Chapitre 17


Ladybug se figea brusquement. Les yeux ronds comme des soucoupes, elle fixait son partenaire avec la même expression abasourdie que si elle venait de prendre un violent coup sur le crâne.

« Qu...QUOI ? », balbutia-t-elle d'une voix suraiguë.

Le cœur battant à tout rompre, Chat Noir déglutit péniblement.

Il se maudissait pour avoir parlé sans réfléchir, pour avoir laissé libre court à son impulsivité plutôt que d'essayer de contrôler ces paroles malencontreuses qu'il venait de lâcher comme une bombe.

A cause de son incapacité à maîtriser ce qu'il disait, une discussion jusque-là plaisante venait de dévier vers des domaines bien plus embarrassants. Jamais une conversation avec Ladybug n'avait mis Chat Noir aussi mal à l'aise, et ce d'autant plus qu'il n'était vraiment pas certain de vouloir connaître la réponse à sa question.

Mais il était désormais trop tard pour reculer.

Pour le meilleur ou pour le pire, il allait – non, il devait - savoir si ces soupçons qui le hantaient depuis déjà des semaines étaient fondés.

Si Ladybug aimait son frère.

« T...Ton ancien coéquipier ? », répéta Chat Noir en levant timidement les yeux vers sa Lady, les joues brûlantes. « T...Tu... Tu es amoureuse de lui ? »

« Q-Que... Non, ce n'est pas lui que... », bafouilla la jeune fille en agitant vivement les bras devant elle. « Je... Non ! Ce n'est pas ça du tout ! »

Visiblement sous le choc, Ladybug secoua la tête de droite à gauche avec tant de force que si son coéquipier n'avait pas été aussi focalisé sur sa réponse, il se serait sincèrement inquiété pour le bien-être de ses cervicales.

Mais pour l'heure, Chat Noir tentait désespérément de garder le contrôle de ses nerfs.

Bien que Ladybug n'ait pas réellement éludé la question, sa réplique n'avait hélas pas été suffisamment claire pour permettre à Chat Noir de voir se dissiper la sensation d'étouffement qui lui comprimait la poitrine. Les craintes du jeune homme étaient toujours présentes, vivaces, le tenaillant comme autant d'aiguilles plantées dans son cœur.

La gorge désagréablement sèche, Chat Noir laissa échapper une quinte de toux nerveuse.

« Donc... tu ne l'aimes pas ? », hasarda-t-il enfin, osant à peine poser le regard sur sa coéquipière.

« Si ! », s'exclama immédiatement Ladybug. « Enfin non. Enfin si », corrigea-t-elle en jetant un coup d'œil affolé à Chat Noir. « Mais c'est juste... Raaaaa ! Ce n'est pas ça », poursuivit-elle d'une voix exaspérée. « Je l'aime bien, mais pas dans le sens où tu l'entends. C'est... »

A présent aussi rouge que son partenaire, Ladybug laissa échapper un gémissement de détresse. Elle posa ses mains sur ses joues comme pour tenter instinctivement de contenir la marée pourpre qui s'étendait sur sa peau, partant du dessous de son masque pour descendre le long de ses pommettes.

Finalement, elle releva la tête, mortifiée.

« Ok », commença-t-elle avec résignation. « Comment dire ? Je... Je suis fille unique. »

Ne s'attendant absolument pas à une pareille remarque à ce stade de la conversation, Chat Noir lui jeta un regard interloqué.

« Heu... oui ? », articula-t-il en haussant un sourcil perplexe.

« Je suis fille unique », répéta Ladybug, faisant fi du trouble de son coéquipier. « Et c'est idiot », soupira-t-elle avec un haussement d'épaules désabusé, « mais Chat Noir... L'autre Chat Noir, je veux dire... Je ne sais pas ce que ça fait d'avoir des frères et sœurs mais avec lui, je... Je me dis qu'avoir un grand frère, ça doit ressembler un peu à ça... », conclut-elle dans un murmure.

