Abygail

Mon réveil sonne, mais je suis déjà réveillée depuis un bon moment, mes nuits ne sont pas des meilleures depuis quelques temps. J'appuie sur le bouton pour arrêter ce bip stressant dès le réveil, puis me lève et m'étire. Je me dirige en traînant les pieds dans la salle de bains, m'approche du miroir et ce que j'y vois n'est pas jojo... J'ai les traits tirés, des cernes de trois kilomètres sous les yeux, dieu merci l'anticerne existe. Tous les matins, le même rituel, je camoufle les dégâts de mon manque de sommeil par le maquillage, je passe mes doigts d'un geste rapide dans mes cheveux en bataille pour essayer de les dompter un minimum - d'ailleurs, il faudra que je pense à retourner chez le coiffeur - puis j'applique une forte dose de mascara sur mes longs cils ainsi qu'un long trait d'eye-liner pour acquérir l'effet œil de biche, que je réussi plutôt bien. Une fois prête, je reste présentable, de toute façon pour passer ma journée au salon, c'est amplement suffisant.

Assise dans ma cuisine, je suis accoudée depuis plus de 10 minutes devant mon bol de céréales et mon café, perdu dans mes pensées et me remémorant le passé :

-« Alors ma poucinette... »

-« Phil ! Je t'ai déjà dit de ne plus m'appeler comme ça, je n'ai plus cinq ans ! »

-« Oui bon, alors, regarde il existe 2 types de dermographe celui à bobine comme celui-ci, et le rotatif comme celui-là, c'est aussi celui que je préfère. Pour le montage tu dois insérer ton aiguille dans le manchon, fait surtout attention de ne pas la mettre dans le mauvais sens, ensuite tu n'as plus qu'à positionner le manchon à la machine et enfoncer le tête de l'aiguille dans le petit joint... Voilà ta machine est prête ! »

-« Parfait c'est facile, je lui souris, quand est ce que je peux commencer à tatouer alors ?! »

-« Pas si vite ma grande, il te faut être patiente, on ne devient pas un bon tatoueur comme ça du jour au lendemain..."

Il avait tellement raison. Il m'a fallu sept ans pour me perfectionner dans le domaine. Avant, les tatouages ont longtemps été considérés comme des signes de marginalité, mais aujourd'hui, les tatouages et les piercings font fureur dans nos sociétés. Des milliers de salons de tatouage ouvre chaque jour, à chaque coin de rue, mais un vrai tatoueur-pierceur doit se trouver être le spécialiste pour modifier votre corps et en faire un véritable chef d'œuvre. Alors, après le lycée, j'ai écouté les conseils de mon oncle, si je voulais qu'il m'enseigne véritablement ses techniques pour intégrer l'équipe d'Inked. J'ai quitté Londres, et je suis partie vivre à New-York - d'où mon look décalé -, pour étudier à la School Of Visual Arts, située sur Manhattan. C'est l'établissement le plus prisé en matière d'art, de dessin, et cinéma. Quatre ans de dur labeur pour obtenir mon diplôme d'études supérieures. Après ça, j'ai voulu faire les choses dans leurs intégralités, même si je n'avais jamais fait un tatouage de ma vie - mise à part sur une planche en bois, et sur le dos de la main de Phil, mais cela ressemblait à un bonhomme têtard -, je savais que c'était le métier que je devais exercer. Alors j'ai suivi une formation de tatoueur.

Celle-ci faisait référence aux connaissances en infographie, biologie, dermatologie, psychologie, ainsi qu'à l'approche commerciale indispensable que l'on doit avoir pour gérer de manière optimale notre future clientèle. Tout cela m'a apporté un professionnalisme accru. Et quand je suis rentrée, et que je pensais en avoir fini avec les formations, j'ai appris qu'il ne restait que trois mois à vivre à Phil. Il ne voulait pas partir sans m'avoir tenue sa promesse, et pendant les quatre-vingts dix jours qui ont suivis avant son grand départ, j'ai passé jours et nuits avec lui, et il m'a tout appris.

Je ne me considère pas comme la meilleure, malgré le fait que j'ai déjà remporté un concours et que je suis médaillée d'or, je suis simplement la seconde de Phil.

Perdue dans mes pensées, je remarque qu'il est 9h27, et que le salon ouvre dans 3 minutes. Je pose mon bol de céréales encore plein, et ma tasse de café dans l'évier, enfile ma paire de vans rose, et descend l'escalier en colimaçon qui mène au salon.

