Maléfice
Séraphina n'était pas ce que l'on pouvait appeler un séraphin, d'où son nom tirait référence, elle était rusée et vicieuse telle un serpent sur des pattes de renard. Maudite par son tuteur de magie il a de cela plusieurs siècles, Séraphina ne peut trouver l'amour qui la délivrerait de cette immortalité. Condamnée à vivre éternellement dans la solitude la plus profonde, elle passe le temps dans son atelier de potions à briser des couples heureux par simple plaisir malsain. Pourquoi auraient-ils le droit de goûter aux joies de l'amour eux ? Oui Séraphina était égoïste, mais 600 ans seule sans pouvoir partager sa vie avec quelqu'un d'autre que son gros chat roux, peut rendre un peu aigrie.
Un beau jour alors qu'elle étiquetait les bocaux de foies de salamandres, un jeune homme entra dans la boutique. Grand et frêle avec des lunettes rondes visées sur le nez, il ressemblait comme deux goutte d'eau au bougre qui l'avait maudite.
— Bonjour ! Je cherche Séraphina Redwood, lui dit-il en dévoilant ses dents du bonheur.
— Elle est devant vous, en quoi puis-je vous aider ?
— Cela va sans doute vous paraître un peu étrange mais, en héritant d'un château en Ecosse, je suis tombé sur de très vieux livres dans la bibliothèque avec votre nom dedans ainsi que des malles gravées de vos initials.
Séraphina comprit évidement que l'homme qui se tenait devant elle n'était pas son tuteur de magie lui-même mais un de ses descendants.
— Evidement ce sont mes affaires. Vous lui ressemblez énormément, reprit-elle après quelques secondes de silence sans se soucier de ce que cela pouvait révéler sur elle.
— A qui donc ?
— Galen McBirde.
— Je ne vous ai jamais donné mon nom de famille, comment connaissez-vous ma famille ? fit le jeune homme sur la défensive.
— Elle m'a tout prit, je suis pas près d'oublier ce que ce diable de Galen m'a fait.
— Excusez-moi mais il n'y a qu'un Galen dans ma famille et il est mort en 1467.
— Je sais, c'est moi qui l'ai empoisonné.
Le jeune homme se mit à rire avant de se décomposer en remarquant le visage des plus sérieux de Séraphina. Il bafouilla pendant plusieurs secondes puis se tût comme si le ciel venait de seffondrer. Il ne dit rien de plus et referma doucement la porte derrière lui en partant.
Telle ne fut pas la surprise de Séraphina en découvrant un beau matin un timbre écossait sur une des enveloppes de son courrier. Elle renfermait une invitation pour Cormwell Stronghold, aujourdhui un château dans la commune de Birsay dans les Orcades. Décidément les McBirde aimaient jouer avec ses nerfs, quelque soit la génération. C'est alors qu'un vieux souvenir reprit forme dans son esprit.
Elle qui pensait ne jamais remettre un pied sur ses îles de malheurs, la voila foulant le sol de l'aéroport de Kirkall et respirant l'air iodé de la mer du Nord. Une voiture l'attendait à la sortie du bâtiment, comme l'avait précisé John dans sa lettre. Ne pouvant pas lui-même venir la chercher il avait envoyé son chauffeur. Contrairement à l'époque où cinq jours de trajet aurait été nécessaire, il ne fallut qu'une petite demi-heure pour arriver à Birsay et quinze minutes de plus pour atteindre le château. L'immense demeure qui se dressait devant elle avait perdu de sa splendeur. La façade était en très mauvais état, plusieurs carreaux de fenêtres étaient cassés et il manquait la moitié des gargouilles sur les corniches. L'imposant portail qui clôturait le terrain semblait sur le point de tomber en poussière à chaque coup de vent et les jardins autrefois somptueux, étaient aujourdhui un ramassis de mauvaises herbes et de ronces. Le coeur de Séraphina se serra lorsqu'elle constata les dégâts du temps sur ce château qui terrifiait autrefois toute l'Ecosse et qui l'avait vu progresser durant des décennies puis vu maudite par son propriétaire sans rien faire pour l'en empêcher. A peine un pied posé sur les pavés de l'allée que John apparut sur le perron.
—Je suis heureux que vous ayez acceptée mon invitation Mlle Redwood.
— J'en ai été très surprise.
— Oui cela peut se comprendre. Je vous fait visiter ?
— Je connais déjà bien les lieux merci.
— Ah oui ? sétonna le jeune homme. Heu Alors allons discuter à l'intérieur, le ciel gris n'annonce rien de bon.
— Si. L'orage qui s'abattra sur la ville d'ici quelques heures.
John fit une de ces expressions qui montrait son malaise et l'invita à entrer.
— Excusez-moi John mais j'ai besoin de vous entendre dire que je suis la bienvenue entre ces murs en précisant mon nom et mon prénom, demanda Séraphina.