Durant sa tirade, Ladybug avait ramené ses jambes contre sa poitrine et les tenait à présent enserrées entre ses bras, menton pensivement posé sur ses genoux. Ses joues étaient à présent si rouges que son partenaire avait l'impression de sentir de douces ondes de chaleur irradier d'elles et ses immenses yeux bleus étaient baissés vers les rues de la capitale.

« Je ne pense pas qu'il le sache », souffla-t-elle d'une voix à peine audible. « Je ne lui ai jamais dit. »

Ne sachant pas quoi répondre, Chat Noir hocha silencieusement la tête.

« Bref », conclut Ladybug en haussant le ton et en tournant de nouveau son regard vers son partenaire. « Tout ça pour dire que je ne suis pas amoureuse de lui. »





Assis à son bureau, Adrien fixait sans réellement la voit la photographie de Ladybug s'étalait sur l'écran de son ordinateur. La conversation qu'il avait eu un peu plus tôt avec sa coéquipière lui revenait sans cesses en tête, obnubilant totalement ses pensées.

La vie sentimentale de Ladybug était un sujet qui intéressait particulièrement Adrien. Cependant, malgré son désir dans savoir plus, il savait pertinemment que sa partenaire ne tenait guère à parler de choses aussi personnelles et il se faisait d'ordinaire un point d'honneur à respecter son souhait.

Mais aujourd'hui, il n'avait pas pu s'empêcher de se permettre de déroger à cette règle qu'il s'était fixé.

Ça avait été plus fort que lui.

Et ce pour une unique raison : Félix.

Adrien avait cruellement conscience qu'il était tout à fait possible que sa Lady ait déjà des sentiments pour un garçon – ou une fille -, ou qu'elle en développe un jour pour quelqu'un d'autre que lui. Bien que parfaitement hypothétique, cette simple idée lui brisait le cœur.

Le jeune homme peinait à s'imaginer ce qu'il ressentirait si cette prédiction venait à se réaliser. Si ce triste jour devait advenir, il espérait sincèrement qu'il réussirait à respecter au mieux les décisions de Ladybug, à faire preuve de la même empathie et de la même bienveillance dont elle avait toujours fait preuve à son égard. Mais malgré ses bonnes résolutions, il n'en restait pas moins certain qu'il serait ravagé de chagrin et de jalousie si elle venait à choisir un autre que lui. Il essayerait probablement de faire bonne figure, mais jamais il ne pourrait se réjouir d'une pareille situation.

Peut-être irait-il même jusqu'à tenter de convaincre une dernière fois sa partenaire de la sincérité de ses sentiments.

Sûrement, même.

Cette fille était extraordinaire. Merveilleuse. Inégalable. Elle valait la peine qu'on se batte pour elle et pour son cœur.

Mais si la personne qui avait réussi à gagner l'affection de Ladybug n'avait été nul autre que son propre frère...

Adrien ignorait complètement comment il aurait pu réagir. Il tenait à Félix plus qu'à quiconque et au bonheur de sa Lady par-dessus tout. Ces deux simples faits formaient une dangereuse équation qu'il n'aurait su comment résoudre sans en souffrir terriblement.

En apprenant que Ladybug ne ressentait pour Félix qu'une simple amitié fraternelle, Adrien avait éprouvé un soulagement indicible. Ces terribles soupçons qui l'avaient torturé durant des semaines entières s'étaient aussitôt dissipés, ôtant de sa poitrine le poids qui l'avait oppressé jusque-là.

A présent, Adrien pouvait enfin respirer.

Ladybug n'était pas amoureuse de Félix, et il connaissait suffisamment bien son frère pour savoir que ce dernier n'avait pas de tendres inclinaisons pour son ancienne coéquipière.

Ne lui restait plus qu'à trouver le courage d'avouer sincèrement à sa Lady ce qu'il ressentait pour elle.





Toujours pensif, Adrien s'enfonça un peu plus dans son fauteuil. Sa conversation avec Ladybug avait certes apaisé ses craintes, mais elle lui avait également fourni de nouveaux éléments de réflexion.

