Des mains m'attrapent, me serrent. Elles me transportent dans les airs - j'ai peur, c'est haut ! - avant de me poser brutalement sur une table. Une voix à la tonalité maléfique annonce :

- Grâce à mon élixir enchanté, je vais dominer le monde !!! Mouhahahaha !!!

Je ne comprend absolument pas ce qu'il se passe. Pourquoi parle-t-il de moi avec cette méchanceté dans la voix ?

Il me saisit à nouveau, me secoue dans tous les sens. Il poursuit son rire que je qualifierais, si j'osais, de machiavélique, tout en faisant le tour de la pièce à grands pas.

Il n'a donc aucune honte ? C'est teeeeellement surfait, ces grands vilains méchants et plus cruels que Satan ! ( ooooh, ça rime )

J'en ai marre. À cause de mon nom, de ma couleur, de mon contenant, je suis l'arme de destruction massive de tous les méchants qui se respectent. Et je dis stop, moi ! Mais personne ne m'écoute. A croire qu'ils font exprès de ne pas m'entendre !

En signe de protestation, je remue du... du... comment dire ? C'est plutôt impoli, alors je vais fonctionner à la manière humaine et dire de mon arrière-train.

J'oscille de plus en plus fort, il va comprendre toute l'ampleur de ma détermination, de ma rage envers ma condition qui m'étouffe, qui m'opprime...

Il me repose sur la table, calant sa tête entre ses deux mains, ce qui lui donne un air cliché insupportable.

Il ne m'a même pas prêté une miette d'attention !

Pourquoi ce monde où les méchants sont tous stéréotypés et où les élixirs enchantés ne sont pas écoutés ?!

Il se met à siffloter sinistrement, faisant bien comprendre aux éventuels observateurs de la scène que c'est bien lui, le méchant de l'histoire.

Moi, l'élixir vengeur, Jacquie de mon petit nom, vais venger des générations entières d'élixirs bafoués, déshonorés, outragés.

Il mesurera l'étendue de notre rage que lorsqu'il ne sera trop tard !

Je le vois déjà, le nez câlinant le sol, les yeux clôts, sa bouche légèrement entrouverte, laissant un filet de bave s'échapper, offrant à tous un pestacle qui risible qu'on ne pourra que se f***** de sa g*****...

Ho, je vois que la censure marche aussi ici. Tres bien, je resterais poli et me contenterais de dire qu'on pourra ricaner méchamment, désobligemment en voyant sa laide tête.

Je vois qu'il y a certaines personnes qui ont souris en lisant mon récit. Je ne maîtrise pas toutes les subtilités de votre langue, et puis SI J'AI ENVIE DE DIRE PESTACLE AU LIEU DE SPECTACLE JE VAIS BIEN GENTIMMENT VOIS DIRE D'ALLER VOUS FAIRE VOIR AILLEURS.

Après cette brève pose fort peu vindicative, revenons à mes affaires. Je disais donc que je devais venger notre honneur d'élixirs...

A votre avis, ce qui le saoulera le plus vite, c'est quoi ? ( pardonnez mon langage peu châtié )

Soudain, il a l'audace d'à nouveau me prendre dans sa main pour... pour quoi, au fait ? Bref c'est pas grave, je me venge, je me met à bouger, je veux lui faire mal, lui crever les yeux, les lui faire bouffer, lui chatouiller les narines ( apparemment chez les humains c'est une torture très en vogue ), lui arracher les sourcils un à uns...

Je glisse sur sa main, me rapproche de son visage et... tombe par terre. Mon récipient se casse, je me déverse sur le sol froid et dur. Mon précieux liquide vert se barre ( avec l'urgence de cette situation, pardonnez moi pour ce langage vulgaire ! ) partout, dans les rainures du carrelage - moche, soit dit en passant, ce sorcier maléfique à vraiment des goûts horribles.

Au lieu de se précipiter vers moi pour m sauver, en s'excusant, en me promettant d'être bien plus attentionné, il se détourne, grommelle un juron dans sa barbe puis se dirige vers un de ses nombreux chaudrons.

Horreur ! Il veut... Il veut... je n'ose le dire...

IL VEUT ME REMPLACER CET INGRAT CE PETIT CRETIN CE FOUTU SORCIER MITEUX AVEC UN LOOK TOUT POURRI D'ABORD

Et c'est ainsi que mourru Jacquie, élixir enchanté maltraité par son sorcier, dans l'oubli de toute convenance et de la plus élémentaire politesse - qui est, rappelons le, de mourir en silence.

Cet élixir vengeur sera longtemps... non, en fait, les siens l'auront oublié d'ici peu, n'en rajoutons pas à son déshonneur.

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