*Vivez*

Cela faisait un mois. Un mois que Grainné était morte. Un mois qu'Atalante et Médée erraient sur le continent, évitant les grands villages, car la prime pour la tête de la jeune sorcière avait encore augmenté.
- N'empêche, commença Atalante, je pense toujours que c'était une mauvaise idée de lui laisser son corps.
- Je m'en fiche. De toute façon, qu'est-ce qu'on en aurait fait ?
- On l'aurait enterré à Fiore, avec ma mère et Isil !
- Qui te dit qu'il ne l'a pas fait ?
- Quand même... on ne sait rien de lui...
- Mais elle a décidé de mourir dans ses bras, le sourire aux lèvres. Ça veut tout dire. Et puis, il y a plus important. J'ai quelque chose à faire et je comprendrais que tu ne veuilles pas me suivre.
Atalante paru étonnée.
- Qu'est-ce que c'est ?
- Tu le sais bien : je dois exterminer les dieux. Aujourd'hui plus que jamais. Mais à l'heure qu'il est, ce serai normal que tu sois réticente, tes blessures ne sont pas bien guéries.
Atalante l'observa un instant, silencieuse, puis sourit.
- Pourquoi aurais-je abandonné ? Tout ce que je souhaite, c'est qu'ils disparaissent pour de bon. Je ne serai pas tranquille avant ça. Et puis...
- Hein ? Qu'y a-t-il ?
- Je me sens... différente. J'ai l'impression d'être au moins dix fois plus puissante qu'avant.
Médée se rapprocha, sceptique.
- Tu veux dire... comme si tu avais été exorcisée ?
Atalante acquiesça.
- C'est impossible... tu n'as subi aucune exorcisme ! Le démon doit toujours être en toi !
- Je n'en suis pas sûre... J'ai failli mourir ce jour-là, je le sais. Je pense... que le démon s'est sacrifié pour que je vive, ou plutôt pour que je mène à bien ma vengeance.
Médée ne savait pas quoi dire. Tout ça était bien loin de ce qu'elle aurait pu imaginer.
- Enfin bon, continua Atalante, ça ne fait que nous rapprocher de notre objectif !
- Oui, tu as sans doute raison.
- Alors ? Comment on va faire ? Je veux dire, il reste encore beaucoup de dieux, les chercher et les tuer un par un va nous prendre des années !
- Je sais. C'est pour ça qu'on va changer de méthode : on va tous les attirer au même endroit. Leur roi est mort, la seule chose qu'ils veulent à présent est sûrement de le venger. C'est l'occasion rêvée.
- Mais comment on va s'y prendre ?
- Ne t'inquiète pas pour ça, ça va être un jeu d'enfant !


- Tu es sûre qu'ils vont venir ?
- Évidemment, c'est un endroit symbolique pour eux.
Devant elles s'étendait ce qu'on appelle maintenant la Vallée de la Mort : le lieu où les Valkyries furent décimées.
- Regardes-moi ça... souffla Atalante. Ça fait un an et l'herbe est encore rouge de leur sang.
- Répugnant.
Elles restèrent ainsi longtemps à contempler cette plaine qu'elles avaient elles-mêmes souillé, en se remémorant chaque instant de leur misérable existence, et se rappelant le visage déjà lointain de leur défunte amie.
Le jour commençait à se lever. Soudain descendit du ciel une lumière aux couleurs encore inconnues, et des centaines de silhouettes enragées se dessinèrent bientôt sous les yeux décidés des deux jeunes amies.
- C'est donc ici que vous vous cachiez ! Lança une grande femme aux longs cheveux d’ébène.
- Nott je présume ? L'ignora Médée. Tiens, Baldr n'est pas présent. Peu importe, il finira lui aussi par mourir de toute façon.
- Sorcière, comment ose-tu ?! S'indigna la déesse Sif.
- Ne perdons pas plus de temps. Lança Atalante. Cela fait bien trop longtemps que nous vous attendons.
Un homme d'au moins deux mètres de haut à la longue chevelure dorée, tenant un étrange marteau à la main, s'avança à son tour.
- Nous prendriez-vous de haut, Inhumaines ?
Médée sourit.
- Parfaitement.
Piqués, tous les dieux prirent les armes et la tuerie débuta. Sans même leur laisser le temps de réagir, Médée déclencha la totalité des pièges qu'elle avait soigneusement disposé, de sorte qu'une énorme explosion ravagea la vallée. Quelques-uns y laissèrent la vie, et d'autres furent gravement blessés. Atalante profita de la confusion pour en abattre une vingtaine. Les survivants se trouvaient, bien évidemment, être les plus puissants.
- Ça va pas être une partie de plaisir de plaisir, Médée !
- Je sais, mais c'est trop tard pour reculer !
La grande blonde sourit.
- Je sens que je vais quand même m'amuser !

