Chapitre 1

Note : Comme vous l'aurez peut-être vu dans le résumé, j'utilise ici le personnage de Félix. Pour celles et ceux qui ne le connaissent pas, il s'agit d'un personnage qui a été créé par Thomas Astrucet qui devait à l'origine incarner le personnage de Chat Noir. Il n'a finalement pas été retenu et a été remplacé par Adrien dans la version finale. 

Cette fic se place donc dans un univers alternatif dans lequel Gabriel Agreste a deux fils : Adrien et Félix. 

Et cette histoire ne tient pas non plus compte des éléments de la saison 2, vu que j'ai commencé à l'écrire quand il n'y avait que la saison 1 de sortie ^^  (logiquement, elle ne tient donc pas non plus de la saison 3, ni d'aucun personnage qui serait apparu durant la saison en question *insérez un clin d'œil subtil et délicat ^^ *). 





« Vous êtes sûrs de votre décision ? », demanda Maître Fu aux deux héros qui se tenaient face à lui.

« Certains », répliqua Ladybug, les mains fermement posées sur les hanches.

Avec son attitude assurée, son menton fièrement relevé et ses yeux bleus étincelant d'une détermination farouche, l'héroïne de Paris était l'image même de la confiance en soi. Ayant à présent fini de parler, elle jeta un bref coup d'œil au jeune homme masqué de noir qui l'écoutait attentivement, debout à ses côtés.

Chat Noir passa ses doigts dans ses mèches blondes d'un geste faussement détaché, mais son regard étincelait de la même conviction que celle de sa coéquipière.

« Nous y avons beaucoup réfléchit », lança-il en hochant brièvement la tête en signe d'approbation. « Il est temps pour nous de renoncer à nos miraculous. »

« J'imagine que rien de ce que je pourrais dire ne vous fera changer d'avis ? », reprit le Grand Gardien d'un ton résigné.

« Non », rétorqua Chat Noir d'une voix qui ne laissait pas la place au moindre doute. « Vous comprenez, ça fait des années que nous sommes devenus des héros. Personnellement, je ne le regrette pas, mais il est temps pour nous de passer à autre chose. »

« Être Ladybug est la chose la plus extraordinaire qui me soit jamais arrivée », renchérit sa coéquipière avec une passion non dissimulée. « Mais il faut être réalistes. Je commence à avoir vraiment du mal à concilier mes études avec mes devoirs d'héroïne. Je ne compte plus le nombre d'examens que j'ai failli rater parce qu'un super-vilain avait décidé de faire une apparition ! »

« Pareil pour moi », approuva sobrement Chat Noir.

« Sans compter que... Je rêve de voyager », poursuivit Ladybug, le regard brillant d'émotion. « Ça fait des années que je n'ose pas quitter Paris et là j'ai... J'ai l'opportunité de partir en stage en Italie. C'est une occasion extraordinaire ! Mais ce n'est pas compatible avec mon rôle d'héroïne... », conclut-elle en rougissant légèrement sous son masque.

« N'en ajoutez pas plus », la rassura Maître Fu avec un sourire amical. « Je comprends parfaitement. Je ne vous en ai déjà que trop demandé. Vous avez tous les deux veillé sur Paris pendant des années et vous avez largement mérité de vivre enfin votre... »

Un bruit sourd d'explosion fit soudain trembler les vitres, interrompant du même coup la tirade du Grand Gardien. Le vieil homme jeta un regard résigné vers sa fenêtre et repéra sans le moindre mal une colonne de fumée qui s'élevait au-dessus des toits de Paris.

« Je crains que la suite de cette conversation ne doive attendre », soupira-t-il d'une voix lasse. « Allez-y », poursuivit-il en en congédiant les deux héros d'un petit geste de la main. « Je vous retrouverai quand tout ça sera fini. »





Quelques heures plus tard, fidèle à sa parole, Maître Fu arrivait devant le manoir de la famille Agreste et se présentait aimablement à Nathalie.

Cette dernière mit un point d'honneur à contrôler la raison de sa présence en ces lieux, non sans jeter un regard dubitatif à la chemise hawaïenne dont était vêtu le vieil homme. Après avoir obtenu la confirmation que la visite de cet étrange visiteur était bien attendue, elle l'entraîna jusqu'à une pièce où l'attendait le fils de son illustre employeur, puis s'éloigna d'un pas vif.

