Chapitre 11

C'est comme si le temps s'était arrêté. Comme si la pluie ne venait pas nourrir la nature. Comme si le soleil boudait la Terre. Chaque jour s'est répété comme si j'étais tombée dans une boucle sans fin. Le réveil à la même heure, les piques d'Enid avec le même sourire collé au visage, la même ignorance de la part de Sora, les mêmes repas aux mêmes heures, les mêmes devoirs, les mêmes droits, Ida qui continue de me fuir comme la peste et Wren qui continue de voir une version de moi qui n'existe plus. Une espèce de cercle vicieux qui vient nous rappeler à quel point notre existence est misérable. Ce que c'est d'être une tâche sur une toile blanche. Et puis je me réveille.

Putain de merde. C'était quoi ce rêve ?

Cette nuit aura beau réellement avoir duré huit heures, j'ai l'impression d'être partie pendant des semaines entières. Je m'étire et observe Sora qui ronfle si fort qu'elle fait voltiger ses cheveux devant son visage. Je guette Enid, qui elle aussi, dort à point fermés.

J'ai une vilaine sensation de déjà-vu et je crains être toujours coincée dans mon rêve. Me vient alors une idée, pas la plus intelligente mais qui devrait fonctionner. Je me pince le bras si fort que la marque reste. Pas de doute, je suis réveillée.

Je me lève, enfile mes chaussons et me prépare. Autant déjeuner avant tout le monde. Une fois prête, je ferme doucement la porte derrière moi et me promène le pas léger jusqu'au réfectoire. Le calme est si apaisant après la tempête de mes rêves...

La porte du réfectoire ouverte, je m'avance prudemment.

— Il y a quelqu'un ? je demande bêtement comme si quelqu'un allait me répondre.

Une fois à l'intérieur, je refuse de croire ce que je vois. Ciaran m'attend, les mains dans les poches avec un air hautain collé au visage.

— Blake, je t'attendais.

Sa voix rauque me fait déglutir difficilement. Je me gifle mentalement et l'ignore en allant chercher un plateau repas. En lui tournant le dos, je ne comprends pas. Que fait-il ici ? Seul ? A quoi ? M'attendre ?

— Tu sens si bon, murmure sa voix qui s'est dangereusement approché de moi.

Non mais c'est quoi ce délire, j'ai des hallucinations c'est la seule explication.

— Tu es si différente Blake, chuchote Ciaran dans mon oreille.

Je me retourne vivement et hoquète de surprise en le découvrant aussi proche. Ses cheveux bruns en bataille, ses yeux gris perçants mon âme, une bouche qui appelle au péché. Ciaran est l'archétype de la tentation, sous toutes ses formes. J'entrouvre la bouche, mitigé entre l'envie de l'envoyer paitre et de l'embrasser à pleine bouche.

— Ciaran...

— Mon prénom dans ta bouche Blake est si érotique.

Plus il s'approche et moins j'ai envie de m'enfuir, mon cerveau est en panne et mon cœur en tachycardie. Sauvez-moi avant que l'obscurité ne me possède. Ou ne me sauvez pas...

— Je meurs d'envie de te toucher Blake.

— Touche-moi, je réponds comme un supplice mais Ciaran change du tout au tout.

Sa mâchoire se crispe et il recule d'un pas. Il hoche négativement la tête et je sens la frustration monter en flèche.

— Touche-moi, je confirme une nouvelle fois mais avec moins d'assurance.

— Non Blake.

— Ciaran ?

Le timbre de sa voix est si éraillé comme si ça lui coutait.

— On n'a pas le droit Blake. On ne peut pas.

Quoi ? L'incompréhension me gagne.

— Si on se touche... commence-t-il.

— Ciaran, qu'est-ce que tu racontes ?

— On n'aurait jamais dû se toucher. Je n'aurai jamais dû t'approcher.

Cette fois, c'est moi qui fais un pas dans sa direction.

— N'approche pas Blake, ne me fait pas revivre ça. Tu sais très bien que la douleur est un supplice.

Il semble si faible, les larmes aux yeux. Mon Ciaran est apeuré.

— Je t'en prie, Ciaran, j'ai besoin de te toucher.