De nouveaux éléments concernant son frère, plus précisément.

Félix ne parlait de son passé de héros que pour mettre en avant l'un de ses nombreux conseils ou pour mieux illustrer une mise en garde. Ses récits étaient purement didactiques, dépourvus du moindre point de vue sentimental qui aurait pu venir perturber les leçons qu'il tentait d'inculquer à son jeune frère.

Peu importe l'anecdote qu'il partageait avec son cadet. Félix restait chaque fois fidèle à lui-même, n'évoquant que son travail, sa mission, ses techniques de combats. Vu de l'exterieur, son professionnalisme impeccable qui aurait même pu passer pour une forme d'indifférence pour ceux qui ne le connaissaient pas parfaitement.

Jamais il ne décrivait à Adrien ce qu'il avait pu ressentir, jamais il ne s'attardait sur ses relations avec ses deux coéquipières successives.

Adrien savait pourtant que bien que réservé, Félix était loin d'être aussi froid qu'il ne le laissait généralement paraître. Les confidences de Ladybug n'avaient fait que confirmer cette certitude, faisant entrapercevoir au jeune homme une autre facette du héros qu'avait été son frère.

Il n'en avait fallu pas plus pour attirer l'attention d'Adrien.

La curiosité du jeune homme avait été piquée au vif. Il brûlait d'envie d'en savoir plus sur ce Chat Noir que lui dissimulait son aîné. Sur ces innombrables détails qu'il avait manifestement passé sous silence et qui poussaient sa Lady à lui vouer une affection quasi-fraternelle.

Alors, sans perdre une seconde de plus, Adrien se leva de son siège.

« Viens, Plagg », lança-t-il à son kwami, tout en écartant un pan de sa chemise pour que son minuscule compagnon puisse se glisser dans sa poche. « On va voir Félix. »

Un peu plus tard, c'est un Adrien rongé de frustration qui faisait face à Félix.

Il bavardait déjà avec son frère depuis de longues minutes et sa curiosité était toujours loin d'être satisfaite. Il avait beau chercher à orienter subtilement la conversation vers la relation qu'entretenait Félix avec sa précédente coéquipière, ses efforts restaient pour l'instant vains. Toutes ces tentatives échouées le laissaient désormais à la fois en panne d'inspiration et envahi par un profond sentiment de lassitude.

Il aurait dû s'en douter, soupira-t-il intérieurement.

Tenter d'amener Félix à parler de ses sentiments, c'était comme essayer de saisir de l'eau avec ses doigts. Son frère restait tout aussi fuyant et insaisissable, éludant ses questions avec un naturel déconcertant.

Finalement, n'y tenant plus, Adrien décida d'aborder frontalement le sujet.

« Tu t'entendais bien avec Ladybug ? », demanda-t-il à brûle-pourpoint.

« Quelle Ladybug ? », rétorqua son frère en haussant un sourcil intrigué.

« La mienne », répondit machinalement Adrien.

Le jeune homme se mordit aussitôt la langue en réalisant que ce choix précis de mots n'était probablement pas le plus judicieux qui soit. Sentant peser sur lui le regard de son frère, il tenta d'afficher un visage impassible en espérant que sa formulation malencontreuse passerait inaperçue.

Mais hélas pour lui, ses espoirs furent vite déçus.

« La tienne ? », répéta Félix avec un petit sourire narquois.

« Façon de parler », marmonna le jeune héros en s'empourprant violement.

« Si tu le dis... », répliqua Félix d'un ton faussement détaché, tandis que Plagg laissait échapper un hurlement de rire.

Rougissant jusqu'à la racine des cheveux, Adrien fusilla son kwami du regard. En cet instant précis, il avait une envie folle d'aller creuser un trou quelque part et de s'y enterrer profondément en attendant que son malaise ne passe.