Maître Fu la remercia et referma doucement la porte derrière lui.

Son regard se promena un instant sur les lieux, admirant les meubles aux lignes épurées, les étagères regorgeant de livres et l'impressionnant bureau qui trônait au centre de la salle. Puis, enfin, le Grand Gardien porta son attention sur le jeune homme qui lui faisait face, debout devant une large fenêtre.

Âgé d'un peu plus d'une vingtaine d'année, l'héritier de la famille Agreste affichait un calme qui n'avait rien à envier au sang-froid légendaire qui faisait la célébrité de son père. Cette réserve apparente aurait même presque pu passer pour de l'indifférence sans l'intensité avec laquelle brillaient ses yeux d'un gris bleuté.

Bras croisés, doigts jouant mécaniquement avec la bague qu'il portait à la main droite, le jeune homme salua le Grand Gardien d'un bref signe de la tête.

« Félix », commença Maître Fu d'une voix satisfaite. « Je suis heureux de voir que le petit... incident de tout à l'heure ne vous a guère posé de difficultés. »

« Rien d'insurmontable », confirma son hôte en hochant machinalement la tête. « Vous pouvez parler librement ici », poursuivit-il en désignant les alentours d'un petit geste. « Personne ne nous entendra et Plagg nous préviendra si quelqu'un approche. »

« Pourquoi c'est toujours à moi de faire tout le travail... », lança une petite chose noire d'une voix geignarde, tout en s'extrayant péniblement de l'une des poches de Félix.

« Parce que tu es SI doué », soupira le jeune homme d'une voix sarcastique. « Comment pourrait-on se passer de ton aide si précieuse. Bref, revenons à ce qui vous amène ici », reprit-il en braquant un regard déterminé sur son visiteur, tout en levant sa main droite devant lui.

Il agita brièvement ses longs doigts fins, faisant jouer les rayons du soleil sur la bague qu'il portait à son majeur.

« Le moment pour moi de vous rendre mon miraculous », poursuivit Félix d'un ton résolu. « Plagg et moi en avons déjà discuté, il est temps pour moi de tourner la page. J'ai beaucoup apprécié la confiance que vous avez placé tous les deux en moi et je ne nierai pas que ces années m'ont apporté bien plus que ce que je ne l'aurai jamais cru », continua-t-il avec un petit signe de tête complice à l'attention de son kwami. « J'ai évolué. J'ai mûri. Mais être Chat Noir, c'est... C'est du temps », soupira le jeune homme en resserrant machinalement la cravate qu'il portait en plus de sa chemise et de son gilet. « De l'investissement, des combats, des sacrifices. C'est être enchaîné à Paris sans avoir la possibilité d'en partir ne serait-ce que pour quelques jours », lâcha-t-il dans un souffle.

Félix s'interrompit un instant, laissant son regard errer dans la pièce. Quand ses yeux se posèrent sur une photographie sur laquelle deux garçons blonds souriaient joyeusement à l'objectif, un sourire nostalgique se dessina lentement sur ses lèvres.

« Autrefois, j'étais suffisamment motivé pour accepter toutes ses contraintes », reprit-il d'une voix pensive. « Le devoir passait avant tout. Le devoir passe toujours avant tout, aujourd'hui encore », se corrigea-t-il aussitôt. « Mais l'envie n'est plus là. Je suis fatigué, Maître Fu », confia-t-il à voix basse, tout en plongeant ses yeux gris dans ceux de son visiteur. « J'estime m'être assez battu. Je veux pouvoir vivre ma vie. »

« Tu en es sûr ? », demanda le Grand Gardien en jetant un regard perçant au jeune homme.

« Certain », rétorqua vivement Félix, une expression réprobatrice se dessinant aussitôt sur son visage d'une pâleur éthérée. « Il ne s'agit pas d'une décision prise à la légère. »

« Je n'en doute pas un instant », approuva Maître Fu avec un petit sourire. « Ce n'est pas ton genre. »

« Exactement », confirma Félix d'un ton ferme. « Ces années ont été extraordinaires et je ne regretterai jamais de les avoir vécues. Mais à présent, j'ai envie de passer à autre chose. Je ne veux plus être Chat Noir. »

« Je te comprend parfaitement », répliqua immédiatement le Grand Gardien. « Néanmoins, je... J'aurais une dernière requête à te soumettre », poursuivit-il d'une voix gênée.

