Chapitre 14
A peine Ladybug avait-elle fini sa phrase qu'elle s'élançait dans la direction opposée au super-vilain.
Chat Noir réagit immédiatement, se ruant à la suite de sa coéquipière sans se poser de questions. La jeune fille parcourut quelques dizaines de mètres, creusant rapidement l'écart avec leur ennemi, avant de piler brusquement derrière une borne d'incendie.
Elle se retourna d'un geste vif, scannant les environs du regard pour s'assurer que le vilain ne les suivait pas de trop près. Mais à son grand soulagement, elle constata vite qu'il n'en était rien. Pris de court par le repli soudain des deux héros, la victime du Papillon se trouvait encore à une distance plus que raisonnable.
Elle avait une ou deux minutes devant elle pour exposer son plan à Chat Noir.
« Ok », lança-t-elle en se tournant vers son coéquipier et en plongeant ses yeux dans les siens, « j'ai besoin que tu fasses exactement ce que je vais te dire. »
« Tes désirs sont des ordres, ma Lady », répliqua aussitôt Chat Noir avec une gracieuse courbette.
Surprise, Ladybug marqua un instant d'arrêt. La différence entre le caractère de son partenaire actuel et celui de l'ancien la frappait comme un coup dans la figure, lui rappelant une fois de plus qu'elle devait encore apprendre à apprivoiser leur nouveau duo.
Puis, presque immédiatement, la jeune fille secoua la tête pour rassembler ses esprits. Il lui faudrait décidément beaucoup de temps pour se faire aux manières ampoulées de son nouveau coéquipier.
Mais ça, elle s'en préoccuperait plus tard.
Car pour l'instant, le moment était plutôt malvenu pour se laisser distraire.
« J'ai besoin que tu attires le vilain vers nous », reprit Ladybug d'une voix volontaire. « Quand il sera à peu près au niveau de cette voiture », poursuivit-elle en désignant un véhicule garé quelques mètres devant elle, « bondit derrière moi et ensuite ne bouge plus. C'est très important. »
Une expression perplexe se peignit aussitôt sur les traits de Chat Noir.
« Heuuu, juste pour être sûr que j'ai bien compris la dernière partie, tu me demandes de rester immobile ? », articulat-t-il en haussant un sourcil intrigué.
« Exactement », approuva Ladybug avec un sourire satisfait.
« En pleine bataille, avec un vilain à même pas dix mètres de nous ? », insista le jeune homme.
Mais loin de se démonter, sa coéquipière hocha vigoureusement la tête en signe d'approbation.
« Tu as conscience que cette bouche d'incendie est trop petite pour nous abriter tous les deux ? », lança Chat Noir avec un dernier coup d'œil à la borne derrière laquelle ils se tenaient.
« Fais-moi confiance, chaton », rétorqua Ladybug avec un petit rire, tout en le congédiant d'une petite tape sur l'épaule. « J'ai un plan. »
Sans perdre une seconde de plus, Chat Noir s'élança à la rencontre de son adversaire.
Il n'avait pas la moindre idée de ce que Ladybug avait en tête, mais sa partenaire semblait savoir ce qu'elle faisait et ça lui suffisait amplement.
La décision du jeune homme de se lancer ainsi à l'aveugle n'avait pas été prise à la légère. Certes, il développait de tendres sentiments pour sa coéquipière avec une rapidité impressionnante, voire alarmante. Mais l'amour et l'admiration que lui inspiraient Ladybug ne le privait pas pour autant de son bon sens. Pas en ce qui concernait le champ de bataille, tout du moins.
Chat Noir était un grand impulsif, qui croyait dur comme fer en son instinct.
Et ce dernier lui soufflait qu'il pouvait croire en Ladybug.
En tout objectivité, cette fille était vive, intelligente, rompue au combat. Alors, bien que Chat Noir ignore encore en quoi consistait exactement le plan de sa coéquipière, il avait décidé de lui faire pleinement confiance. Il allait se plier scrupuleusement à ses instructions, et advienne que pourra.
En quelques bonds seulement, Chat Noir arriva près du vilain.
« Hey, on ne t'a jamais dit que trop de sel nuisait à la santé ? », lui lança-t-il d'un ton goguenard, tout en prenant nonchalamment appuis contre un mur.
