Chapitre 6

Ingwé n'arrêtait pas de penser à ce que Daerôn lui avait dit. Mais il ne pouvait pas laisser libre cours à ses interprétations parce qu'il devait endosser le rôle du parfait geôlier insupportable. Plusieurs semaines étaient passées et la princesse le regardait toujours avec ses grands yeux ambrés. Elle n'avait pas essayé de le manipuler. C'était étrange.

Elle ne semblait pas vouloir mettre un terme à sa situation pénible. Comme si elle laissait faire les choses. Ingwé se surprit à être énervé de cette situation. Il aurait préféré avoir affaire à elle plutôt que de contempler son visage impassible toutes les nuits.

Elle avait pris la décision de manger comme il le lui avait suggéré, dune manière peu agréable. Elle avait repris des couleurs et ça lui faisait étrangement plaisir. Mais il fallait quelle cesse de le dévisager de la sorte. Ingwé n'arrivait plus à se concentrer. Ça commençait à lagacer.

- Qu'est-ce que tu veux ? dit-il d'un ton qu'il regretta presque aussitôt.

- Tu me parles maintenant ? dit-elle en haussant un sourcil.

- Je pourrais te poser la même question. Répondit-il soudainement intrigué.

- Tu ne devrais pas me tutoyer. S'exclama-t-elle en croisant les bras.

Elle avait adopté une allure royale qui le fit automatiquement se redresser. Il le regretta aussitôt. Il n'avait pas à adopter cette attitude envers elle. Il ne le voulait pas. Pourtant, elle dégageait une sorte de prestance délicate et puissante à la fois. Ce genre de prestance qui transparaît même si vos cheveux sont sales et vos vêtements déchirés.

Elle était peut-être en train de le manipuler. Cette pensée le rendit soudainement très furieux. Ingwé se releva de sa chaise d'un bond.

- Pourquoi ne devrais-je pas te tutoyer ? Tu n'as plus ta couronne, princesse.

- Ce n'est qu'un artifice, ça n'enlève pas le titre qui ma été donné à la naissance. Dit-elle en plissant les yeux d'agacement.

Le jeune soldat vit soudainement ses yeux devenir de plus en plus clair. Il se força à ne pas reculer sous le stress. Il n'aimait pas son pouvoir ni l'effet qu'elle produisait sur lui. Elle les ferma instinctivement et respira profondément. Quand elle les rouvrit, ses yeux étaient beaucoup plus sombres que d'habitude. La princesse lui adressa un dernier regard et s'évanouit sans qu'il ne puisse y trouver une raison logique.

Ingwé commença à paniquer. Tout en se faufilant derrière les barreaux de sa cellule, le soldat essaya de garder son sang-froid. Il toucha son poignet à la recherche de son pouls. Il était bien présent, mais les battements de son cœur étaient trop faibles à son goût. Il reposa son bras le plus délicatement possible, en forçant son corps à se tourner sur le côté. Il n'avait aucune envie quelle s'étouffe avec sa langue ou son vomi.

En se relevant, il observa sa cellule d'un oeil nouveau. Elle avait l'air beaucoup plus petite quand on se trouvait à l'intérieur. Il commença à voir les murs se rapprocher de lui. Après quelques secondes, il reprit ses esprits. Ingwé mit cette hallucination sur le compte de la fatigue. Les WC se trouvaient dans une partie invisible pour le geôlier. Il se surprit à être soulagé qu'on lui ait laissé un semblant d'intimité. Pourtant, cette cellule ne disposait d'aucun confort. Il ny avait même pas une paillasse pour qu'elle puisse dormir. Il ne s'en était même pas rendu compte avant de se retrouver à sa place. Juste quatre mur de barreaux en pierre infranchissable.

Il sortit de la cellule quand il ne put en supporter davantage, indigné par le traitement qu'on lui faisait subir. Ingwé était persuadé que Calywen s'en fichait et qu'il prenait un malin plaisir à la menacer, mais ce n'était pas son cas. Il avait beau se montrer désagréable et méprisant, il n'était pas insensible. Si on la laissait dans toute cette crasse, elle finirait par attraper une maladie. Et Aegnor ne voulait pas quelle meure. Ingwé savait très bien ce que son roi envisageait pour elle. Il voulait la garder et l'exposer aux yeux de tous. Elle n'était pas un trophée, elle était un avertissement pour les peuples voisins qui pourraient avoir l'envie de s'opposer à lui.

Ingwé se dirigea donc vers la porte extérieure et adressa la parole au portier.