Surpris, Félix redressa vivement la tête.

« Une requête ? », répéta-t-il en haussant un sourcil intrigué.

« Oui », confirma Maître Fu en avançant d'un pas vers le jeune homme. « Vois-tu, j'avais déjà repéré des... Des successeurs, pour Ladybug et toi », expliqua-t-il en désignant Félix du doigt. « Un garçon et une fille qui feront tous deux des héros extraordinaires, dignes de ceux que vous avez été. »

Manifestement embarrassé, le Grand Gardien s'interrompit un instant.

« Mais... ? », lança Félix, tout en croisant défensivement ses bras sur sa poitrine.

Maitre Fu laissa échapper un profond soupir, puis secoua doucement la tête.

« Il n'y a aucun souci concernant la remplaçante de Ladybug », reprit-il enfin. « Pour être honnête, je lui ai même déjà transmit les boucles d'oreilles de ta coéquipière », ajouta-t-il avec un petit sourire. « Elle doit être en train de faire la connaissance de son kwami et de son nouveau rôle à l'instant même où je te parle. Non, le problème, c'est le futur Chat Noir. »

Une expression de profonde incompréhension se peignit aussitôt sur les traits de Félix.

« Je croyais que vous aviez trouvé quelqu'un ? », demanda-t-il d'une voix perplexe.

« Oh, oui », s'esclaffa Maître Fu. « Pour cela, pas d'inquiétude. Le jeune homme à qui je destine la bague du Chat Noir sera absolument parfait. Seulement... »

« Seulement quoi ? », insista Félix en tambourinant machinalement des doigts contre son bras.

Bien que des années de bons et loyaux services en tant que héros aient grandement assoupli son caractère, Félix n'en restait pas moins quelqu'un dont la patience avait de sérieuses limites.

Et le jeune homme sentait que ces dernières commençaient à se rapprocher dangereusement.

Il ne connaissait que trop bien le goût prononcé qu'avait Maître Fu pour les mystères en tout genre. Pour les explications nébuleuses, pour la rétention d'informations qu'il ne jugeait pas primordiales. Ces petites manies qu'avaient le vieil homme avaient valu à Félix et à sa coéquipière de longs mois passés dans le flou le plus total quant à leur rôle de héros. Ils avaient tous deux mystérieusement reçu ces bijoux magiques et avaient dû apprendre à s'en servir par eux-mêmes, sans autre indice ou instruction que les conseils que pouvaient leur prodiguer leurs kwamis.

« Seulement il n'est pas... disponible. Pas pour l'instant », expliqua enfin le Grand Gardien d'une voix lasse. « Je ne peux pas t'en dire plus, mais j'aurai besoin que tu conserves ton rôle encore quelques temps », conclut-il en levant un regard implorant vers son hôte. « Juste en attendant qu'il puisse prendre ta relève. »

Félix hocha pensivement la tête, comprenant enfin où Maître Fu voulait en venir.

Dire qu'il était ravi d'apprendre cette nouvelle aurait été une vibrante exagération. Chat Noir représentait un pan de son existence dont il souhaitait se débarrasser à présent. Un devoir qu'il avait autrefois largement apprécié mais qui commençait désormais à prendre des allures de fardeau. Une page qu'il avait hâte de tourner avant de pouvoir enfin reprendre pleinement le contrôle de sa vie.

Mais d'autre part, il devait admettre que la situation était loin d'être insurmontable.

Certes, il était pressé de retrouver une existence aussi normale que peut l'être celle de l'un des fils de la célèbre famille Agreste. Mais il n'avait pas non plus atteint le point de rupture au-delà duquel la simple pensée de continuer à être un héros lui serait insupportable.

Et pour aussi contrariante qu'elle soit, la requête du Grand Gardien ne manquait pas de logique. Qui d'autre que lui pourrait mieux endosser le rôle de protecteur de Paris en attendant l'avènement d'un nouveau Chat Noir ? Il avait porté ce miraculous pendant des années. Il pouvait parfaitement le faire pendant encore un petit moment.