Son ennemi se tourna vers lui avec un grognement de fureur et tira une salve dans sa direction. Chat Noir évita habilement l'attaque en sautant sur le toit d'une camionnette voisine, puis, sans prendre ne serait-ce qu'une seconde pour respirer, bondit de nouveau pour atterrir quelques mètres plus loin.
Alternant grimaces, provocations en tous genres et prises de risque soigneusement calculées, le jeune homme se mit à remonter l'avenue qui tenait actuellement lieu de champ de bataille. Il manœuvrait précautionneusement, attirant le vilain de plus en plus près de sa coéquipière tout en veillant à ne pas éveiller les soupçons de son adversaire.
Jamais Chat Noir n'avait été aussi tendu de sa vie.
Ce n'étaient pas ses capacités physiques qui l'inquiétaient, non. Il se savait suffisamment fort et endurant pour tenir ainsi des heures durant si jamais cela s'avérait nécessaire. Mais il y avait tant de risques à évaluer, tant de paramètres à prendre en compte que son cerveau lui paraissait en ébullition.
Se rapprocher subtilement de Ladybug. Ne pas dévier de sa route. Ne pas permettre au vilain de réaliser qu'il tentait de le manipuler pour le faire avancer dans une direction précise. Ne pas se laisser distraire au point d'oublier d'esquiver une attaque. Faire attention aux jets de sel, aux voitures contre lesquelles il pouvait se cogner, aux sculptures sur lesquelles il était susceptible de trébucher...
C'était une gymnastique mentale de tous les instants, qui monopolisaient le moindre de ses neurones.
S'il baissait la garde ne serait-ce qu'une seconde, Chat Noir prenait le risque de faire échouer le plan de sa Lady. Ou pire encore, de faire échouer son plan ET de se faire transformer en statue par son ennemi.
Serrant les dents sous l'effet d'une intense concentration, le jeune homme poursuivit sa lente progression avec une attention renouvelée. Il ne pouvait pas se permettre la moindre erreur.
Paris lui faisait confiance. Ladybug lui faisait confiance.
Hors de question qu'il la déçoive.
De bond en bond, d'une esquive à une autre, Chat Noir fini par s'approcher enfin de son but. Le vilain se trouvait désormais presque au niveau de la voiture que lui avait précédemment indiquée Ladybug. Plus que trois mètres et il y serait enfin.
Deux mètres.
Un mètre.
Du coin de l'œil, Chat Noir vit sa coéquipière se saisir de sa clé à molette et la placer sur le gigantesque écrou placé au sommet de la borne à incendie derrière laquelle elle était toujours abritée. Sans perdre une seconde de plus, il déploya son bâton télescopique et se propulsa un pas derrière la jeune fille.
Voyant les deux héros à présent debout l'un à côté de l'autre, le super-vilain éclata d'un rire haineux.
« Parfait ! », s'esclaffa-t-il en tendant le bras dans leur direction. « Deux statues pour le prix d'une ! »
« Ma Lady », chuchota Chat Noir dans le creux de l'oreille de Ladybug, « tu es sûre de ton coup ? »
« Du calme, chaton », répliqua la jeune fille, les yeux braqués sur leur adversaire. « Ne bouge pas. Je sais ce que je fais. »
Alors que le vilain visait précautionneusement les deux héros, Chat Noir nota tout à coup que la clef à molette que tenait toujours Ladybug avait changé de position. Sa coéquipière avait manifestement profité du bref laps de temps durant lequel il avait bondit dans les airs faire décrire un – ou plusieurs - arc-de-cercle à l'outil, dévissant l'écrou autour duquel il était placé.
Des gouttes d'eau suintaient désormais de la borne, poussées par une pression d'une puissance indescriptible. Seule la force qu'imprimait Ladybug à sa clef à molette empêchait encore le dispositif de s'ouvrir totalement et de laisser s'échapper le précieux liquide.
Dents serrées, bras tremblants sous l'effort, la jeune fille restait le regard rivé sur son adversaire.
Visiblement désireux de profiter de l'immobilité des deux héros, la victime du Papillon prenait quant à elle tout son temps pour viser. Ajustant sa position. Concentrant ses forces. Puis, au bout de ce qui parut être une éternité à Chat Noir, le visage de l'homme s'illumina d'un sourire mauvais.
