler sans répit, faisant virevolter ses armes dans les airs pour les attaquer de toutes parts.

Ladybug était au bord de l'épuisement.

Jamais un combat ne l'avait forcée à puiser autant dans ses réserves. Chaque goulée d'air était à présent un supplice pour ses poumons poussés au bout de leurs limites, chaque geste était désormais une véritable torture. Ses muscles la brûlaient tant qu'ils lui semblaient se consumer sous sa peau, embrasant ses nerfs au moindre petit mouvement.

Mais pire que tout, ses boucles d'oreilles commençaient à biper. De même que la bague de Chat Noir.

Et elle n'avait toujours pas la moindre idée de comment utiliser cette éponge rouge et noire que son pouvoir lui avait permit d'invoquer quelques instants plus tôt.

La situation était désespérée.

Ladybug tourna vivement la tête, son regard balayant fébrilement les environs à la recherche d'une solution.

Il fallait qu'elle trouve.

Vite, vite, vite.

« Ladybug ! », hurla soudain Chat Noir.

Avant même d'avoir eut le temps de poser les yeux sur son partenaire, Ladybug se sentit soudain saisie par le poignet. Chat Noir la tira vivement sur le côté, la mettant hors de la trajectoire d'une équerre qui arrivait vicieusement derrière son crâne.

Mais hélas, ce geste désespéré était manifestement l'occasion que guettait le super-vilain pour agir à son tour.

Profitant du déséquilibre de Chat Noir, l'homme se rua vers lui, marqueur en avant.

Le héros se jeta aussitôt en arrière, tordant son dos à un angle presque impossible pour éviter d'être touché.

Se penchant, encore, encore.

Mais pas assez vite.

Avant même que Chat Noir n'ait fini d'amorcer son geste, la pointe de son menton était effleurée par le feutre de son adversaire.

Le jeune homme s'écroula à terre alors que Ladybug laissait échapper un hoquet d'horreur.

Chat Noir était touché.




« Chat, non ! », s'exclama Ladybug en se ruant sur son partenaire.

« Je dois faire mes devoirs », articula-t-il d'une voix mécanique, tout en écartant sa coéquipière pour commencer à se diriger vers une salle de classe voisine. « Je dois faire mes devoirs. »

« Non, revient ! », s'écria la jeune fille.

Mais indifférent à la supplique désespérée de sa partenaire, Chat Noir continuait sa progression. Le vilain s'approcha du héros d'un pas vif, une lueur de triomphe dans le regard.

« A moi la bague ! », s'écria-t-il d'une voix mauvaise.

La réaction de Ladybug fut quasiment immédiate.

Hors de question pour elle de laisser son cher partenaire à la merci de leur ennemi.

Sans perdre une seconde, elle lança son yo-yo vers Chat Noir et le fit s'enrouler autour de sa taille. Elle tira ensuite vivement sur le câble, traînant son coéquipier sur plusieurs mètres jusqu'à ce que ce dernier n'atterrisse à ses pieds. Se saisissant de son éponge, elle s'agenouilla aux côtés de Chat Noir et se mit à frotter vigoureusement son menton.

Elle ignorait si faire disparaître cette maudite trace de feutre serait suffisant pour libérer Chat Noir de l'emprise de leur adversaire, mais elle n'avait guère d'autres solutions et sa situation était trop désespérée pour qu'elle puisse se permettre de perdre davantage de temps à chercher une autre échappatoire.

Heureusement, pour la jeune fille, la marque qu'avait réussi à tracer le vilain ne faisait qu'à peine un centimètre de long. Elle disparut rapidement du menton de Chat Noir, laissait place à une peau certes rougie d'avoir été trop frottée, mais désormais vierge de toute trace de feutre.

Toujours à terre, le jeune homme cligna des paupières.

Une fois, deux fois, tandis que son regard se faisait un peu plus vif à chaque seconde.

« M-Ma Lady ? », balbutia-t-il d'une voix pâteuse.

« Bon retour parmi nous », répliqua Ladybug avec un sourire soulagé.

Hélas, les deux héros n'avaient guère le temps de se réjouir. L'intervention de Ladybug avait duré quelques secondes à peine et le vilain se lançait de nouveau à l'attaque, faisant fondre ses équerres sur eux.

