Chapitre 8
Territoire Ere
C'est lorsque je dois plisser les yeux pour lire que je sors la tête de mon roman. Je constate alors que la nuit est entrain de tomber. Merde, j'ai vraiment passé la journée ici ? Quand je suis arrivée dans la bibliothèque ce matin, j'ai bien cru que ma mâchoire m'en tomberait. Une bibliothèque digne des contes avec plusieurs étages et un dôme majestueux. Mais ce qui m'a surtout séduite, c'est l'impopularité de la pièce. Personne n'est venu me déranger de la journée et ça fait un bien fou à vrai dire.
J'ai pu lire deux romans sans interruption, sauf peut-être de la part de mon ventre qui me grondait de ne rien lui donner. J'ai alors trouvé une pomme au fond de mon sac que j'ai savouré comme un délicieux repas. Ce n'est qu'en fin d'après-midi que j'ai commencé mon troisième livre. Un poème de l'ancien monde, d'origine qui puisse être. L'homme en question a écrit sur les tourments de l'amour véritable. Curieuse, je n'ai pas pu m'empêcher de le dévorer.
Cette bibliothèque est mon nouvel endroit préféré sur le Territoire Ere. C'est quand mon ventre gronde à nouveau que je comprends que je ne pourrais pas échapper au diner du soir. Revenir dans ce réfectoire à l'ambiance chaotique ne m'émeut pas, au contraire.
Cependant, j'ai hâte de retrouver ma meilleure amie et de lui demander si les chevaux sont aussi sauvages qu'à Magus. Sora a toujours aimé ces animaux préhistoriques. Libres et d'une beauté majestueuse, un peu comme elle à sa manière.
Je ferme doucement le poème en essayant de ne pas l'abimer plus qu'il ne l'est déjà et m'étire. Si jamais je ne peux plus me voir Enid, je pourrais dormir ici. Qui viendrait troubler ma tranquillité ?
Comme si je faisais une bêtise, je sors discrètement de la bibliothèque. Hors de question que d'autres créatures découvrent cet endroit.
Seul bémol, je ne sais pas où aller. J'étais tellement dans notre conversation ce matin avec Wren que je n'ai pas regardé le chemin emprunté. Wren. Penser à lui me ramène violemment à la réalité. Je ne sais pas si je suis assez forte pour soutenir son regard ce soir. Bien que, ce ne soit pas sûre que j'atteigne le réfectoire avant la tombée définitive de la nuit.
Je déambule avec hésitation dans les nombreux couloirs en espérant trouver quelqu'un, n'importe qui, pour m'aider à trouver mon chemin. Au bout d'une vingtaine de minutes, je perds tout espoir et décide de mettre de l'ordre dans ma tête.
— C'est quand même dingue, j'aurai juré être venue par-là, je grommelle en me maudissant d'avoir un sens de l'orientation aussi peu développé.
C'est alors qu'une porte s'ouvre et qu'une violente odeur de fer vient me tordre les boyaux. A deux doigts de vomir, je porte une main à ma bouche et arrête de respirer. Non mais c'est quoi cette odeur ?
Et puis, je la vois. La silhouette ferme la porte derrière elle et s'essuie la bouche. En se tournant dans ma direction, elle se fige. Elle me regarde avec de gros yeux et recule d'un pas.
Mon regard se porte presque automatiquement à l'endroit où elle a été blessée ce matin et je suis soulagée de voir qu'il n'en reste aucun souvenir, pas même une trace. Personne ne mérite ce genre de traitement, pas même le plus vil des vampires.
— Salut, je dis simplement.
Elle reste muette, et je me mets à sourire. C'est ridicule, entre sa timidité et mon manque de sociabilité accrue, on ne va pas avancer. Bizarrement, même seule avec elle ne me fait pas peur. S'il s'agissait de Marianne, je n'aurai pas dit ça et j'aurai eu peur qu'elle me vide de mon sang mais Karla semble... inoffensive.
Comme si je ne l'avais jamais saluée, elle semble prendre une grande bouffée d'air et passe presque en courant devant moi.
— Hein ? je murmure.
Je ne peux pas m'empêcher de jurer et me lance à sa poursuite.
— Sais-tu que c'est malpoli d'ignorer quelqu'un qui te dit bonjour ?