— Moi aussi Blake mais la première fois à engendrer des évènements catastrophiques. Ne me demande pas l'impossible.

— C'est ridicule...

— On est maudit Lily.

Lily. Mon prénom dans sa bouche fait battre mon cœur un peu plus fort.

— Non. On est maître de notre propre destin Ciaran. Je t'en prie, donne-moi ta main.

Je tends une main tremblante vers lui, et il regarde alors ma cicatrice horrifiée. Il recule d'une dizaine de pas comme pour me fuir.

— L'histoire ne doit pas se répéter.

— Mais de quoi est-ce que tu parles ?

— Tu n'es pas normale, tu es un monstre. Tu brises tout ce que tu touches.

Mon cœur se fend face à de telles accusations. C'est faux. Je refuse de le croire.

— Lily Blake, crache alors Ciaran.

Marianne sort alors de l'ombre, un rictus collé au visage.

— Tu ne seras aimée Lily. Tu es trop différente pour qu'on t'aime. Si seulement on parlait que de tes yeux noirs...

Les larmes montent et Sora arrive également dans le réfectoire.

— Je n'ai fait que tolérer ta présence toute ma vie. J'avais simplement pitié.

Pas toi, pas toi Sora. Le rire aigue d'Enid sort de l'ombre.

— Sora n'en pouvait plus de toi, tu n'es qu'un fardeau.

Je n'arrive plus à respirer, de la bile acide remonte dans ma gorge et je suis à deux doigt de leur hurler de tous se taire.

— Tu es la pire enfant qu'on aurait pu avoir, lance alors deux voix que je reconnais.

Je me retourne et manque de m'écrouler en découvrant mes parents me fixer avec dégout. Un bruit sourd hurle dans mes tympans, je tombe par terre sur la pierre froide et me bouche les oreilles. Ma tête tourne de plus en plus et Sora se rapproche de moi comme un félin prêt à chasser.

— Tu vas être en retard, dit-elle simplement.

— Quoi ? je demande en pleurnichant.

— Si tu ne te lèves pas tout de suite Lily, tu vas être en retard pour notre nouveau cours.

Je fais un bond dans mon lit, le dos collé à mon t-shirt plein de sueur. Mes yeux sont secs. Sora me regarde avec inquiétude mais je souris simplement. Mon cœur lui, bat à un rythme irrégulier. Ce n'était qu'un cauchemar, ai-je envie de me rassurer. Qu'un cauchemar.

— Tu es sûre que tu n'es pas malade Lily ? Tu es toute transpirante et aussi livide qu'un vampire, murmure Sora en touchant mes cheveux.

Je dégage sa main, essayant toujours de digérer ce que mon subconscient a essayé de me dire. Je sais que ce n'est pas la vérité... Du moins je l'espère de tout cœur. Une fois sous la douche, le cauchemar tourne en boucle dans mon esprit. Pourquoi Ciaran était-il au centre de l'attention. Je comprends la position de tous les autres acteurs de mon cauchemar mais lui ? Pourquoi lui ?

Il faut que je demande à Karla qui est sa promise. J'ai besoin de savoir que ce n'est pas moi. J'ai besoin de savoir que je n'ai rien à voir avec lui.

J'ignore mes deux colocataires, me dépêche de me préparer et file en vitesse au réfectoire, rejoindre ma vampire préférée.

En arrivant essoufflée, je remarque que le réfectoire est déjà pas mal rempli. Je croise Ida mais celle-ci ne semble pas me voir, trop occupée à discuter avec un professeur que je ne connais pas.

Je trouve Karla discutant houleusement avec Marianne à leur table et ne peux m'empêcher de déglutir en voyant Ciaran, mangeant tranquillement une pomme. Il est plus pâle que d'habitude, j'espère qu'il a aussi mal dormi que moi...

Consciente que Karla est coincée avec Marianne pour un moment, je prends mon courage à deux mains et les rejoins. Marianne ne tentera jamais rien avec Ida dans les parages. J'espère.

— Karla...

Celle-ci se tourne vers moi avec un grand sourire.

— On ne va pas avoir cette discussion tous les quatre matins Marianne. J'apprécie Lily et je veux être son amie. Tu n'as pas le droit de m'y interdire.