- Va chercher Lyrax et demande-lui de venir ici. Elle doit laver et changer la prisonnière.

Le portier parut surprit par sa demande et commença à froncer les sourcils d'incompréhension. Ingwé voyait bien au fond de ses yeux qu'il commençait à douter de sa loyauté. Son attitude l'agaça. Il ne comprenait rien. Ils étaient tous ignorants. Il répliqua d'un ton dur :

- Nous avons beau être redoutables, violents et désagréables, nous ne sommes pas des monstres. Elle pourrait attraper un microbe et tomber malade. Dépêche-toi, je surveille la porte.

Le geôlier regarda son collègue se hâter à toutes jambes. Il n'était qu'un soldat obéissant. Il avait oublié comment réfléchir. Ingwé se mit soudainement à repenser aux paroles de Daerôn : « Tu finiras comme les autres ». Il se rendit compte qu'il n'en avait aucune envie.

*

Lyrax arriva quelques minutes plus tard à bout de souffle. C'était l'infirmière des champs de bataille, celle qu'on appelait pour recoudre des plaies, pour refermer des blessures et pour essayer de sauver un soldat alors que tout le monde savait pertinemment qu'il n'avait plus aucune chance. Elle s'épongea le front d'un revers de main gantée. Sa combinaison en cuir noire accentuait sa silhouette fine et musclée. Elle avait reçu le même entraînement que les soldats. Ingwé et elle avaient d'ailleurs effectué le leur ensemble. C'était une amie précieuse. Elle devait parfois intervenir directement sur le terrain, entre les lances, les jets de couteaux ou de dards.

- Tu m'as fait appeler, Ingwé ? J'espère que tu as une bonne raison parce que le soldat qui est revenu avec un doigt en moins de sa dernière mission va certainement m'assassiner quand il apprendra que je l'ai laissé seul dans la salle d'opération.

- Je n'ai pas envie de plaisanter Lyrax.

- J'en connais un qui n'a pas assez dormi ! Pourquoi as-tu besoin de moi ?

Ingwé la fit rentrer dans la prison. Personne n'ignorait la présence de la prisonnière, mais personne ne l'avait encore vu. Lyrax retint un hoquet de surprise et le dévisagea un instant.

- Je nai aucune idée de, pourquoi elle s'est évanouie et je men fiche. Ce que je souhaite, en revanche, c'est que tu la laves et que tu la changes. Elle pourrait attraper une maladie, à vivre dans cette saleté et cette puanteur et tu sais très bien qu'Aegnor n'envisage pas de la faire mourir.

Lyrax l'écouta attentivement et hocha la tête, bien qu'elle lui montra clairement qu'elle n'approuvait pas le ton que son ami avait adopté pour parler de l'intéressée. Mais elle savait ce qu'il voulait réellement. C'était une sorte de code qu'ils avaient inventé pendant leurs sessions d'entraînement à la caserne, elle et lui. La première phrase est toujours la plus importante. Et plus elle vous parait insensée, plus cest une urgence. Le reste est superflu.

Ingwé savait qu'elle ferait ce qu'il lui avait demandé. Le plus urgent comme le moins important. Il attendit dehors pendant qu'elle s'occupait de la princesse. Il se demanda, pendant un instant, s'il avait pris la bonne décision. Puis, il revit les yeux jaunes brillants de celle qu'il surveillait toutes les nuits et il sut que sa curiosité était bonne. Quelque chose clochait.

Lorsque Lyrax ressortit, elle lui tendit le vêtement crasseux de la prisonnière pour qu'il le brûle. Puis elle quitta la pièce en lui lançant un regard entendu. Il attendit quelle parte définitivement et rentra dans la prison en prenant bien soin de refermer la porte. Il était hors de question que le portier observe son petit manège pour, ensuite, aller le rapporter à Aegnor.

Ingwé déplia le vêtement en cherchant le symbole que Lyrax lui avait certainement laissé après son diagnostic. Il le trouva dans le tissu intérieur d'une poche latérale. C'était un cercle coupé en deux par un trait épais dont la moitié verticale droite était coloriée en noire. Il savait très bien ce que cela voulait dire. D comme dérèglement ou dysfonctionnement.

La capacité Larnienne de la princesse ne fonctionnait pas correctement. Voilà pourquoi elle ne l'avait pas encore manipulé.

La question maintenant était de savoir pourquoi.

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Hello
J'espère que vous avez aimé ce chapitre ! Et que vous appréciez l'histoire sur Ingwé !
Vous allez découvrir plein de choses !
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À bientôt ;)
Holly (Pookie)

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