La Vallée de la Mort n'était plus qu'un amas de cadavres défigurés par la douleur, la honte et la haine. Au sommet trônaient les Inhumaines, adossées l'une contre l'autre. Atalante était silencieuse, et Médée pleurait toutes les larmes de son corps.
- Pardonnes-moi Atalante... Pardonnes-moi... Ça ne devait pas se passer comme ça...
Elle se lamentait mais son amie ne lui répondait plus, car le cœur arraché, elle avait depuis longtemps succombé.

Atalante fut enterrée aux côtés de sa mère, aux abords du village de Fiore, ou du moins ce qu'il en restait. Médée s'était recueillie toute la journée, n'osant même plus frôler la tombe d'Isil de ses mains baignées dans le sang.
Elle aurait voulu lui dire, tout lui raconter, dans les moindres détails, mais elle n'en eu pas le courage. Que lui aurait-elle dit ? Qu'elle était devenue complètement folle ? Qu'elle était à présent la criminelle la plus recherchée du continent ? Qu'elle avait causé la mort de celles qu'elle considérait comme ses sœurs ? Qu'elle n'avait pensé qu'à elle, comme une égoïste ? Ou alors qu'elle lui manquait ? Elle avait honte, tellement honte... Si sa mère lui avait fait face, à cet instant précis, elle aurait été incapable de la regarder dans les yeux.
Elle pleura une dernière fois, puis se releva, les yeux rougis.
- Trecy, Atalante et Maman, reposez-vous bien.
Elle retint une larme, expira puis reprit.
- Adieu.
Et elle s'éloigna, cette fois-ci sans se retourner.

Il ne restait désormais plus qu'un seul dieu en vie : Baldr. Il était le dernier, et devait certainement se cacher comme un lâche quelque part sur le continent, Car Asgard, sa précieuse terre, n'était plus qu'un lointain passé que lui et les humains devaient oublier.
Médée ne savait pas où le trouver, et espérait secrètement ne plus jamais le recroiser. Elle arpentait les routes, traversait les régions et s'éloignaient des villages.
Elle ne savait pas où elle allait, souhaitant silencieusement que la mort vienne la trouver. Lorsqu'elle cessa enfin de marcher, son regard se posa sur un vieux chalet décrépi, ancien souvenir d'un passé délaissé.
- Baldr...
Elle se rappela sa première venue dans cet abri, et se demanda pourquoi ses pas l'avaient conduite là.
Ses jambes se déplacèrent de nouveau, et elle poussa, avec toutes les précautions du monde, la petite porte d'entrée. Le mobilier n'avait pas bougé, dans la cheminée la cendre s'était accumulée et une affreuse odeur de moisi régnait dans la pièce.
- Personne...
Elle ressortit et après un instant d'hésitation, en fit le tour et trouva à l'arrière un immense cimetière clandestin. Elle lu sur l'une des pierres « Sif », et sur une autre « Thor ». elle avança sans conviction dans ce lieu sacré, et y aperçu enfin un grand blond agenouillé face à la plus imposante et la plus majestueuse des tombes.
- Mère... Mère... Ne cessait-il de pleurer.
Sa musculature avait complètement disparu, et la plupart de ses os étaient visibles sous sa peau. Il n'avait plus rien d'un dieu.
- Alors c'est ici que tu te cachais...
Elle l'observa un instant.
- En tout cas tu as pas mal changé...
- Tais-toi. Comment oses-tu...
- Tu crois être le seul à avoir souffert ? Vous les dieux, vraiment égoïstes jusqu'à la fin...
- Tu es venue me tuer ?
- Je suppose que oui.
- Ça ne me dérange pas, je suis seul de toute façon, il ne me reste plus rien. Mais...
Il se retourna subitement et s'élança vers Médée, une dague à la main.
- Je t'emporterai avec moi !
Sa force et sa vitesse avaient grandement diminué, et elle n'eut par conséquent aucun mal à esquiver son coup. Pour toute réponse, elle se saisit de son arme et lui trancha la gorge. Le pauvre homme tomba à terre, et se vida de son sang, dans une douleur silencieuse.
- Ça... ne me suffit pas !
Elle se jeta sur lui et le poignarda inlassablement au niveau de la première blessure qu'elle lui avait infligé, de sorte que sa tête se détacha petit à petit de son corps.
- Ça c'est pour mon village, pour ma mère, pour Trecy, Atalante, Grainné... et Heimdall !
Elle éclata en sanglots.
- Je ne te le pardonnerai jamais, Baldr !