Rarement une conversation avec Félix ne l'avait plongé dans un tel embarras, et l'attitude de Plagg ne faisait que rendre la situation plus pénible.

Certes, il avait déjà mentionné à son frère toute l'admiration que lui inspirait – platoniquement – Ladybug. Et ce à de maintes reprises. Cependant, il n'avait jusque-là jamais confessé clairement à Félix la véritable nature des sentiments qu'il ressentait pour l'héroïne de Paris.

Pas par manque de confiance, non.

Plutôt par timidité. Par pudeur.

Adrien était amoureux fou de Ladybug. Confier ce qu'il éprouvait pour cette fille, c'était mettre son cœur à nu, dévoiler une partie de son âme.

Alors, il s'était tu, attendant de se sentir prêt pour aborder franchement le sujet avec son aîné. Dans l'intervalle, il se montrerait discret, avec Plagg pour seul témoin de la tendre affection que lui inspirait sa partenaire.

Mais au vu de l'absence totale de surprise dont faisait preuve Félix, nul doute que son frère avait percé ses sentiments à jour depuis déjà bien longtemps.

Mal à l'aise, Adrien se gratta nerveusement la nuque. Cette conversation qu'il avait initié par pure curiosité se retournait contre lui de bien cuisante manière, et le regard amusé que posait Félix sur lui ne l'aidait en rien à retrouver contenance. L'adolescent prit une profonde inspiration, cherchant à calmer les battements affolés de son cœur. Son pouls résonnait jusque dans ses tempes, emplissant ses oreilles d'un bourdonnement sourd, et la peau de ses pommettes le brûlait à présent tellement qu'elle lui semblait au bord de la combustion.

Mais cruellement indifférent à sa gêne, son frère reprit soudain la parole.

« Je l'aime bien », lança-t-il avec un petit rire. « Elle est butée, maladroite, mais elle a du courage à revendre et une sacrée imagination. Ça ne m'étonne pas que tu sois tombé amoureux d'elle. »

« Je... Ce n'est pas ce que je... », balbutia Adrien, les joues en feu.

Debout près d'une de ses étagères, Félix s'emparera nonchalamment d'un livre, puis traversa la pièce pour s'asseoir dans son fauteuil favori.

« Ne t'inquiète pas », conclu-t-il en commençant à tourner négligemment les pages, un léger sourire aux lèvres. « Je l'aime bien, mais ça s'arrête là. Je ne viendrai pas te faire concurrence. »





La conversation se termina sans qu'Adrien ne réussisse à arracher davantage d'informations à son frère au sujet de sa relation avec sa Lady et sans que Plagg ne réussisse à se remettre du fou-rire que lui avait causé l'embarras de son partenaire.

Sur le papier, cette discussion avait toutes les allures d'un échec cuisant pour le jeune héros.

Mais rétrospectivement, Adrien était heureux que les choses aient prit une pareille tournure. Il ne lui fallut même pas une journée pour se mettre à voir le bon côté de son aveu involontaire et pour se réjouir que son frère l'ait percé à jour. Certes, le secret de ce qu'il éprouvait pour Ladybug n'en avait visiblement jamais été réellement un et certes, il aurait préféré en parler à Félix autrement que sous les ricanements moqueurs de Plagg.

Mais au moins, à présent, il avait quelqu'un de plus à qui se confier.

Cette simple constatation emplissait Adrien d'un sentiment de soulagement et de liberté immense. Il ne pouvait guère parler à ses amis de son amour pour Ladybug sous peine d'au mieux passer pour un admirateur fanatique, et au pire de trahir son identité. Par la force des choses, ses deux seuls interlocuteurs ne pouvaient être que Plagg et Félix.

Jusque-là, seul son kwami avait été le témoin de son admiration enthousiaste pour sa coéquipière.

Mais à présent que Félix était lui aussi au courant, Adrien ne laissait pas passer un jour sans vanter à son frère les mérites de sa Lady.