La vampire m'ignore et accélère encore plus le pas.
— Karla, je cris.
Elle se stoppe enfin et se retourne avec une mine boudeuse.
— Sais-tu que c'est interdit de pénétrer dans l'aile des vampires ? dit-elle sur le même ton que moi.
Je palis. Quoi ? Mais c'est injuste. Pourquoi la bibliothèque se trouve dans cette aile alors ? Elle perçoit mon désarroi et détend les épaules.
— Tu ne savais pas, dit-elle simplement.
Je hoche doucement la tête. Nous restons face à face sans rien dire pendant quelques minutes. L'une essoufflée comme si elle avait couru un marathon et l'autre, simplement déboussolée. Je ne dirai pas qui est qui, c'est assez flagrant.
— J'aimerai rejoindre le réfectoire, tu peux m'aider ? je demande calmement.
— Non, s'égosille la vampire comme si je la conduisais dans la gueule du loup. Littéralement.
Je lève les bras en l'air, consciente qu'encore ce matin, elle n'avait pas très bien été accueillie.
— Ce ne sont pas mes affaires, mais sache que j'étais contre le comportement d'Abigail Nightingale. Personne ne mérite de se faire traiter ainsi.
Karla se pince les lèvres comme si elle se retenait de pleurer.
— En effet, ce ne sont pas tes affaires.
Cela a le mérite d'être clair mais je persiste, la faim devenant insistante.
— Peux-tu au moins m'indiquer le chemin ? Je me suis vraiment perdue, je serai la dernière personne à m'aventurer en territoire vampire, je ricane un peu pour moi-même.
Elle semble peser le pour et le contre dans sa tête puis elle m'indique le chemin. J'essaie de retenir droite, puis deux fois gauche puis encore droite puis tout droit puis droite. Sérieusement ?
J'ai presque l'impression qu'elle veut me perdre encore plus. Puis une fois les instructions données, elle me tourne le dos mais je la retiens par le bras.
— Ne te laisse pas faire. Si tu montres que tu es le lièvre et que Abigail est le renard, ou ici présent, le loup... tu ne te feras jamais respecter. Montre-leur que tu es plus forte que ça et qu'ils ne te font pas peur.
Karla me dévisage comme si je l'avais blessé, j'ai peut-être involontairement blessé son ego de vampire...
— Tu veux dire, comme toi avec Marianne il y a trois jours ? Tu veux vraiment me faire croire que Marianne ne te fais pas peur ?
Je réfléchis un instant avant de répondre, même si je sais que c'est une question rhétorique.
— Elle me fou la trouille pour être honnête mais mon père me disait toujours qu'il faut feindre avoir confiance avant d'avoir réellement confiance. Crois que tu es plus forte qu'elle et demain, tu le seras.
Un éclair traverse ses iris rouges et un petit sourire naît sur le coin de ses lèvres.
— Tu m'as quand même avouée que Marianne te faisait peur, n'as-tu pas peur que je lui répète ?
— Je répondais à ta propre peur d'Abigail, tu ne voudrais pas que je lui répète ? je demande en lui faisant un clin d'œil.
Cette fois-ci, elle sourit de toutes ses dents et je manque un battement en découvrant le contour de ses canine ensanglanté. Attendez, elle vient de se nourrir ? Je n'ai finalement plus très faim. Je la remercie pour les indications et ne me fait pas prier pour déguerpir. Pendant quelques minutes, j'ai oublié que j'étais dans l'entre d'une bande de vampires buveurs de sang.
Je félicite ma mémoire en reconnaissant le hall d'entrée de l'Institut et en trouvant le réfectoire en moins de dix minutes. Je glisse mes mains dans les manches trop grandes de mon sweat et ouvre discrètement les portes fermées. Un brouhaha me brouille les oreilles et je suis surprise de voir autant de monde. Si au petit déjeuner nous étions peu, ce soir, toutes les tables sont prises.
Je suis même surprise de voir une table entière de vampires discuter, débattre avec animosité et manger deux trois encas. Pourquoi Karla ne les a-t-elle pas rejoints ?