« Très bien », soupira-t-il en se pinçant l'arête du nez. « Je peux très bien rester Chat Noir le temps que mon successeur soit "disponible". Je suppose que ça ne sera que l'histoire de quelques jours ? », reprit-il en jetant un regard interrogateur au Grand Gardien.

Félix se sentit soudain pris d'un mauvais pressentiment en surprenant l'expression contrite qui traversa subrepticement le visage de son visiteur.

« Des... Des semaines ? », hasarda-t-il, n'osant guère imaginer que le Grand Gardien puisse lui demander d'attendre plus longtemps encore avant de quitter son rôle.

Mais le regard gêné que lui jeta Maître Fu confirma aussitôt ses pires craintes.

« Non, des MOIS ? », s'exclama le jeune homme, abasourdi. « Ecoutez », reprit-il en levant les mains d'un geste défensif. « Je veux bien admettre que Paris a besoin de deux super-héros, mais vous ne pouvez pas trouver quelqu'un d'autre ? Un autre Chat Noir définitif, ou un remplaçant en attendant mon vrai successeur ? »

« Je suis désolé, Félix », s'excusa le Grand Gardien en secouant négativement la tête. « Je n'ai pas de meilleure solution. Considère qu'il s'agit là d'une excellente opportunité pour toi de transmettre ton savoir », conclut-il avec un clin d'œil malicieux.

Félix se figea aussitôt, tandis que les paroles de Maître Fu lui revenaient en mémoire avec autant de fulgurance et d'intensité qu'un éclair déchirant la nuit.

Les boucles d'oreilles de son ancienne partenaire étaient d'ores et déjà entre les mains de la future héroïne de Paris. Ce qui signifiait sans la moindre équivoque possible qu'il allait devoir apprendre à composer avec une autre coéquipière que celle avec laquelle il avait combattu depuis le début.

« Si je comprends bien », gronda-t-il d'une voix dangereusement basse, « Vous me demandez de rester Chat Noir ET de former la nouvelle Ladybug ? »

« Qui de mieux que toi pour l'aider à prendre son nouveau rôle en main ? » approuva le Grand Gardien avec une expression bien trop satisfaite au goût de Félix. « Elle n'aura pas à tâtonner comme ta partenaire et toi avaient eu à le faire dans les premiers temps. Tu sais », reprit le vieil homme sur le ton de la confidence, « il est rare que des héros aient ainsi l'occasion de se côtoyer ainsi d'une génération à l'autre. La plupart du temps, ils sont livrés à eux-mêmes, comme toi et Ladybug l'avez été quand vous avez reçu vos miraculous. C'est une situation presque unique ! »

« Je ne suis pas à l'aise avec les gens, vous le savez », grommela Félix, guère convaincu par l'optimisme de son visiteur. « Je vous l'ai déjà dit le jour où vous m'avez confié la bague du Chat Noir. »

« Ce qui ne t'as jamais empêché d'être un héros extraordinaire », rétorqua joyeusement Maître Fu. « Félix, s'il te plait... », reprit-il d'un ton soudain plus sérieux. « J'ai parfaitement conscience que je t'en demande beaucoup, mais ce n'est que provisoire. Dès que ton successeur aura la possibilité de devenir à son tour Chat Noir, tu pourras reprendre le cours de ta vie. »

Durant un bref instant, Félix resta muet, incapable de répondre. Ce matin encore, tout était clair, et à présent tout tourbillonnait dans sa tête. Ses projets personnels contre son sens du devoir. Sa réserve naturelle contre le fait de devoir se familiariser à cette inconnue.

Chaque élément, chaque pensée, chaque argument s'accumulait aux précédents, faisant tour à tour pencher la balance d'un côté ou de l'autre.

Chat Noir ou Félix.

Accéder à la requête de Maître Fu ou abandonner son miraculous.

Son rôle de héros ou sa liberté.

