Protégée par la barrière magique qu'elle avait érigée, Médée enchaînait les sorts offensifs, sans que ses adversaires ne puissent la blesser.
« J'en ai déjà tué pas mal, mais la barrière ne tiendra plus très longtemps. Et je n'ai clairement pas le temps de faire une grosse incantation. Il faut que je trouve une solution, et vite ! »
Elle avait beau réfléchir, elle ne trouvait rien, et sa protection ne cessait de se fragiliser.
« La barrière... elle va céder ! »
Comme promis, celle-ci vola en éclats, et toutes les guerrières qui l'entouraient se jetèrent violemment sur elle.
« Nous... voulons... les... tuer... Laisses-nous... les tuer... »
- Hein... ?
Soudain, le temps paru se figer, et Médée fut plongée dans le noir le plus complet. Quand elle rouvrit les yeux, elle se trouvait dans une immensité immaculée, dont elle ne discernait pas la fin. En face d'elle se forma alors une ombre souriant à vous en glacer le sang.
- Qui es-tu ? Se risqua Médée.
- Nous... voulons tuer... Nous voulons les tuer...
- « Nous » ? Je ne vois pourtant que toi.
- Autrefois nous étions « je »... Mais maintenant nous ne sommes plus qu'un... Nous sommes... « Nous »...
Médée ne comprenait rien. Elle ne savait ni où elle était, ni avec qui.
- Et... qui veux-tu tuer ?
- Eux...
- « Eux » ?
- Les gens. Ceux qui sourient... Ceux qui pleurent... Ceux qui crient... Ils nous exècrent...
- Donc... Tu veux tuer tout le monde... Mais pourquoi ?
- Ils... ne souffrent pas...
- Et toi... Tu souffres ?
- Nous avons mal... Nous avons... vraiment très mal...
- Je vois...
- Laisses-nous les tuer... Rejoins-nous...
- Pourquoi je ferai ça ?
- Parce que tu souffres... Nous voulons... nous venger...
L'ombre tendit lentement sa main, et Médée la fixa, indécise.
- Bah... Pourquoi pas...
Puis avec une détermination nouvelle, elle s'en saisit, la rage au ventre.
« Vengeons-nous du bonheur. »

Elle se réveilla de nouveau dans la Vallée Étoilée, brandissant une épée immaculée de sang, et un amas de cadavres l'entourant.
- Cette épée...
- Elle est à une Valkyrie. Lui expliqua Atalante. Tu lui a prise et tu t'es littéralement déchaînée en criant : « Nous voulons les tuer ! Nous voulons nous venger du bonheur ! ». Résultat des courses : il ne reste plus personne à tuer, tu t'en es personnellement occupée.
- C'est impossible... Je ne m'en souviens même pas...
Grainné observait la scène de loin, inquiète.
« - Binaire...
- Oui, c'était une possession. Et elle était particulièrement violente.
- Ce qui veut dire qu'on a plus beaucoup de temps.
- D'ici un an ou un an et demi, la possession sera complète : elle ne fera plus qu'un avec le démon. Et je ne sais pas où en est Atalante.
- Je le sens... vraiment très mal... »
Médée essayait de se remémorer tant bien que mal son récent carnage, quand elle entendit soudain un battement régulier, comme celui d'un tambour. Il résonnait dans sa tête, faisait vibrer ses tympans et bouillir son sang.
« Elle... souffre... »
Médée tourna lentement la tête vers la source de ce vacarme. Elle fut horrifiée de découvrir que ses soupçons étaient justes lorsque ses yeux se posèrent sur le corps presque sans vie d'une des Valkyries.
- Son cœur... Il bat encore... Souffla Médée.
- Tiens, elle est encore en vie celle-là ! S'écria Atalante, étonnement surprise.
« Nous... voulons... qu'elle s'unisse à nous... Elle... souffre... »
Médée ne savait pas quoi faire : son esprit lui dictait de quitter ces lieux le plus rapidement possible, mais son corps, lui, souhaitait une toute autre chose.
« Nous voulons... qu'elle nous rejoigne... »
Médée avança lentement et s'agenouilla devant l'agonisante.
« Elle doit... nous rejoindre... »
Atalante la regardait sans trop comprendre ce qui lui arrivait.
- Médée qu'est-ce que tu...
Elle n'eut pas le temps de finir, car Médée avait déjà planté sa main dans la poitrine de la Valkyrie, et en arracha le cœur qui battait encore.
- Médée arrête ça ! Tenta Atalante en vain.
La jeune femme n'entendait plus rien, elle ne voyait que l'organe chaud et dégoulinant, qui semblait bouger entre ses doigts, comme s'il voulait s'échapper. Puis sans crier gare, elle le dévora.

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Un silence de mort régnait entre les trois amies. Atalante avait déjà vomi deux fois, et Médée une. Grainné, quant à elle, était livide. Elle ne savait plus quoi penser : étais-ce le démon qui l'avait poussé à faire ça ? Ou peut-être l'avait-elle fait d'elle même ? Tant de questions qui ne trouvaient pas de réponses. Elle nageait dans le noir le plus total.
Médée avait les yeux vides, comme si elle avait perdu une partie d'elle.
« Ça y est, j'ai encore perdu le contrôle. J'ai tellement honte... »
Elle voulait parler, dire quelque chose, s'expliquer, mais rien ne sortait. Elle ne faisait qu'entrouvrir la bouche, puis la refermait aussitôt.
- On devrait oublier tout ça. Lâcha soudainement Grainné. Oui, moi j'ai déjà oublié tout ce qu'il vient de se passer.
- Mais... Tenta Atalante.
- On a une mission je vous rappelle. Continua-t-elle. On doit exterminer tous les dieux, et on y arrivera certainement pas en se tournant les pouces de la sorte ! Médée, tu dois bien savoir où se cachent certains d'entre eux, non ?
- Si mais...
- Alors faisons ça ! Pour ma part, je dois partir retrouver mon père, donc je ne peux pas rester avec vous, mais ce n'est pas pour autant que je ne suis pas motivée !
- Elle a raison ! S'écria à son tour Atalante. Médée, dis-nous où il se trouvent, et on s'en occupera !
Médée les fixait sans trop comprendre d'où leur venait cet enthousiasme, puis sourit.
- D'accord, je vous dirai tout, les filles !