Chapitre 3

« N'oublie surtout pas la cérémonie, Yoongi. Maintenant c'est à toi. »

La jeune femme passa une nouvelle fois sa main dans mes cheveux, les replaquant sur le côté alors qu'ils s'étaient légèrement décollés. Elle resserra ensuite la ceinture qu'elle m'avait attaché à la taille, vérifiant que ma tenue était digne d'être présentée au Prince. Ainsi, pour la première fois de ma vie, j'avais porté une tenue composée d'un pantalon de soie brodé de quelques symboles de la royauté, alors que ma chemise d'une couleur verte chatoyante était brodée de plusieurs phénix. J'étais fier de porter ces symboles et lorsque la jeune femme posa entre mes doigts une superbe bouteille d'encre noire j'avais compris qu'il s'agissait maintenant de mon tour d'agir. Le Prince s'était installé dans sa pièce personnelle. Elle était en hauteur comparé au reste du palais, comme un petit chapiteau de bois qui était ouvert à la nature. Nous pouvions apercevoir depuis la cour cette petite tour de papiers et de bois fin, mais grâce aux paravents, nous ne pouvions pas même voir que le prince y était. Nous ne pouvions savoir sa présence que par le fait qu'il déposait systématiquement une médaille sur le bout du toit, le protégeant de tout malheur.

« N'oublie pas non plus comment lui servir le thé, il ne doit ni t'entendre ni être déranger. Fais attention, c'est ton premier jour il pourrait te renvoyer. »

Je hochai finalement de la tête et pénétrais dans le palais, me dirigeant vers les escaliers de bois qui menaient à son petit jardin secret. Le chemin était richement décoré, autant par des fleurs, des amulettes ou des pots remplis d'eau, avec coulé au fond une petite pièce de métal. Je respectais également cette tradition à la maison avec mes parents. Nous prenions une jarre dans laquelle nous mettions une amulette avec le caractère chinois « eau ». Cela nous protégeait des risques d'incendie. Le prince était donc protégé par ces mêmes amulettes qui étaient sur son chemin alors que face à moi, venait s'étendre un pan de papier blanc, déposé sur une porte de bois percé. Je me sentis trembler légèrement alors que je vis l'ombre d'un homme assis derrière le papier. Il était de dos et il était penché sur une petite table. Je savais que je devais entrer directement mais j'avais l'impression d'être figé sur place alors que lentement le tintement d'une clochette me parvint. Il s'agissait du signal que le Prince avait mis en place pour faire comprendre qu'il manquait d'encre et de papier. Me voilà alors forcé à lentement faire glisser le pan de bois et de papier, posant un pied sur le parquet propre et lustré.

Je savais qu'il ne me regardait pas, il était de dos après tout, mais par respect je me courbais bien bas, tenant correctement la bouteille pour ne rien renverser. Je vins ensuite à petits pas près de sa table, détournant légèrement le regard pour ne pas perdre mes moyens. Je savais ce que je devais faire, je ne devais juste pas faire une seule erreur comme j'avais eu la maladresse de faire pendant les entraînements. Je n'avais jamais été éduqué comme un noble alors j'avais toujours beaucoup de mal à me tenir droit, à bien me présenter ou parler. Ce fut donc une tâche bien ardue pour moi de m'imaginer me présenter à un membre de la famille royale. Alors pour simplement oublier que j'étais face à quelqu'un qui pourrait changer ma vie du tout au tout, je fermais légèrement les yeux avant de reprendre ce que je faisais. Je me penchais alors sur le côté de la table en bois, penchant la bouteille pour que le prince voit l'encre que je vais verser. Je savais qu'il n'avait pas regardé mais il s'agissait d'un geste que j'ai appris, je continuais donc et versais d'un mouvement lent l'encre sombre le tout en attendant son signe. Je fixais donc ses doigts et ce jusqu'à ce qu'il ne les lève pour m'indiquer que la pierre à encre était assez remplie à son gout. Je redressais donc la bouteille et la refermais avec un bouchon de liège qui était dans le fond de ma main avant de me lever lentement. Je me courbais à nouveau face à lui et allait déposer la bouteille sur un magnifique meuble en bois taillé où toutes les bouteilles pleines comme vides étaient disposées avec les morceaux de papier blanc.

