L'épopée du marron
Ah ! Je me rappelle mes enfants de ce jour, il y a bien des temps de cela, où la douce chaleur de mon premier printemps vint chatouiller mes sens et m'éveiller à la conscience ! D'ignare et stupide comme vous mes chers petits, je devins le marron le plus brillant de ma génération ! Et je le dis en toute modestie
Le spectacle qui s'offrit à moi me permit d'exploiter sur le champs ces somptueux méninges flambants neufs. En effet, quelle ne fut pas ma surpris de découvrir que ce premier printemps était orange ! Or comme vous le savez tous, un premier printemps est toujours de couleur noire ! Car c'est blotti au cœur des entrailles du monde, bercé par la terre mère, que le périple vers la vie commence.
La terreur que je ressentis alors fut sans pareil. Comment moi, un être aussi parfait, pouvais-je être un mi-né ? Un marron coincé entre ciel et terre ! À la merci de tous les dangers ! Pitié non !
Heureusement, même cette vague de terreur ne put altérer ma légendaire bravoure. D'autant plus que je réalisais bien vite – si ce n'est instantanément – que ce ne pouvait être le cas. Si de ciel au-dessus de moi il y avait bien, en dessous , point de noir. À peine quelques noix nos cousines. Et beaucoup de marrons.
Perdu, le destin lui-même ne me laissa pas le temps de réfléchir plus avant. Des méandres du ciel jaillirent deux dragons pâles, dotées de cinq cous et cinq dents de kératine acérées. Malheur ! Ces monstres nous avaient kidnappé !
Pire encore : à l'autre bout de leurs laisses se tenaient leurs maîtres, deux silhouettes blafarde d'une taille démesuré – pour le petit être que j'étais alors, hein. Aujourd'hui, je les dépasse de loin ! C'était un mâle et sa femelle, dragonniers de leur état, qui, comble de l'horreur, s'amusait à lâcher sans répits leurs âmes damnées sur nous. Une fois leur malheureuse victime choisie, celle-ci se faisait emporter jusqu'à une fournaise, un enfer que les géants entretenait à partir du corps de nos père !
Là bas nous brunissions, racornissions, mourrions.
Je me vis, moi, pourtant si brillant et si brun, défiguré. Mort même.
Jamais ! Jamais je n'accepterais un tel sort ! Plutôt mourir !
Puisant dans la sagesse de mes ancêtres, dans l'expérience de mes gènes, dans la bravoure qui était mienne, j'entrepris donc, héroïquement, de ne rien faire !
Car tel est l'art du marron! L'immobilisme ! Un bon marron est un être passif, que ni la pluie ni le beau temps ne peuvent ébranler !
Ah quel beau courage que le mien ! Quel élégance dans mon statisme ! Face à la barbarie, je me tenais là, exposant fièrement les vertus du marron, sans frémir ! Frémir ! Cette seule idée me faisait horreur : cela aurait été une honte qui m'aurait tué plus sûrement que leur feu.
Plus d'une fois, les dragons m'effleurèrent, mais sans jamais oser briser ma performance. Je sentis leur souffle contre ma coque, la texture molle de leur peau, mais jamais mon cœur ne faiblit.
Que pouvaient ces sous êtres face à mon talent ? Ils devaient s'incliner, et ils le faisaient.
Jusqu'à ce que l'un d'entre eux finissent par m'emporter.
Comment me dites-vous ? Tu as donc échoué ? Fais une erreur ?
Balivernes que tout cela ! Mon art les as tant séduit qu'ils désiraient le voir de plus près, voilà tout !
La femelle m'ausculta avec attention.
Et elle finit par s'incliner, elle aussi.
Elle me rendit ma liberté en m'envoyant voler loin de l'enfer, moi, le marron si admirable, me laissant uniquement ces quelques mots :
« Pouah ! Qu'il est moche celui là ! Parfaitement immangeable ! »
Voilà donc ma tendre descendance comment l'estimable marronnier que je suis aujourd'hui naquis. Rappelez-vous bien la morale de cette histoire : face aux dangers et aux problèmes, la seule solution est de ne pas lutter, de renoncer, et d'agir avec la plus grande des passivités !
Texte écrit pour le concours de Inkclover
Thème : récit axée autour d'un marron/chataigne, avec comme sous texte un souvenir si possible avec de l'humour
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