« Ladybug... », murmura le héros avec inquiétude.
« Pas encore... », souffla la jeune fille d'une voix hachée.
Et soudain, le vilain tira sur les deux héros.
« Maintenant ! », s'exclama la jeune fille en lâchant brusquement la clé.
Enfin libérée de toute contrainte, l'eau jaillit violement dans les airs. Elle s'échappa de la borne en un puissant geyser, s'élançant vers les cieux jusqu'à atteindre une hauteur de plusieurs étages.
Pile à l'instant où arrivait le rayon généré par le vilain.
Pile à temps pour pouvoir être frappée par l'attaque à la place des deux héros.
La gerbe d'eau se cristallisa aussitôt en une immense structure de sel, prenant une apparence féérique tout droit tirée d'un livre de contes. Chaque gouttelette s'était figée en autant de particules d'une blancheur immaculée, qui étincelaient à la lumière du soleil. Ainsi assemblées, elles formaient une sculpture éblouissante dont le sommet en corolle avait des allures de fleur en train d'éclore.
Stupéfait par la tournure des évènements, le vilain resta un instant paralysé de surprise. Mais heureusement, Chat Noir ne perdit quant à lui pas une seconde. Faisant appel à toutes les forces que lui donnaient ses pouvoirs, il se jeta de tout son poids contre la colonne de sel fraîchement formée.
L'impact fut d'une telle violence que le jeune homme ne retint que de justesse une exclamation de souffrance.
Alors qu'une douleur lancinante irradiait depuis l'épaule de Chat Noir et commençait à se répandre insidieusement le long de son omoplate, la gigantesque sculpture se mit à osciller. Elle tangua un instant comme un homme frappé d'ivresse, vacilla une dernière fois, puis s'écrasa à terre dans un fracas sourd.
Le contact avec le sol avec fut d'une violence extrême. La colonne explosa en myriade de fragments, qui furent instantanément projetés dans toutes les directions. Le vilain recula d'un pas, bras levés pour protéger son visage.
« Chat Noir ! », s'exclama Ladybug, doigt tendu vers leur adversaire. « Le tablier ! »
« C'est comme si c'était fait », s'écria son coéquipier en bondissant par-dessus les débris. « Cataclysme ! »
A peine une seconde plus tard, le jeune homme abattait sa main gantée de noir sur la pièce de tissu nouée à la taille de son ennemi. L'objet se désagrégea aussitôt, libérant au passage un papillon d'une vilaine couleur pourpre.
« Miraculous Ladybug ! », s'exclama Ladybug en lançant sa clef à molette dans les airs.
Une nouvelle nuée de coccinelles fit son apparition, rendant immédiatement leur apparence originelle aux malheureuses victimes du vilain et aux bâtiments jusque-là transformés en structures de sel. Après avoir restauré l'ordre dans la capitale, elles tourbillonnèrent entre les mains de Ladybug, puis s'en allèrent en laissant un objet rouge et noir au creux de sa paume.
« Ah, mon yo-yo », soupira l'héroïne avec soulagement.
La jeune fille se hâta de purifier l'akuma et laissa échapper un soupir de satisfaction en regardant s'éloigner le papillon désormais inoffensif. A quelques mètres d'elle, Chat Noir suivit lui aussi l'insecte des yeux, puis reporta son attention sur sa coéquipière.
« Et bien, la vie de héros ne manque définitivement pas de sel », lui lança-t-il dans un éclat de rire.
Ladybug lui jeta un regard mi-amusé, mi-consterné.
Décidément, ce garçon ne cessait de la surprendre. A un instant, il paraissait incapable de parler sans sortir des jeux de mots plus absurdes les uns que les autres, et à un autre, il se mettait à combattre de toutes ses forces, agissant avec autant d'audace et d'assurance que s'il était né pour protéger Paris.
Ladybug était habituée à un partenaire faisant preuve de sérieux en toutes circonstances, et ce curieux mélange d'effronterie désinvolte et de courage indéniable la perturbait bien plus qu'elle n'aurait su le dire.