Quand je passe la porte, l'équipe arrive au même moment. Ils sont mon rayon de soleil de chacune de mes journées, sans eux, je n'aurais jamais réussi à avancer, malgré le fait que je sois toujours à la ramasse.

-« Salut poupée ! » m'enlace Liam en me claquant une fessée au passage.

Certains pourront trouver ce geste déplacé, mais pas en sachant que Liam est gay. Il essaye de garder un pouvoir charismatique sur les femmes pour avoir de plus grands pourboires, et ça marche !

-« Hey Aby ! » me lance Sacha en accrochant son sac aux portemanteaux.

-« Comment ça va ma belle ? » me demande Mike en glissant son bras sur mes épaules pour me serrer contre lui, mais je le repousse.

-« Toi ! Je t'ai dit que je n'ai pas oublié, ça non ! »

Il rit en levant les mains en l'air.

-« Arrête Aby, ça fait plus d'une semaine qu'il est passé maintenant, va falloir passer à autre chose ! »

-« Ouais, mais je le revois dans plus d'une semaine aussi ! »

Vous l'aurez compris, nous parlions de Jayden.

La cloche de l'entrée ferme les hostilités entre-nous, accueillant un grand homme fin et sec, vêtu d'un costard cravate noir, façon Men in Black, sur le pas de la porte.

-« Bonjour, Philipe Jones ? »

-« Décédé. » je lui dis sèchement.

-« Hum.. Désolé, Abygail Jones alors ? »

-« C'est moi. »

-« Enchanté mademoiselle, je me présente, je suis Jean-Michel Brown, huissier de justice. »

Je jette un regard en coin à Mike, qui comprend et vient à ma rescousse.

-« C'est pour quoi ? »

Il nous tend un recommandé que nous devons lui signer pour en avoir le double exemplaire, je lui arrache des mains, impose ma signature, ainsi qu'un coup de tampon du salon puis lui rend.

-« Passez une bonne journée. » dit-il simplement en sortant.

Une fois la porte claquée, un silence de plomb règne dans l'accueil.

-« Ouvre le Aby.. » me dit Mike.

Je déchire le haut de l'enveloppe et en sort la lettre plié en trois à l'intérieur.

***

Dossier N° 2398 - Monsieur Philippe Jones et Mademoiselle Jones.

Le 09 mai 2016, à Londres.

Mise en demeure de payer

Mademoiselle, Monsieur,

Je suis chargé par la société CLERCS, gestionnaire contentieux du dossier, de procéder au recouvrement de la créance des murs du commerce connu sous l'enseigne « Inked Memories », d'un montant de :

200 000 £

J'ai reçu les instructions formelles de diligenter à votre encontre, une procédure d'injonction de payer devant le tribunal de votre domicile.

Sans règlement de votre part sous 6 mois, à compter de la date de ce courrier, vous vous exposez à la saisie mobilière du montant de la somme dû.

Veuillez agréer Mademoiselle, Monsieur, l'expression de nos sentiments distingués.

Me Jean-Michel Brown.

***

Le courrier lu, je relis une nouvelle fois rapidement, laissant mes yeux glisser sur ces mots tapés à l'encre noire, mais malheureusement, ce que je viens de lire est bien réel et indicatif : je suis dans la merde. Je sens derrière moi, le regard lourd de mes amis, et quand je me retourne, Sacha est en larmes.

-« Oh mon dieu Aby, comment allons-nous faire ?! »

Ils ont lu dans mon dos... je secoue la tête.

-« Sacha... no stress, tout va bien se passer. » je dis en repliant la lettre.

-« Mais non, rien ne va ! Comment on va faire pour trouver cette somme en 6 mois ? C'est impossible...dit-elle complètement affolée. Je sais, on a qu'à faire des économies sur nos salaires et tu nous... »

-« STOP ! la coupe Mike. Écoute ma puce... cette histoire concerne Aby, et je vais l'aider à trouver une solution. »

-« Oui, je rajoute, et ne crois pas que je vais gratter sur vos paies Sacha, il en est hors de questions, vous méritez amplement ce que vous gagnez. »

Avant que l'un d'entre eux ne prenne la parole pour protester, je continue en levant le doigt :