Il ne revenait plus d'un combat sans s'émerveiller du courage et de la force de Ladybug. Ne laissait plus échapper la moindre mise à jour du Ladyblog sans s'en réjouir auprès de Félix. Dès que le nom de l'héroïne de Paris était prononcé dans l'une de leurs conversations, il ne prenait même plus la peine de surveiller son expression et laissait son visage s'illuminer d'un sourire radieux.

Pourtant, Adrien essayait de réfréner ses ardeurs.

Vraiment.

Mais c'était plus fort que lui. Il réussissait à contrôler son enthousiasme un jour, deux peut-être, avant que le charme dont il était prisonnier n'opère de nouveau. Et alors, le regard rêveur, il se mettait à soupirer des « Elle est tellement merveilleuse... » en ignorant les coups d'œil fatigués que s'échangeaient Félix et Plagg.





Retenant un soupir épuisé, Félix se laissa tomber lourdement sur son canapé.

Cela faisait déjà trois semaines qu'Adrien avait arrêté prétendre ne ressentir qu'une affection platonique pour Ladybug. Trois semaines que son frère ne cessait de lui parler de sa coéquipière avec des étoiles plein les yeux et un sourire énamouré. Trois semaines qu'il ne cherchait plus à lui dissimuler combien chaque instant passé aux côtés de cette jeune fille en rouge et noir ne faisait que contribuer un peu plus à son bonheur.

Félix était plus qu'heureux de savoir que son frère s'entendait aussi bien avec sa partenaire et que leur relation soit pour lui une telle source de joie, mais sa patience avait des limites. Il n'était pas fait pour prêter l'oreille aux émois d'un adolescent amoureux. Il n'était pas doué pour dispenser des conseils sentimentaux.

De ce point de vue, Félix était certain que même Plagg ferait un meilleur interlocuteur que lui.

Adrien faisait pourtant de son mieux pour ne pas se montrer trop envahissant, il fallait le lui reconnaître. Il semblait avoir conscience que ces conversations n'étaient guère le sujet de prédilection de son ainé et tentait clairement de faire en sorte de limiter les fois où il mentionnait son amour pour Ladybug.

Mais hélas, même le mieux dont Adrien était possible était déjà trop pour Félix.

D'un geste fluide, le jeune homme sortit son téléphone de sa poche.

C : Sauve-moi.

L : Qu'est-ce qu'il y a ?

C : Mon petit frère est amoureux de Ladybug.

L : Ohh, c'est mignon.

Félix laissa échapper un soupir irrité.

C : Ce n'est pas mignon.

C : C'est embarrassant.

C : Embarrassant ET exaspérant.

C : Il parle d'elle à longueur de journée.

C : Je n'en peux plus.

L : C'est encore plus mignon.

C : Non.

L : Félix.

L : Tu n'as pas une once de romantisme en toi.

Un sourire sardonique aux lèvres, Félix tapa une rapide réponse.

C : Et ça te surprends ?

L : Pas du tout.

L : Et je comprends ton frère, quelque part.

L : Ladybug est trop jeune pour moi, mais si j'avais eu son âge, j'aurais sûrement craqué pour elle aussi.

C : Heureusement que tu es un vieux croûton alors.

L : Laisse-moi te dire que tu n'as pas non plus une once de délicatesse.

L : Et avant que tu dises quoi que ce soit.

L : Non, ça ne me surprend pas non plus.





Les semaines s'écoulèrent sans que la passion d'Adrien ne semble faiblir, mais peu à peu, le jeune homme parvint à trouver un certain équilibre. Bien sûr, il ne pouvait s'empêcher de parler rêveusement de Ladybug ou de s'extasier devant les exploits de la jeune fille. Mais dans l'ensemble, la fréquence et l'intensité de ses discours romantiques restaient désormais dans le domaine du raisonnable – au grand soulagement de Plagg et Félix.

L'aîné des fils Agreste n'avait quant à lui jamais cessé d'offrir une oreille attentive à son frère.