Mais force était de reconnaitre que sous ses dehors fanfarons, ce nouveau venu s'était montré largement à la hauteur de sa tâche. Il avait su faire preuve de volonté et de vaillance, refusant de reculer même dans les moments les plus difficiles. Plus que tout, Ladybug avait été agréablement surprise de voir à quel point il avait été facile de travailler avec lui. Leur duo improvisé avait fait des merveilles dans le feu du combat, promesse d'une efficacité à venir plus grande encore une fois qu'ils se seraient habitués l'un à l'autre.
Songeuse, la jeune fille repensa aux dernières paroles de son ancien partenaire. Ce nouveau Chat Noir était celui aux côtés duquel elle aurait dû se battre depuis le début, lui avait-il confié. Son véritable coéquipier, celui avec lequel elle pourrait exploiter au mieux tout son potentiel.
Ladybug ignorait encore si la prophétie de son précédent partenaire se réaliserait.
Mais quoi qu'il en soit, ce premier combat était de bon augure.
Notant soudain que Chat Noir l'observait avec curiosité, Ladybug sortit brusquement de sa rêverie. Elle accrocha son yo-yo à sa hanche et s'approcha de son coéquipier en souriant, poing tendu. Les pupilles du jeune homme se dilatèrent un instant de surprise.
Puis, presque aussitôt, une lueur de joie illumina ses yeux verts.
Chat Noir n'avait pas le souvenir d'avoir été un jour aussi heureux, ni aussi fier de lui.
Le vilain avait été neutralisé, Paris avait été sauvé. Et ce, en partie grâce à lui. Il s'était montré à la hauteur des attentes de Ladybug, de son frère, et de quiconque avait décidé qu'il pouvait être digne de porter le miraculous qui lui avait été confié.
Il avait réussi.
Porté par un sentiment de douce euphorie, il imita le geste de sa coéquipière.
« Bien joué ! », se congratulèrent les deux héros, cognant leurs poings l'un contre l'autre en signe de victoire.
Alors que Ladybug baissait le bras, Chat Noir ne put résister au plaisir de la saluer d'une dernière courbette. Le regard brillant de joie, il s'inclina théâtralement devant elle.
« C'était trop cool ! », s'exclama-t-il en se redressant, un immense sourire aux lèvres. « On se refait ça très vite, ok ? »
Alors que Ladybug levait dramatiquement les yeux au ciel, le jeune homme laissa échapper un dernier éclat de rire avant d'étendre son bâton et de se propulser par-delà les toits.
Quand il regagna son lycée, Adrien constata avec un certain soulagement que non seulement les cours avaient été suspendus durant l'attaque, mais qu'une large partie des élèves avait également profité de cette occasion pour jouer les filles de l'air. Que ce soit pour se cacher, pour aller observer discrètement l'affrontement ou pour le simple plaisir de profiter d'un surcroît de temps libre hors de la surveillance de leur professeur, près de la moitié de leur classe s'était éclipsée après l'apparition du super-vilain.
Mais à présent que le calme était revenu sur Paris, les élèves étaient sommés de réintégrer leur salle pour reprendre leurs cours là où ces derniers s'étaient arrêtés.
Alors qu'il regagnait sa place, Adrien essaya de saluer Marinette une fois de plus, pour ne recevoir en retour qu'un reniflement méprisant. Certainement touché par l'expression peinée se peignit aussitôt sur les traits de son voisin, Nino se pencha vers Adrien dès que ce dernier se fut assis.
« Dis, toi qui voulait te faire des amis, tu devrais parler à Marinette », lui murmura-t-il en désignant discrètement la jeune fille d'un geste du pouce. « Tu sais, à propos du chewing-gum ? »
« Mais qu'est-ce que je vais bien pouvoir lui dire ? », soupira Adrien en secouant la tête d'un air désolé.
« Tu n'as qu'à dire la vérité », rétorqua Nino. « Ne t'inquiète pas », poursuivit-il avec un petit clin d'œil encourageant. « Marinette est vraiment une fille bien. Je suis sûr qu'elle comprendra. »
« D'accord », approuva Adrien avec un faible sourire. « Merci, Nino. »
Alors que les dernières heures de cours s'écoulaient avec une lenteur désespérante, le temps se mit à se détériorer. Subtilement d'abord, puis de façon beaucoup plus franche ensuite. Des nuages noirs et denses s'amoncelèrent au-dessus de Paris, roulant dans les cieux dans un sourd grondement sourd et recouvrant la capitale de leur ombre.
