Chapitre 3

Les deux inconnus se regardèrent pendant quelques secondes. Les cheveux blonds tressés de sa prisonnière étaient emmêlés et ses lèvres, gonflées. Ingwé avait l'impression qu'on venait de lui frapper l'estomac. Il détourna les yeux en premier. Il n'avait jamais été très fort à ce jeu...

Plusieurs minutes défilèrent sans qu'il ne sache quoi dire. Il ignorait même s'il devait lui parler, lui faire un signe de tête ou lui sourire. Il devait seulement la surveiller. Mais qu'est-ce que cela signifiait réellement ?

Elle finit par se relever. Il la regarda en coin. Elle portait une robe simple blanche qui s'était froissée. Elle ne semblait pas blessée. Le soldat soupira discrètement de soulagement. Qu'était-il censé faire si elle saignait, si elle s'évanouissait ?

Il senti son regard vers lui. Comme une flamme brûlante. Il avait de plus en plus de mal à se maîtriser pour ne pas la regarder à nouveau. Rien que pour observer ses traits. Il se trouva d'un coup bien trop curieux. Qu'est-ce que ça pouvait bien lui faire de savoir à quoi elle ressemblait ?

Encore quelques minutes et il ne tint plus. Il releva la tête une nouvelle fois. Ses yeux le dévisageaient en silence. Ils étaient ambrés. Essayait-elle de le manipuler en voulant le regarder dans les yeux ? Il se leva brusquement et se frotta la tête. Il ne pouvait pas se laisser faire. Il se cacha les yeux et murmura :

- N'essaye pas.

Elle fronça les yeux en se reculant. Il n'avait pas peur d'elle, mais de ce qu'elle pourrait faire. L'idée même de se faire manipuler par une force inconnue, le dégoûtait.

- N'essaye pas de me manipuler ou tu le regretteras.

Ses yeux s'assombrirent et elle se retourna. Il avait l'impression de l'avoir déçue. Il se sentit encore plus mal à cette pensée.

Ce fut la seule conversation qu'ils échangèrent à l'occasion de leur première rencontre. Le silence leur tint compagnie le restant de la nuit. Elle s'endormit un peu avant que Calywen prenne sa relève. Ingwé avait observé son corps se relever et s'abaisser au rythme de sa respiration pendant les dernières minutes qui lui restait en sa compagnie. Il quitta la pièce presque à regret.

A présent, il devait remonter dans sa tour de contrôle. Le sommeil pointait déjà le bout de son nez. Lorsque Ingwé, passa dans la salle du trône encore vide, il bouscula le fils d'Aegnor, l'Héritier. Daerôn. Tout le monde pouvait ressentir sa puissance à travers son attitude. Il avait cette aura de leader certainement transmise par son père, qui se dégageait de lui. Mais ce n'était pas une aura menaçante comme Aegnor, c'était une énergie qui poussait à faire confiance. Il avait seulement 17 ans. Ingwé était de 4 ans son ainé. Mais il le respectait au même titre que le Roi.

- Excusez-moi, Daerôn. Je ne vous avez pas vu.

- Je t'ai déjà dit de ne pas me vouvoyer, Ingwé. Répliqua l'héritier en le toisant du regard.

- Je le sais. Répondit Ingwé en souriant.

Daerôn fronça les sourcils, préoccupé. Il semblait inquiet et étrangement pâle.

- Est-ce que tout va bien ? Demanda Ingwé en le dévisageant avec inquiétude.

- Les Jeux vont bientôt commencer. Dit-il calmement.

- Ah oui, j'avais oublié. Tu vas encore gagner ! L'encouragea le soldat.

- Je n'ai pas envie de gagner. Dit-il en soutenant le regard de son aîné.

C'était étrange. N'importe quel héritier de son âge aurait voulu montrer à tout le monde sa force et sa puissance et se serait vanté. Ingwé ne comprenait pas son attitude. N'était-il pas impatient de participer ?

- Ah oui ? Répliqua Ingwé en se frottant les yeux de sommeil.

- Je vais devoir tuer quelqu'un. Chuchota Daerôn en s'éloignant, l'air particulièrement troublé.

Ingwé en frissonna. Daerôn avait l'air si déterminé. Pourquoi aurait-il besoin de tuer quelqu'un ? L'avait-il déjà fait ? Il n'avait que 17 ans, bientôt 18 ! Ce serait sa quatrième année de Jeux. De quoi parlait-il ? Son état préoccupa Ingwé, mais il n'avait pas l'énergie de s'en soucier. Le jeune homme reprenait son service dans moins d'une heure et il ne lui restait plus beaucoup de temps pour essayer de se reposer un peu.

*

La nuit s'installa trop rapidement à son goût. Il croisa Calywen à son entrée dans le couloir souterrain qui menait à la prison. Les torches s'allumèrent à leurs deux passages. Ingwé remarqua directement que son frère était d'une humeur massacrante. Quand il arriva finalement à sa hauteur, il lui lança :

- Je me serai fait un malin plaisir à lui couper la langue, mais je crois que quelqu'un l'a fait avant moi.

Ça présageait une nuit agréable. Quelle ironie ! Il entra dans la prison avec nonchalance. Il soupira. Aegnor l'avait surchargé de travail. Testait-il sa loyauté ? Ingwé avait accepté sans vraiment envisager l'avenir avec l'esprit clair. Il avait l'impression que jamais il ne sortirait de ce cercle infini de surveillance et de garde. Le restant de sa vie lui parut soudain extraordinairement vide. Et le pire, c'est qu'il ne trouvait aucune solution pour se sortir de cette situation.

