Chapitre 24

La sentence d'Ingwé était tombée aussitôt qu'Aegnor avait compris. Hélisha était morte dans les bras de son geôlier après qu'ils avaient prêté serment de mariage. Dès qu'ils s'étaient promis l'un à l'autre de s'aimer jusqu'à la mort, un anneau noir était apparu sur son annulaire gauche pareil à celui de sa bien aimé. C'était le signe d'une appartenance à vie. Daerôn lui avait ordonné de porter des mitaines en attendant que les choses se tarissent. Ingwé devait être le seul à savoir ce qui s'était passé entre elle et lui.

Aegnor n'avait jamais pu prouver quoi que ce soit au sujet de leur histoire. Mais, il avait la preuve qu'un de ses plus loyaux soldats avait désobéi à ses ordres lorsqu'il avait vu le corps sans vie de la princesse Larnienne quelques heures plus tard. Il avait ordonné à Ingwé de la laisser en vie et elle était morte. Et pour cela son soldat méritait d'être sévèrement puni.

Il n'eut aucun procès. Juste Tillion qui emmena Ingwé dans la prison la plus reculée de la planète. A 7 jours de marche depuis la capitale : Kressan. On lui avait attaché les pieds et les mains et on l'avait privé de nourriture. Puis, Tillion l'avait jeté sans ménagement au fond de ce trou sans un regard en arrière. Ingwé ne comptait même plus les jours.

Après le départ de ce soldat si fidèle au roi cruel, Ingwé avait hurlé. Il était comme une bombe à retardement qui prend conscience de tout ce qu'il a perdu au moment où plus rien ne le retenait.

Il avait perdu sa liberté, ses amis, sa dignité. Et pire encore, il l'avait perdu elle.

Ingwé avait cogné les murs de ses poings désormais à vif, avait déchiré ses cordes vocales à hurler son prénom. Mais ça ne la ramenait pas. Il était condamné à rester enfermé ici jusqu'à la fin de ses jours. Mais il n'avait pas envie de mourir. Parce que laisser la mort le prendre reviendrait à la laisser lui arracher l'amour qu'il avait pour Hélisha.

A présent, Ingwé se sentait mal, affamé. Il y avait cette voix dans sa tête qui le condamnait à chaque respiration. Elle lui criait que tout était de sa faute. Elle avait sûrement raison.

Et puis soudain, il entendit des couinements désagréables. Sa vision devint trouble. Il y avait des dizaines de pattes devant lui, mais il n'arrivait même plus à relever la tête. Un morceau de viande atterrit devant sa bouche. Il sentait son odeur lui retourner les tripes. Un instinct animal se réveilla en lui, soudainement. Un instinct de survie dont il ignorait jusqu'à présent l'existence. Une personne s'agenouilla devant lui.

- Ne m'oblige pas à te donner la becquée, Ingwé.

Un accent à couper au couteau, trois doigts à chaque pied. Il ne pouvait s'agir que d'une seule personne. Liwya. Le soldat releva la tête avec la force qu'il lui restait. Il avait l'impression de soulever une tonne de charbons ardents comme lorsqu'il travaillait dans les mines lors de son enfance.

- Pourquoi tu fais ça ?

C'était une mauvaise idée. Parler était un véritable supplice. Il ne reconnaissait même pas sa propre voix. Elle était devenue plus sourde, plus grave, plus profonde. Comme si son corps allait chercher au fond de son âme, un moyen de communiquer.

- Tu nous as aidé à trouver un endroit où nous réfugier. Nous sommes fidèles à ceux qui nous viennent en aide. S'exclama-t-elle en poussant un cri aiguë qui lui perça les tympans.

La douzaine de Valkos présente avec elle, l'imita. Il était persuadé que ses oreilles était en train de saigner.

- Nous allons faire notre maximum pour te nourrir en gage de remerciements.

- Merci...

Ses yeux voulurent se fermer, mais Liwya s'approcha pour le frapper. Il se releva aussitôt. La viande était cuite et semblait sortir de braises chauffées naturellement. Ingwé la pris à pleines mains et la fourra dans sa bouche. C'était la chose la plus merveilleuse qui lui arrivait depuis des jours ! Elle était délicieuse, légèrement grillée.

- Ne mange pas trop ! Ton estomac a eu le temps de se rétrécir depuis une semaine.

Il écouta son conseil sage et pertinent. Il n'avait pas mangé depuis des jours. Il avait réussi à s'hydrater avec les perles d'eau qui coulait des roches alors qu'il chauffait la prison de sa seule présence. Sans cette eau miraculeuse, il serait déjà mort. Liwya le regarda dans les yeux.

- Courage, soldat !

Il hocha la tête. Il était épuisé. Ses yeux commençaient déjà à se fermer à nouveau. Sauf que cette fois, elle s'en alla. Le laissant seul, lutter contre la fatigue. Il retira sa veste pour plus de confort. Un froissement de papier attira son attention. Le rapport médical de Lyrax ! Il concernanit Hélisha... Avec une grande angoisse, il le prit entre ses mains et commença à le lire.

« Le sujet H semble souffrir de la maladie des pôles inversés. Dans son cas, il s'agit de la Fièvre Blanche : maladie provoquée par une exposition prolongée à un climat non adapté – ici la chaleur de Kalisto. Le sujet s'est évanoui à 15h34 dans la salle d'entrainement pour jeunes recrues, lors d'un affrontement avec son geôlier, le soldat Ingwé Irvike, de classe 1. Le sujet H a subi une baisse importante de sa température corporelle entrainant une baisse du système immunitaire. Celui-ci semble être incapable de se défendre contre les attaques de chaleur qu'il subit. Les membres des extrémités semblent être insensibles au toucher et bleutés. De plus, le sujet rejette un souffle glacial trahissant son état critique. Il semblerait que la maladie se soit transmise par contact avec une personne sécrétant une forte chaleur. Le soldat Ingwé ? Il semble que ces deux individus aient échangé des rapports intimes pouvant entrainer la contraction de cette maladie par le sujet H. Aucun traitement n'est envisageable, du fait de l'incompétence des médecins présents. Il ne reste vraisemblablement au sujet H que quelques heures à vivre »

C'était sa faute. Il l'avait aimé et ça l'avait tué... Il était un meurtrier, un assassin. Il l'avait condamné dès qu'il avait posé ses yeux sur elle.

Maintenant, la peur l'étreint. Il a peur de ce qu'il est devenu, de ce qu'il devient...

Le silence résonne dans sa tête. Son esprit est une terre étrangère. Il ne lui reste plus rien à part un cur brisé. La fin avait déjà consumé le début sans qu'il ne s'en rende compte.

Là, prisonnier des cendres, il ne peut s'empêcher de réaliser ce qu'il a fait.

L'aimer, était un jeu perdu d'avance.

L'aimer, c'était la tuer.

************************************
Hello les lecteurs !
J'espère que vous avez passé un bon moment de lecture même si c'est un peu tragique. Ingwé n'a pas eu de chance, pas vrai ? 🥺

À bientôt !
Holly, en direct de Namus.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top