chapitre unique


Le bruit des pas d'Armin Arlert résonnaient dans la vaste pièce peu éclairée par les flammes, brisant le silence pesant qui y régnait à plein temps.

Il avança peu à peu, jusqu'à se retrouver face à elle.

Annie Leonhart.

Cela faisait quelques mois qu'il n'était point entré dans cette lugubre pièce. Muni de son manteau verdâtre arborant le symbole du Bataillon d'Exploration, Armin avait bien changé depuis sa dernière visite. Il n'avait plus les cheveux longs comme avant, et il avait lui aussi, bien grandi.

À peine arrivé à son niveau, Armin posa sa main avec suavité sur la coque dure et glacée, rendant Annie davantage moins accessible, et regarda avec mélancolie son faciès innocent et pâle enfoui dans la glace. Or, ses détails étaient à peine visibles à cause de l'épaisseur du diamant.

Il laissa échapper un lourd soupir qui résonna bruyamment dans la pièce et recula avant de s'asseoir devant elle, en tailleur.

Allait-elle revenir un jour ?

Cela faisait depuis quelques années qu'il rendait visite à Annie. Elle avait beau ne pas lui répondre ni montrer une seule réaction, mais sa simple présence le comblait. Le blondinet se sentait écouté, et ce simple monologue lui suffisait amplement.

Armin sortaient ses émotions les plus enfouies au fond de son âme, qui broyaient son cœur à la blonde. Sa conscience était dévêtue de ses tourments, même si sa peine restait parfois inexprimable.

Après quelques minutes d'observation, sans aucun mot sortant de la bouche du Arlert, il débuta son discours, comme il le faisait d'habitude.

Il commença par lui raconter ce début de guerre, cette descente aux Enfers. Il avait envie de la tenir au courant des événements.

Armin décrit cette guerre, tous ces innocents qui avaient succombé, qu'il avait lui-même assassinés. De ces familles brisées, de ses hurlements horrifiques et de ces corps gisant sur le sol baignant de sang, de ce scénario tragique et cauchemardesque, dont les images et la culpabilité hantaient le jeune Arlert. Mahr n'était plus qu'un champ de guerre et de sang. Il savait à présent ce qu'avait ressenti Bertolt lorsqu'il était le réceptacle de ce pouvoir diabolique.

— Sasha y a même laissé sa vie. Une jeune fille lui a tiré une balle, droit dans la poitrine — dit-il en pointant son cœur avec son index.

Une perle salée dégoulina sur sa joue avant de terminer sa course à ses pieds. C'était une réalité difficile à accepter. Il avait toujours du mal à croire que Sasha Braus avait rendu l'âme. Le chagrin ne l'avait point quitté, et ne le quittera probablement jamais. Ce n'était que le début de cette tornade de sentiments néfastes et de catastrophe.

Il repensa à Jean, Connie, Mikasa et à la manière que leur visage se crispa, de la façon dont son cœur se déchira lorsque Connie prononça ces paroles. Cela marqua le début de leur cauchemar.

Toutefois, un tourment davantage problématique le rongeait intérieurement, le démangeait.

— Mais ce n'est pas tout. Il y a Eren, il...

À peine sa phrase prononcée, il baissa la tête, prêt à se libérer d'un des poids les plus lourds et dévastateurs. Il déglutit péniblement avant de reprendre sa phrase.

— Je ne le reconnais plus.

Exactement, Eren était devenu méconnaissable. Non seulement physiquement il avait bien grandi, ses cheveux étaient dorénavant longs, mais surtout mentalement. Il n'était plus du tout le même.

— Il est assoiffé de sang et de vengeance. Oui c'est ça, ces yeux ne reflètent que cette envie de meurtre et de voir le sang de l'ennemi couler. Il a perdu son humanité, il n'est plus qu'un... monstre sans émotions gisant sur le chemin menant droit à la « liberté » selon lui.

— On ne sent plus en lui cette jeunesse intrépide et cette imprudence d'autrefois. Je ne reconnais plus Eren Jäger, mon propre meilleur ami avec qui j'ai grandi et partagé mes ambitions et rêves. Je n'ai plus qu'un criminel, meurtrier à mes côtés. Il a complètement perdu la tête. Eren est à présent ravagé par la haine, et seulement la haine. J'ai l'impression qu'il a oublié qui nous étions auparavant et les liens que nous avions tissés. Son seul objectif est de gagner cette guerre, coûte que coûte, en assassinant toute la population s'il le faut pour atteindre ses objectifs. Peu importe le chemin par laquelle il doit passer, Eren veut y arriver.