Et quand s'éleva enfin la sonnerie libérant les élèves pour la fin de la journée, la luminosité ambiante avait descendu à un tel point qu'elle donnait l'impression que la nuit s'installait déjà sur la ville.
Alors que ses camarades commençaient à sortir de la salle de classe, Adrien rassembla ses affaires en poussant un lourd soupir. En dépit des extraordinaires évènements auquel il avait pris part un peu plus tôt dans l'après-midi, son moral était désormais à la mesure de la météo ambiante. Sombre, pesant, morose.
Nul besoin pour Adrien d'en chercher longtemps la raison.
Il détestait les conflits et aurait sincèrement souhaité parler à Marinette pour dissiper ce malentendu qui s'était installé entre eux. S'excuser, lui expliquer qu'il était loin d'être aussi malintentionné qu'elle semblait le croire, peut-être même commencer à tisser avec elle un semblant de lien d'amitié une fois que cette histoire serait derrière eux. Hélas pour lui, sa voisine de derrière s'était éclipsée dès la fin des cours, mettant fin à toute velléité de réconciliation pour aujourd'hui.
Le cœur lourd, le jeune homme se dirigea vers la sortie du lycée.
L'atmosphère était humide et électrique, annonciatrice d'un violent orage à venir. Une brise fraîche caressa le visage d'Adrien tandis qu'il traversait la cour et le jeune homme pressa instinctivement le pas, craignant qu'une brusque averse ne le surprenne.
Comme pour mieux illustrer ses pensées, un éclair déchira soudain le ciel. Et à peine une fraction de seconde plus tard, des myriades de gouttes d'eau perçaient la masse nuageuse et s'abattaient sur la capitale tel un déluge.
Etouffant un grognement contrarié, Adrien pressa le pas pour se réfugier sous la première structure venue.
A sa grande surprise, alors qu'il approchait de son but, il aperçut la silhouette familière de Marinette. Abritée sous le porche qui surplombait l'entrée de l'établissement, la jeune fille levait ses yeux limpides vers le ciel, une expression préoccupée sur le visage.
A la voir ainsi immobile, Adrien ne mit guère longtemps à saisir ce qui pouvait la contrarier.
Une averse, pas de parapluie, et un trajet plus que pénible en perspective pour regagner son domicile.
Mais cette conjoncture malheureuse avait au moins le mérite de fournir à Adrien l'opportunité de s'expliquer avec sa camarade de classe. Le jeune homme déglutit, se passa nerveusement la main derrière la nuque, puis s'approcha de Marinette.
« Salut, Marinette », commença-t-il d'une voix bien moins assurée qu'il ne l'aurait souhaité.
En l'entendant s'adresser à elle, la jeune fille détourna aussitôt le regard.
Découragé, Adrien songea un instant à passer son chemin. Sa camarade de classe n'était clairement pas d'humeur à discuter avec lui et insister risquait d'envenimer une situation déjà délicate. Peut-être vallait-il mieux renoncer à lui parler pour aujourd'hui. Après tout, il aurait certainement bien d'autres occasions de s'expliquer.
Mais, se remémorant les paroles de Nino, Adrien décida soudain de forcer sa chance.
Si cette fille était bien telle qu'on la lui avait décrite, alors elle accepterait certainement de l'écouter.
« Je voulais que tu saches que la dernière fois, j'essayai de décoller le chewing-gum de ton siège », commença-t-il timidement. « C'est vrai, tu sais ? », poursuivit-il alors que Marinette tournait brusquement la tête vers lui. « Je ne suis jamais allé à l'école avant. Je n'ai jamais eu d'amis. Tout ça, pour moi, c'est... c'est un peu nouveau. »
Les immenses yeux bleus de Marinette s'écarquillèrent de surprise durant le discours du jeune homme, marquant son étonnement de façon presque comique. Mais pour la première fois depuis leur brouille, elle ne détournait pas le visage. Au contraire, son regard limpide restait rivé à celui d'Adrien, cherchant la plus petite trace de malice, essayant d'éprouver sa sincérité.
Marinette avait l'air stupéfaite. Désireuse d'écouter Adrien, soucieuse de le comprendre. Embarrassée, même, peut-être.
Mais elle ne paraissait plus hostile.
Enfin.