De nouveau John se senti de nouveau très mal à laise mais s'exécuta sans réellement comprendre ce qu'il faisait.
— Vous êtes la bienvenue entre ses murs Séraphina Redwood.
La jeune femme posa précautionneusement son pied sur la première marche du perron et aucune brûlure ne vint lui chatouiller la jambe. Un sourire de libération se forma sur son visage de porcelaine et John succomba à son charme comme il n'avait jamais succombé auparavant. Alors qu'ils franchirent la grande double porte ne bois de sorbier, Séraphina effleura la porte des doigts qui se mit à vibrer à son contact. La demeure se souvenait d'elle. John la conduisit dans le grand salon à droit de l'entrée. La jeune femme se dépita de ne voir aucun feu s'allumer dans la cheminée lors de leur arrivée, ni s'enflammer les bougies disposées un peu partout dans la pièce, ou les rideaux poussiéreux se tirer seuls pour apporter un peu de lumière.
— Autrefois cette maison vivait, murmura Séraphina tandis qu'ils prenaient place sur des canapés qui lui étaient inconnus du temps où elle vivait ici.
— Je vous demande pardon ? s'étrangla John en face delle.
— Pourquoi m'avez-vous fait venir John ?
Son nom dans sa bouche coulait comme le miel qu'il versait sur ses pancakes tous les matins.
— Tout d'abord je voulais vous remettre vos effets personnels, je ne sais par quelles magies ils se sont retrouvés là mais
— Par la mienne évidement.
Le pauvre ne savait plus où se mettre. A chaque fois qu'elle prenait la parole, elle disait des choses des plus étranges. Sans consulter John, Séraphina se leva pour s'accroupir devant les coffres portant ses initials.
— Ils sont férocement verrouillés, même avec un pied de biche je n'ai pas réussi à les ouvrir, termina-t-il sa phrase dans un souffle alors que Séraphina souleva sans effort le battant.
— Bien sûr qu'un pied de biche n'aurait pas pu ouvrir cette malle, seule sa propriétaire le peut.
— Mais par quelles sorcelleries
— La mienne encore une fois John. Ecoutez-vous parfois ?
— Mais enfin qui êtes-vous ? s'exclama le jeune homme complètement largué.
Séraphina ne répondit pas tout de suite. Elle contempla les précieux trésors que renfermait le coffre qu'elle venait d'ouvrir et qu'elle pensait ne jamais revoir. Ses mains sortirent un vieux grimoire et le dépoussiéra. John la regarda faire, médusé de la tournure des évènements.
— Avant de répondre à votre question John, pouvez-vous répondre aux miennes ? Avez-vous des frères et soeurs ? Les McBirde sont-ils une grande famille ? demanda-t-elle prenant son silence pour un oui.
— Non je suis le dernier, mon frère est décédé en Afghanistan il y a quelques mois et tous mes ancêtres étaient enfants uniques, répondit John sur la défensive.
— Parfait.
— Je vous demande pardon ?
— Cela veut dire que ma malédiction à moi a fonctionné elle aussi. Voyez-vous John, autrefois ce château était une école de magie très réputée et très sélective. J'ai eu la chance d'y être acceptée et votre ancêtre Galen McBirde était mon tuteur de magie en plus du propriétaire de ce lieu. Et oui je suis une magicienne, une sorcière dans votre langage courant. Galen était très puissant et bel homme je doit l'avouer. J'en suis tombée follement amoureuse durant les décennies qu'ont duré mon enseignement. Mais ce n'était pas réciproque. Je l'ai découvert un beau jour lorsque je l'ai surpris avec ma rivale, une paysanne accueillie par charité ici et autorisé à pratiquer la magie. Alors je l'ai tuée. Elle est morte dans ses bras. Cette nuit là Galen m'a regardé avec tant de haine puis il m'a maudite. « Que le ciel te donne l'immortalité Séraphina Redwood jusqu'à ce que l'on t'aime de l'amour le plus pur qu'il soit, mais que tous les coeurs que tu aimeras ou non restent de pierre devant toi pour l'éternité ! » a-t-il prononcé avant de me bannir de cette demeure. Contrairement aux croyances, les magiciens aussi doivent avoir l'autorisation du propriétaire pour entrer chez eux, comme les vampires. Je pensais que cette maléfice était une bénédiction. L'immortalité était le graal de tous et je l'étais devenue. Puis j'ai vu les gens autour de moi tomber amoureux comme je l'ai été de nombreuses fois mais eux se sont mariés et ont fondés des familles. Et les cloches ont sonnées pour celui de Galen quelques années plus tard. Quand je l'ai vu regarder la femme à qu'il jurait fidélité, j'ai compris que cette bénédiction que je pensais avoir obtenu, n'en était pas une. J'étais condamnée à passer l'éternité sans être regardée comme cette jeune femme alors que je désirais tellement être à sa place. Un soir alors qu'il trainait à la taverne du village, j'ai versé du cyanure dans son verre.