Elle ne dormait pas. Elle le regarda arriver en faisant peser sur lui son regard de braises. Il détourna les yeux. Il n'était pas d'humeur a subir un accès de colère ou de supplication. Il n'avait pas non plus envie qu'elle essaye de le manipuler. Ingwé avait l'intime conviction qu'elle ne le ferait pas, mais il préférait se préparer à toutes éventualités. Il décida, cependant, de lui poser une question pour vérifier les dires de son frère.

- Tu as faim ? Demanda-t-il sans trop savoir pourquoi cette question lui venait à l'esprit.

Bien sûr qu'elle avait faim ! Calywen ne lui avait sans doute pas donné de quoi se nourrir. Il se maudit intérieurement. Elle croisa les bras d'agacement. Puis, il entendit un grognement d'estomac. Ingwé releva la tête en haussant les sourcils d'un air moqueur. Elle se mit à rougir. C'était mignon.

N'importe quoi ! Il disait n'importe quoi. Il fallait qu'elle arrête de le manipuler, si c'était ce qu'elle était en train de faire, en tout cas. S'il devait jouer au méchant, il n'hésiterait pas.

- Tu sais parler. Dit-il avec mépris.

Elle le regarda à nouveau en silence.

- Je ne suis pas idiote.

Le son de sa voix était rauque comme si elle n'avait pas parlé depuis des jours. Peut-être était-ce le cas ? Il se dirigea vers la porte et demanda au portier, à l'extérieur, d'apporter du pain braisé. Il lui parla en langue kalistane, Ingwé n'avait aucune envie qu'elle croit qu'il avait pitié d'elle. Il n'allait pas la laisser mourir de faim, c'était contraire à sa mission. Il se consola en se disant qu'après tout, c'était son job.

Quand le soldat revient avec une assiette en pierre contenant le pain, il la prit et la glissa entre les barreaux.

Elle le regarda d'un air hautain. Elle ferma d'un seul coup, les yeux et sembla essayer de reprendre sa respiration et son calme. Quand elle les rouvrit, ils étaient brillants. Il aurait parié qu'elle s'efforçait de ne pas pleurer. Il se retourna pour la laisser en paix. Il n'entendit que le son du pain se déchirer sous ses dents.

Une semaine passa. Il n'y avait pas eu d'évolution dans la vie monotone d'Ingwé. Ses deux missions l'épuisaient. Il avait des poches de plusieurs kilomètres sous les yeux. Et le silence de cette princesse l'exaspérait au plus haut point. Il soupira. Tous les jours, il apportait du pain braisé pour Son altesse. Il ne savait même pas pourquoi il le faisait. Enfin si, il le savait et ça le dégoûtait.

- Tu cherches à m'engraisser ?

Sa voix le surprit. Elle était toujours aussi rauque. Elle n'avait pas dû parler depuis la dernière fois. Ça avait dû travailler les nerfs de Calywen. Ingwé sourit à cette pensée.

Ce qui le surprit le plus, c'était le fait qu'elle engage la conversation d'elle-même.

Il ne lui répondit pas, mais haussa un sourcil comme il aimait le faire pour avoir plus de détails dans un interrogatoire. Elle reprit pour son plus grand plaisir. Il avait gagné cette bataille.

- Je ne crois pas que ton Roi apprécie que tu me nourrisses de cette manière.

Il s'approcha doucement tout en la fixant du regard. Elle ne lui faisait pas peur. Du moins, c'est ce qu'il se disait pour se rassurer. Son pouvoir était puissant et il préférait qu'elle ne l'utilise pas sur lui.

- Tu insinues que tu mérites plus que du pain ? Pardon votre altesse. Dit-il en lui souriant.

Il était vraiment le roi des crétins !

Elle soupira d'agacement. C'était toujours aussi drôle de la voir dans cet état comme si elle luttait contre quelque chose.

- Je croyais que tu devais me laisser pour morte. Je ne suis que ta prisonnière, après tout.

Ses paroles le génèrent. Ingwé n'avait pas envie qu'elle croit qu'elle était sa propriété. Ce n'était pas sa prisonnière, mais celle d'Aegnor et il n'avait pas choisi d'être ici. Il aurait préféré rester dans sa tour et pouvoir enfin dormir une nuit complète.

- Tu es celle d'Aegnor. Pas la mienne. Parce que, moi, je ne te traiterais pas comme ça.

- Et tu me traiterais d'une meilleure façon peut-être ? Dit-elle en le défiant du regard.

- Non. Mais ce serait différent. Dit-il en croisant les bras.

Elle avait du cran de le défier de cette manière. Cela lui plu. Malheureusement pour elle, il en avait aussi. Il aimait jouer les gros durs insupportable. C'était sans doute un de ses nombreux défauts qu'elle n'apprécierait pas.

- Mais pour Aegnor, tu es bien plus qu'une prisonnière. Tu es un trophée. Et plus les trophées sont jolis, plus on les admire. Donc, je te conseille de manger.

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Hello les ami(e) s,
Voici la suite du préquel d'Ingwé. J'espère qu'elle vous plaira !
On prévoit de publier le mercredi et le dimanche si tout se passe bien !
Merci pour votre soutien !
Holly (ou Pookie, comme vous voulez)

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