*Les mots du cœur*

Grainné errait dans le camp, l'esprit embrouillé. Cela faisait deux jours qu'elle était rentré de sa mission de reconnaissance, en portant sur ses épaules le corps inconscient de Diarmuid. Il s'était réveillé la veille, mais elle n'avait pas osé lui rendre visite. Peut-être ne voudrait-il plus la voir ? Peut-être allait-il la dénoncer ? Être un Inhumain était un crime, et il fallait sévèrement le punir.
Elle fini par s'asseoir contre un arbre, à l'écart de tous elle entendit des pas se rapprocher et quand elle releva la tête, elle tomba nez à nez avec Fiona.
- C'est donc ainsi que tu gère la situation...
- Hein, de quoi parlez-vous ?
- J'ai lu le rapport de mission. Tes coéquipiers ont dit que tu étais partie aider un camarade qui faisait face à un dieu.
- Et alors ?
- J'imagine très facilement ce qu'il s'est passé. N'oublie pas que je sais qui tu es réellement.
Grainné frissonna.
- Laissez-moi.
- Il t'a vu le tuer ?
Elle acquiesça silencieusement.
- Je vois, tu t'es mise dans de beaux draps.
- Pas besoin de me le dire, je le sais déjà.
- Alors que vas-tu faire ? Tu vas le tuer pour le faire taire ?
- Bien sûr que non ! Jamais de la vie !
Fiona paru satisfaite de cette réponse, et se mit à réfléchir.
- Si tu veux mon avis, je ne pense pas qu'il t'ai dénoncée. J'en suis même certaine, car sinon tu serai déjà décapitée à l'heure qu'il est. De plus, les premiers mots qu'il prononça à son réveil furent : « C'est Hans ».
- Alors c'était lui la taupe...
La grande rousse fronça les sourcils.
- Je sais que tu ne me porte pas particulièrement dans ton cœur, mais j'aimerai que tu m'écoute encore un peu.
Grainné compris au ton de sa voix qu'il ne s'agissait certainement plus d'une simple discussion entre une mère et sa fille.
- J'ai récemment entendu parlé d'une troupe d'espions infiltrés au sein de notre armée. Leur chef se trouverai encore à Parthévia, attendant le retour de ses informateurs.
- Et ? En quoi cela me concerne-t-il ?
- On a réussi à capturer Hans, et il avoué très rapidement. Il nous a révélé qu'il n'avait jamais eu connaissance de l'identité de leur commandant, car ils ne se parlaient qu'à visages couverts. Toutefois, il nous assuré qu'il s'agissait d'une femme. Elle se fait appeler « Sin ».
- Le pêché...
- Il nous a aussi indiqué que des rumeurs comme quoi elle aurai tué des dieux se sont répandues un peu partout dans Parthévia.
- Ce serai une Inhumaine ?
- Je n'en sais rien. Une rumeur n'est qu'une rumeur. Mais je ne peux écarter cette possibilité.
- Je comprends. Mais je ne vous serai d'aucune aide : j'ai coupé les ponts depuis un petit moment. Qu'elles s'investissent dans une quelconque guerre ne m'intéresse et ne me regarde pas. Tout ce que je veux, c'est qu'elles me laissent tranquille.
Fiona était choquée par l'attitude de Grainné, mais réalisa qu'elle n'avait pas son mot à dire, par sa simple absence. Elle se contenta de soupirer.
- J'en ai donc fini. Si jamais tu as du nouveau, préviens-moi.
Elle se retourna.
- Ah et tu devrais aller le voir : il a demandé de tes nouvelles. La preuve qu'il s'inquiète à ton sujet.
Grainné l'observa s'éloigner.
- D'accord.