Mis en déroute par tant de hargne, les deux héros n'avaient d'autre choix que de se défendre.

Soudain, les boucles d'oreilles de Ladybug se mirent à biper. Un bip lourd, insistant.

Chat Noir jeta un bref coup d'œil à la jeune fille et son visage devint aussitôt livide d'horreur.

« Il ne te reste qu'un pois », lui lança-t-il d'une voix blanche. « Vite, va te mettre à l'abri », poursuivit-il en se plaçant devant elle, dans une volonté claire de lui servir de bouclier durant sa fuite.

Mais loin de lui obéir, Ladybug resta au contraire figée sur place. Ses pensées fusaient à toute vitesse sous son crâne, défilant les unes après les autres dans un instant d'étrange clarté.

Chat Noir et elle avaient été acculés dans un coin de la cour. Et ce par un vilain bien trop puissant pour qu'ils aient une chance de lui tenir tête lors d'une confrontation directe s'ils devaient se battre sans leurs pouvoirs.

Et quant à leurs pouvoirs, justement...

Elle allait se détransformer.

Mais Chat Noir avait utilisé Cataclysme lui aussi, à peine quelques instants après elle.

Ce qui signifiait que d'ici une minute à peine, il allait lui aussi quitter son apparence héroïque pour redevenir un simple adolescent.

L'équation était cruellement simple.

Si Ladybug partait maintenant, son secret serait sauf, mais Chat Noir serait plus en danger que jamais.

Si elle restait, ils courraient tous deux le risque de se voir arracher leurs miraculous.

S'ils partaient tous les deux, en revanche...

La décision de Ladybug fut prise en une fraction de seconde. Elle savait pertinemment que Chat Noir refuserait de la laisser partir sans rester en arrière pour couvrir sa fuite, mais la sécurité de son coéquipier passait de très loin avant son identité.

Si elle voulait sauver Chat Noir, elle n'avait qu'une seule option.

Sans perdre un instant, Ladybug bondit vers une galerie voisine, lança yo-yo autour du poignet de Chat Noir et le tira vigoureusement vers elle. Son coéquipier laissa échapper un cri de surprise quand le filin le souleva dans les airs, puis atterrit aux pieds de Ladybug en lui jetant un regard abasourdi.

« Ma Lady ? », commença-t-il d'une voix stupéfaite. « Qu'est-ce que... »

Mais Ladybug ne lui laissa pas le temps de poursuivre.

Elle l'attrapa vigoureusement par le bras et se mit à courir à toute vitesse, l'entraînant avec elle le long de la galerie. Elle courut, courut, courut encore, jusqu'à atteindre une vieille salle de réserve qu'elle savait vide généralement vide de tout occupant.

Arrivée à destination, Ladybug ouvrit la porte d'un vigoureux coup de pied et se rua dans la pièce.

Mais emportée par le prodigieux élan que lui avait donné sa force surhumaine, elle trébucha, entraînant Chat Noir avec elle dans sa chute.

Elle sentit son coéquipier passer son bras autour de sa taille, la serrant contre lui pour faire bouclier entre le sol et elle.

Les deux héros glissèrent sur plusieurs mètres, avant de s'arrêter dans une nuée de rose et vert.

Dans des circonstances moins précipitées, Marinette aurait certainement songé à fermer les paupières alors que Chat Noir se détransformait devant elle.

Mais là, son esprit tout entier n'avait été focalisé que sur une chose : atteindre cette pièce où Chat Noir et elle pourraient se métamorphoser à l'abri des regards.

Alors, contrairement à ce qu'elle s'était pourtant juré de faire, Marinette garda les yeux ouverts.

Et découvrit aussitôt des yeux d'un vert extraordinairement familier, des mèches dorées qu'elle ne connaissait que trop bien, un visage qu'elle aurait pu dessiner par cœur.

Adrien.

Sans la moindre équivoque possible.

Mais avant que le cerveau de Marinette n'ait la moindre chance de réagir au violent choc de cette découverte, un mouvement à l'entrée de la pièce attira l'attention de la jeune fille.

Et avec horreur, Marinette réalisa qu'ils avaient été suivis.


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