Chapitre 21
Ingwé avait occulté ce qui s'était passé la veille. Il avait essayé, en tout cas. Il n'était pas question de recommencer tant qu'elle ne saurait pas se battre. La tentation était pourtant très grande.
- A quel endroit dois-je frapper ? Demanda-t-elle innocemment.
- A la gorge. Tu devras attaquer la première. Vas-y frappe-moi !
Elle hésita quelques secondes. Elle hocha la tête et commença à se jeter sur son geôlier. Mais a quelques centimètres d'Ingwé, elle se stoppa net.
- Je ne veux pas te blesser. Chuchota-t-elle si doucement qu'un frisson le parcourut.
Il lui sourit de manière arrogante en haussant les sourcils.
- Tu crois vraiment que tu vas me faire mal ? Tu as vu la taille de tes poings.
Son regard s'embrasa de défi. Ses lèvres formèrent une moue déterminée. Ingwé détourna le regard. Il devait rester concentré.
Elle agita son bras devant lui pour le frapper. Il rattrapa son poing dans sa large main et lui adressa un sourire de victoire. Elle lui sourit furtivement.
- J'ai deux mains, tu sais. Dit-elle sournoisement.
Et sur ces paroles, elle envoya son poing dans la mâchoire d'Ingwé. Il entendit ses os craquer à son contact. Sa tête bougea rapidement sous le choc. Il sentait déjà sa lèvre s'ouvrir. Hélisha le regarda, paniquée. Puis, elle s'approcha de lui, trop près. C'était dangereux... Puis avec ses mains délicates, elle prit doucement son visage et le tourna vers elle. Elle caressa son menton mal rasé de son pouce et s'approcha encore. Ses lèvres se collèrent à celles d'Ingwé dans un souffle.
Ce n'était pas de sa faute, cette fois. C'était elle. Elle n'était même pas consciente de l'effet qu'elle avait sur lui. Il était le captif et elle sa geôlière. Ça avait toujours été le cas. Et ça ne changerait jamais...
Les derniers mots qu'il entendit fûrent prononcer dans un murmure.
- Je t'aime.
A moins que ça n'est été les siens ?
*
Aegnor l'avait convoqué devant le trône. Ça ne pouvait dire qu'une seule chose. Soit, il avait eu vent de son implication dangereuse dans la mission qu'il lui avait confié, soit il voulait lui parler du « Tournoi du sang ». Aucune des deux possibilités ne plaisait à Ingwé. Il était dans une impasse. Avec le roi, on n'avait pas le choix. On ne devait pas préférer une responsabilité à une autre. On acceptait ce qu'on nous confiait. Sauf que, maintenant, Ingwé avait le courage de dire non. Il avait trouvé cette force dans les yeux d'Hélisha quand elle refusait d'utiliser son pouvoir. Ça n'avait jamais été de la lâcheté comme les rumeurs aimaient le préciser. Renoncer est une force qui vient du plus profond du courage.
Il ne serait plus jamais le gentil soldat qui rêve de s'échapper. Il ne serait plus celui qui fait semblant en espérant changer les choses. Il deviendrait celui qui a la force de choisir.
- Soldat Ingwé.
- Seigneur Aegnor.
Son ton était dépourvu de respect, mais il s'en fichait. Le soldat ne l'avait pas appelé « Mon Seigneur » comme tous les autres. Ingwé avait décidé que ce ne serait plus le sien.
- Il y a eu des changements dans ton emploi du temps d'aujourd'hui.
Ingwé fronça les sourcils avec méfiance. Il ne savait pas vraiment à quoi s'attendre. Il déglutit avant de répondre.
- C'est-à-dire ?
- Les caméras de surveillance de la Tour Nord, dont tu occupes le poste seront retransmis à la Tour Ouest. Ton collègue est partie aujourd'hui en mission avec le Prince. Quant à toi, tu assisteras au Tournoi.
Non... Pas ça... Ingwé réprima l'envie de le frapper. Sa mâchoire se serra de colère. Il ne répondit rien. Il ignorait soudainement s'il devait à nouveau jouer la comédie. Il s'apprêta à refuser.
- Tu ne feras pas qu'y assister. Tu y participeras.
- Je ne peux pas. Répondit-il en regardant Aegnor dans les yeux pour la première fois de sa vie.
- Tu n'as pas le choix. Sinon, elle paiera pour ton refus.
Il arrêta de respirer. Aegnor avait l'intention qu'il participe au tournoi mais en plus, il semblait avoir découvert la nature de la relation qu'il entretenait avec la Princesse Hélisha. L'étau se resserrait. Ingwé réfléchissait à une vitesse impressionnante. Une solution. Il devait absolument en trouver une.
Après tout, s'il l'affrontait, Ingwé pourrait lui éviter les coups que Calywen et des autres lui infligeraient. Il pourrait la ménager. C'était tout ce qu'il pouvait faire pour la protéger. Il devait l'épargner. Et ne surtout pas se trahir en face des autres soldats.
Aegnor le congédia d'un léger signe de la main comme si la situation n'était pas grave. Il lui adressa un sourire satisfait quand Ingwé sorti de la salle. La motivation du soldat était retombée plus bas que ses bottes en cuir. C'était cela, le pouvoir caché d'Aegnor : vous faire douter de vous-même.