Je prends un plateau repas et balaie la salle des yeux. Je n'ai pas vu Ida de la journée et sans comprendre pourquoi, ça m'inquiète. Aucun n'adulte n'est présent alors que les choses pourraient déraper à tout moment. Mes mains se crispent sur mon plateau et je remarque Sora non loin à une table de Lycans avec quelques faes et évidemment, Enid. Elle rit, drague et enlace Enid dès qu'elle le peut. Je m'avance vers la table et constate qu'elle est complète. Sora ne me remarque pas tout de suite puis elle me voit sans me voir.
— Oh tiens Lily. Je pensais que tu mangeais dans notre chambre, dit-elle tout sourire.
— Non, j'étais... aucune importance, je réponds en me rappelant que je préfère lui dire en privé pour ma trouvaille de la bibliothèque.
Même si j'avoue, Wren a été d'une grande aide dans ces recherches. Je fronce d'ailleurs les sourcils en voyant qu'il n'est pas avec eux.
— Je peux m'asseoir ? je demande, toujours debout et victime de regards un peu trop appuyés dans mon dos.
Sora ouvre la bouche mais c'est Enid qui la coupe :
— Désolé Lola... Je veux dire, Lily, ricane Enid comme si c'était de l'humour haut niveau.
Je l'interroge du regard, partagée entre lui faire bouffer le sol ou mon poing.
— On pensait vraiment que tu ne te joindrai pas à nous ce soir. Je veux dire, je suis venue tout à l'heure dans la chambre et tu n'as même pas remarqué ma présence. Je t'ai demandé si on te gardait une place pour le diner et tu m'as ignoré. J'ai pris ça pour un non.
Quoi ? Impossible. Les faes ne sont pas sensé pouvoir mentir. C'est quoi cette diablerie ?
— Tu mens, je murmure comme à moi-même mais un peu trop fort quand même.
— Lily, ce n'est pas la fin du monde mais c'est normal que tu ne te souviennes pas, tu es tellement dans tes pensées en ce moment. Et puis, tu oublies que Enid est fae, elle ne peut pas mentir.
Sora semble nerveuse et contrariée à la fois, surtout quand elle ajoute :
— La seule ici qui peut mentir... c'est toi.
— Ça a le mérite d'être clair, je grommelle, sentant le poison de la trahison dans la bouche.
Sora dit quelque chose d'autre mais je ne l'écoute pas. Je cherche Wren du regard et je le trouve rapidement, les yeux fixés sur le fond de son assiette assis avec notre groupe de sorciers. Il n'y a pas de place non plus et puis, je me vois mal l'embêter alors qu'il voulait être seul.
Je repère alors une petite table près de l'entrée, vide. Si ce matin, je ne me sentais pas à ma place ici, c'était infime à côté de ce que je ressens maintenant. Je sens quelques regards insistants sur moi mais je suis trop fatiguée pour voir de qui il s'agit. Je vais manger en vitesse et me tirer d'ici au plus vite.
La grande porte s'ouvre mais je ne prête pas attention, jusqu'à ce qu'un plateau atterrisse près du miens et que le brouhaha habituel diminue de sonorité. Je me sens soudain oppressée, comme si le monde entier me regardait.
Je lève les yeux sur la personne qui prend place à côté de moi et y découvre Karla, un sourire timide en coin.
— Tu as raison, je ne vais pas me laisser faire.
Elle s'assoie et grimace.
— C'est dingue, tout le monde nous fixe.
— Peut-être parce qu'une sorcière et une vampire mangent ensemble ? je propose, moqueuse.
— Hum... Ou alors parce que nous sommes deux pariât qui avons connu de mauvais jours depuis le début ?
Pas faux. Je ricane et elle m'imite cependant mon sourire s'évanouit en voyant la tête de Marianne. J'ai l'impression que de la fumée sort de ses oreilles puis je remarque la place près d'elle, vide.
— Pourquoi n'es-tu pas parti manger avec eux ?
Karla hausse les épaules, indifférentes.
— Marianne ne supporte pas qu'on lui désobéisse, et elle voulait que je me fasse toute petite. Ida compte sur elle pour pérenniser l'ordre entre nous tous quitte à mettre de côté l'une des siennes. Je pensais qu'elle avait raison, jusqu'à ce que tu m'exposes ton point de vue.
— Pitié, ne lui dit pas que c'est ma faute... Elle a déjà une dent contre moi...