Je pris ensuite quelques morceaux de papiers, il fallait en prendre trois ou cinq, jamais quatre qui est un signe malsain de mort. Je préférais donc en prendre cinq jolies et je les déposais sur le bord de la table, de l'autre côté de la pierre à encre car je ne désirais pas qu'une goutte ne tâche les papiers neufs. Voilà, j'avais absolument tout réussi et ce sans faire de tâches ou sans que mes doigts ne virent au noir sombre. Je souris donc doucement avant de finalement regarder le prince. Mes mains, qui étaient depuis tout ce temps, posées sur mes genoux se serraient d'elle-même avec force. Son visage était tourné vers le papier qu'il peignait de caractères noirs alors que ses lèvres étaient légèrement plissées par un sourire tendre. Il avait l'air inspiré par cette brise qui s'engouffrait lentement dans la petite tour où nous nous tenions alors que le chapeau de soie qu'il portait était légèrement penché sur ses yeux. Ainsi, le soleil d'été n'agressait pas ses pupilles noires, qui étaient délicatement insérées dans ses yeux fendus en amande.

« Peux-tu me servir de quoi me désaltérer s'il-te-plait ? »

Me rendant compte que cela devait faire trop longtemps que je l'observais, je me levais et allait dans son coin aménagé pour la nourriture, le tout en détournant le regard. Je pris donc un plateau d'argent que je couvrais avec un bol rond en porcelaine, une cruche en métal clair, ainsi qu'une serviette que je pliais en quatre, de sorte à ce que l'on voit le signe de la famille royale. Pour finir, je pris avec moi le plateau d'argent et je l'avais déposé face au prince. Il reposa alors son pinceau fin sur la pierre à encre et il tendit ses mains en coupe. Je pris donc la serviette et je la dépliai entre ses doigts pour couvrir ses longs doigts fins. Je pus ensuite verser lentement l'eau glacée dans le bol avant de le déposer délicatement entre ses mains, juste au-dessus de la serviette pliée simplement en deux. Je me mis donc simplement à genoux face à lui, tenant les longues manches de ses vêtements pour qu'elles ne trempent pas dans l'encre. Il reposa alors le bol sur le plateau et se mis à sourire, tapotant sa bouche pour l'essuyer.

« Merci. »

Je me courbais simplement pour le remercier alors que lentement il essuya le bout de ses doigts dans le tissu blanc entre ses doigts, le rendant noir et tâché de tous les côtés.

« Tu es muet ? »

Il se pencha lentement et m'indiqua de redresser mon visage, chose que je fis lentement alors que je plissais les lèvres. J'aurais aimé qu'il me laisse dire que j'étais muet mais il fallait bien que j'ouvre la bouche à un moment ou à un autre.

« N-Non, mon prince. »
« Alors pourquoi ne pas me répondre lorsque je te remercie ?... »
« la jeune femme m'a dit qu'il ne fallait pas que je parle. Je n'ai pas été éduqué pour parler au fils du roi. »
« Pourtant tu t'exprimes, cela n'est-il pas suffisant ? »
« Je... je suppose... »

Le prince se mis à rire avant de déposer sur le côté ce que j'avais apporté pour écrire et il se leva prendre une palette de bois et quelques bocaux. Il ajouta à cela quelques pinceaux et une toile. Il me regarda ensuite, impatient tandis qu'il s'asseyait à sa place habituelle.

« Eh bien alors, qu'attends-tu ? »
« P-Pardon? »
« Il faudra revoir ta diction. Bégayer ce n'est pas acceptable. Reprends-toi. »
« je disais... pardon ? »
« Je te demande ce que tu attends pour t'installer. »
« Je suis désolé je ne comprends pas. »
« D'ailleurs retire cette coiffure étrange que l'on t'a fait. »

Je hochais de la tête avant de lentement venir décoller mes mèches, les faisant retomber sur mon front dans une masse difforme mais qui me plaisait bien. Je me mis ensuite à sourire et le prince utilisa la cruche d'eau que j'avais apporté pour mélanger quelques colorants avec l'eau et ainsi fabriquer une sorte de pâte colorer. Comme de la peinture. Il commença alors à fixer mon corps en entier et il continua à fabriquer ses couleurs. Je ne comprenais pas vraiment. Je me mis donc sur mes pieds, ramassant les affaires qu'il avait mis de côté.

« Ma palette est prête. Huuum... tu vas te placer de ce côté, de sorte à ce que j'ai en vue le cerisier. »
« Attendez... j'ai dû rater une information... je ne suis pas là pour poser... »
« Ah ? ils ne t'ont pas dit que notre rencontre à la rivière a été la fois où j'ai peint mon meilleur tableau ? »
« Si mais on ne m'a pas dit que j'allais prendre le rôle de model... »
« Ils ont dû oublier dans ce cas. Allez installe-toi. Dépose ce voile sur le sol, met toi dessus, assit de dos, je pense que ce serait parfait pour travailler les courbes d'une colonne vertébrale. Ensuite, retire ta chemise et laisse-la dans ton dos. »
« J'en suis incapable... Le premier tableau... je ne savais pas que j'étais peint. »
« S'il te plait. »