Marianne semble vouloir contester tout en me lançant des éclairs mais Karla lui coupe l'herbe sous le pied.

— Ciaran ? demande alors Karla.

Celui-ci hausse un sourcil, surpris qu'elle l'inclut dans la conversation ? Du moins, tout aussi surpris que moi.

— Je te demande pardon Karla ? demande sa voix tout aussi rocailleuse que dans mes rêves.

— Tu es le seul qui peut m'interdire cette amitié. Alors, je te le demande Ciaran. Es-tu contre ?

Marianne passe de Karla à Ciaran, impatiente d'en découdre. Ciaran m'observe à la dérobée, puis croque dans sa pomme rouge.

— Je ne suis pas contre tant que cette... sorcière reste à sa place.

— Ciaran, conteste Marianne en se levant sur ses hauts talons.

Ciaran ignore Marianne royalement et je me demande vraiment quel genre de relations ils entretiennent. Karla jubile et m'entraine avec elle loin de son peuple.

— On a tellement de chance, Ciaran est de bonne humeur aujourd'hui. Je suis désolé de t'avoir ignoré hier, j'étais coincée avec Marianne qui ne m'a pas lâché d'une semelle...

Je l'excuse et lui demande ce qui s'est réellement passé.

— Marianne fait la cheffe mais le leader, c'est Ciaran. Il n'aime juste pas l'attention donc il délègue tout à notre cheffe de substitution.

Leader ? Ciaran ? Du moment qu'on ne me dit pas qu'il s'agit de Ciaran Vixen, tout me va. En parlant de promis...

— Karla, tu saurais me dire qui est la promise de Ciaran ? je demande, la voix légèrement tremblante.

— Pourquoi ? Il t'intéresse ? ricane mon amie. J'espère que tu ne t'entiche pas de lui parce que plus froid, ça n'existe pas...

Je rougis malgré moi en repensant à ce stupide rêve où je le suppliais de me toucher.

— Mais non idiote, je me posais simplement la question puisque tout le monde est sensé avoir perdu son ou sa promise.

Karla se gratte l'arrière du crâne tout en avançant vers le jardin. Quand je pense que je ne suis encore jamais sortie.

— A vrai dire, Ciaran est promis à Marianne depuis leur naissance. Si nous avons tous perdu nos promis, je ne pense pas que ce soit le cas pour eux et même si Marianne ne l'avouera jamais, elle a toujours été piqué par Ciaran.

Je me détends immédiatement.

— La preuve, elle l'a laissée se faire façonner à son image. Froid, calculateur, manipulateur et faux calme. Ciaran est pour moi le vampire le plus dangereux et Marianne devient la pire version d'elle-même.

Karla semble soucieuse mais j'avoue ne pas partager ses peurs. Je m'en contre fou de cette suceuse de sang, elle n'a que ce qu'elle mérite selon moi.

— Bref, tu n'es pas excité à l'idée de découvrir un nouveau cours ? Dehors qui plus est ! change-t-elle de sujet.

Je hoche la tête, appréhendant de décourvir les jardins. Les extérieurs sont dingues. Des haies sont taillées à la perfection, l'herbe est d'un vert à faire jalouser les voisins. C'est mon idée du paradis.

— C'est vrai que tu n'étais pas sortie encore, scande Karla tout en ayant une révélation, je ne t'ai pas dit ! Une humaine a jeté des tomates sur un lycan. Elle nous a traité de monstre et le professeur qui nous accompagnait était furieux. Il l'a fait disparaître d'un claquement de doigt.

Je fronce des sourcils, peu enjouée par cette révélation.

— Le professeur nous disait justement que c'était de plus en plus récurrent. S'ils continuent comme ça, tous les humains finiront au cachot...

Ils veulent simplement la liberté et je n'ai jamais été aussi bien placée pour les comprendre. Mon cœur se serre à cette vision d'horreur. Nous ne pouvons pas faire de génocide, pas encore. Les humains ne s'en remettraient pas.

— C'est horrible...

— Oui, le pauvre lycan était si dégouté.