-« De plus, vous avez fait assez de choses comme ça depuis la mort de Phil... Je ne vous le dis pas assez souvent, mais, merci, mais là, c'est une histoire personnelle. Cet argent que devait Phil... je souffle... Il a bien du me laisser une indication quelque part pour que je puisse trouver une solution. Je vais fouiller les cartons de paperasse que je n'ai pas sortie de sa chambre dès ce soir. En tout cas, il y a bien une chose que je sais, c'est que cette lettre n'est pas synonyme d'Armageddon... je dis en haussant les épaules. Je ne vais pas me précipiter, et, fermer le salon pour régler le sujet, non, je vais déjà demander des précisions sur cette mise en demeure. Je veux savoir dans quoi Phil c'était embarqué pour se foutre dans cette merde, et en attendant, je vais réfléchir à comment faire des économies, et gagner de l'argent supplémentaire. »

Face à ma pertinence, les gars tapent dans leurs mains et Liam, fidèle à lui-même me sort l'une de ses anecdotes.

-« Aby chérie, si il y a bien une chose que l'on m'a appris, c'est la règle des trois P et des deux T : Pas de Panique, Prudence et une bonne Tasse de Thé ! C'est ma tournée, je vais faire chauffer de l'eau, je peux utiliser ta bouilloire ? » me demande t-il d'un grand sourire, qui m'extirpe un rire malgré l'inquiétude que je dissimule.

-« Bien sûr, je t'en pris Liam, fais comme chez toi. »

-« Mais je suis chez moi ! » crie t-il en grimpant les escaliers jusqu'à mon appart trois par trois.

Et là, ça me fait tilt ! « Chez moi », mais oui c'est logique ! Je veux faire des économies, et gagner de l'argent. Malgré le fait que je n'ai aucun loyer à payer, j'ai quand même des courses à faire chaque semaine, et puis, j'ai une chambre de libre et celle-ci est assez grande pour être louée... La salle de bains est assez grande pour être partagée avec quelqu'un étant donné que Phil est moi la partagions déjà, et il y avait fait tellement d'aménagement pour bénéficier de rangement pratique, ensuite la cuisine et le salon, pourront être les coins de partage... voilà ce qu'il me faut, un colocataire. Je me tape le front déçu de ne pas y avoir pensé bien avant, et Mike me regarde en fronçant les sourcils.

-« Ça ne va pas ? » me demande t-il.

-« Je viens d'avoir une idée ! » je dis en m'exclamant.

A voir le sourire qui s'affiche aux lèvres de Mike et Sacha, je comprends bien vite que ça fait bien longtemps que je n'ai pas été aussi enthousiasme et pourtant, le moment est mal choisi, mais je suis tellement contente de savoir que cette idée de colocation, pourrait déjà me sortir une petite épine du pied.

-« Il me faut un colocataire. » je lâche.

-« Tu t'ennuies dans ta vie sexuelle ? » dit Liam en redescendant avec un plateau de tasses et d'eau chaude.

-« Mais non abruti, je lève les yeux au ciel en souriant, mais réfléchissez... Cet appart est à moi, je ne paye pas de loyer et j'ai une chambre de libre...Vous me répétez vous-même tous les jours, que je ne dois pas rester seule, et me secouer à faire des rencontres, ben voilà la solution ! Une rentrée d'argent qui pourrait m'aider à économiser une petite partie pour rembourser cette somme, je dis en secouant l'enveloppe, et une nouvelle rencontre dans ma vie grisonnante. »

Dis comme ça, c'est certain que cela ne donne pas envie, mais j'y vois mon intérêt... Je vais pouvoir récupérer au moins une petite partie de ce que je dois payer et trouver autre chose pour rassembler le reste.

9h40, le premier client rentre dans le salon et tout le monde se met au travail, et moi, en attendant mon premier client de la journée, je décide de rédiger mon annonce que je collerais sur la vitrine du salon. Il n'y a pas meilleure pub et avec le bouche à oreille, je devrais bien trouver quelqu'un de confiance assez rapidement.... enfin, je l'espère.

***

Recherche de colocataire : URGENT.

Chambre à louer, dans appartement situé au dessus du salon Inked Memories.

Salle de bain collective, cuisine équipée...

Toutes commodités proches, wifi & charges inclus. (Sauf frais de la ménagère : courses)

Prix : 400 £

Si intéressé, s'adresser à l'un des membres de l'équipe, plus précisément, voir Aby.

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Voilà, mon annonce rédigée, je l'imprime sur une feuille A4, et l'accroche en plein milieu de la porte vitrée de l'entrée, comme ça, personne ne pourra la louper. J'espère que ça fonctionnera et que ça intéressera quelqu'un.