Un prince venait d'être on ne peut plus poli avec moi et rien que pour cela ma mère m'aurait corrigé. Me faire prier par un noble ? inacceptable ! je pris donc mon courage à deux mains et lentement j'avais posé le voile de tulle sur le sol. Je m'étais assis dessus, les jambes repliées sur le côté droit alors que lentement je déboutonnais ma chemise. Elle se mis dès lors à se desserrer et glisser le long de mes épaules. Ainsi, lorsqu'elle fut totalement ouverte, elle tomba au niveau de mes hanches alors que mes poignets restaient enfermés dans le tissu. Et pour finir, je m'étais tourné vers le cerisier dont il m'avait parlé, soupirant lorsque je l'entendis donner les premiers coups de pinceau.

Les poils glissaient tendrement sur le papier, faisant un doux bruit suave je sentis alors ma tête rouler sur mon épaule gauche alors que lentement j'avais fermé les yeux. J'écoutais donc sa main s'activer à peindre, le vent souffler entre les branches, j'entendais également le doux sifflement des oiseaux, tandis que sensuellement les rayons du soleil se mirent à lécher ma peau. Je me sentis dès lors m'affaisser, m'allonger. Je me retrouvais donc sur le dos, les jambes pliées sur le côté, alors que mes mains venaient lentement se poser sur mon torse nu. Le voile de tulle caressait mes pieds alors que le luxe et l'odeur de thé vert ne faisaient que vriller mes sens. Mon oreille fut également comblée lorsque le prince soupira d'un souffle légèrement saccadé, appréciant surement la pose que j'avais prise. Je pus alors rester ainsi allongé jusqu'à ce que le soleil ne décline et que le dernier coup de gyeong ne résonne dans la ville. Dès lors, le jeune prince reposa ses affaires en faisant rouler sa tête sur ses épaules pour se décontracter avant de laisser à sécher la peinture. D'où je me tenais, son art était si beau. Si réaliste et il retraçait des courbes si belles. J'aimais ses coups de pinceaux et lentement je m'étais rhabillé.

« Merci pour cette séance. »
« Merci pour ce travail inespéré... »
« Eh bien il n'y a pas de quoi me remercier. Tu devrais rentrer maintenant, ta famille doit être inquiète. Conserve cette tenue, elle t'est offerte. »

Je le remerciais en me courbant bien bas avant de le saluer et partir. Lorsque je pris le chemin de la maison, tous m'avaient regardé en coin comme si j'étais devenu la nouvelle personne qui vendait son corps dans le quartier. Or, on ne fixait que le seau royal épinglé sur ma poitrine, sachant que j'avais gagné la place auprès du prince. D'ailleurs, tous devaient s'en douter dans mon quartier. Les autres garçons étaient tous rentré depuis le début d'après-midi, moi j'étais resté auprès de la cour du prince. J'avais obtenu le travail et on le jalousait. J'aimais cette sensation, me dire que j'avais été meilleur alors qu'en fait on m'avait juste choisi car j'avais agi comme une fille à prendre un bain à la rivière. Le sort pouvait être cruel.

Après un instant de route, j'avais aperçu ma maison au loin. Les piments qui séchaient au soleil avaient déjà été déposés, les guirlandes étaient toujours à voleter au grès du vent, alors que lentement, depuis l'arrière de la maison, une fumée épaisse et sentant fortement la viande grillée me parvenais. Je pris alors le chemin vers l'arrière de la maison pour voir toute ma famille réunie autour d'une grille où ils faisaient cuire les pièces de bœuf. Ma petite sœur fut alors la première à m'accueillir en me prenant dans ses bras alors que mes parents avaient tous deux ouverts grands leurs bras. Je les pris alors contre moi et les serrais avant de lentement me tourner vers ma grand-mère qui caressa d'une main distraite ma tenue.

« J'ai il y a longtemps servi une princesse. J'étais une de ses plus proches servantes. Nous nous apprécions beaucoup, mais j'ai dû partir pour épouser ton grand-père. Maintenant c'est une vieille femme comme moi, elle vit dans le sud du pays pour ses derniers jours. Une femme très bien. Je suis heureuse que tu aies su trouver un travail mon enfant. Alors, ce repas t'est dédié. Mange autant de viande que tu voudras, nous avons doublé ta ration de riz et surtout je t'ai cuisiné des gâteaux. Bon appétit. »
« Merci grand-mère. »

Je l'avais tendrement embrassée sur le front avant de me mettre à manger avec appétit. La viande ainsi que le riz étaient cuits à la perfection, ils avaient pris un goût parfaitement braisé alors que les gâteaux étaient parfaitement réalisés. J'étais si heureux d'offrir cette situation à mes parents. J'allais leur apporter des revenus.

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