Et là, je comprends. Elle ne partagera jamais ma vision des choses. Personne ne le peut mais pour Karla, c'est pire. C'est une vampire. Elle verra toujours l'Homme comme un insecte sans importance uniquement créé pour satisfaire ses besoins personnels. Je me déteste pour être aussi empathique. Parfois, j'aimerai voir les humains comme tout le monde les voit. Des créatures faibles... trop tout. Trop bruyant, trop en quête de pouvoir, trop débile pour ne pas s'éteindre, trop humains.

Je chasse cette pensée négative loin dans mon cerveau et me concentre sur la journée qui nous attend. Si nous avons eu que des cours théoriques la semaine passée, nous entamons la pratique aujourd'hui.

Ida Mistle nous expliquait que lors de nos cours de pratiques, nous aurons des bagues activant nos pouvoirs momentanément. Une sorte d'amplificateur. Elle nous a également prévenu qu'ils ne fonctionnaient qu'en présence d'un professeur donc inutile de les voler. J'ai tellement hâte de découvrir la puissance de mes dons, de les sentir dans le bout de mes doigts.

Étant en avance, Karla retire ses chaussures et se met à courir en m'hurlant de la suivre. L'herbe est encore mouillée, c'est hors de question que je mette un doigt de pieds dehors mais je la suis comme je peux. Elle disparaît derrière un pan de l'Institut et j'accélère le pas.

Puis je la vois, mais je vois surtout l'étendue d'herbe, de fleurs, de fontaines à eux et d'un énorme terrain ensablé. Elle saute dans la fontaine ce qui me fait marrer.

— Mais comment tu fais ? Les vampires ne sont pas censés supporter le soleil.

— On tolère très bien le soleil, du moins ça dépend seulement de la façon dont on se nourrit.

Oh. Je vois. Je fixe de loin le terrain et me demande si nous ferons cours là-bas. Nous commençons avec Défenses Ancestrales si j'ai bonne mémoire. Le professeur est apparemment fae et j'avoue avoir une certaine appréhension... S'il est comme Enid, je ne vais vraiment pas aimer ce cours.

C'est alors qu'un groupe de jeunes arrive et je sais alors que ce sera mon groupe de classe pour cette matière. Suivant les différents cours, nous changeons. Un grand blond s'avance énergiquement vers nous et en deux trois mouvements, Karla se retrouve sur les fesses dans la fontaine. C'était quoi ça ?

— Vous saurez maintenant qu'il est interdit de se baigner dans les fontaines mesdemoiselles, lance joyeusement notre nouveau professeur.

Je réprime un sourire alors que Karla crache l'eau qu'elle a avalé, mécontente de cette petite scène. Elle me rejoint en grinchant. Nous suivons le groupe pour effectivement arriver sur le terrain de sable. Notre professeur se retourne vers nous, tout sourire.

— Bienvenues. Je suis Ark et je serai votre mentor dans les défenses ancestrales.

Il marque une pause, nous dévisageant les uns après les autres.

— Seren, quel plaisir de vous voir ici, dit alors Ark en s'inclinant légèrement.

Je n'avais même pas remarqué la présence de la naïade aux cheveux bleus. Elle a une petite mine, j'ai bien l'impression qu'elle n'arrive pas à trouver un repos réparateur.

— Bonjour Ark, dit-elle seulement en croisant les bras.

Je vais pour me retourner sur notre mentor mais un brun attire mon attention. Merde, on n'a pas encore eu cours ensemble... C'est bien ma graine ça... Ciaran est derrière moi, suivi de son acolyte de toujours Heron. Heureusement pour moi, Marianne ne fait pas partie de l'équation.

Ciaran ne se cache vraiment pas, je veux dire, il me fixe comme si c'était la chose la plus naturelle du monde. Heron passe une main devant le visage de son meilleur ami en lui reprochant de ne pas se sentir écouté alors je me retourne vivement. Karla n'a rien remarqué, alléluia cependant Seren m'adresse un clin d'œil. Je rougis et essaie de me concentrer sur les paroles d'Ark.

— Oubliez tout ce que vous pensez savoir sur la magie. Les humains étaient tellement omnibulés par le pouvoir qu'ils n'ont même pas senti venir notre magie. Ce que j'essaie de vous dire c'est que si vous vous concentrer sur quelqu'un d'autre alors vous ne vous trouverez jamais.