Il était déjà midi, mais de sombres nuages empêchaient le moindre petit rayon de soleil de passer. Le village d'Hage, au sein de l'empire de Parthévia, paraissait presque sans vie : un temps aussi maussade ne présageait jamais rien de bon. Les habitants, très superstitieux, préféraient rester cloîtrés chez eux.
Médée avançait d'un pas lourd, le dos voûté et la tête entrée. Les quelques villageois ayant osé s'aventurer hors de leurs petites maisonnettes, se figeaient d'horreur lors du passage de la sorcière. Au bout d'une longue et interminable minute, un homme imposant, plutôt bien habillé, certainement un soldat au service du seigneur de ces terres, l'interpella.
- Toi là, que tiens-tu dans ta main ?!
Médée ne compris pas immédiatement que c'était à elle qu'il s'adressant, et quand ce fut le cas, elle souleva nonchalamment la tête blonde immaculée de sang qu'elle transportait, et la lui tendit.
- Ça ?
- As-tu tué cet homme ?!
Elle observa un instant la boule en décomposition.
- Oui.
L'homme paru surpris. Elle ne tentait même pas de cacher son crime, elle avouait presque comme si elle en était fière.
- Lâches ça sur le champ, et rends-toi !
Elle s'exécuta. Elle n'avait aucune intention de résister. Tout était fini. Les dieux étaient morts, Grainné et Atalante aussi, Heimdall devait être libre. Elle n'avait plus de raison de lutter.
- Ton nom ?
- Médée Corinthe.
- Ne me dis pas que tu es...
Elle ne répondit pas, et se laissa seulement arrêter.
- Tu vas être emmenée à la capitale, où tu seras jugée.
Elle acquiesça. A présent, c'était de toute façon la seule chose qu'elle pouvait faire.

Son jugement arriva une semaine plus tard à Patri, la plus grande ville de l'empire. La jeune femme était recherchée à travers tout le continent comme conspiratrice contre les dieux, les humains ne s'étant toujours pas rendus compte que leurs divinités avaient définitivement disparues. Ceci la réconforta un peu dans son malheur.
Ce jugement, donc, n'en était pas véritablement un : il n'en avait tout au plus que l'apparence, car la sentence avait depuis longtemps été décidée.
Au cours de son procès, Médée s'étonna qu'Atalante ai accepté de rejoindre leur armée, et se trouva comme qui dirait répugnée par ces personnages, qui lui paraissaient en un sens plus ignobles que les Asgardiens. Enfin, cela ne la concernait plus. Ce fut lorsque midi sonna qu'on l'amena sur la place publique, où une foule incroyable s'était accumulée, comme à un spectacle. D'un autre côté, c'en était un. On la fit monter sur une petite estrade, à la vue de tous, et elle s'agenouilla. Étrangement, personne ne parlait, tout était étonnamment calme. Un homme s'avança derrière la condamnée, brandissant fièrement une hache parfaitement aiguisée. Le regard de Médée balaya une dernière fois l'assemblée, et celui-ci s'arrêta sur un grand roux qui ne souriait plus. Non, il pleurait et murmurait le prénom de la jeune femme. À sa vue, son cœur se déchira.
« Que fait-il ici ? Ah, tout aurait été tellement plus simple s'il n'était pas venu.. »
Elle rassembla le peu de courage qui lui restait, et lui offrit son plus beau sourire.
- Vivez Heimdall. Vivez cette vie que nous n'avons pas pu avoir.
Puis la sentence tomba, scellant à jamais cette promesse silencieuse.

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