Karla fronce les sourcils et chuchote à présent comme si elle préférait que personne n'écoute notre conversation :
— A vrai dire, tu as raison. Elle est froide, dépourvue d'émotion superflue mais elle n'a jamais haï quelqu'un, enfin. Jusqu'à toi. Tu es sûr que vous ne vous connaissez pas d'avant ?
Alors là, j'en suis sûre à 100%. Je n'aurai jamais oublié son visage. Je réponds par la négative mais Karla insiste.
— J'adore Marianne, mais méfie-toi. Peut-être que tu ne le sais pas, mais tu as fait quelque chose qui lui déplait, c'est obligé.
Certaine qu'elle se trompe, je n'entretiens pas la conversation et nous papotons jusqu'à la fin du repas. Je m'imagine même qu'une amitié serait envisageable avec Karla.
*
Lorsque quelqu'un tambourine à la porte de notre chambre avec force, je sursaute. Bordel, mais qui ose faire un tel raffut ? Pitié, ramenez-moi dans mon monde des rêves. Enid peste et insulte le responsable et je me surprends à être d'accord avec elle. Depuis notre conversation hier au réfectoire, je n'ai pas adressé la parole à Sora, ni même à la menteuse. Je préfère les ignorer, ça fait moins mal lorsque ça vient de moi.
— C'est quoi ce bordel ? souffle Sora, de la bave au coin de la bouche.
Je ne réponds pas, trop occupée à essayer de me rendormir mais le destin en a décidé autrement.
— Vous commencez les cours aujourd'hui, debout bandes de feignasses.
La voix autoritaire d'une femme nous parvient comme si elle avait utilisé un amplificateur de voix directement dans mes oreilles. Je fais un bond et tombe de mon lit, suivie de près par Enid qui finit par terre emprisonnée dans ses draps. Je me moque d'elle alors qu'elle me fusille du regard.
Au même moment, trois feuilles virevoltes de sous notre porte de chambre. Je suis la première debout, sur mes deux jambes et curieuse de savoir ce que s'est.
— Fais chier, c'est nos plannings, je déclare d'une voix encore enrouée.
— Jure, grogne Enid en se battant avec ses draps.
Je pose celui de Sora sur son bureau pendant qu'elle émerge alors que je jette celui d'Enid sur son visage. Les bras emprisonnés, elle souffle sur la feuille pour l'enlever de son visage. Une scène à mourir de rire.
— Espèce de... jure Enid alors qu'elle se met enfin debout.
— Pardon ? Tu disais ? je demande alors que je sais qu'elle ne m'insultera pas devant sa nouvelle meilleure amie Sora.
— Rien, je ne disais rien, dit-elle en insistant sur le dernier mot.
Elle disparait dans sa salle de bain alors que je me lève et vient caresser les cheveux de mon amie.
— Debout mon soleil, c'est la rentrée que tu attends le plus au monde, je dis simplement en espérant qu'elle ne soit pas de mauvaise humeur.
— Je veux dormir, gronde mon amie dont le visage est recouvert de cheveux roux.
— Sora... Tu n'auras jamais le temps de te faire toute belle si tu ne te lèves pas maintenant.
Ma menace semble fonctionner puisqu'elle jure et se lève d'un coup comme si elle avait le feu aux fesses.
— Braden ne peut pas me voir comme ça... Zut, tu as raison.
A vrai dire, je n'ai pas mentionné de garçon mais si elle insiste.
— Il te plaît vraiment hein ? je demande en me jetant à nouveau dans mon lit.
— Oui, avoue Sora comme si j'allais lui faire la morale.
— On est plus à Magus Sora, ton promis n'est plus alors fait tout ce qui te changes... du moment que ce lycan ne te brises pas le cœur.
A voir sa tête, je crois qu'elle ne s'y attendait pas. Ses yeux s'illuminent et elle se jette dans mes bras. Bon dieu, qu'elle m'a manqué.
— Personne n'a le droit de nous séparer, on est d'accord ? je demande, l'âme en peine.
— Bien sûr, promesse du petit doigt.
Je lui donne mon petit doigt avec bonheur et la laisse prendre sa douche. Sora est ma meilleure amie, je ne peux pas me permettre de la perdre. Elle est comme une sœur que je n'ai pas eue. Sœur. Merde, sa sœur. J'avais totalement oublié.