Il marche entre nous, nous observant simplement.

— Si vous croyez que vous recevrez tous vos dons sans soucis à vos vingt-cinq ans, vous vous trompez. L'Institut n'existerait pas si vous n'aviez pas besoin de lui. Un an, un an pour apprendre à se connaître. Un an pour vous dépasser physiquement et mentalement. Je n'ai pas le cours réputé de plus agréable mais je vous assure que vous ressortirez de mon cours, disons changés.

— Certaines personnes sont déjà différentes, pas besoin de travailler quoique ce soit, ricane quelqu'un dans mon dos.

Je me crispe, et essaie de ne pas me retourner pour lui en coller une.

— Excusez-moi ? demande alors Ark.

Il a tout entendu et même s'il ne sait pas à qui cette pique était lancée, ça ne lui plaît pas. Ark se rapproche de l'étudiant responsable de se commentaire.

— Vous, sur l'estrade. Maintenant.

— Mais... y'a aucune estrade... balbutie le garçon.

Ark claque des doigts et je sursaute en sentant le semble trembler. Une plateforme faite de bois sort littéralement du sable, j'en reste bouche bée.

— Et maintenant ? demande Ark, d'une manière sévère.

Le garçon court presque sur l'estrade, une grimace collée au visage. Ark sort alors un coffret de je-ne-sais-où et demande au garçon ce qu'il est.

— Un lycan, c'est évident quand même.

— Évident ? Je ne sais pas, vous semblez... différent d'un lycan classique. Je veux dire où sont vos muscles ?

Le reste du groupe se marre et se moque ouvertement du garçon. Sa pique se retourne alors contre lui et je pourrai faire un câlin à Ark pour ça. Celui-ci sort une bague de son étui et la lance au lycan qui la rattrape de justesse.

— Tu vas être notre cobaye lycan. Mets-là et nous aurons une démonstration de ta force.

Le lycan sourit alors de toutes ses dents et enfile la bague en moins d'une seconde. Une lumière ambrée jaillit du sol et vient illuminer la peau du lycan, il ferme les yeux et semble inspirer tout l'air autour.

— C'est bien, ressentez votre magie, l'encourage Ark en croisant les bras.

Je jette un coup d'œil à Karla qui a des étoiles dans les yeux. Elle est aussi subjuguée que moi. Lorsque la lumière disparaît sous la peau du lycan, Ark le rejoint sur l'estrade.

— Ici vous avez pu voir la puissance de l'amplificateur. La magie n'est en réalité pas sortie du sol, elle émanait de lui. Si vous pensez que le monde qui vous entoure est magique, vous n'avez pas idée de ce que vous contenez réellement. C'est une sorte d'équilibre. Si votre magie est faible, votre environnement vous mangerait tout cru. Votre magie doit être aussi grande que ce qui vous entoure. Si elle est trop puissante, c'est la même finalité. L'équilibre est ce qui fait persister la magie.

Je bois ses paroles, ayant tellement hâte de tester et de me rendre enfin compte que je ne suis pas différente et que je serai une grande sorcière un jour. Chacun son tour, nous passons sur l'estrade et la beauté de l'action est vraiment propre à chacun. Certains ont des couleurs atypiques, d'autres des odeurs, c'est tellement fascinant.

Lorsque c'est le tour de Karla, celle-ci sautille partout comme une enfant avant d'aller récupérer sa bague. Une fois sur l'estrade, elle me sourit de toutes ses dents et enfile la bague. C'est un spectacle majestueux. Je recule d'un pas tellement la puissance me projette et je sens alors une présence dans mon dos. J'ignore la sensation de picotement dans mes doigts et continue d'observer le spectacle.

— Si tu comptes rentrer en fusion avec moi Blake, il s'agirait de me prévenir.

Merde. Ciaran a chuchoté ces paroles à mon oreille et je dois me forcer à ignorer les signaux de mon corps, tout à fait hors de propos. Je déglutis et m'éloigne instantanément de deux trois mètres. Comment est-ce que c'est possible, il y a cinq minutes, il était de l'autre côté du groupe avec Heron. Encore une fois, Seren n'en perds pas une miette mais cette fois, elle ne sourit même pas et détourne vivement le regard.