Adrien ne put retenir un profond soupir de soulagement en réalisant que ce terrible malentendu qui l'avait opposé à sa camarade de classe semblait s'être dissipé. Il se sentait soudain léger, comme si un poids immense avait été ôté de ses épaules, comme si l'étaux qui comprimait jusque-là sa poitrine avait miraculeusement disparu.
Ce n'est qu'à cet instant que le jeune homme réalisa combien il avait été tendu durant cette brève conversation.
Ses nerfs jusque-là à fleur de peau se déliaient enfin, lui donnant la douce sensation de se glisser dans un bain chaud et relaxant. Même si son cœur battait encore avec tant de force qu'il l'entendait résonner dans ses tempes, même si ses doigts tremblaient toujours d'avoir été tant crispés, Adrien pouvait de nouveau respirer librement.
Et espérer enfin devenir un jour ami avec cette fille qu'il avait tant contrarié.
Un bref coup de klaxon rappela brusquement Adrien à l'ordre. Le jeune homme sursauta légèrement et secoua la tête avec lassitude. Il aurait aimé profiter de cette occasion pour discuter un peu plus longtemps avec Marinette, mais hélas, il n'était guère en position de pouvoir s'attarder.
Se rappelant soudain de la raison pour laquelle sa camarade de classe s'était quant à elle arrêtée sous ce porche, Adrien jeta un bref regard vers les cieux.
La pluie tombait toujours en de grosses gouttes qui s'écrasaient lourdement sur les pavés, gorgeant l'atmosphère d'eau et emplissant les airs d'un doux son cristallin. Et au vu du noir d'encre dont étaient peints les nuages, ce déluge était loin de s'interrompre de sitôt.
Sans l'ombre d'une hésitation, Adrien offrit son parapluie à Marinette. Lui-même n'aurait guère le temps d'être mouillé avant de rejoindre son véhicule, contrairement à sa camarade qui risquait de finir aussi trempée que si elle avait plongée toute habillée dans une piscine si d'aventure elle tentait de rentrer chez elle sans rien pour s'abriter.
Marinette marqua un temps d'arrêt, surprise par le geste du jeune homme. Puis, après avoir été rassurée par un bref hochement de tête d'Adrien, elle tendit une main hésitante vers le parapluie. Le grondement sourd du tonnerre résonna dans les cieux quand elle s'empara timidement de la poignée, ses doigts frôlant ceux d'Adrien. Désormais abritée par l'étoffe noire, Marinette adressa un sourire reconnaissant à son camarade de classe.
Et presque aussitôt, le parapluie se referma brusquement sur sa tête.
Adrien sursauta brusquement, avant qu'un rire aussi nerveux qu'incontrôlable ne jaillisse de ses lèvres. Cette journée avait été pour lui un véritable ascenseur émotionnel et cette ultime surprise sonnait le glas de ses nerfs.
Ecartant un pan d'étoffe, Marinette surgit du parapluie récalcitrant à peine une seconde plus tard. Mais au grand soulagement d'Adrien, elle ne donnait guère l'impression d'être offusquée par la situation. Contrite ? Oui. Prise de court autant par son éclat de rire inattendu et par cette soudaine obscurité qui s'était abattue sur elle ? Certainement. Mais fâchée ? Définitivement pas.
Au contraire, les joues rouges et le regard brillant, elle lui souriait timidement, toute trace d'animosité disparue de son visage.
Il n'en fallait pas plus pour rassurer définitivement Adrien.
« A demain », lui lança-t-il en souriant.
Et alors qu'il commençait à s'éloigner, il entendit la voix de Marinette s'élever par-dessus le doux clapotis de la pluie.
« A...A demain. »
Le cœur en fête, Adrien parcouru rapidement les derniers mètres qui le séparaient encore de sa voiture. Sa première journée de cours avait débuté de façon désastreuse, mais elle se terminait de la plus heureuse des manières. Tandis qu'il s'installait confortablement sur son siège, le jeune homme songea à ces récents souvenirs d'école qui dansaient joyeusement dans sa mémoire.
Les encouragements de Nino.
Le sourire de Marinette.
Alors que le véhicule dans lequel Adrien avait pris place se faufilait dans les artères de Paris, une expression de pur bonheur illumina lentement les traits du jeune homme.
Il commençait enfin à se faire des amis.
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