Non pas qu'il lui soit venu à l'idée de rabrouer Adrien, bien au contraire. Félix se serait certes volontiers passé de jouer les conseillers sentimentaux, mais il ne savait que trop bien combien son cadet était ravi de pouvoir se confier ainsi à lui. Alors, bon gré mal gré, il continuait à subir ces élans lyriques avec une patience admirable, tout en espérant secrètement que la situation ne vienne pas à empirer si d'aventure Ladybug se mettait à partager les sentiments d'Adrien.

Mais finalement, peu importe. Félix était tout à fait disposé à subir ces petits désagréments si cela signifiait que son frère était heureux.

De ce point de vue, l'aîné des Agreste n'avait pour l'instant rien à redire.

Naturellement, il ne cessait jamais de s'inquiéter tout à fait pour son cadet et pour ce rôle de Chat Noir qu'il remplissait désormais avec brio. Mais entre sa vie de lycéen ordinaire et ses activités de héros complètement hors du commun, Adrien paraissait désormais plus épanoui qu'il ne l'avait jamais été.

Félix n'avait pas le souvenir d'avoir vu un jour son frère aussi radieux. Adrien avait désormais ces amis dont il avait toujours rêvé. Cette vie de héros qui lui offrait la liberté qui lui avait manqué jusque-là. Et Ladybug, dont le simple nom suffisait à le faire rayonner d'un bonheur contagieux.

Adrien semblait heureux, et Félix n'en demandait pas plus.

Alors que Félix déambulait dans les couloirs, perdus dans ses pensées, de joyeux éclats de voix le tirèrent soudain de ses réflexions. Le jeune homme fronça brièvement les sourcils, avant de se rappeler tout à coup que son frère avait profité de l'un des rares instants de générosité de leur père pour inviter des camarades de classe à venir lui rendre visite.

La veille, Adrien lui avait parlé de la venue de son meilleur ami Nino. Et également de celle d'une ou deux filles, peut-être. Il n'était alors pas encore sûr que ses autres amies puissent être là elles aussi, mais le rire féminin qui s'éleva de l'entrée confirma à Félix que tous les invités de son frère semblaient avoir répondu présent.

Se dirigeant vers sa chambre, Félix jeta un regard en contrebas.

Depuis là où il se trouvait, il avait une vue parfaite sur les adolescents qui bavardaient allègrement au pied des escaliers. Il repéra Adrien sans le moindre mal, ainsi qu'un garçon à lunettes qui ne pouvait être que Nino.

Soudain, Félix se figea.

Il venait d'apercevoir une adolescente dont l'allure ne lui était que trop familière. Impossible de se tromper. Pas après l'avoir vue sur tant de fois sur le champ de bataille, pas après l'avoir côtoyée si souvent à l'époque où il portait le masque Chat Noir. Brusquement aussi tendu que la corde d'un arc, le jeune homme serra machinalement les poings. Jamais il ne se serait attendu à la trouver ici.

Pas chez lui.

Pas en compagnie de son frère.

Mais pourtant, ses yeux ne le trompaient pas.

Devant lui se trouvait Alya Césaire, journaliste auto-proclamée et propriétaire du célèbre Ladyblog.

Infiniment contrarié par cette intrusion inattendue, Félix pressa le pas. Hors de question de risquer de croiser la route de cette gêneuse et de s'exposer à des questions intrusives. Alors qu'il s'apprêtait à disparaître dans le couloir menant à sa chambre, le jeune homme jeta un ultime coup d'œil par-dessus son épaule.

Et quand son regard se posa sur la dernière jeune fille qui se tenait debout aux côtés d'Adrien, Félix eu soudain l'impression que le sol se dérobait sous ses pieds.

Il connaissait cette silhouette. Cette voix. Ces cheveux d'un noir bleuté séparés en une paire de couettes, ces yeux bleus en amande, cette façon de parler en appuyant chaque mot d'une myriade de geste.

Il connaissait cette fille.

Son ancienne partenaire.

La coéquipière d'Adrien.

Ladybug.


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