« C'est d'accord », s'entendit-il dire au bout d'un long moment. « J'accepte de vous aider. »





Allongé sur son lit, Félix fixait sans le voir le plafond de son immense chambre. Le Grand Gardien était parti depuis déjà des heures, et les rayons du soleil couchant paraient la pièce d'une éblouissante lueur dorée.

Le jeune homme était contrarié.

Naturellement, il aurait parfaitement pu refuser la demande de Maître Fu. Après tant d'années de bons et loyaux services, jamais le Grand Gardien ne lui aurait voulu de privilégier ses propres envies au rôle contraignant de protecteur de Paris.

Mais le sens du devoir de Félix avait été le plus fort, et à présent qu'il avait donné sa parole, il mettrait tout son cœur à l'ouvrage. La capitale garderait « son » Chat Noir quelques mois supplémentaires, et la nouvelles Ladybug gagnerait un mentor pour l'accompagner dans ses nouvelles fonctions.

A la simple pensée de cette jeune fille qu'il ne connaissait pas encore, Félix se mit à songer à celle qui était désormais son ancienne partenaire. Comme d'ordinaire, sa coéquipière avait toute la chance du monde, tandis que lui-même se retrouvait à devoir subir les caprices du hasard. A cette heure, elle devait certainement planifier joyeusement son départ pour l'Italie pendant que lui restait coincé à Paris, encore.

Loin de sa famille.

Loin de son frère.

« ça va aller ? », demanda soudain Plagg, brisant le silence pesant qui s'était installé dans la pièce.

« Oui, oui... », soupira Félix en se passant la main sur la figure d'un geste las. « Après tout, ce n'est que l'histoire de quelques mois. »

Quelques mois de plus qu'il passerait séparé de ses proches.

Lorsque, à peine quelques semaines auparavant, Gabriel Agreste avait brusquement annoncé à ses deux fils la nécessité de déménager pour quelques temps à l'autre bout de la planète pour qu'il puisse mieux suivre l'évolution de sa nouvelle succursale, Félix avait aussitôt su qu'il serait confronté à une décision difficile.

Suivre les siens ou rester protéger Paris.

Et il n'avait pas hésité une seconde.

Son devoir passait avant tout, et il sacrifierait ses désirs personnels pour veiller sur la capitale et combattre les super-vilains aux côtés de sa coéquipière. Mais savoir qu'il avait fait un choix honorable ne rendait pas nécessairement les choses plus faciles aux yeux du jeune homme.

Sa famille lui manquait.

Non. Adrien, surtout.

Son jeune frère, dont il n'avait jamais été séparé plus de quelques jours et dont il était devenu extraordinairement proche depuis la disparition de leur mère.

Que son père soit absent de sa vie, passe encore. Tous deux ne s'entendaient guères. Trop froids, trop distants, trop maladroits avec les autres. Trop semblables. Félix était de nature solitaire et s'accommodait parfaitement de ce manque d'affection paternelle.

Mais avec Adrien, c'était différent.

Félix adorait son frère et cette affection était largement réciproque. Savoir Adrien à l'autre bout de la planète avec pour seule compagnie celle de leur sinistre père ne réjouissait guère Félix. S'il l'avait pu, il l'aurait accompagné sans la moindre hésitation.

Mais il était Chat Noir.

Et le devoir passait avant toute chose.





Une semaine s'écoula sans le moindre super-vilain ni le plus petit signe de Maître Fu. Un moment, Félix se demanda s'il ne ferait pas mieux de contacter le Grand Gardien et de se transformer pour qu'il le présente tranquillement à sa nouvelle partenaire. A ce nouvel être humain auquel il allait devoir s'habituer et avec qui il devrait composer lors des combats à venir.

Debout devant la fenêtre de sa chambre, le jeune homme maudit Maître Fu et sa manière de lancer cavalièrement les autres au milieu d'une nuée de problèmes et de les laisser se débattre sans plus d'instructions.

Les choses auraient sans doute été plus simples si ce vieil homme têtu avait pris la peine de présenter les deux héros de Paris l'un à l'autre. Cela aurait évité à Félix bien des questions, et cela leur aurait certainement épargné une rencontre abrupte en plein champ de bataille.

Oui, mieux valait contacter Maître Fu dès que possible.

