Petit, ses yeux brillaient de mille couleurs et on ne pouvait les qualifier exactement. Sa carte d'identité indiquait curieusement du violet, mais le blondinet les portait un jour gris, un jour verts, un jour rouges, un jour dorés, parfois bleus, selon sa fantaisie. Il adorait jouer avec les couleurs, en fonction de son humeur. La passion le rendait rose bonbon, le contentement lui donnait des airs bleu cyan...

Elie vivait heureux, sans trop comprendre comment les autres se débrouillaient pour ne distinguer que quelques nuances colorées et non pas tout le panel auquel il avait droit. Lorsqu'un ami était en colère par exemple, il prenait un rouge plus ou moins intense. Une fois, avec un crayon de couleur, il avait essayé de représenter la couleur rouge du maître et la couleur rouge de son ami et ils avaient tous dit que c'était le même rouge alors que de toute évidence, l'un était carmin et l'autre pourpre. Et encore, il avait cherché ces mots qui se rapprochaient de ce qu'il voyait, mais ils ne désignaient pas  encore exactement toutes les nuances. Et puis son copain et le maître avaient changé de couleur et Elie n'aimait pas le violet chez les gens, seulement sur les choses inertes.

Beaucoup de couleurs, pour beaucoup d'émotions, pour beaucoup de gens. En grandissant, Elie comprit qu'il était différent, mais il aimait chercher chez les autres ce qu'il ne trouvait pas chez lui-même. Car la couleur n'avait de reflet que dans ses yeux, car il était vide d'émotion.

Un beau jour pourtant, il rencontra une jeune personne au regard brillant, à l'air malicieux et au sourire franc. Cette personne, dès qu'elle souriait, s'illuminait des mille et une nuances de couleurs. Elie n'en avait jamais perçu autant en même temps. Au fil des mois, des années, il s'attacha à cette personne, et sans s'en apercevoir, il changea petit-à-petit.  La couleur changeante de ses yeux s'étendit à ses cheveux, à sa peau, à ses lèvres. Bientôt son aura lui sembla auréolé de lumière.

Il crut qu'il avait changé, qu'il avait enfin trouvé sa place. Il l'avait toujours eue, mais sans les bonnes personnes, elle semble très lointaine.