Chapitre 1
Territoire de Magus
Le vent s'est levé et dresse le duvet sur mes bras. Concentrée dans ma lecture, je fais abstraction du bruit qui m'entoure, des enfants qui rient, des arbres en mouvements, des oiseaux qui chantent près de mon corps, allongé dans l'herbe fraichement coupée.
Le monde est en mouvement, je sens leur pas résonner dans le sol. J'entends la faune vivre et respirer l'oxygène que nous consumons. Le bruit des arbres dansant dans le vent me fais un bien fou.
Mes lèvres s'étires quand je sens la chatouille d'un papillon se posant sur mon épaule dénudée. Je quitte mon livre des yeux et l'observe en silence. Ses couleurs turquoises sont magnifiques. Lorsque j'étais petite, je voulais être réincarnée en papillon. Je les trouvais si majestueux. C'était avant de savoir que leur espérance de vie était d'une journée.
Mon amie Sora n'est toujours pas là, nous nous étions donnés rendez-vous sous le saule pleureur mais comme à son habitude, celle-ci n'est jamais à l'heure. J'essaie de me replonger dans ma lecture pour noyer mon impatience quand je sens un vent frais me picoter la peau. Mes mains se crispent presque naturellement sur le papier vieilli et je lève lentement les yeux sur le soleil qui tape toujours sur ma peau. Pourquoi aurai-je froid alors qu'aucun nuage ne couvre notre soleil ? Mon instinct s'éveille brutalement en sentant une présence dans mon dos. Je suis pétrifiée, n'osant pas me retourner. Ce froid n'est pas naturel, pas à Magus. Pas quand le monde autour de moi continue de fonctionner alors que je suis incapable de bouger. Est-ce encore un rêve ?
Plongée dans mes pensées fixant l'herbe au sol, je ne remarque que longtemps après une paire de bottines noires dans mon champs de vision. Des bottes ? Avec cette chaleur ? Le froid me saisit de plus en plus et je constate mes mains qui virent de couleur. Mon souffle devient saccadé, je prend mon courage à deux mains et relève le visage vers l'inconnu qui refroidi mon monde.
Ni lui, ni moi ne parlons. Nous restons comme à ça plusieurs secondes, voire minutes et si je pensais être pétrifiée, ce n'était rien comparé à cet instant.
— Toi, souffle l'inconnu.
La panique me submerge et je décroche enfin mes yeux des siens. Pourquoi personne ne remarque sa présence ténébreuse. Il n'est pas des nôtres. Cet homme n'est pas un sorcier.
Serais-je entrain de rêver ? Il ressemble tellement à cette ombre dans mes rêves.
— Rêves-tu de moi ? demande-t-il de sa voix rauque.
Je me fige, tout en essayant de cacher mes membres tremblants. Peut-il lire dans mes pensées ? J'aurai ris à une tellement absurdité s'il n'avait pas raison.
Je hoche frénétiquement la tête de gauche à droite et me lève d'un bond. Même debout, il est plus grand d'une vingtaine de centimètres et ses yeux gris me toisent d'un air étrange. Je n'ai jamais vu un regard aussi magnétique.
— Tu es un suceur de sang n'est-ce pas ? je murmure pour ne pas attirer l'attention.
Je ne savais pas d'où me venait cette certitude. Je n'avais jamais vu de vampire de toute mon existence, il aura fallu vingt deux ans pour en rencontrer un.
Son visage est toujours hermétiquement fermé. Que fait un vampire sur le territoire Magus ? C'est impossible. Et pourquoi personne d'autres ne le remarque ? Aussitôt je pense à Sora. Merde, si elle le voit ici, c'est une catastrophe. J'aimerai crier mais si personne ne fait attention a lui, c'est moi qu'on va interner.
— J'ai besoin de te parler, dit-il simplement alors que je sursaute. Je ne me suis toujours pas habituée à entendre le son de sa voix. Mon coeur bat très vite et je me demande s'il le sent.
— Mais qui est-tu ? je crache en ayant marre de me sentir acculée.
Il recule d'un pas et jette un coup d'oeil autour de lui tout en plissant des yeux.
— Tu es la seule à voir ma véritable nature, je ne sais pas comment c'est possible mais ça prouve peut-être que c'est bien toi que je cherchais.
Ma peau frissonne, je ramasse mes affaires et lui intime de me suivre. Il veut me parler ? Très bien, je prend ce risque mais pas en public.
— Où m'emmènes-tu ?
— Chez moi, je grogne.
Je ne sais pas pourquoi mais je pense alors à Wren, qui lui n'a jamais eu le droit de rentrer chez moi. Une stupide loi implique l'interdiction du promis de rentrer chez la promise avant leur pacte. Dans trois ans, Wren pourra rentrer et cela me réchauffe le coeur avant que ce suceur de sang ne ruine ce moment.
— C'est rapide, se moque-t-il en faisant référence à ma réponse.
Je m'arrête net et le pointe du doigt, la colère montant en moi.
— Oublie ça tout de suite. Jamais, j'ai bien dit jamais je ne te toucherai espèce de monstre. Tu empestes le sang, c'est immonde.