Mais comme pour matérialiser les pires craintes du jeune homme, le Papillon choisit cet instant précis pour faire une nouvelle victime. Félix entendit des hurlements s'élever depuis un pâté de maison voisin, signe indubitable de la présence d'un super-vilain.

« Bon, Plagg », soupira-t-il avec lassitude. « C'est le moment ! »





A peine une poignée de minutes plus tard, Chat Noir atterrissait au beau milieu d'une nuée de parisiens en fuite. Il parcouru rapidement les environs du regard, quand un bruit attira tout à coup son attention.

« ...aaaaaaaaAAAAHHHHH ! »

Chat Noir fronça les sourcils, cherchant à localiser l'origine du hurlement. De ce cri, qui s'approchait, de plus en plus, encore, encore, jusqu'à...

* BAM *

Chat Noir reçut soudain un terrible coup sur la tête. Le choc fut d'une telle force, d'une telle violence qu'en dépit de ses aptitudes surhumaines, le jeune héros manqua de s'écrouler à terre. Il vacilla, porta machinalement sa main au sommet de son crâne, tandis que les extrémités de son champ de vision se voilaient de noir.

Quand finalement son regard se stabilisa de nouveau, ses yeux se posèrent sur une fine silhouette vêtue de rouge et noir.

Ladybug.

Sa nouvelle coéquipière, qui venait manifestement de faire une rencontre percutante avec le haut de sa tête.

« Oh ! Je... Je suis désolée », s'excusa Ladybug en rougissant furieusement sous son masque. « Je suis... Je suis maladroite... »

Chat Noir se massa délicatement le dessus du crâne, cherchant à atténuer la sourde douleur qui pulsait encore sous son cuir chevelu.

« Chat Noir », maugréa-t-il avec une grimace. « Enchanté. Je crois. »

« Ma- LADYBUG ! », s'exclama sa nouvelle partenaire d'une voix suraiguë, tout en se redressant si vivement que le spectacle en était presque comique. « Je suis Ladybug ! »

Alors que la souffrance provoquée par l'impact commençait enfin à s'évanouir, Chat Noir dévisagea la nouvelle venue avec la sensation étrange d'être face à une image à la fois familière et totalement inconnue.

Bien que la tenue de cette fille soit extrêmement ressemblante à celle de l'ancienne Ladybug, elle n'en présentait pas moins quelques subtiles différences. Plus de pois noirs, moins de rubans ? Sans compter le fait que cette nouvelle héroïne avait les cheveux nettement plus courts que celle qui était autrefois la coéquipière de Chat Noir, et les yeux d'un bleu bien plus limpide.

Mais pire que tout, elle paraissait... jeune.

Terriblement, excessivement jeune.

« Une gamine ? », lâcha Chat Noir d'une voix incrédule.

Ladybug s'empourpra de plus belle en entendant l'exclamation abasourdie de son partenaire. Mais plus de gêne cette fois. De colère.

« Je ne suis pas une gamine ! », s'exclama-t-elle d'un ton outré, tout en fusillant Chat Noir du regard.

Ses yeux bleus lançant des éclairs, elle releva fièrement le menton et croisa les bras dans l'attitude de l'indignation personnifié.

« Bien sûr que si ! », rétorqua immédiatement Chat Noir en la désignant d'un large mouvement de la main, son geste parcourant sa silhouette de haut en bas. « Tu as quoi, onze ans ? Je ne savais pas qu'ils recrutaient les héros en primaire ! »

« J'ai quinze ans », siffla Ladybug entre ses dents, poings serrés de rage. « Je suis au collège. Bientôt au lycée. »

Chat Noir ne put s'empêcher de lui jeter un regard surpris.

Quinze ans.

Le même âge qu'Adrien, donc.

Avec son corps frêle, son teint de poupée de porcelaine, sa petite taille et ses couettes accentuant son apparence juvénile, la fille qui serait désormais sa partenaire donnait sans le moindre doute l'impression d'être bien plus jeune que ce qu'elle affirmait.

Chat Noir s'apprêtait à répliquer vertement quand un nouveau hurlement se fit entendre. Celui d'un parisien paniqué, cette fois.

« Bon, on discutera de ça plus tard, gamine », lança-t-il avec un sourire insolent. « On a une mission à mener à bien. »

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