Grainné était tétanisée, et n'osait pas pénétrer dans la petite tente où se reposait Diarmuid. Elle pensa à faire demi-tour, mais elle se rappela qu'elle lui devait bien quelques explications. Pourtant, quand elle se retrouva face à lui, elle perdit tous ses moyens.
- Je...
- Vous allez bien Grainné, ça me rassure. J'avais peur que vous ayez été blessée, vous aussi.
Aucune haine, comme à son habitude. Il paraissait seulement soulagé, et un peu fatigué.
Grainné redoutait le moment où ils devraient en parler. Elle passa sa main sur son bras, et le caressa nerveusement.
- Vous avez peur ? Questionna-t-il soudainement.
- Bien sûr. Vous avez vu ce dont je suis capable, vous avez vu ce que je suis réellement.
- Et donc ?
Elle paru surprise.
- Vous n'allez pas me dénoncer ?
- Pourquoi je le ferai ? Vous m'avez sauvé la vie.
- Le problème n'est pas là : les gens comme moi sont considérés comme une menace à cause de leur puissance.
Il sourit affectueusement.
- Les humains ont peur de ce qu'ils ne comprennent pas, de ce qui les dépasse, et leur donne une interprétation qui n'est pas toujours la bonne. C'est élémentaire. Mais à mes yeux, tout a une explication rationnelle, et rien en ce monde n'est blanc ou noir. Tout est nuancé.
- Notre puissance vient d'un démon ! Nous ne pouvons qu'être mauvais !
- La puissance n'est qu'un outil Grainné, comme la hache ou l'épée : ni bon, ni mauvais. C'est l'utilisation qu'on en fait qui détermine le juste et l'injuste. Et je ne pense pas que vous soyez une mauvaise personne.
- Vous n'avez aucune idée de ce que j'ai pu faire par le passé.
- Et vous non plus.
Son regard s'assombrit.
- Au nom de mon pays, de ma patrie, j'ai tué des hommes qui pleuraient, cachés derrière un arbre, en priant pour un jour revoir leurs enfants. Combien de familles, à votre avis, j'ai brisé avec une simple lame fixée à un bout de bois ? Je pense avoir les mains bien plus sales que vous. Et pourtant... aussi monstrueuse soit-elle, une âme a, à mes yeux, toujours droit au bonheur. Alors cessez de vous morfondre, et allez de l'avant.
- Je ne peux pas. Mon passé ne cesse de me hanter, et il a fait de moi le monstre que je suis devenue.
Il se rapprocha pour se positionner à quelques centimètres d'elle.
- Si je comprends bien, vous pensez que c'est votre passé qui détermine qui vous êtes aujourd'hui. Mais si je suis votre raisonnement, c'est donc votre présent qui définira votre futur. Par conséquent, vous avez le potentiel de devenir celle que vous souhaitez.
Grainné recula, perturbée. Qu'essayait-il de faire ? Elle avait fini par accepter son destin, et voilà qu'il ravivait en elle cette flamme d'espoir.
- Je... Je ne sais pas... Je ne sais plus...
Tout était confus dans sa tête. Oui elle voulait le croire, elle voulait céder à ses paroles, oublier les dieux et sa vengeance pour s'adonner au bonheur, mais dès qu'elle y songeait, les corps mutilé d'Isil et calciné de Trecy lui revenaient à l'esprit. Ces femmes et tous les habitants de son village étaient morts dans d'atroces souffrances : elle n'avait pas le droit au bonheur.
- Grainné...
- Je ne peux pas... Je dois les venger... Je ne peux pas les abandonner...
Toutes les images de cette nuit cauchemardesque défilaient sous ses yeux, ainsi que tous les meurtres qu'elle avait commis. Cela la rendait folle : elle secouait la tête en s'enfonçant les ongles dans le crâne en espérant que ça cesse.
- Grainné calmez-vous...
- Je n'y arrive pas ! Je n'y arrive pas...
Une soudaine migraine lui pris, intensifiant son mal.
Diarmuid se saisi des joues rougies par la douleur de la jeune femme et, sans qu'elle ne s'y attende, l'embrassa.
Grainné se stoppa, prise de court.
- Êtes-vous calmée à présent ?
- P-Pourquoi... ?
Il lui sourit nerveusement.
- J'aurai préféré vous faire ma déclaration dans d'autres circonstances...
Elle ne su pas quoi lui répondre. Elle sentie son visage rougir, et elle compris qu'elle n'arriverai pas à aligner trois mots.
- En fait, ça fait déjà un petit moment que pense à tout ça... Bafouilla-t-il. Seulement, je ne savais pas vraiment comment vous en parler...
Grainné eu envie de pleurer, de tristesse ou de joie, elle n'en savait trop rien. Elle avait juste l'impression que la glace qui avait pris possession de son cœur ces dernières années, commençait enfin à fondre, avec un simple de baiser de sa part.
- Je...
Elle éclata en sanglots.
- Grainné je suis désolé je n'aurai pas dû...
- Recommencez. Encore et encore. Je vous en supplie. Tout ce que je veux, c'est ressentir cette même sensation tous les jours jusqu'à ma mort. Oui, c'est tout ce que je désire...
Le jeune homme était tout bouleversé, ne sachant pas réellement comment gérer la situation. Alors pour toute réponse, il répondit à ses attentes et posa une seconde fois, avec bien plus de tendresse que la première, ses lèvres sur les siennes.

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