Taphophobie
J'ouvre les yeux. Autour de moi tout est sombre. Trop sombre. Ça n'est pas ma chambre. Ma main glisse sur le sol. Je sens du bois, du vrai, celui avec les échardes qui agrippent la peau. Il doit être fraîchement coupé car l'odeur est entêtante, presque écœurante. Impossible que ce soit chez moi.
Je ne me souviens pas être sorti hier pourtant. Hier soir je.... je... qu'est ce que j'ai fait hier soir déjà ? Tout est si flou. Un vieux canapé, une télé allumé, un mal de bras. Rien d'autre ne me revient.
J'essaye de me relever afin d'en savoir davantage. L'entreprise se révèle difficile. Mes vieux muscles protestent : j'ai passé l'âge de dormir sur le sol et ils le savent.
Mais je m'entête. Je décolle maladroitement mes épaules, redresse ma tête et-
Je cris lorsque mon crâne percute le plafond.
Le plafond.
Étalé sur le sol, encore sonné, c'est la seule chose à laquelle je pense.
Le plafond.
Je finis par tendre une main tremblante vers le haut. Comme si il pouvait avoir disparu. Comme si la douleur dans ma tête n'existait pas.
Mais j'ai bien mal.
Et je sens bien le bois sous ma paume.
C'est à cet instant que je réalise le silence dans lequel je baigne.
Un silence parfait. Un silence de mort.
Un silence qui me déchire les oreilles.
- Non, gémis-je. Non, non, non, non !
Et ce son pitoyable se répand dans l'espace, se répercute contre les parois qui m'entourent. Il vient me chuchoter que si, si, il y a bien quatre murs de bois autour de moi, quatre mur inébranlables et que cela est fort bien car sinon la terre noire coulerait déjà pour me serrer dans ses longs bras. Oh l'affectionnée amante ! Mais la belle me voudrait à elle, elle et elle seule, et elle viendrait s'emparer de mon nez, de ma gorge, se glisserait dans mes poumons et attendrait, attendrait, que je me dissolve en elle, qu'elle est moi ne soyons qu'un et
Une grande goulée d'air m'arrache à mes délires.
Après cette longue apnée, son passage est dévastateur autant que salvateur. Elle me déchire la gorge et brûle mes bronches.
Je me mets à tousser, mais les murs de ma prison empêchent mon corps de se plier comme il le voudrait.
J'ai mal.
Mais je suis vivant.
Je suis vivant !
Alors je le crie, je le hurle.
Je me met à tambouriner, je rue, je me cambre. Mes pieds et mes poings viennent fracasser les planches. A chaque coup, je braie comme un porc qu'on égorge.
Je dois sortir.
Vite.
Vite.
Vite.
Cccrsss. Mes ongles raclent le bois au dessus de ma tête. Cccrrss. Je sens l'horrible crissement dans ma chair plus que je ne l'entends. Cccrrss. Les échardes s'enfoncent sous mes ongles. Cccrrsss. Une goutte s'écrase sur mon front. Cccrrsss. Ça sent le fer. Cccrrsss. Une autre goutte. Cccrrsss. L'odeur se fait plus forte. Ccccrrsss. J'ai l'impression que le monde tangue. Cccrrsss. Est-ce que je gratte encore ? Cccrrsss. Mes doigts me font mal. Ccccrrsss. Un ongle tombe sur ma joue. Cccrrsss. J'ai mal. Cccrrrsss. Je sens ma chair dans le bois. Cccrrsss. Je sens le bois contre mes os. Cccrrsss. Respirer me brûle la gorge. Cccrrsss. Est-ce que je gratte encore ? Cccrrsss. Je suis stupide. Ccccrrss. Tout est stupide. Cccrrsss. Ça ne sert à rien. Cccrrsss. Je dois continuer. Cccrrsss. Je devrais abandonner. Cccrrsss. Je ne sais plus comment on arrête. Cccrrsss. J'ai vu de la terre tomber. Cccrrsss. Ce n'était que du bois. Cccrrss. Ma poitrine brûle. Cccrrsss.
Je ne peux plus lever les mains. Cccrrsss. Depuis combien de temps maintenant ?
Cccrrsss. Est-ce que je gratte encore ? Cccrrss, ris-je, cccrrsss.
Le cccrrss rebondit, danse avec moi. Cccrrsss, cccrrsss.
Il tape pour moi contre les parois. Ccccrrsss.
Peut être que dans un millénaire, il s'échappera d'ici. Ccccrrsss.
Mais pas moi. Ccccrrss.
Jamais. Cccrrsss.
Cccrrsssss.
Texte écrit pour le concours de InkClover
Thème : récit d'horreur axée autour d'une phobie
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