*Binary*

« Depuis toute petite, je n'ai jamais cessé de faire des rêves étranges. Des rêves si réels que j'avais l'impression de les avoir déjà vécus, comme des souvenirs, alors que ce n'était pas le cas. Je me suis alors demandé : et si ce n'était pas les miens ? »

Cette journée était particulièrement ensoleillée. Grainné et Caïlte buvaient une tasse de thé, se reposant tranquillement après l'entraînement.
- Ça fait déjà deux ans... Souffla Caïlte.
- Oui, ça passe si vite...
Grainné fixait sa tasse avec nostalgie. Ces deux années passées auprès de son père avaient été tellement agréables qu'elle en avait presque oublié sa haine envers les dieux et sa promesse avec ses amies. Mais il était temps de rentrer, de revenir à la réalité.
- Tu pars demain, c'est ça ?
- Oui...
Caïlte se tourna vers elle et lui caressa tendrement la tête.
- Tu sais Grainné, je ne sais pas ce que tu pars faire pendant ce voyage ni avec qui, mais sache que ton foyer se trouvera toujours ici, peu importe celle que tu deviendras.
Grainné sourit.
- Merci papa...
Caïlte s'étira puis se releva.
- Bon, je vais voir ce qu'on a pour le dîner.
- D'accord.
Elle resta seule et se remémora les derniers événements. Elle repensa à cette voix qui hantait ses rêves et semblait lui apporter son aide dès qu'elle en avait besoin. Il y avait aussi cette fois où elle était comme sortie de son corps.
- C'était tellement étrange...
Elle se posait énormément de questions. Tout ça paraissait si irréel, et elle ne connaissait personne en mesure de lui apporter des réponses. Quoique...
- Ça vaut le coup d'essayer...
Elle ferma les yeux et se concentra. Petit à petit, tous les bruits environnants disparurent pour laisser place à un silence apaisant. Quand elle rouvrit les yeux, la forêt avait été remplacée par une immense pièce immaculée paraissant infinie, et en face d'elle se trouvait une jeune femme aux longs cheveux blancs, aux yeux rouges et au teint légèrement basané.
- Où sommes-nous ? Questionna Grainné.
- Dans ton subconscient.
« C'est elle. C'est la voix de mes rêves. »
- Je vois. Et toi, qui es-tu ?
L'inconnue parut faiblement décontenancée.
- Tu n'as pas l'air d'être au courant. Elle ricana. Je ne suis personne. Ou plus exactement, je n'ai pas de nom. Je l'ai oublié le jour de ma mort.
- Comment ça ? Je ne te comprends pas...
La femme soupira.
- Avant de t'expliquer qui je suis et d'où je viens, je vais t'apprendre la vérité sur les pouvoirs des Inhumains, car ta mère est loin de t'avoir tout dit.
Elle lui expliqua en détail la véritable dangerosité des Inhumains.
- Alors... Cette étoile sur mon ventre est la preuve qu'un démon habite en moi ?
- C'est ça. Et ce démon, c'est moi, bien que je sois très différente de ceux qu'abritent tes deux amies.
- Pourquoi ?
- Officiellement, je suis le démon originel de la colère, et Médée et Atalante renferment respectivement ceux de la tristesse et de la soif de pouvoir. Mais ce ne sont que des entités nées du ressentiment des morts.
- Comme... Une accumulation d'âmes ?
- En quelque sorte. Tes amies ne pourront jamais avoir avec eux une discussion comme la nôtre, car ils n'ont pas de volonté propre. Alors que moi, je suis née, j'ai vécu, et je suis morte.
- Tu étais humaine ?
- Oui. Mais ma famille et moi avons été assassinés.
Grainné hésita, comprenant parfaitement que toutes ces explications faisaient sans doute remonter d'horribles souvenirs.
- Est-ce que... Tu peux me raconter ?
- Bien sûr. Moi, je sais tout de toi, alors il est normal que tu connaisses mon passé. Il me semble que tu as lu les récits glorifiant les exploits des dieux ?
- Oui.
- Alors tu as sûrement déjà entendu parler des géants de glace ?
- Oui, c'était un peuple dangereux pour toutes les autres espèces vivantes, et qui a donc été éradiqué par les dieux.
- J'étais l'une d'entre eux. Mais nous n'étions pas comme les légendes nous décrivaient. Nous n'étions pas dangereux. Nous étions seulement un peuple guerrier vivant sur des terres au climat polaire, et ne vénérant aucun dieu. Nous respections plus que quiconque la vie, mais les Asgardiens ont vu en nous une menace, décrétant que par notre faute l'équilibre était rompu, et que seule notre mort pourrait le restaurer. Alors ils nous ont attaqué. Nous nous sommes admirablement défendus, mais ils étaient bien trop forts, et nous furent rapidement vaincus. Avant de mourir, je les ai maudits de toute mon âme, en y mettant les dernières forces qu'il me restait. J'ai juré sur ma haine de me venger. Et lorsque j'ai enfin succombé, je me suis réveillée enfermée dans le corps d'un nourrisson. Toi. Je tenais ma seconde chance.
Grainné sourit tristement, puis lui tendit la main.
- Je ne poursuis pas le même but que toi, mais je veux t'aider, car tu es loin d'être une mauvaise personne.
- Hein ? M'aider ?
- Bien sûr. Au lieu, d'attiser sans cesse ta haine, tu ne t'es jamais demandé comment tu te sentirais si tu l'apaisais ? Si tu décide de me prendre la main, alors je te promets que je te libérerai de ces entraves que sont la colère et la rancœur. Et ensemble, nous irons enfin de l'avant !
- Ne dis pas n'importe quoi ! Si je suis ici, c'est uniquement pour me venger.
- Ah bon ? Moi je ne vois pas les choses comme ça. J'ai plus l'impression qu'on t'a offert cette deuxième chance pour mener une existence paisible et heureuse, pour profiter. Tu ne crois pas ?
- Je...
- J'exterminerai les dieux. Même sans toi je l'aurai fait. Ce que je te proposes, c'est seulement de trouver un autre but à ta nouvelle vie. Alors ?
La jeune femme eu énormément de mal à contenir ses larmes.
- Merci... Grainné...
Sans plus attendre, elle se saisit de sa main, scellant ainsi leur amitié naissante.
- Et... Ton nom ? Tu en as un ?
- Non... Je te l'ai dis, je l'ai oublié...
- Je vois.
Elle réfléchit.
- Comme on partage un peu le même corps, que dis-tu de Binaire ? Je trouve ça classe.
- Oui, c'est parfait.
Binaire sourit.
- A partir de maintenant, ma force est la tienne, Grainné.

« Je comprends mieux à présent. Pendant toutes ces années, ce n'était pas ma haine que je ressentais, mais la sienne. »

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