Alors qu'elle se douche, je me rue dans sa salle de bain et lui pose la question. Nous ne sommes pas pudiques entre nous, depuis toujours.
— Merde Sora, tu vas revoir Roma aujourd'hui tu penses ?
Sora sort la tête de la douche avec une moue triste.
— Non... J'ai demandé à Ida comment ça se passerait et elle m'a expliqué que les premières et deuxièmes années ne se verraient pas. Du moins pour l'instant. Les barrières magiques séparent encore les deux parties de l'Institut.
— Mais pourquoi ?
— Aucune idée, ils ont déjà dû faire pas mal de changement avec la mixité des groupes, ils n'avaient peut-être pas le temps de tout faire, qui sait.
Je sens la tristesse dans sa voix et je ne sais pas comment la rassurer et lui dire qu'elle verra sa sœur alors je sors et me prépare pour la première journée du reste de mon année.
Je retire ce que j'ai dit sur la longueur de la jupe. Elle est si courte une fois portée... J'ai également dû changer deux fois de soutien-gorge pour ne pas avoir de démarcation sous la chemise. Je me sens si mal à l'aise. Si on me fixait déjà trop dans mes tenues décontractées et passepartout, je ne suis pas sûre de l'effet produit avec cette tenue ci. Je me regarde dans le miroir accroché à notre porte et grimace. Le blanc de l'uniforme fait ressortir mon bonzage et mes cheveux relevés en queue de cheval me semblent trop. Trop quoi ? Aucune idée. Je suis juste mal à l'aise.
— Je crois que tu n'as jamais été aussi belle Lily, me complimente Sora avec un grand sourire.
Depuis qu'on se connaît, elle a toujours voulu que je porte des vêtements plus moulants et qui me mettent en valeur. J'ai accepté une seule fois, une robe à fleurs. C'était le jour où je me suis fait cette mystérieuse brulure. Je la fixe quelques secondes comme si elle allait disparaître. A cette pensée, je me traite mentalement d'idiote. Je rabaisse les pants de ma chemise sur mes bras et mes poignets pour cacher ce vilain défaut et lisse ma jupe par reflexe.
Si elle me trouve belle, elle ne s'est pas vue. Je plisse des yeux, elle n'a pas fait ça ?
— Ta jupe, je dis simplement.
Sora rougit. C'est bien ce que je pensais. Elle l'a raccourci. Par automatisme, je fixe celle de Enid et constate la même chose. Si je trouve que ma jupe est courte, je suis une sainte à côté de mes deux colocataires de chambre.
— Je t'assure que si tu te baisses, on va voir-
— On a compris la rabat-joie, ce n'est pas notre faute si toi tu ne sais pas t'amuser. C'est tellement nul de porter son uniforme comme tout le monde. Au moins, Sora et moi, on sera meilleures copines d'uniforme.
Je rêve où elle a insisté sur le « meilleures copines » ?
Sora ne semble pas comprendre le sous-entendu et sourit de toutes ses dents. Il faut vraiment que je trouve un moyen de parler avec Enid, seule à seule. Je sens qu'on a des choses à se dire.
— Je disais juste que vous n'allez pas passer inaperçues, je termine quand même.
— Il n'y a que toi qui souhaite passer inaperçue Lily, que toi.
Merci Enid, vraiment, merci d'avoir une aussi grande gueule. J'ai une véritable aversion pour cette fille. Elles passent toutes les deux devant moi et m'abandonnent seule, dans notre chambre.
Je soupire, regarde une dernière fois mon reflet dans le miroir et je ne comprends pas pourquoi Sora pense que je n'ai jamais été aussi belle. Parce que tout ce que je vois, c'est surtout que je n'ai jamais été aussi malheureuse.
Je vérifie que mes lentilles soient bien mises, je sens mon haleine, tourne sur moi-même pour être sûre de n'avoir aucun pli et me prépare mentalement à me sentir de trop sans de fermer la porte de notre chambre dans un bruit sourd.
J'ai beau tourner la carte donnée pour nous repérer dans tous les sens, je ne comprends pas comment ce château est foutu. Parce que oui, même si on l'appelle l'Institut, ça reste un immense château en pierre, alimentée de milliers de couloirs qui se ressemblent tous.