La pique ne lui plaît pas, je peux le voir à ses yeux qui s'assombrissent et je me frappe mentalement d'avoir insulté un vampire. Il pourrait me vider de mon sang dans la seconde. Le pire, c'est que justement je pensais qu'il empesterait le sang alors que j'ai menti. Il sent même bon. Quel genre de charme porte ce vampire ?
— Parfait sorcière. Parce que je préférerai qu'on m'enfonce un pieu dans le coeur que de te toucher du bout des doigts, je préfèrerai même sucer le sang d'un cadavre que de boire ton sang, susurre t-il en se rapprochant dangereusement de moi.
Je recule doucement et trébuche presque. L'inconnu n'a pas bougé d'un poil, satisfait de la peur qu'il peut lire dans mes yeux. Je devrais peut-être être reconnaissante. Il dit ne pas vouloir boire mon sang alors pourquoi est-il ici ?
La route se fait en silence, il observe les horizons et il est vrai que je connais ces paysages depuis mon enfance mais cela peut être fascinant pour quelqu'un qui n'y vit pas. Nous vivons le plus près des arbres possible. Leur couleur ravie selon les saisons et nous permet de nous repérer dans le temps. J'habite à une dizaine de minutes à pieds du parc, j'espère simplement que mes parents ne seront pas rentrés alors que j'emmène un inconnu dans notre demeure. Un vampire, qui plus est.
Est-tu folle ? Tu invites vraiment un vampire chez toi ? Quelque chose ne tourne vraiment pas rond là haut, je pense.
Devant l'entrée, je me fige une nouvelle fois n'étant pas sûre de moi. Et s'il allait me faire du mal ? J'aurai peut-être du y penser avant. Que ferait Sora si elle était à ma place ? Je souris alors en pensant qu'elle se jetterai sur lui pour l'embrasser. Elle a toujours eu une admiration pour les autres créatures que les sorciers.
— Tu es vraiment étrange, se moque le vampire.
Mon sourire disparaît et je reviens à la réalité. Plus vite il sera à l'intérieur et plus vite il disparaitra de ma vie.
Lorsque je passe le bas de la porte et qu'il me suit, je bloque ma respiration comme si la maison allait exploser.
— Tu n'as pas besoin de demander à l'hôte si tu peux rentrer ?
Le garçon ne me regarde même pas, trop occupé à examiner le décor de mon entrée.
— C'est une légende ça, on rentre où on veux et quand on veux.
Le ton de sa voix était las alors que ses yeux me faisait croire qu'il s'agissait plutôt d'une menace.
Il me suit alors gentiment jusqu'à ma chambre, quitte à ne pas se faire prendre, autant prendre toutes les précautions possibles. Je ne l'invite pas à s'asseoir sur mon lit, et puis quoi encore ? Si Sora l'apprenait, elle me ferait la morale.
Le vampire ne perd pas de temps, il s'approche de la fenêtre et observe les horizons comme s'il était recherché par les six royaumes en même temps.
— Les choses vont changer. Le monde que tu connais ne ressemblera bientôt plus à ça.
Il marque une pause, l'âme en peine. J'aimerai prendre un air sérieux mais je me met à rire. Un rire qui semble le déstabiliser le temps d'une seconde.
— Attends, tu débarques dans ma vie, tu me fais la trouille de ma vie et pour quoi ? Pour me dire ça ?
J'arrête de rire et le regarde plus sérieusement.
— Ecoute, je pense que tu t'es trompé de personne. Je ne suis personne. Je suis juste la fille d'un consultant au Conseil. Quoi que tu veuilles, je ne peux pas t'aider.
Le garçon reste stoïque, comme si je l'ennuyai.
— Je sais que c'est toi. Impossible de savoir pourquoi mais tu es liée à cette histoire comme je le suis malgré moi. Mon père...
Je le coupe en me levant du lit.
— C'est impossible. Je suis une petite sorcière moyenne, qui va être promise à mon meilleur ami d'enfance et qui va être herboriste toute sa vie. Je n'ai rien d'exceptionnel, vampire.
C'est dur à dire mais c'est la vérité. Je n'aspire à de grandes choses. Lorsque je le détaille, je vois bien qu'il vient d'une famille puissante. Que ce soit sa carrure, la façon dont il a de se tenir droit ou encore ce que son regard dégage. Il se trompe de personne.
Le garçon se rapproche et mon coeur bat plus vite malgré moi.
— Parce que tu crois que je ne le sais pas ? Tu respires la pauvreté d'ambition. Si tu étais dans mon monde, tu ne tiendrai pas deux minutes. Je n'ai aucune confiance en toi, dans les sorcières et dans vos manigances mais une chose est sûre. Le monde va changer et tu vas y participer que tu le veuilles ou non.
Le silence qui s'en suit est pesant. Malgré moi, ses mots m'atteignent en plein coeur.
— Soit. Qu'est-ce qui va changer d'après toi vampire ? je demande en levant les bras au ciel.
Il se gratte l'arrière de la nuque.
— J'ai entendu mon père dire que le Conseil va bientôt faire une annonce. Une annonce qui va changer le cour de la vie de notre génération.Que ce soit nous vampire, vous sorcières, faes, lycans, naïades ou autres créatures perdue, personne n'y échappera.