~ Flashback ~
— Ma femme est enceinte et jamais tu ne pourrais l'atteindre pour l'éliminer, la lignée de McBirde est assurée, murmura Galen entre deux respirations sifflantes.
— Que ta descendance se tarisse jusqu'à ne devenir que poussière Galen McBirde. Je m'assurerait moi-même qu'elle s'éteigne j'en fais le serment peu importe le temps que cela pendra, j'ai l'éternité devant moi tu y a veillé. Ton empire m'appartiendra et tu ne pourras rien y faire.
Ses yeux sortant de leurs orbites fut la dernière expression qu'il fit avant de rendre son dernier souffle. Puis Séraphina quitta les lieux, le village puis l'Ecosse le temps que son maléfice lui permette de s'emparer de ce qui lui revenait de droit.
— Et me voici aujourd'hui, 555 ans plus tard à récolter le produit de mon dur labeur.
— Je ne comprends pas Mlle Redwood, dit John qui essayait tant bien que mal d'assimiler tout ce que Séraphina venait de lui conter.
— Cela veut dire que je vais vous tuer John.
— Quoi mais enfin non, s'il vous plaît je vous en supplie !
— Avez-vous quelqu'un dans votre vie John ? Un enfant ?
— J'ai une femme mais nous n'avons jamais réussit à avoir d'enfants.
— Je vais faire preuve de générosité, étant donné que vous n'avez pas d'enfant en cours, je n'ai rien contre votre couple.
— Dieu merci, je vous promets que nous ne vous causerons aucun soucis. Je ne vous connais pas, je ne vous ai jamais vu de ma vie si on me le demande.
— Je ne parlais de vous deux, uniquement de votre femme John.
John en perdra l'usage de la parole et du mouvement. Ce dernier n'était pas tant l'effet du choc que de la magie qu'exerçait Séraphina sur lui. Le grimoire toujours en mains, elle le feuilleta jusqu'à tomber sur la page qui l'intéressait. L'appel aux morts. Alors qu'elle suivait à la lettre les consignes d'invocation, John lui n'esquissa pas le moindre gestes. Il ne le pouvait pas. Lorsque la fenêtre s'ouvrit d'un coup pour laisser s'engouffrer un vent violent à en décoller le papier peint des murs et que le ciel se noircit comme en pleine nuit, Séraphina su que l'esprit de Galen était parmi eux.
— J'en avait fait le serment Galen et regarde aujourd'hui, ton dernier descendant va mourir de la même manière que toi.
Séraphina qui gardait depuis 555 ans une fiole de cyanure sur elle, en versa le contenu dans une coupe dénichée dans le vaisselier de la grande salle à manger adjacente et le fit boire à John. Le plus gros orage que Birsay n'ai jamais connu éclata lorsque le jeune homme rendit son dernier souffle. Séraphina relâcha la pression qu'elle exerçait sur ses muscles et le corps sans vie de John s'écroula sur le parquet gondolé.
— Profite du peu de temps qu'il te reste Séraphina, lança l'esprit de Galen qui avait prit forme dans son dos.
— Pourquoi dis-tu ça ?
— Tu n'as pas remarqué ? Ce petit John McBirde a succombé à ton charme lorsqu'il t'a débannit d'ici. Il faut croire qu'après 600 ans les malédictions perdent de leur efficacité. Tu es de nouveau mortelle Séraphina !
— Non c'est impossible
La jeune femme courra s'emparer d'un couteau dans le service d'argenterie et s'entailla la main. Du sang en coula. Elle qui n'avait pas saigné depuis 600 ans retrouvait la vie de mortel après avoir patienté si longtemps pour en profiter véritablement entre ces murs. Tout cela à cause d'un binoclard. Séraphina venait d'être maudite par le dernier McBirde et elle s'y refusait.
— Séraphina tu sais que le coeur d'un sorcier est impossible à détruire et tant qu'il perdurera tu seras mortelle.
— Je ne peux peut-être pas le brûler ou le liquéfier à l'acide mais je peux le manger. Digéré, il n'existera plus et je serais de nouveau immortelle. J'ai travaillé trop dur pour en arriver là et mourir dans quelques heures, quelques semaines ou quelques années !
La jeune femme arracha le coeur du dernier McBirde mort à ses pieds. Elle le cuisina comme on cuisine un bout de viande de haute qualité. Le fit mijoter et l'assaisonna d'épices variés avant de le disposer dans une assiette en porcelaine et de s'attabler sous le regard désespéré du fantôme de Galen.
★
Hey ! Nous sommes le 7 octobre alors voilà le petit grand OS sur le thème maléfice qui m'a étonnement inspiré, comme vous avez pu le lire. 😅
Qu'en pensez vous ? Pas trop long ? 😬Promis il y en aura des plus joyeux !
Sur ce je vous souhaite une très bonne semaine et vous donne rendez-vous le 13 pour un petit tour du côté des Hobbies Ensorcelants !
Pleins de bisous <3
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