Chapitre 23
- Calme-toi Ingwé ! Cria Daerôn alors qu'ils étaient tous les deux dans la Tour avec Jared.
- On m'a interdit de la voir avant mon tour de garde, mais si ça se trouve elle sera déjà morte quand j'y serai !
Ingwé faisait les cent pas dans le petit bureau de surveillance sous les regards pesant de l'héritier et de son collègue. Il bouillonnait. Il savait qu'il y avait un problème. Elle était malade. C'était sûrement grave. Il aurait voulu hurler son désespoir.
- Si ça peut te consoler, on a relogé tous les Valkos. Commença Jared.
- Je m'en contrefiche de ces fichus oiseaux !
Daerôn soupira. Il se tourna vers les caméras de surveillance.
- Je t'accompagnerai ce soir. En me voyant, ils ne pourront pas te refuser l'accès à sa cellule.
- Si ça se trouve ils sont en train de faire des tests sur elle. Ou alors, ils l'ont déjà enterré...
Ingwé se prit la tête entre les mains pour la centième fois en moins d'une heure. Il s'affala sur le canapé. A bout. Il était épuisé. L'inquiétude était en train de ronger ses certitudes Il ne trouvait aucune solution et ça le rendait fou. Il avait besoin d'une solution ! Il sentait qu'il devait penser à autre chose, mais son cerveau, perfide, le faisait toujours revenir à elle. A la façon dont elle s'était écroulé, à la manière dont tout son corps avait refroidi.
- Tu as récupéré ton manuscrit ? Demanda-t-il à Daerôn avec toute la force qu'il lui restait.
- Affirmatif. Mais je dois le déchiffrer à présent. Ça risque de prendre plusieurs semaines. Je ne peux pas m'y consacrer entièrement. Les Jeux approchent.
- Tu as des informations ? S'inquiéta Jared.
- Je m'entraîne avec Kyll pour la compétition, mais je ne sais pas ce qui nous attend cette fois. Je me demande même s'il y aura un Dellien, cette année.
- Il y en aura un, c'est évident. Ce sont toujours les boucs-émissaires des candidats. Les seuls qui finissent par mourir, tués par les autres. Conclu Ingwé.
Il était indigné du sort qui était réservé à cette population si particulière. Et chaque année, il s'en plaignait.
- Qu'est-ce que tu en penses ? Demanda Jared à Daerôn.
Ce dernier se leva de son siège et regarda ses amis tours à tour.
- Ça me dégoûte. Mon père réunit les Conquérants chaque année avant les Jeux. Il tire au hasard le Candidat qui devra tué le Dellien pendant la compétition.
- Pourquoi les Conquérants ne refusent-ils pas ? S'exclama Ingwé.
Il était soulagé de pouvoir tourner sa colère vers un autre sujet.
- Mon père leur promet la liberté pendant une année entière, jusqu'aux prochains Jeux. Les Conquérants sont de jeunes héritiers qui manquent d'expérience, comme moi, j'en ai bien conscience. Ils ont la survie et la prospérité de leur planète qui pèsent sur leurs épaules. Ils se disent que ça vaut le coup de sacrifier une vie pour en sauver des milliers d'autres.
- Une vie ne vaut jamais le coup d'être sacrifiée. Souffla Ingwé en essayant de s'arracher à l'esprit le souvenir d'Hélisha.
- Je le sais très bien. Malheureusement, comme les autres, je n'ai pas le choix. Je dois simplement attendre de traduire le manuscrit s'il contient bien ce que j'espère.
Ils étaient à nouveau dans une impasse. Sa vie était une impasse, un étau, sans issue. Aegnor avait construit un mur infranchissable à l'avancée de leurs vies à tous. Ils étaient piégés.
Le jour commença à décliner. Aucun d'eux ne parla à nouveau. Ils étaient bien trop occupés à penser à leurs problèmes. A ce labyrinthe que représentait leur vie. Une sonnerie retentit soudain dans l'habitacle. Jared se tourna vers Ingwé.