— Toi, on ne peut pas dire que t'ai eu le droit à un bon sens de l'orientation à la naissance, se moque une voix féminine, non loin de moi.
Je l'ignore royalement tout en essayant de ne pas répliquer. Si Karla semble timide aux premiers abords, ce repas partagé ensemble hier l'a beaucoup détendu et même si ça me réjouit, c'est également effrayant parce que cette vampire est une effrontée.
Des lunettes de soleil sur le nez, elle boit goulument dans sa gourde isotherme. Son uniforme est similaire au mien, à une différence près, la lettre bordeaux brodée est un « G » pour Gehenna, le territoire vampire. Elle a mis un serre-tête dans ses cheveux blonds et je ne l'ai jamais vu aussi apprêtée.
— Ne me regarde pas comme ça, on dirait que tu vas tomber amoureuse.
— Quel sens de l'humour, les lunettes, c'est obligatoire ? je demande pour la charrier.
Karla grimace et se rapproche de moi, comme pour me dire un secret. Si je ne savais pas ce qui habitait sa gourde, je suis maintenant certaine que c'est du sang vu l'odeur putride. Je tente de ne rien laisser paraître mais elle fronce les sourcils, le remarque er gênée, éloigne la boisson pour me parler.
— Désolée, dit-elle simplement.
— Comment tu as su ? surprise alors que je n'ai, je crois, rien laissé paraître.
— Les battements de ton cœur, soit tu tombais amoureuse de moi, soit quelque chose te faisait flipper et je crois que le sang n'est pas ta tasse de thé.
Je me tais deux secondes.
— Bah finalement, c'est littéralement ma tasse de thé.
Karla glousse et me traite d'idiote.
— Bref, pour les lunettes.... Marianne a organisé une fête pour fêter la rentrée et elle nous a apporté la graine de la graine en termes de rafraichissement si tu vois ce que je veux dire.
Justement, non je ne vois pas. A voir ma tête, elle comprend.
— Les humains ont différents groupes de sang, tu le sais je pense, je ne t'apprends rien. Il y a un groupe sanguin tout particulièrement délicieux. Le groupe O. C'est très rare aujourd'hui de se nourrir de ce sang.
Je reste silencieuse, l'invitant à continuer.
— Ces groupes O sont maintenant des sortent d'apéritifs. C'est comparable à du vin, si tu préfères. Il y a certaines années qui ne se boivent pas tous les jours. Le groupe sanguin O c'est comme un millésime de vin 1999. Du miel pour les oreilles et du caviar pour les papilles.
Finalement contente d'en apprendre un peu plus, je reste cependant dans l'incompréhension.
— C'est bien beau tout ça mais je ne vois pas le rapport avec les lunettes de soleil...
— J'y viens, pour éviter que les pauvres humains du groupe O ne soient dilapidés par les plus gourmands sans justice, ils s'alimentent d'une substance qui rend nos yeux... disons spéciaux.
Pour accorder ses paroles, elle baisse les lunettes sur son nez et je suis surprise de constater que ce qui est normalement blanc est rempli de rouge comme si elle avait explosé ses faisceaux sanguins. Des yeux entièrement rouges sang.
— Wow.
— Comme tu dis. Lorsque c'est rouge, ça veut dire que la quantité ingérée est moins de 250cl. Lorsque ça devient noir, on a dépassé les 500cl et...
— Et ? je demande, pas tout à fait certaine de vouloir savoir ça.
— Nos yeux deviennent totalement blancs lorsqu'on a vidé la personne de son sang.
Sa voix est dure et mon cœur palpite. C'est déjà arrivé, je vois dans la manière d'en parler qu'elle a déjà assisté à cela.
— Tu as... ?
— Moi ? Jamais, s'offusque Karla en s'agitant.
Mal à l'aise et me rendant compte qu'on n'est pas au stade de l'amitié folle, elle et moi, je bégaye.
— J'ai une seule fois pris trop de sang et mes yeux sont devenus noirs mais jamais au-delà. Les sanctions sont irréversibles tu sais.
Je la crois. Karla n'a pas l'air de vouloir faire de mal à une mouche. Pour changer de sujet, je lui demande de comparer nos emplois du temps et je suis étonnamment heureuse de constater qu'on a la moitié de nos cours en commun dont notre premier « Histoire des six royaumes ».
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