8 octobre : Un matin, le monde se réveille...
Thème du jour : Un matin, le monde se réveille en réalisant que chacun peut lire dans les pensées des autres.
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Navy.01001 se réveilla un matin au son d'une curieuse cacophonie qui la fit gémir. La fête de la veille lui revint en mémoire. Elle avait bu du cocktail Zytron, mais pas suffisamment pour ne pas s'en souvenir, donc pas suffisamment pour le mal de tête qui lui martelait le crane à l'instant présent.
Elle tenta d'enfouir sa tête sous un coussin pour ne plus entendre le tonnerre de voix qui lui hurlait dans les oreilles, mais rien n'y fit, les voix poursuivaient leur capharnaüm, comme directement dans sa tête.
- TAISEZ-VOUS ! criait une tonalité plus forte que les autres.
Et Navy.01001 priait pour qu'on l'écoute.
Elle sortit la tête de l'oreiller, ouvrit les yeux et s'adapta en deux micro-secondes à la luminosité ambiante. La pièce était vide.
D'où provenaient les voix ?
S'extirpant péniblement des draps emberlificotés, la jeune robot tituba jusqu'à la porte et l'ouvrit en grand. Toujours personne.
- VOS GUEULES !
La vulgarité employée eut le mérite de provoquer des chuchotement outrés, mais des chuchotements. Cependant, Navy.01001 réalisa que ses oreilles n'avaient pas subi la déferlante sonore. En revanche, son mal de crâne s'apaisa un peu.
- Qu'est-ce qu'il se passe ? émergea-t-elle en croisant quelqu'un dans un couloir.
- Elle voit pas que tout le monde est dans la panade ? Comment je pourrais le savoir ? reçut-elle aussitôt.
- Rendormez-vous, c'est plus facile à gérer, répondit l'autre.
Navy.01001 fit tout le contraire et le laissa partir devant. Elle parcourut les coursives au pas de course, ou autant que le lui permettait la migraine qui martelait ses temps et elle fit irruption dans la chambre de son ami.
- Il est toujours impossible à réveiller.
- Comment ça je ne me réveille jamais ? grommela une voix sous les oreillers.
- Je n'ai pas parlé.
- Au cas où tu n'aurais pas remarqué, on entend les pensées des gens depuis ce matin.
La voix lui parut nette et claire, pour la première fois.
- Comment tu fais ça ?
- Pense à me parler.
- Mais je pense tout le temps à te parler quand je te parle.
- Pas assez apparemment.
- Super... Mais je veux pas savoir ce que les gens pensent de moi !
Elle n'avait pas beaucoup d'effort à faire pour comprendre que son ami pensait de toutes ses forces à son coup d'un soir de la veille pour ne pas se laisser submerger par le flot d'information et les images... se diffiusaient vite.
- C'est dégu... C'est... Cache ça !
- C'était un trop bon coup, et ça me calme.
- Je...
- Parle par la pensée, ça va plus vite.
- Ils font trop mal à la tête. Imagine ça rajoute une conversation ?
- Concentre toi, entre les commandes 43-2.B.
L'impératif la surprit. Elle essaya, appuya sur ses boutons et les voix se turent enfin.
- Il faut partager ça !
- Pourquoi ? Ils peuvent bien hurler tant qu'ils veulent, je les entends plus.
- Comment je peux encore t'entendre ?
- Concentration, Navy.01001 !
Comment savait-il ?
La méfiance s'immisça dans ses circuits et elle quitta son ami sans savoir s'il l'avait décelée ou non. S'il avait coupé les pensées des autres, il ne l'entendait pas... à moins de concentration ? Comment ce bazar fonctionnait-il ?
Tout au long de la journée, elle regretta amèrement avoir un jour souhaité lire dans la tête des gens ce qui s'y trouvait. Elle comprit vite que ses pensées restaient hermétiques aux autres à moins qu'elle ne souhaite communiquer. En revanche, avec de la concentration, elle avait accès à leurs réflexions les plus intimes. D'abord gênée de s'introduire si cavalièrement dans la tête de ceux qu'elles connaissait de longue date, elle fut peu à peu prise de la curiosité malsaine de savoir. Qui l'aimait vraiment ? Qui mentait ? Qui restait par intérêt, amitié ?
La chute fut rude. Qui était honnête dans ce monde de robots ? Qui envisageait autre chose que le profit personnel ? Qui percevait au-delà de sa propre personne ?
Pas même elle, qui cherchait avidement à quel point ses parents, ses amis, ses relations partageaient un centre d'intérêt commun : elle-même.
Un jour, le monde s'éveilla en pouvant lire les pensées des autres. Ce fut un jour très sombre et bruyant.
Le lendemain, il ne resta qu'un vague souvenir de cet enfer. Lire dans les pensées, ce n'était pas souhaitable.
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