- C'est l'heure. Dit-il d'une voix grave.
Ingwé se leva précipitamment en se demandant s'il souhaitait vraiment aller dans cette fichue cellule. A quoi cela servirait-il si la première chose qu'il voyait était son cadavre ? Plus il avançait, plus il avait peur. Stressé à l'idée de son état de santé. Il savait au fond de lui, qu'il y avait quelque chose de grave, sinon pourquoi est ce qu'il se sentait si mal ? Il monta dans le vaisseau de transport et le pilota par automatisme. Daerôn ne dit pas un mot durant tout le trajet. Ingwé le vit serrer la mâchoire de temps en temps. Peut-être savait-il aussi ce qu'il se passait ? Comment était-il possible de s'inquiéter autant ? Ingwé détestait ce sentiment d'impuissance qui pesait en lui.
Il fit atterrir le vaisseau lentement, trop effrayé pour se précipiter. Il ne savait même plus ce qu'il faisait. Etait-ce un piège tendu par Aegnor pour le punir ? Ou était-ce un simple hasard ? Il fallait se douter qu'Hélisha finirait par succomber à une maladie. Le climat ici est bien trop différent de sa planète d'origine.
L'attente était insoutenable et en même temps tellement rassurante face à ce qu'il s'imaginait voir en pénétrant dans la prison royale du palais. Les palpitations de son cœur s'intensifiaient de plus en plus laissant un écho au plus profond de son être. Ingwé se sentait mal à l'aise. Comme s'il était rongé de l'intérieur. Aimer était quelque chose d'affreux.
- C'est par là ! S'exclama Daerôn alors qu'Ingwé s'était perdu dans les dédales des souterrains.
Sans s'en rendre compte, il se mit à courir. Il fallait qu'il sache. Il ne pouvait plus supporter de ne pas savoir. Daerôn le suivit à vive allure. Calywen était déjà parti quand Ingwé entra dans la pièce. Hélisha était étendu au sol. Il ignorait si elle dormait ni si elle était consciente. Sans prêter attention à Lyrax qui remettait son rapport à Daerôn, il entra dans la cellule. Il régnait une atmosphère froide et étouffante à la fois. Quand il s'agenouilla à sa hauteur, elle se retourna et le regarda de ses yeux ternes. Ses lèvres étaient bleues. Ingwé recula de surprise. C'était la première fois qu'il voyait ça. Il cligna les yeux plusieurs fois pour être sûr qu'il ne rêvait pas. Ou plutôt s'il n'était pas prisonnier d'un cauchemar. Il n'entendit même pas Lyrax quitter la pièce.
Il toucha délicatement sa joue. Elle était glaciale. Ses cheveux étaient mouillés de sueur. Ingwé ne comprenait rien à son état. Il se tourna vers l'héritier et le regarda d'un air paniqué.
- Apparemment, c'est une maladie appelée Fièvre Blanche. Elle est liée aux températures chaude. La même chose existe, pour les températures glaciales. On l'appelle alors la Fièvre Noire. Le corps de la victime subit un dérèglement de sa température interne ce qui entraîne une baisse du système immunitaire. Le malade peut alors ressentir une vive chaleur alors que son corps est très froid. Ses cellules meurent sous le choc des différences de climats. Aucun remède n'a été trouvé pour le moment, même si les spécialistes de la recherche qui travaillent sur Glow déploient tout leur effort pour trouver un moyen de soulager les victimes et d'éviter le nombre important de décès suite à cette maladie incurable. Récita Daerôn en lisant le document à voix haute.
Ingwé n'arrivait qu'a capter des mots plus effrayants les uns que les autres. Maladie incurable ? NON !
- Lyrax connaît sûrement un remède. S'exclama-t-il en se relevant.
- La formation qu'elle a reçue est excellente, mais c'est un médecin de guerre pas une chercheuse spécialisée dans les maladies exotiques.