— J'en suis moi-même devenu un de meurtrier, Annie — ajouta-t-il d'une voix mélancolique.

Ils étaient tous souillés par leurs actes. Ils se sont emportés dans cette cacophonie, se débarrassant de leur pureté d'autrefois. À présent noyés dans leur propre pêchés, ils ne peuvent qu'avancer.

— Ça me fait énormément de mal — affirma-t-il, en serrant fort sa poitrine — Mikasa et moi sommes perdus, nous ne savons pas quoi faire. Nous avons perdus Eren, notre ami. Ça ne sera plus jamais comme avant, et je crains le pire.

Leur précieuse amitié se noyait dans cette mare de sang. Eren était passé d'adolescent indécis et imprudent, de forte ambition à un criminel sans cœur, recherché et détesté dorénavant par tous. Armin préférait ne même pas imaginer ce qui arrivera par la suite si Eren décidait vraiment de poursuivre ce seul et unique objectif.

— À présent ce qu'il me reste, ne sont que quelques précieux souvenirs de notre amitié et nos rêves étant enfants pour combler le vide laissé par les événements — dit-il en tenant son coquillage.

— Nous ne sommes plus les gamins d'autrefois. Nous sommes des guerriers, des meurtriers avec nos mains souillées par le sang ennemi, à présent. Nous ne pouvons plus faire marche-arrière.

Cela était vrai. Eren était certes devenu un assassin dont la voie choisie était, mais plus personne sur l'Île de Paradis a su préserver son innocence.

— On était si innocents. On était loin d'imaginer ce qui se passait en dehors des murs et ce qui nous attendait après ce chemin semé d'embûches.

Un peuple nous haïssant de tout son cœur, et à présent nous y sommes, et je ne peux rien faire pour retourner en arrière. Cette guerre est inévitable, il n'y a plus aucune issue possible pour nous, habitants de l'Île Paradis. La violence est devenue notre seule issue, et il est à présent impossible de réparer ce que Eren a commencé. J'aurais aimé choisir une autre voie que celle-ci, mais rien à faire.

Armin respirait bruyamment, la main sur la poitrine. Sortir cette angoisse qu'il avait coincée au fond de la gorge, lui provoquait de la douleur.

— Je me souviens de toutes les fois où Eren m'avait protégé face à ces garçons plus âgés que moi, même s'il prenait plein de coups à chaque fois — ajouta Armin, d'un un sourire innocent, tentant à tout prix de ne pas laisser une larme s'échapper de nouveau.

Le blond décida de faire appel à quelques souvenirs pour ne pas plonger dans une mélancolie encore plus intense et destructrice. C'était ce qu'il lui restait, ce mélange de nostalgie et d'amertume.

— Toutes les fois où nous étions en situation critique, que j'étais découragé, persuadé que la mort nous avait trouvé et qu'il ne baissait pas les bras, toujours motivé et prêt à assouvir sa vengeance, à tuer tous les titans. Quand il me rassurait, ou plutôt, tentait de me rassurer avec ses discours un peu débiles. Il a perdu de son brillant, son énergie.

C'était exact, Eren avait perdu la vivacité qu'on pouvait lire dans ces yeux émeraude pétillants.
Son regard illuminé par la motivation, cette énergie et ses désirs, son innocence et son imprudence.

— Je suis perdu, Annie. J'ai peur, peur du futur qui nous attend. Une mort certaine, j'imagine. Nous nous dirigeons tout droit vers la mort. Sasha n'était pas la première et ne sera pas la dernière.

Décrochant son regard du sol, il le dirigea tout droit vers Annie, à nouveau. Il n'attendait aucune réponse de sa part, comme d'habitude, toutefois lui ouvrir la porte de ses sentiments et de ses angoisses le soulageait d'une certaine façon.

Il avait les épaules à présent moins lourdes, la conscience tout de même plus libre. Parler à sens unique avec quelqu'un qui fut jadis son ennemie, était d'un point de vue assez comique. Cependant, c'était une façon pour lui de s'évader.

— Est-ce qu'un jour tu reviendras, Annie ?

Il posa cette question à voix haute, sachant pertinemment qu'aucune réponse n'atteindra ses oreilles. Armin Arlert se releva, fixant de ses yeux étincelants le cristal se situant devant lui, avant de poursuivre avec des paroles reflétant la réalité dans laquelle l'univers était englobée.

— Si un jour tu te réveilles, prépare-toi au monde plongé dans la noirceur de la haine qui t'attend, et de sa descente aux Enfers.

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