Karla descend de l'estrade, plus vivante que jamais.

— Ciaran, c'est votre tour, demande Ark.

Il ne reste que trois personnes qui ne sont pas passées, Seren, Ciaran et moi. Je n'ai jamais été aussi stressée que de faire la connaissance de mes pouvoirs. Ciaran, plus ennuyé que jamais, récupère la bague directement auprès d'Ark et monte les deux marches de l'estrade sans entrain. N'est-il pas pressé ? En mettant l'anneau en face de son doigt, il se stoppe et se permet de me regarder quelques secondes. J'arque un sourcil, l'interrogeant du regard. Il soupire et enfonce la bague sans préambule.

En une fraction de seconde, un vent puissant vient nous éjecter de quelques mètres. Une douleur vive traverse mon dos et mon poignet mais je ne jure pas, immobile face à ce spectacle.

Ciaran est entouré d'une épaisse sphère blanche, ses cheveux virevoltes et Ark nous hurle de reculer. Il essaie d'attendre l'estrade, mais rien y fait, il ne peut pas traverser le halo de magie. Le temps s'assombrit rapidement et le tonnerre gronde, une pluie violente s'abat sur nous et je me mets à rire. Un rire nerveux que je ne me connaissais pas. Karla se protège la tête en me fixant comme si j'étais folle.

Je n'ai jamais ressenti ça de ma vie. C'est comme si une onde de choc m'avait ramené d'entre les morts. Trempée par la pluie, je souris à Karla en lui hurlant de profiter de ce merveilleux temps avec ironie mais elle ne semble pas entendre. Terrifiée, elle pointe mon visage d'un doigt peu confiant, ses yeux se voilent. Je fronce les sourcils et touche mon nez du bout des doigts. Un liquide brulant. Je saigne.

Mon sourire s'évanoui quand une quinte de toux me gagne et je me fige quand je vois du sang dans ma main. Karla me regarde avec la peur encrée dans les yeux mais le vent l'empêche de bouger. Une douleur vive traverse alors ma poitrine jusqu'à mon poignet.

Merde, quel mal de chien.

Je tente d'attirer l'attention d'Ark, ne comprenant pas ce qui m'arrive mais il lutte toujours pour monter sur l'estrade. Je l'entends hurler le nom de Ciaran. Il suffit que Ciaran ouvre les yeux, qu'il voit le chaos qu'il a créé. Et il le fait. Ses yeux gris accrochent les miens et pour la première fois depuis notre rencontre, je vois de la peur dans son regard. Une émotion puissante qu'il me transmet directement. Comme s'il prenait conscience de la situation, Ciaran redevient sérieux et retire rapidement la bague comme si elle l'avait brûlé. Et c'est instantané. Le vent se meurt, le halo de magie disparaît et la pluie s'arrête.

Silence. Personne ne parle, certains sont même inconscients, sur le sol. Ciaran passe une main nerveuse dans sa nuque et je vois que la situation le dérange. C'est une Ida folle de rage qui débarque en hurlant.

— Vous pouvez m'expliquer ce délire Ark ? hurle Ida, la peur panique dans la voix.

Ark nous observe en grimaçant.

— C'est ce qu'on appelle une magie très puissante. L'amplificateur est important puisque vous n'êtes pas censé avoir vos pouvoirs. Je suppose que certains ont plus d'accès à leurs dons que d'autres, soupire Ark.

Il a l'air si peu certain. Ida se mord la lèvre et cette fois, elle ne m'ignore pas.

— Lily, venez avec moi s'il vous plaît.

Des murmures s'élèvent et je me sens vexée qu'elle pense que c'est ma faute.

— Je n'ai rien fait, je me défends.

— Je sais Lily, mais tu devrais aller à l'infirmerie. Pour te soigner.

Oh. Elle dit ça parce que je suis couverte de sang. Pendant une seconde, j'ai cru qu'elle m'accusait.

— Mais je n'ai pas essayé ma bague...

— Le cours est de toute manière terminée, coupe Ark, allez dans vos dortoirs vous reposez.

J'acquiesce, n'ayant pas le choix et suis Ida jusqu'à l'Institut sans me retourner. 

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