- Non. C'est impossible ! Cria-t-il alors qu'il serrait les poings.
Daerôn soupira. Ses yeux se posèrent sur le corps frêle d'Hélisha qu'Ingwé prit dans ses bras.
- Je te laisse avec elle. Si tu as besoin de quelque chose, je suis juste à côté. Je vais dire au soldat qui garde la porte que je le remplace.
Le Prince lui donna le rapport qu'il enfouit aussitôt dans sa veste. Il n'avait aucune envie de relire cette sentence de mort. Il ne pouvait y croire. C'était une injustice... Et pourtant, elle était inévitable. Une boule lourde et douloureuse prit forme au fond de sa gorge. Aegnor ne voulait pas qu'elle meure, il trouverait une solution. Il fallait l'avertir au plus vite.
Au moment où il se leva, Hélisha soupira lentement. Son souffle était glacé et rappelait à Ingwé son sentiment d'impuissance. Elle lui agrippa le bras l'entourant ainsi d'un étau froid.
- Ingwé...
- Je suis là, je suis là. Tout va bien.
- Je vais mourir... Dit-elle d'une voix rauque.
Ça le tuait d'entendre ça. Ca le tuait qu'elle puisse le penser.
- Non, Hélisha. Tu ne mourras pas. Pas tant que je serai là. Je vais tout faire pour te trouver un remède.
- C'est déjà trop tard...
Il ferma les yeux. C'était sans doute un rêve ou un cauchemar. Oui, c'était cela ! La fatigue lui jouait des tours encore une fois.
- Je te promets que je te protégerai. Rien de mal ne t'arrivera.
Ingwé posa ses lèvres sur les siennes. Elles étaient glacées. Il essaya de réchauffer tout son être, mais n'y parvint pas. C'était comme si tout le froid qui l'habitait aspirait sa propre chaleur.
Ingwé avait pris sa décision au moment où il l'avait vu s'effondrer au sol dans la salle d'entraînement. Il était prêt à mourir pour elle. Il se leva et alla voir Daerôn à la porte. C'était l'unique solution pour la sauver. Pour qu'il puisse se rappeler d'elle à tout jamais. Pour immortaliser leur lien. En tant qu'héritier, Daerôn avait le pouvoir d'unir deux personnes par les liens du mariage. Et les mariages Kalis étaient différents des autres. Les amants se promettaient de s'aimer jusqu'à leur propre mort. Ingwé était résolu à l'aimer jusqu'à son dernier souffle.
Quand Daerôn arriva, il s'agenouilla près d'elle en lui disant qu'il était désolé.
- On a besoin de toi Daerôn.
Il comprit exactement ce que son ami souhaitait faire.
- Et moi, je vais avoir besoin de son aide. Dit-il en désignant Hélisha.
Il la regarda dans les yeux. Il avait l'air navré.
- Il faut que je récupère mes souvenirs. Je dois savoir ce qu'est Eris. Tu crois que tu peux le faire ?
Ingwé n'en revenait pas. Il parlait encore de ce truc inconnu ! Avant qu'il intervienne, Daerôn se tourna vers lui.
- Je sais ce que tu penses, Ingwé. Mais si tu veux sauver d'autres personnes qui sont dans le même état qu'elle, tu dois la laisser faire.
Il avait raison. D'autres personnes étaient privées de leur liberté à cause de son père, privées d'une bonne santé, privée de leur capacité de réflexion. Hélisha tourna son visage vers lui et déclara à bout de souffle :
- Mon père m'a expliqué qu'a ma mort, je pourrais transmettre mes souvenirs à qui je veux. Je vais te les donner, Daerôn. Fais-en bonne usage.
- Je t'en fais la promesse. Dit-il solennement.
- Mais d'abord, fais ce qu'Ingwé te demande...
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Hello les lecteurs !
J'espère que ce chapitre vous a plu même s'il est un peu triste.
Merci pour vos commentalres et votre soutien.
Holly
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