*
Ingwé était en train de se masser les tempes en essayant de ne pas voir les regards condescendants de ses collègues. Les coudes appuyés sur les genoux, il ne pouvait s'empêcher de soupirer. Il refusait de croire ce qui allait se produire. Il avait beau retourner la situation dans tous les sens, il ne voyait aucun moyen d'avertir Hélisha qu'elle devrait l'affronter au combat. Elle allait croire qu'il s'était moqué d'elle pendant tout ce temps. Elle ne lui ferait plus jamais confiance. C'était un échec encore plus grand que celui qui l'attendait dans quelques minutes.
Il était assis sur un banc en pierre dans la salle d'entrainement des jeunes recrues. Cela faisait des années qu'il n'y avait pas mis les pieds. Elle était assez grande, tout en pierre et en métal. Elle avait été creusée dans la roche du volcan même, celui qui se trouvait juste à côté du palais. Il y régnait une chaleur lourde. Même Ingwé, ressentait son poids sur ses épaules, à moins que ce ne soit l'angoisse qui l'écrasait de tout son poids. Ou tous ces regards insupportables. Il en avait assez.
Il se leva brusquement si bien que tous les soldats se retournèrent. S'il devait participer, autant jouer la comédie pour arrêter les murmures et les messes basses des soldats trop curieux pour venir lui parler en face. Il détestait cela ; les rumeurs, les bavardages hypocrites. Si on avait un problème avec lui, il fallait venir le voir en face en parler. C'était comme ça qu'on réglait les problèmes, pas en faisant courir des bruits.
Il revêtit son masque arrogant encore une fois. Sûrement la dernière. Plus jamais, il ne jouerait la comédie pour satisfaire Aegnor. S'il le faisait aujourd'hui, c'était juste pour sauver Hélisha. Il rejeta toute sa colère dans son insolence. Comme lors de son entrainement de parfait soldat, comme lors de ses séances d'entrainement lorsqu'il était craint et respecté. Plus question qu'on se joue de lui.
« Apparement, il y aurait eu des implications dangereuses au cours de sa mission ».
« Il n'est plus digne de confiance, plus digne de quoique ce soit ».
Ingwé appuya son index si fort sur l'épaule du soldat qu'il se retourna en grimaçant.
- Il y a un problème ? Demanda-t-il en croisant ses bras tout en regardant le jeune soldat de haut.
Ce dernier ne perdit pas de son aplomb et le regarda dans les yeux.
- A ce qu'il paraît, tu n'es plus aussi efficace qu'avant, Ingwé. Tu perds tes moyens en face d'une prisonnière maintenant ?
Les autres rigolèrent de leurs rires gras et répugnants, mais Ingwé se mit à rigoler plus cyniquement. Il allait appuyer là ou ça faisait mal. Il ne fallait jamais rabaisser un soldat. Surtout pas lui.
- Voilà ce qui arrive aux petits nouveaux qui ne sont là que pour surveiller des portes en pierres. Ils finissent par entendre les bruits de couloirs et les répandre. As-tu vérifié ton accusation ?
Voilà qui devrait le calmer. Lui rappeler sa situation précaire dans l'armée, remettre en question son sérieux... Il faisait moins le malin, maintenant. C'était tellement réjouissant.
- Tout le monde le dit et le crois. Même ton Seigneur Aegnor.
- Si le Seigneur doutait de moi, il t'aurait certainement confié cette responsabilité. Pourtant, c'est à moi qu'il l'a donné. Mais, dis-moi, quel est ton poste ?
La jeune recrue déglutit en se reculer. Ingwé avait tellement envie de rire que sa bouche se figea en un rictus.
- Je surveille la Couveuse. Répondit-il avec le peu de dignité qui lui restait.
- C'est intéressant de voir la façon dont tu es perçu par notre Roi. Je me poserais des questions à ta place.
Il arrêta de sourire d'un seul coup. Un de ses camarades fit du zèle en volant à son secours. Ingwé fut surpris qu'aucun ne commence par lui donner un bon coup de poing. Les confrontations n'étaient plus ce qu'elles étaient. S'en était décevant.
- Tu sais très bien que ce sont les responsabilités des nouveaux soldats ! Répliqua son ami.
- Ah bon ? C'est étrange, je ne me souviens pas avoir eu ce genre de responsabilités. A la fin de ma formation, on m'avait assigné aux executions.
Les visages des deux soldats pâlirent à vu d'oeil. Ingwé s'en délecta. Il n'autoriserait plus personne à lui manquer de respect. C'était humiliant. La perception que les soldats avaient de lui pouvait entacher sa réputation. Et si sa réputation n'était plus aussi bonne, Aegnor pourrait lui retirer la responsabilité de garder Hélisha. Il entendit le rire de Calywen derrière moi. Son frère s'adressa aux recrues.
- Je vous conseille d'arrêter de le provoquer. Mon frère peut se montrer assez violent quand on l'énerve. Et vous n'avez certainement pas envie d'avoir une clavicule cassée.
Ingwé se tourna vers lui en souriant.
- Quelle joie de nous remémorer le bon vieux temps !
Ingwé avait envie de vomir à la situation passée qu'avait évoquée son frère. Une histoire bien sombre...
Calywen le prit par les épaules en lui adressant un regard complice.
- Allons attendre notre chère victime, frérot.
- Avec plaisir. Sourit Ingwé.
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Hello les lecteurs !
Désolée je n'ai pas posté depuis longtemps 🥺. J'ai été malade et j'étais trop fatiguée pour poster. Mais ça va beaucoup mieux maintenant 💪🏻
J'espère que vous allez bien !
On se retrouve très vite.
À bientot 😊
Holly
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