La froideur de sa voix atteint ma peau et frissonne. Cela ne veut rien dire.
— Et quoi ? Disons que tu dis vrai, si cela est la décision du Conseil, alors nous ne pourrons rien faire. Ce sont les plus puissants, les plus adorés et les plus craints. S'ils décident de faire un génocide et de tous nous tuer, personne ne pourra rien y faire alors s'ils changent une loi ? C'est pareil, vampire.
Je ne connais même pas son nom. A-t-il un nom commun ? Propre aux vampires ? Original ?
Celui-ci refuse de m'écouter, il tourne en rond dans ma minuscule chambre et fatiguée de toute cette montée d'adrénaline, je me pose sur mon lit. Je soupire doucement.
— Eh. Tu me donnes le tournis, je me plains.
Le vampire ne m'écoute toujours pas.
— Tu comprends pas sorcière. Y'a tellement plus en jeu. Notre monde n'a jamais été aussi ébranlé. Les choses commencent déjà à changer et tu es dans ma tête, toutes les nuits. Au départ, tu n'étais qu'un bruit, qu'une ombre et tout est devenu plus clair. Et ensuite, j'entend mon père avoir une conversation secrète comme quoi...
Sa voix se meurt et il se gratte à nouveau l'arrière de la tête.
— Quoi ? Comme quoi ? je l'intime de continuer en ignorant la première partie de son monologue. Parce que si, je dis bien si il dit vrai, je suis en effet moi aussi liée à lui et ça ne me plait pas du tout.
— Comme quoi la prophétie n'est pas morte. Comme quoi une jeune fille n'est pas celle qu'elle prétend être. Tu vas me prendre pour un fou mais j'ai tout de suite pensé que cette fille, c'est celle qui hante mes nuits. J'avais comme l'intime pressentiment que...
Nous nous regardons, droit dans les yeux et la tension n'a jamais été aussi tendue.
— C'est toi. Je pense que tu es celle qui va changer le futur des six royaumes.
Je romps nos regards et me contente de fixer mes mains. Je le savais. Il se trompe. Cela ne peut pas être moi. Je suis une sorcière née de tout ce qu'il y a de plus normale. Je n'ai jamais eu cette petite étincelle que je peux parfois lire dans mes bouquins. Je ne suis pas une sorte d'élue. Je suis juste moi et ce vampire doit rentrer chez lui.
— Parle moi, murmure le vampire en s'agenouillant devant moi.
Il est magnétique. Peut-être que je pense cela parce que je n'avais jamais vu de vampires avant. Peut-être qu'ils sont tous comme ça.
— Rentre chez toi suceur de sang, je dis simplement en me levant et en le contournant.
Je lui tourne le dos pour descendre et le raccompagner à la porte.
— Et puis, la prochaine fois, paie un fae qui ne t'arnaques pas. Je n'aurai pas du pouvoir voir ta véritable nature.
Mais je ne le raccompagne jamais à la porte. Il m'attrape le poignet d'une main puissante et je me retourne en hurlant. C'est comme si la foudre m'avait choisi comme point d'encrage. La douleur est calcinante, tout est au ralenti. Je sens mon coeur ralentir péniblement tout en continuant de hurler et je le vois, à travers ma douleur. Le vampire est aussi malheureux que moi, criant lui aussi comme si on lui arrachait le coeur à mains nues. Nos regards se posent sur sa main entourant mon poignet et on a beau essayé de se retirer que nous sommes collés, comme si la chair avait fondu entre nos deux corps. Ma vision se trouble, mes larmes dévalent mon visage et j'agonise. Je prie pour que la douleur s'arrête mais elle dure une éternité.
Le vampire hurle à en faire trembler les murs et parvient à retirer sa main, nos deux chairs à vif. Je n'ose pas toucher mon poignet, hyperventilant. Le vampire fixe sa main horrifié.
Nous nous regardons pendant quelques secondes, tous les deux terrifiés mais je m'écroule au sol, perdant connaissance.
*
Je ne me suis jamais réveillée avec une migraine aussi puissante. Lorsque je me redresse sur les coudes, je suis étonnée de me trouver par terre sur la moquette de ma chambre. Je ne me suis quand même pas endormie au sol tout de même ?
Je balaie la pièce des yeux et suis surprise de voir l'état de celle-ci. J'ai toujours été perfectionniste et voir autant de bordel dans ma chambre me laisse dubitative. Pire encore, je ne me souviens pas de la veille. C'est comme si un ouragan avait traversé ma chambre et ma tête en même temps.
En me mettant debout, je grimace en sentant une sorte de gêne sur mon poignet droit. Je loupe un battement en découvrant une cicatrice de brûlure qui me prend le tour complet de l'avant bras. Je la touche, choquée de voir une cicatrice blanche comme si je m'étais brûlée des années de ça pourtant je ne me suis jamais brûlée de ma vie et même si je ne me souviens pas de la veille, je n'aurai pas pu me brûler et avoir cicatrisé en quelques heures.
Qu'est-ce qui m'arrive bordel ?
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top